Dictionnaire des langues imaginaires de Paolo Albani et Berlinghiero Buonarroti (28/05/2012)

Crédits photographiques : Francisco Seco (Associated Press).
22510100267620M.gifÀ propos de Paolo Albani et Berlinghiero Buonarroti, Dictionnaire des langues imaginaires (Les Belles Lettres, 2010).
LRSP (livre reçu en service de presse).


Les apparences sont toujours trompeuses. Nous pourrions en effet croire que ce sont des auteurs de science-fiction qui, dans la création de langues imaginaires, ont fait preuve d’une vitalité débordante. Certes, Samuel Delany a conçu, dans son très beau Babel 17, un langage qui, comme le chakobsa de Frank Herbert dans Dune, est un outil capable d’exercer, sur la réalité, une influence directe et meurtrière. Certes encore, Jack Vance, dans Les langages de Pao, a exploré les influences complexes qui existent entre la pensée et le véhicule qu’elle utilise. Enfin, l’exemple célèbre de 1984 nous rappelle qu’une langue, réduite à sa plus stricte fonction utilitaire, peut devenir un redoutable instrument d’oppression, comme Victor Klemperer, absent notable de ce dictionnaire, l’analysa dans son remarquable essai, LTI, la langue du IIIe Reich.
Ces trois exemples ne représentent pourtant qu’une infime partie de l’immense Babel de mots réels ou inventés que les auteurs continuent d’édifier depuis des siècles. Le Dictionnaire des langues imaginaires, qui ne prétend point à l’exhaustivité, recense près de 1 100 langues créées de toutes pièces, qu’elles aient été utilisées par des aliénés, des savants ou même des animaux. Les inventeurs sont nombreux, d’Aristophane à Pierre Guyotat en passant par Cyrano de Bergerac, Lewis Carroll ou bien Tristan Tzara.
Si le javanais ou l’espéranto sont relativement connus, d’autres exemples frappent par leur originalité loufoque : nous apprenons ainsi que le lanopiküro est un projet de langue artificielle par images défini par un certain David en 1907, nous découvrons que le ponukeléien est le langage des habitants de l’empire africain du Ponukelé qu’évoque Raymond Roussel dans ses Impressions d’Afrique, et, enfin, qu’en Idiom Neutral, encore une fois un rêve de langue artificielle, le Notre Père se dit : «Nostr patr kel es in sieli ! ke votr nom es sanktifiked…».

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