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16/11/2021

Jésus – une étude d'histoire christologique, par Francis Moury

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Photographie (détail) de Juan Asensio.

IMG_1541.JPGNotes de lecture sur : Alain de Benoist, L'Homme qui n'avait pas de père. Le dossier Jésus (éditions Krisis, 2021, 970 pages). Acheter ce livre sur Amazon.

«On célébrait à Jérusalem la fête de la Dédicace; c'était l'hiver [et] Jésus se promenait dans le Temple sous le portique de Salomon. Les Juifs l'entourèrent donc et lui dirent : "Jusques à quand tiendrez-vous notre esprit en suspens ? Si vous êtes le Christ, dites-le nous franchement." Jésus leur répondit : "Je vous l'ai dit, et vous ne me croyez pas : [cependant] les œuvres que je fais au nom de mon Père me rendent témoignage. Mais vous ne croyez point, parce que vous n'êtes pas de mes brebis. Mes brebis entendent ma voix. Je les connais et elles me suivent. Et je leur donne la vie éternelle, et jamais elles ne périront et nul ne les ravira de ma main. Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tous, et nul ne peut les ravir de la main du Père. Mon Père et moi, nous sommes un"».
Évangile selon saint Jean X, 23-25 (traduction Augustin Crampon 1923, légèrement revue).


«Comme il enseignait dans le temple, "les princes des prêtres et les docteurs de la loi et les sénateurs du peuple s'assemblèrent et lui firent cette demande : en quelle puissance faites-vous ces choses ?" (Évangile selon saint Luc, XX, 1-2) [...] Et néanmoins Jésus ne leur donne sur ce sujet aucune instruction. "Je ne vous dirai pas non plus en quelle puissance j'agis." (ibid., XX, 8) Mais il se contente de les confondre devant le peuple, de mauvaise foi et d'hypocrisie, comme l'on va voir. [...] Ils avaient donc deux témoignages : celui de sa parole et, ce qui était encore plus fort, celui de ses miracles. S'ils consultaient après cela, un mauvais esprit les poussait. La vérité éternelle, qu'ils consultent mal, n'a rien à leur répondre et n'a plus qu'à les confondre devant tout le peuple. Ainsi nous arrivera-t-il, quand nous la consulterons contre notre propre conscience sur des choses déjà résolues : nous ne cherchons qu'à tromper le monde ou à nous tromper nous-mêmes.»
Jacques-Bénigne Bossuet, Méditations sur l'Évangile (écrites vers 1687, publiées posthume en 1731, éditions Desclée et Cie., Paris 1903, pages 213-215).


«Seuls les uniques, ceux qui par rapport à leur "temps" sont dans l'abri du retrait, sont capables un jour d'appeler le Dieu et de persévérer dans l'attente de ce qui vient le plus éminemment. Et c'est alors chaque fois le lointain et l'inaccessibilité qui dictent la manière dont naît pour le grand nombre une sorte de possession et de familiarité tangible, et le ton où le caractère de ces uniques s'accorde pour sauver une histoire-destinée déployant pleinement son essence.»
Martin Heidegger, Réflexions XII-XV/-Cahier noirs 1939-1941 (traduction Guillaume Badoual, éditions Gallimard, NRF-Bibliothèque de philosophie, 2021, p. 161).


Cette considérable mise au point des études historiques consacrées à la vie du Christ, depuis les récits des évangiles antiques aux recherches archéologiques et philologiques les plus récentes, est le fruit de dizaines d'années de travail. Elle s'ouvre par deux citations antiques (une d'Aristote et une de Tertullien) qui s'équilibrent bien; elle est dédiée à Louis Rougier, Jean-Marie Paupert et Simon Claude Mimouni.

Disons un mot de ces trois dédicataires.
Louis Rougier (1889-1982) avait débuté par la philosophie des sciences avant de devenir un historien des religions mais aussi un penseur de l'histoire et de la politique : son œuvre est assez variée. Son étude sur Celse ou le conflit de la civilisation antique et du christianisme primitif (éditions du Siècle, 1925) avait eu les honneurs d'une recension (bienveillante) par Joseph Bidez et d'une autre (plus sévère car signalant des emprunts effectués parfois sans guillemets au travail antérieur de Causse) par Eugène de Faye. Plus tard et parmi bien d'autres études publiées, Louis Rougier fut aussi l'auteur de La Religion astrale des Pythagoriciens (éditions PUF, collection Mythes et religions, dirigée par Paul-Louis Couchoud, 1959). Or, il faut savoir que Paul-Louis Couchoud fut l'un des représentants français de la «thèse mythiste» qui faisait de Jésus un mythe humanisé, «avatar d'un Dieu sauveur adoré bien des siècles avant Tibère» (page 85).
Jean-Marie Paupert (1927-2010) avait été dominicain au Saulchoir et fut un proche du père Marie-Dominique Chenu (1895-1990), l'historien bien connu de la théologie médiévale. Paupert renonce à la vie religieuse puis étudie à la Sorbonne avant de partager son temps entre la direction d'une collection religieuse chez l'éditeur Arthème Fayard et la publicité de la firme pétrolière Total. Il oscilla entre catholicisme réformateur et traditionaliste.
Simon Claude Mimouni (né en 1949), ancien élève de l'École biblique et archéologique française de Jérusalem, fut notamment professeur à l'École Pratique des Hautes Études, section des sciences religieuses où il enseigna de 1995 à 2017 les origines du christianisme et l'histoire des premières communautés chrétiennes, en particulier dans leur rapport au judaïsme depuis le second siècle avant notre ère jusqu'au second siècle après notre ère.
Alain de Benoist a, pour sa part, déjà publié plusieurs livres ayant trait aux questions religieuses : Avec ou sans Dieu (1970), Comment peut-on être païen ? (1981), Fêter Noël. Légendes et traditions (1982), Les traditions d'Europe (1982), L'Éclipse du sacré (1986), Jésus sous l'œil critique des historiens (2001), Jésus et ses frères (2006), La Puissance et la foi (2021). Son nouveau Dossier Jésus, divisé en six parties, comptant au total environ un millier de pages, est une somme d'une belle richesse historique autant que religieuse, mais aussi philosophique concernant certains chapitres. Les philosophes le liront donc aussi avec intérêt, eux qui n'ont — ainsi que le rappelait très bien Emilio Brito en 1980 — «jamais cessé d'interpréter le Christ» (1). Entendons : l'interpréter à partir de sa réalité religieuse comme de sa réalité historique. Toute la question étant, évidemment, de savoir ce que recouvre ce «comme» et de quelle nature peut bien être cette médiation entre histoire et religion.
Concernant le premier terme (l'histoire), il faut naturellement commencer par le commencement : la réalité historique de Jésus en son temps (éditions Arthème Fayard, 1945, revue et corrigée, 1947) — selon le beau titre donné par Daniel-Rops (Henri Petiot, 1901-1965) au second volume de son Histoire sainte — et la méthode applicable à cette réalité. C'est l'objet de la première partie (La Recherche, pages 11 à 122) du livre d'Alain de Benoist.
Alain de Benoist n'en doute pas et l'écrit : Jésus a certainement existé. La question, après deux mille ans et l'établissement consacré d'une religion mondiale, pourrait sembler oiseuse sinon spéculative mais ce serait une erreur de perspective car elle fut constamment brûlante depuis le dix-huitième siècle. Alain de Benoist résume très soigneusement son évolution : une «première quête» (qu'on peut commodément dater 1474 à 1901 ou 1774 à 1901 selon qu'on opte comme terminus a quo pour les recherches historiques de H. S. Reimarus publiées en Allemagne par Lessing à partir de 1774 ou bien pour la Vita Christi du chartreux Ludolphe de Saxe en 1474), une seconde période «sans quête» (qu'on peut dater 1906 à 1953 et qui est caractérisée par un certain découragement relativement à la possibilité d'une restitution historique de Jésus), une troisième période nommée «nouvelle quête» (qu'on peut dater 1953 à la fin des années 1970). Tout n'y est certes pas mentionné (car il y faudrait non seulement des volumes mais encore des bibliothèques entières) : je ne crois pas qu'y figure, par exemple, la savoureuse démonstration du logicien anglais Richard Whately, Historic Doubts about Napoleon Buonaparte (2), dans lequel Whately montrait, en 1819, que les mêmes arguments attaquant la vérité du christianisme pouvaient nous faire douter de l'existence de Napoléon, alors même que ce dernier était encore vivant. Ses étapes principales — les Vies du Christ (par exemple celle de G.W.F. Hegel, de David Strauss, d'Ernest Renan), leur influence et les critiques qu'elles occasionnèrent, initiant notamment en guise de contre-offensive la naissance de l'historiographie catholique moderne sous les auspices de Fulcran Vigouroux (3), puis Marie-Joseph Lagrange (4) le fondateur en 1890 de l'École biblique de Jérusalem — sont mentionnées, parfois étudiées plus en détails. J'y ajouterais volontiers, concernant la première moitié du vingtième siècle les noms de Jean Michel Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile Amann, Réginald Garrigou-Lagrange (5) en raison de leur contribution au collectif Dictionnaire de théologie catholique qui demeure un monument des études historiques et théologiques françaises. À ses côtés, il faut bien avouer que l'unique volume, pourtant si remarquable – en dépit du fait qu'il accordait trop peu de place à la philosophie médiévale : pour le reste, il demeure admirable — d'André Lalande (1867-1964) et des membres et correspondants de la Société Française de philosophie, j'ai nommé le vénérable Vocabulaire technique et critique de la philosophie (1902-1923 puis éditions revues et légèrement augmentées jusqu'en 1993 au moins) fait très pâle figure quantitative alors que sa matière est pourtant plus étendue chronologiquement puisque l'histoire de la philosophie occidentale depuis les Grecs à nos jours couvre 2500 ans environ.
L'histoire de la position du Vatican et les successives encycliques sur l'étude historique des évangiles sont utilement mentionnées et analysées. C'est l'encyclique Divino afflante spiritu (1943) du pape Pie XII «qui a permis aux exégètes catholiques de s'affranchir en partie des condamnations antimodernistes des papes du siècle précédent. Elle sera suivie, pendant le concile de Vatican II, d'une Instruction sur l'historicité des Évangiles publiée (le] 23 avril 1964 par la Commission biblique pontificale qui déclarait accepter la méthode de l'exégèse historico-critique et a abouti, notamment, à l'abandon de la notion (pourtant augustinienne et fondamentale] d'inerrance : littéralement parlant, tout ne serait donc pas nécessairement vrai dans la Bible. Mais cette libéralisation ne s'appliqua encore que très partiellement à l'étude des évangiles. L'abbé Jean Steinmann l'a appris à ses dépens lorsqu'il fut interdit de publication à cause de quelques lignes de sa Vie de Jésus, parue en 1962» (p. 53).
Citons, à ce sujet, le passage de la «constitution dogmatique» du pape Paul VI, intitulée Dei verbum (1965) qui ne fait d'ailleurs, je pense, que reprendre en partie ce qu'écrivaient déjà les Pères grecs et romains de l'Église : «Il n'est pas contraire à la vérité d'un récit que les évangélistes rapportent les actes et les paroles de Jésus de façons diverses et qu'ils expriment ses déclarations de manières variées. C'est d'une façon différente, en effet, que la vérité est proposée dans des textes diversement historiques ou prophétiques ou poétiques ou relevant d'autres genres d'expression» (p. 54).
Un chapitre est consacré aux critères retenus par les historiens pour valider l'authenticité de telle ou telle section des évangiles. Le «critère d'embarras» ou le «critère de discordance» s'applique, par exemple, à un fait ou une parole se révélant comme une source d'embarras historique ou théologique, notamment pour les premières communautés chrétiennes. Ces paroles ou ces faits auraient donc des chances d'être historiquement réels en raison même des contradictions soulevées dont une pure propagande aurait au contraire soigneusement fait l'économie : par exemple le baptême du Christ par saint Jean Baptiste rapporté par saint Marc et par saint Luc relève d'un tel critère car ce baptême était effectué par Jean en vue du pardon des péchés. Or Jésus, étant considéré par les Évangiles comme le Fils de Dieu, n'a évidemment pas besoin de se faire pardonner ses péchés; ce qui explique que saint Matthieu fasse dire à saint Jean Baptiste : «C'est moi qui ai besoin d'être baptisé par toi, et toi, tu viens à moi !» (cité p. 29). Le «critère de cohérence» est inverse car les historiens qui l'adoptent tiennent le raisonnement suivant : «[...] une parole ou un acte de Jésus a plus de chance d'être authentique s'il est cohérent avec l'ensemble du récit ou avec d'autres actes et paroles dont on a établi l'authenticité» (page 30). Plusieurs dizaines d'autres critères sont présentés, illustrés et, in fine, critiqués car leur luxuriance logique ne laisse pas de porter, finalement, presque à faux : ils se concurrencent et, à l'occasion, s'annulent réciproquement. C'est le cas des deux critères cités supra : le critère d'embarras est l'inverse du critère de cohérence. Qui choisit l'un, devrait logiquement renoncer à l'autre.
Lire cette étonnante liste de critères élaborés, pour l'essentiel, durant le dix-neuvième et le vingtième siècles, revient un peu, sur le plan philosophique, non pas tant à revivre intellectuellement les circonstances conceptuelles de la naissance du cercle de Vienne que celles, un peu plus anciennes, dans lesquelles Victor Brochard (1848-1907) avait soutenu – sous l'influence de la philosophie néocriticiste de Charles Renouvier (1815-1903) et sous celle de la philosophie trans-rationaliste probabiliste d'Antoine-Augustin Cournot (1801-1877) – sa thèse de doctorat De l'erreur (1879). On se souvient de la question que Brochard posait : «On peut se demander ce que l'erreur est en elle-même, comment elle est possible en des intelligences dont la fonction essentielle semble être de connaître la vérité, comment elle apparaît sous tant de formes diverses, tantôt partielle et comme dissimulée entre plusieurs vérités, tantôt générale et faussant, par la place qu'elle occupe, les vérités mêmes qui l'entourent; presque toujours si étroitement unie à la vérité qu'elle peut à peine en être détachée par la plus minutieuse attention, et mêlée de vérité plus souvent encore qu'elle n'est mêlée à la vérité.»
La position du problème contenait (selon la future formule de Henri Bergson dans la première partie de La Pensée et le mouvant, (éditions PUF, collection BPC, 1934-1938, dernière réédition revue du vivant de Bergson) une présupposition de sa solution : la vérité n'était qu'une hypothèse confirmée, l'erreur qu'une hypothèse réfutée. Mais surtout – et c'était au fond le plus important ! – Brochard concluait (6) : «Non seulement le scepticisme est désarmé mais, on l'a vu plus haut, il reste, au-delà de la vérité démontrée, un vaste champ pour la croyance; à côté de la certitude scientifique, il y a place pour une certitude d'une autre nature; la métaphysique et la religion sont légitimes comme la science, quoique à des titres différents. Les constructions métaphysiques ou religieuses, en tant qu'elles sont pensées par chacun de nous, procèdent de la même activité spontanée et créatrice de l'esprit, qui découvre aussi en les reconstruisant les vérités de la science. Si l'esprit peut découvrir la vérité dans un cas, pourquoi ne le pourrait-il pas dans l'autre ? De quel droit limiterait-on sa puissance ?»
Faudrait-il alors, pour échapper au point de vue étroitement critériologique, privilégier un Jésus purement mythique aux dépends du Jésus historique ? Ce serait trahir l'essence même du christianisme, celle de l'incarnation divine non pas en un in illo tempore mythique – temps qui est, par exemple, encore en partie le temps indoeuropéen du Zoroastre historique, fondateur du mazdéisme (7) – mais en une période et un lieu précis de l'histoire humaine. Alain de Benoist a raison de citer Henri-Irénée Marrou («À la différence d'autres religions qui offrent à leurs fidèles un credo de propositions intemporelles, le christianisme se présente comme une religion essentiellement historique [...] La foi chrétienne exige que les événements de la vie de Jésus aient été bien réels, soient des événements historiques situés dans l'espace et le temps.») (8) et non moins raison de citer Henri-Charles Puech («[...] le christianisme est une religion historique au double sens du terme [...] il naît à un moment précis de l'histoire, et sa fondation comme sa foi reposent sur une personne – celle de Jésus – dont, en dépit des efforts des mythologues [...] l'historicité ne fait point de doute, mais encore et surtout [...] il donne au temps une valeur concrète et attache à son développement [...] une valeur sotériologique») (9) à ce sujet : on ne saurait mieux poser le problème ni le résumer plus clairement. Peut-être, d'ailleurs, le lecteur — surtout le lecteur catholique, bien sûr, mais l'hypothèse concerne aussi les autres – reviendra-t-il sagement, après un détour par cette savoureuse section critériologique (relevant tout à la fois de la logique, de l'épistémologie et de la philosophie des sciences puisqu'elle pose la question de savoir comment valider logiquement l'authenticité d'un fait rapporté ou bien celle d'une proposition concernant un fait) à la méthodologie hellénistique de saint Augustin qui, déjà bien conscient des différences et des divergences entre les évangiles, avait cru possible seize siècles plus tôt d'en venir à bout par son ample et souvent lumineux De Consensu evangelistarum (10) ?
Cette première partie se poursuit par une étude critique de trois thèses jadis célèbres, aujourd'hui abandonnées : d'abord la thèse de Jésus Essénien (à la formule de Renan, écrite en 1894 et citée page 61 : «Le christianisme est un essénisme qui a largement réussi», s'opposent les sages remarques d'Adolf von Harnack, écrites en 1900 et citées page 66 : «Les Esséniens accordaient la plus extrême importance à la pureté légale et se tenaient strictement à l'écart, non seulement des impurs mais de ceux qui étaient moins stricts [...] Chez Jésus, nous trouvons l'exact contraire de cette manière de vivre : il va à la rencontre des pécheurs et mange avec eux. Cette différence fondamentale suffit à garantir qu'il était très éloigné des Esséniens»), ensuite la thèse de Jésus Zélote (certains passages des évangiles rapprochent Jésus de cette secte religieuse et nationaliste mais d'autres l'en écartent fondamentalement), enfin la thèse de Jésus Aryen (notamment introduite par le philosophe allemand Ernst Haeckel (ou Häckel, 1834-1919) et par Houston Stewart Chamberlain (1855-1927), avant d'être reprise et popularisée par l'exégèse nationale-socialiste hitlérienne). Elles ont eu leur importance et il est donc nécessaire de les connaître. Sans oublier quelques thèses marginales ou fantaisistes mais parfois suggestives : par exemple celle d'un Jésus qui aurait survécu à la crucifixion puis aurait voyagé voire même achevé sa vie en Asie, par exemple à Srinagar dans la vallée indienne du Cachemire ou bien encore, selon une légende parallèle, au village japonais de Heraï (ou Shingo-mura), âgé de 106 ans et marié à une Japonaise nommée Miyuko dont il aurait eu trois filles !
Cette première partie s'achève par une étude assez détaillée de l'école mythiste (à laquelle appartenait Paul-Louis Couchoud, le directeur de la si remarquable et aussi si mignonne (sur le plan esthétique, notamment dans ses dernières éditions, munies d'une jolie couverture illustrée) collection «Mythes et religions» des PUF dans laquelle publièrent notamment Marie Delcourt, Roger Caillois, A.-J. Festugière, Louis Séchan, Georges Dumézil, Victor Goldsmith, Louis Renou et d'autres encore). On demeure régulièrement confondu par les trésors d'habileté et de savoir déployés par les tenants de ces diverses thèses. J'ajoute une remarque sur Arthur Drews, Die Christusmythe / Le Mythe de Jésus (1909, traduction aux éditions Payot, 1926) : selon Émile Bréhier, Drews aurait été un disciple du métaphysicien Eduard von Hartmann (1842-1906 qu'il ne faut évidemment pas confondre avec Nicolaï Hartmann 1882-1950, un autre philosophe contemporain de Martin Heidegger) qui était hostile à l'idée d'un Dieu personnel.
La seconde partie est consacrée à «La Documentation» (pages 123 à 328). Sous ce titre assez neutre, entendez qu'on passe de la méthodologie au vif du sujet puisqu'il s'agit de l'étude des témoignages archéologiques (sources de bien des déceptions et de bien des méprises, à commencer par celle du supposé «tombeau de Jésus» découvert en 1980 à Talpiot et sur lequel le cinéaste James Cameron réalisa un documentaire mais dont l'identification fut finalement majoritairement rejetée par une conférence de chercheurs en 2013) et des sources écrites (romaines à commencer par Pline le jeune, Suétone et Tacite , puis les sources juives, à commencer par Flavius Josèphe et le Testimonium Flavium), ensuite de la vie de saint Paul et de ses écrits, plus généralement, en tenant compte des interpolations et des apocryphes, des écrits dits «pauliniens» (très riche discussion philologique et historique, utile remarque sur Marcion pages 154-155), des évangiles (leur date, leur langue, leur formation, leurs manuscrits, leur classement chronologique). Alain de Benoist étudie ensuite précisément le «document Q», les trois évangiles synoptique (Évangiles selon saint Marc, saint Matthieu, saint Luc), les Actes des Apôtre, l'Évangile selon saint Jean, l'Apocalypse selon saint Jean. Suit une étude des évangiles apocryphes (le «protévangile» de Jacques et les évangiles de l'enfance, les évangiles de Thomas, de Pierre, de Philippe et de Judas). Leur connaissance a été augmentée au vingtième siècle par plusieurs découvertes, certaines célèbres, d'autres beaucoup moins. Par exemple, l'Évangile de Judas (treize pages écrites sur papyrus en langue copte, datant probablement du second ou du troisième siècle) fut découvert en 1970 à El Minya (Égypte) mais ne fut étudié par les chercheurs qu'en 1983 et ne fut publié par la National Geographic Society qu'en 2006. Alain de Benoist résume ainsi sa portée, du point de vue de l'histoire des religions : «Il met en scène diverses discussions entre Jésus et ses disciples, où Judas exprime le point de vue gnostique [...]. Ayant planifié sa mort, Jésus y demande à Judas de le «trahir» afin que sa mission rédemptrice puisse s'accomplir. Judas devient ainsi l'instrument privilégié du sacrifice volontaire de Jésus, l'outil d'une sorte de suicide divin» (p. 287).
La troisième partie (Jésus, pp. 331 à 580) étudie l'état civil de Jésus, sa famille, sa généalogie, sa prédication et sa situation au sein du judaïsme antique, sa passion et sa mort. C'est le cœur de l'ouvrage. Sa richesse et sa précision sont remarquables. On aura une idée de l'ampleur des problèmes historiques posés par la simple phrase qui ouvre le chapitre consacré à la passion et à la mort du Christ : «Les évangiles ne nous disent pas exactement quand Jésus est mort ni quel âge il avait à ce moment-là. On en est donc réduit à opérer des recoupements à partir des indications dont on dispose par ailleurs.» (page 501). Simple exemple des questions soulevées : l'Évangile selon saint Jean précise que la mort de Jésus se situe avant Pâques alors que les trois évangiles synoptiques «assurent qu'il n'est mort qu'après l'avoir célébré» (p. 502). Les différentes thèses expliquant cette divergence sont ensuite soigneusement étudiées. Les problèmes les plus complexes de datation, les comparaisons philologiques les plus arides, sont méticuleusement examinés, éclaircis, jugés et comparés : leurs solutions sont proposées, discutées, comparées. Le lecteur dispose de tous les éléments permettant de juger objectivement l'état de la question historique.
La quatrième partie (L'Homme sans père, pp. 581 à 768) étudie la conception virginale et la naissance miraculeuse de Jésus, notamment en comparant les prologues des divers évangiles, puis en examinant les textes relatifs à la Présentation de Jésus au temple de Jérusalem, au recensement, et, bien sûr, ceux concernant la Vierge Marie. Signalons l'intéressante tradition parallèle selon laquelle Jésus serait né dans une caverne ou une grotte (Protévangile de Jacques 18, 1, Histoire de Joseph 7, Pseudo-Matthieu 13-14, Évangile arabe de l'enfance, 2, 5 et 6) reprise par Justin Martyr dans son Dialogue avec Tryphon (78, 5-6), par Origène dans son Contre Celse (I, 50-51) et à laquelle saint Jérôme lui-même fait une plaisante allusion dans sa Lettre 58, ad Paulinum. Alain de Benoist la commente ainsi : «Cette grotte est peut-être une réminiscence juive de la maison "remplie de lumière" dans laquelle la tradition fait naître Moïse, mais il est plus probable qu'il faille y voir une influence des cultes païens, car de nombreuses divinités grecques, romaines ou égyptiennes (Dionysos, Hermès, Horus, Zeus, Cybèle, Déméter, Apollon, Héraklès, Poséidon, etc.) étaient réputés pour avoir vu le jour dans une grotte ou pour le culte qu'on leur y rendait régulièrement. C'est aussi dans une grotte que les fidèles de Mithra étaient initiés à ses mystères» (pp. 681-2).
La cinquième partie (Le "Mamzer", pp. 769-862) étudie la tradition talmudique relative à une naissance illégitime (alléguée par les Hébreux) de Jésus – tradition connue de Celse qui, en raison de son anti-christianisme, la reprend sans hésiter (cf. page 806 et suivantes) – puis elle se penche attentivement sur les femmes des généalogies et sur la qualification de «fils de Marie».
La sixième partie (Après Jésus, pp. 863-949) est consacrée à la première communauté chrétienne de Jérusalem et à saint Jacques (le frère de Jésus) puis à saint Pierre, aux Docètes et aux Gnostiques, y compris à Marcion (pp. 905 et suivantes), aux Nazôréens, aux Ébionites, aux Elkasaïtes, au rapport entre judaïsme et christianisme. Le chapitre sur les Gnostiques et Marcion est dense et passionnera ceux qui, comme nous, s'intéressent à l'histoire des religions et à l'histoire de la philosophie antique, période hellénistique et romaine. Celui sur Marcion intéressera forcément le lecteur de Carl Schmitt qui lui doit beaucoup. On sait que saint Paul a combattu la loi mosaïque avant Marcion, avec un argument pré-marcionien : la Loi nouvelle du Christ doit remplacer les commandements édictés par Moïse; le Nouveau Testament doit remplacer l'Ancien. On sait aussi que Marcion admirait saint Paul et écrivit l'Apostolikon pour populariser les épîtres pauliennes. Il y a donc des traces avérées de gnosticisme dans l'Église primitive. C'était, du reste, la thèse déjà défendue par Eugène de Faye en 1925 (11). Un point d'histoire du marcionisme demeure discuté : Serge Hutin tenait pour un fait avéré que Marcion avait été excommunié par son père, évêque de Sinope (12). Alain de Benoist considère cela douteux et probablement légendaire. Il semble, en effet, assez invraisemblable qu'un excommunié (théologiquement hérétique puisque l'évêque est le représentant du Christ et le successeur des Apôtres) ait pu occuper des fonctions importantes dans l'église primitive romaine vers 140 de notre ère.
Le second chapitre de la sixième partie (Excursus; des Judéo-Chrétiens à l'Islam, page 939 et suivantes) éclaire, concernant le Coran, «la place qu'y occupent Jésus et sa mère Marie», place «beaucoup plus importante qu'on ne le croit généralement» puisque «Jésus y est cité trente-cinq fois, vingt-sept fois sous son nom et huit fois comme "le Messie", dans un total de quinze sourates et quatre-vingt-treize versets, alors que Mahomet ne l'est que quatre fois. Marie est quant à elle citée trente-quatre fois, dont dix-sept fois en lien organique avec Jésus, alors qu'elle n'est citée que dix-neuf fois dans tout l'Ancien Testament. La sourate 19 ("Maryam"), qui date de l'époque de La Mecque lui est entièrement consacrée; c'est dans tout le Coran la seule sourate portant en titre le nom d'une femme» (p. 939).
Il signale en outre plusieurs sourates (sourate 3, 35-36, sourate 3, 42-47, sourate 4, 155-157, sourate 4, 171, sourate 5, 73-75, sourate 5, 82-83, sourate 19, 27-32, par exemple) prenant clairement position sur certains aspects fondamentaux du christianisme et du judaïsme. Il mentionne aussi la thèse, en son temps célèbre, d'Adolf von Harnack sur la genèse de l'Islam du point de vue de l'histoire des religions, thèse reprise par le dominicain Gabriel Théry mais qui «n'est plus aujourd'hui retenue par personne» (page 945). En conclusion, comme l'écrit si clairement Alain de Benoist, «il n'est évidemment pas question de réduire la question complexe des origines de l'Islam à un apport judéo-chrétien, mais il paraît difficile de l'ignorer.» (page 948). Il n'était, de même, pas possible de comprendre l'origine du christianisme sans une connaissance du contexte hellénique et judaïque. Souvenons-nous cependant aussi que c'est parce que saint Paul a lutté à la fois contre le Judaïsme et les Judéo-chrétiens d'une part, contre la sagesse hellénistique d'autre part, qu'il a permis la naissance de l'Église (13) : dans l'histoire des religions, c'est par la rupture qu'elle institue plutôt que par les influences qu'elle subit, qu'une nouvelle religion se définit d'abord.
Sur le plan matériel, le livre est muni d'une table des matières, assez affinée, dense et précise.
Quelques coquilles relevées mais peu sur l'ensemble (par exemple, à la page 5, ligne 10 : «...différentes représentations ou images de Jésus que proposent aujourd'hui l'exégèse...», à la même page 5, «...le centre de la littérature scientifique ... s'est déplacée...»). La seule véritablement gênante (car elle n'est pas immédiatement rectifiable mentalement) est une lacune – la seule observée dans les notes des six parties – au bas des notes de la première partie : il manque, page 122, les notes 336, 337 et 338 auxquelles correspondent les appels de notes page 95. Il est heureusement assez aisé de rétablir, à la faveur du contexte, sinon la page, du moins les auteurs et les titres des livres auxquels ils renvoyaient. La note 336 citait probablement Édouard Dujardin, Le Dieu Jésus (éditions A. Messein, 1927); la note 337 citait non moins probablement Michel Quesnel, Méthodes et résultats d'une enquête historique in collectif Jésus-Christ, de quoi est-on sûr ? (éditions de l'Atelier, 2006); enfin la note 338 renvoyait certainement à Louis Rougier, La Genèse des dogmes chrétiens (éditions Albin Michel, 1972).
Faute d'un index des noms cités, j'ai eu un peu de mal à retrouver, au moment d'écrire cette recension, l'endroit précis (page 87) où Alain de Benoist citait la thèse du psychanalyste freudien Otto Rank (1884-1939) qu'on trouve dans son livre Le Mythe de la naissance du héros (publié initialement en 1909, suivi de La Légende de Lohengrin) : comme sa date l'indique, il appartient évidemment au vingtième siècle plutôt qu'au dix-neuvième auquel il est curieusement rattaché en compagnie de Lord Raglan (Fitzroy Richard Somerset, quatrième baron Raglan, 1885-1964) dont l'œuvre anthropologique appartient également au vingtième siècle. Au moment de taper XX en chiffres romains, Alain de Benoist a interposé un I fatidique entre les deux X par précipitation !
Peu de choses gênantes, en somme, sur un millier de pages par ailleurs d'une impeccable précision.
Le lecteur catholique apprendra certainement nombre de choses qu'il ignorait : seuls les étudiants de l'Institut catholique de Paris ou ceux de l'École pratique des hautes-études, section des sciences religieuses, se retrouveront en terrain connu, en raison de la rigueur générale, tant philologique qu’historique, de cette étude. Les lecteurs cultivés, mais moins férus d'histoire des religions que ceux-là, découvriront une cathédrale d'arguments et de discussions serrées, pointues, concernant tous les aspects du Nouveau Testament, émis de l'antiquité à nos jours car, en général, le livre est au courant – ce n'est pas son moindre mérite – du dernier état des questions qu'il traite.
Les citations de la Bible proviennent (sauf rares exceptions) de la traduction à haute valeur historique et philologique de La Bible de Jérusalem (éditions Desclée de Brouwer, 1975 puis éditions du Cerf, 1983). On peut évidemment, encore aujourd'hui, lui préférer à mon avis, sur le plan littéraire (qui ne sacrifie en général rien à la rigueur scientifique la plus haute relativement à l'époque de leur publication) les traductions de Fulcran Vigouroux (1890-1902), de Louis Segond (1910), d'Augustin Crampon (1923) mais il est certain que la traduction de La Bible de Jérusalem de 1975-1983 bénéficie pour sa part des derniers progrès de la science, encore objectivement garantis par le fait qu'il s'agisse d'une œuvre collective.
Il n'y pas d'index des noms propres ni des matières ni des titres cités, ce qui me semble dommage car ils eussent tous trois grandement facilité les recherches ponctuelles.
Les notes des six parties du Dossier Jésus totalisent 335 + 488 + 556 + 413 + 232 + 208 = 2 192 notes. La plupart (y compris celles fournissant un éclairage complémentaire ou des précisions annexes) contiennent une ou des références bibliographiques internationales. Certaines en contiennent parfois une ou deux dizaines. Ainsi, même en éliminant les citations d'un même titre (occurrences d'ailleurs assez peu nombreuses rapportées à l'ensemble), on constate que Le Dossier Jésus comporte plusieurs milliers de références bibliographiques de l'antiquité à nos jours. Peut-être aurait-on pu les rassembler dans une grande bibliographie finale, méthodiquement divisée et numérotée ou bien reprenant, plus simplement, la division et l'ordre de la table des matières ? Elle aussi eût été bien utile ! Je me souviens naturellement, en écrivant ces dernières lignes, des précieux travaux bibliographiques consacrés par Alain de Benoist à Ernst Jünger (1997), Charles Maurras (2002), Carl Schmitt (2003 et 2010), Jean Mabire (2010), Louis-Ferdinand Céline (2015). Le Dossier Jésus contient, en tout cas, assurément la matière qui lui permettrait de nous donner un jour une bibliographie internationale du Christ (ancienne, moderne et contemporaine) qui pourrait non moins faire date.

Notes
(1) Emilio Brito, La mort du Christ dans les Leçons sur la philosophie de la religion de Hegel (in Revue philosophique de Louvain n°38, 1980, pages 225-244) et Xavier Tilliette, Tâches et limites d'une christologie philosophique (in Recherches de sciences religieuses n°65, 1977, pp. 85-106). Ce dernier avait d'ailleurs écrit que la christologie hégélienne était «le type même d'une christologie philosophique» : dont acte. Alain de Benoist mentionne l'œuvre de jeunesse de Hegel sur la Vie de Jésus (1795-1796) en précisant qu'il renonça à la publier de son vivant mais il néglige de signaler que c'est une œuvre qui n'est pas encore stricto sensu hégélienne dans la mesure où elle n'étudie pas la totalité de la vie du Christ. Ce n'est que vingt-cinq ans plus tard, dans ses leçons et notamment son cours intégralement édité et restitué de 1820-1821 sur la philosophie de la religion, que la vie, la mort et la résurrection du Christ s'avèrent véritablement et systématiquement interprétées, à la lumière du système constitué (cette fois-ci parvenu au stade intégral car total) de l'hégélianisme.
(2) Whately est connu, en histoire de la philosophie des sciences, pour avoir été un des premiers penseurs modernes à clairement distinguer la logique de l'épistémologie. Whately appartient à la même époque anglaise de l'histoire de la logique que William Whewell et John Stuart Mill. Ils repensent les problèmes de la logique antique aristotélicienne à la lumière de l'état de l'histoire des sciences de 1800-1850.
(3) Fulcran Vigouroux (1837-1915) enseigne à l'Institut catholique de Paris de 1890 à 1903 puis devient un des secrétaires romains de la Commission pontificale pour les études bibliques, instituée en 1902 par le pape Léon XIII. De Vigouroux, on se souvient de sa grande traduction annotée (avec Glaire) de la Bible en 1890-1902 mais on peut encore lire également La Bible et la critique (éditions Berche et Tralin, 1883), La Cosmogonie mosaïque d'après les Pères de l'Église suivie d'études diverses relatives à l'Ancien et au Nouveau Testament (seconde édition revue et augmentée Berche et Tralin, 1889), sans oublier le Dictionnaire de la Bible (collectif sous la direction de Vigouroux, éditions Letouzey et Ané, dont l'édition originale se déploie sur une vingtaine d'années, de 1891 jusqu'au fascicule XXXIX et dernier, paru en 1912).
(4) De Marie-Joseph Lagrange (1855-1938), citons par exemple, parmi d'autres livres du même auteur, Le Sens du christianisme d'après l'exégèse allemande (éditions Gabalda, 1918) + L'Évangile de Jésus-Christ (éditions Lecoffre, Gabalda et Cie, 1928), Le Judaïsme avant Jésus-Christ (éditions Gabalda, 1931) sans oublier ses articles parus dans la Revue biblique qu'il fonda en 1892. L'année suivante, M.T. Coconnier, Ambroise Gardeil et Pierre Mandonnet fondent la Revue thomiste (1893) dont Antonin-Gilbert Sertillange (1863-1948), dominicain ami de Lagrange, est secrétaire. Une dizaine d'années plus tard, l'oratorien Lucien Laberthonnière fonde les Annales de philosophie chrétienne (1905-1913). Une vingtaine d'années plus tard, Étienne Gilson (1884-1978) et Gabriel Théry fondent les Archives d'histoire littéraire et doctrinale du moyen âge (depuis 1926).
(5) Jean Michel Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile Amann, Réginald Garrigou-Lagrange et collaborateurs, Dictionnnaire de théologie catholique (éditions Letouzet et Ané, 1899-1950). L'entrée consacrée en 1902 par Eugène Portalié à saint Augustin (tome 1, colonne 2268 à 2472) était considérée par Étienne Gilson, avec raison, comme une des meilleures études historiques, philosophiques et théologiques jamais publiées en France.
(6) Victor Brochard, De l'erreur (éditions Berger-Levrault et Germain Baillière et Cie, 1879, §I et conclusion). Lire aussi Victor Brochard, Les Sceptiques grecs, couronné par le prix Victor Cousin décerné par l'Académie des sciences morales et politiques en 1884 (édition 1884, revue et augmentée en 1887, puis rééditions à la Librairie philosophique J. Vrin) qui est sa première grande étude d'histoire de la philosophie et qui applique les principes de sa thèse de doctorat au cas des sceptiques antiques. Ce second ouvrage fut lu avec attention par Friedrich Nietzsche.
(7) Cf. Jean Varenne, Zoroastre et la tradition mazdéenne (éditions du Seuil, collection Microcosmes, section Maîtres spirituels, 1962 revue et augmentée 1977) permet de bien mesurer certains des aspects indo-européens (au sens strict que prenait cette dénomination dans les recherches de Georges Dumézil, évidemment cité en référence dans sa bibliographie) communs au christianisme et au mazdéisme.
(8) Henri-Irénée Marrou, Qu'est-ce que l'histoire ?, introduction à l'ouvrage collectif dirigé par Charles Samaran, L'Histoire et ses méthodes (éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1961, pp. 17-18), extrait cité par Alain de Benoist, op. cit., page 57.
(9) Henri-Charles Puech, En quête de la gnose (éditions Gallimard, NRF, 1978, tome 1, pp. 1 et 5), extrait cité par Alain de Benoist, op. cit., page 57.
(10) Saint Augustin, Accord des évangélistes / De l'accord des Évangiles (De consensu evangelistarum, I-IV, écrit vers 400 après Jésus-Christ, traduction par Tassin et Burlereau, éditions L. Guérins et Cie, Bar-le-Duc 1867) commodément lisible ici en dépit de quelques coquilles aisément repérables (dont une sévère en I, II, alinéa 4, ligne 5) : https://www.bibliotheque-monastique.ch/bibliotheque/bibliotheque/saints/augustin/comecr2/accord.htm
(11) Eugène de Faye, Gnostiques et gnosticisme (éditions Geuthner, 1925).
(12) Serge Hutin, Les Gnostiques (éditions PUF, 1959).
(13) Claude Tresmontant, Saint Paul et le mystère du Christ (éditions du Seuil, collection Microcosme, section Maîtres spirituels, 1956), page 106. Excellente introduction historique au christianisme, du point de vue catholique augmenté d'une solide érudition philosophique et philologique.

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