Je dois confesser que je demeure sans voix devant les pratiques d’un polygraphe dont je ne veux plus entendre parler, à force de l’avoir trop lu, de l’avoir lu jusqu’au spasme : Luc-Olivier d’Algange pour le nommer, lui qui ne déteste rien tant qu’une lumière trop vive pouvant gêner ses petites manœuvres nombrilicoles. J’ai en effet constaté à deux reprises que celui-ci n’avait pas indiqué aux responsables de la revue
Égards que les articles qu’ils faisaient paraître (sur Dávila par exemple) sous sa plume, n’étaient absolument pas inédits puisque… je les avais déjà publiés dans la
Zone. Contacté, le patron de la revue m’a affirmé que l’aigrefin (le mot n’est pas de lui), comme je m’en doutais, ne lui avait rien dit. Sans doute affirmera-t-il une nouvelle fois qu’il n’est au courant de rien lorsqu’il sera prié de s’expliquer puisqu’il est coutumier du fait, comme j’ai pu le vérifier.
Que l’on me comprenne bien. Je n’ai pas la moindre fierté déplacée, à la différence de tant d’autres nains paradant sur la Toile, à proclamer que tel ou tel article publié sur ce blog est inédit. S’il l’est, tant mieux et, s’il ne l’est pas, c’est toujours un plaisir que de donner une seconde chance à des textes qui dans bien des cas sont difficiles d’accès, alors que j’indique systématiquement leur provenance. Je demande simplement, comme la politesse la plus élémentaire l’exige à mes yeux, y compris et surtout face à la facilité de circulation incroyable induite par le Réseau, que l’on indique le lieu de première publication d’un article. Rien de plus, rien de moins. Je l’ai fait moi-même tout récemment, par exemple avec un texte sur
La Légende du Grand Inquisiteur qui a paru d’abord dans
Contrelittérature puis, écourté de ses notes et quelque peu allégé, dans la revue de Joseph Vebret. D’Algange apparemment se moque de cette politesse lui qui pourtant, à longueur de textes interminables et creux, se présente comme le dernier héraut du Verbe, le preux chevalier ultime maniant avec panache le glaive d’une
fine amor désintéressée. Lisez, d’ailleurs, les textes de cet auteur : qu’il évoque Boutang, Maistre, Jünger, Guénon ou Hermès Trismégiste le trois fois sacré, le Logos, l’Esprit, la Voix ou la Sophia (que de majuscules !), Luc-Olivier ne parle que d’un seul et unique sujet : lui ou plutôt lui-même, drapé sous les atours d’une prose qui, une fois sa couture prise en défaut (cela peut certes prendre quelque temps à un lecteur non prévenu, l’écrivain maîtrisant bien son petit talent vestimentaire…), devient à tout jamais insupportable, comme si l’on s’avisait qu’en somme, le Roi est nu (et bien maigre) sous ses capiteuses soieries. Luc-Olivier d’Algange ou le
soi-mêmisme qu’évoque Renaud Camus déguisé sous les ors d’un ésotérisme de deuxième voire troisième main, à des années-lumière des travaux d’un Jean-Pierre Laurant pour ne citer qu’un seul auteur, celui-là réputé pour la qualité de ses recherches.
Un dernier mot, où j’accuse ma propre lâcheté, une forme de complaisance pour le moins étonnante à l’égard, certes, d’un auteur que je tentais, comme je le pouvais, de faire connaître hors de sphères qui ne sont pas toutes, loin s’en faut, recommandables. Je lis Luc-Olivier d’Algange, du reste sans jamais l’avoir rencontré, depuis des années, en fait depuis l’époque où il écriv…, pardon, où il recyclait pour
Dialectique quelque de ses innombrables articles. Je m’étais ouvert de certaines critiques à l’égard de ses amphigouriques proses auprès de Gaël Fons, alors patron de ladite revue. Je dois dire que j’éprouvais de plus en plus de difficultés à lire ses textes sans début ni fin, dont la fin ne nous a rien appris que nous ne sachions dès le début et qui, la première note jouée (toujours la même) de la petite musique soporifique, se souciaient des lecteurs comme d’une guigne, contrairement à ce que pouvait laisser croire, dans leur propre esprit un instant envoûté, un sentiment bizarre et indéfini, mélange de facilité et de fascination à l’endroit de doctrines cachées révélées par une prose étiagée, que dis-je, susurrées par une mélopée simpliste calée une bonne fois pour toutes sur la louange de l’Ancien et la diatribe contre le Moderne. Le compteur, s’il ne descendait jamais en dessous de 50, était toutefois bien incapable de tenter une embardée de bolide et, plutôt que de tenter l’œuvre au noir des alchimistes, d’Algange se contentait d’un laborieux rafraîchissement (comme on
rafraîchit un appartement) au stuc gris. D’Algange ou le moteur bridé d’une prose qui, telle une berline luxueuse, fait tranquillement défiler le paysage convenu que traverse une autoroute de trois fois six voies alors que, comme un Pétrarque le sut génialement, la découverte est promise à ceux-là mêmes qui délaissent les artères touristiques pour explorer les chemins de traverse, en fait, à ceux qui se perdent... D’Algange ne se perd jamais puisqu’il tourne en rond et que, comme l’Ouroubouros, il n’est jamais aussi heureux que lorsqu’il a ceint un auteur de sa prose, aussi étouffante qu’un boa constricteur.
Retrouvant donc systématiquement son nom dès que des auteurs essentiels étaient étudiés (qu’il s’agisse de Jünger, de Maistre ou de Boutang je l’ai dit), j’ai pourtant décidé de publier cet intarissable gardien du Verbe dans la Zone, puisque je jugeai que, perdues au milieu de centaines de milliers de mots ronflants exécutant la sarabande pour le moins répétitive du poisson rouge dans son minuscule bocal (cette image est d’un ami peu dalgangien), certaines vérités évoquées par Luc-Olivier pouvaient encore rayonner, quoique faiblement, diluées qu’elles étaient dans des milliers de litres d’eau douce. Ainsi ai-je décidé de ne pas supprimer de la Zone les textes de d’Algange sur Dávila et Jünger, pensant qu’ils pouvaient en intéresser plus d’un, ce qui m’a été confirmé. Pourtant, l’aigrefin ne m’y reprendra plus et je veux bien qu’on me voue aux gémonies si, dorénavant, je ne suis pas implacable à l’égard d’un texte, dût-il venir d’une plume
amie. Je veux bien que se constitue une communauté avouable de bonnes volontés mais jamais je n’enterrerai mon avis sur tel ou tel travail sous le prétexte qu’il provient, comme le disent pudiquement les trouillards, de «notre propre bord», bord sur lequel au demeurant je n’ai jamais livré la moindre confidence.