Frank Herbert et L'Incident Jésus (08/03/2004)

Illustration de Tim White pour The Jesus Incident.

Incident Jésus.jpgJe me remets, doucement, sans ordre clairement défini, à la relecture de certains romans de science-fiction. Ainsi de Destination vide de Frank Herbert (dont la traduction correcte du titre devrait être, Destination : Vide), auteur (presque) toujours intéressant et diablement intelligent. Le personnage nommé Flatterie y apparaît comme une sorte de Deus ex machina que Nef emploiera comme démon personnel dans L’Incident Jésus. Pourtant, Destination vide n’a d’intérêt que par sa thématique, reprise d’ailleurs partiellement par Arthur C. Clarke dans 2001, l’Odyssée de l’espace: pour survivre dans l’espace, un équipage de clones doit faire parvenir l’intelligence artificielle qui contrôle son vaisseau au stade de la conscience. Comme toujours avec Herbert, l’homme doit se surpasser dans un environnement qui lui est profondément hostile, c’est là une des trames du cycle de Dune et même de Dosadi. Je viens aussi de terminer ma relecture de L’Incident Jésus, deuxième tome du Programme conscience qui a donc commencé par Destination vide.
Avec les romans d’Herbert, je ne puis guère me séparer d’une impression d’inachèvement comme c'est d’ailleurs le cas avec nombre d’écrivains de science-fiction tels que Silverberg, Simak, Ballard et surtout Dick, capable du meilleur comme du pire. Car enfin, quel sens donner à ce livre, mélange, pour l’intrigue, de Solaris (avec la créature omnisciente qu’est l’Avata, voir mon article) et de préoccupations métaphysiques (avec la très belle description du Golgotha, cœur secret du roman) ?
Je ne vois à vrai dire pas plus de lien entre l’exigence imposée aux clones par Nef de La vénefrer et l’épisode du Christ en croix : est-ce dire que toute religion véritable, pour se révéler, doit passer par le creuset du Mal absolu ? Est-ce cela, finalement si peu que cela ? Ou encore, l’humanité doit-elle apprendre à s’aimer avant d’aimer son Dieu ?
Le décor de L’Incident est cependant remarquable avec la réussite imaginative qu’est la planète Pandore (je me souviens de l’illustration de Tim White pour l’édition anglo-saxonne du livre), ses démons ainsi que ses expériences monstrueuses réalisées par des clones sur d’autres clones, même si les noces alchimiques entre le poète Panille et Waela, aux milieu des tentacules de l'Avata sont d’un ridicule consommé.
En tout cas, je n’ai plus le courage de relire le troisième tome du cycle, L’Effet Lazare qui ne m’avait d’ailleurs pas particulièrement marqué.
Alors ? Relire Dosadi, second volet de L’Étoile et le fouet ? Non : plutôt Dune et ses suites, jusqu’au dernier mystérieux tome, où Herbert, énigmatiquement, retrouve la vieille idée de l’apocalyptique juive selon laquelle doit demeurer, envers et contre tout, un Reste qui seul empêchera le monde de se dissoudre. Pourquoi la réapparition de ce motif dans le tapis alors que le cycle de Dune s’achevait, lui qui avait beaucoup emprunté à la Bible ?
Trouvé, absolument par hasard je le jure, dans le Bartleby et compagnie de Vila-Matas, cette phrase, à mettre en exergue d’un article sur Conrad et T. S. Eliot que je suis en train de rédiger : «Abruti par tous ces soleils noirs de la littérature, j’ai essayé il y a quelques instants de retrouver un peu mon équilibre entre le oui et le non, de remettre la main sur une raison d’écrire».
Une raison d’écrire…
Voilà, tout est dit…

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