London bombing (08/07/2005)
Crédits photographiques : Xinhua, Sun Can (AP Photo)
Now war is declared – and battle come down
London calling to the underworld [...]».
The Clash, London calling.
Je crains bien, désormais, ne faire rien d'autre que répéter une pesante banalité : nous perdrons cette guerre, celle des descendants timorés des croisés contre leurs antiques ennemis. Nous l'avons pour tout dire déjà perdue, pour la simple et bonne raison que nous sommes parfaitement à l'aise dans un nihilisme qui définit nos si modernes sociétés occidentales depuis plus d'un siècle à présent alors que nos ennemis, ceux que l'on décrit comme des barbares, des fous de Dieu, des sauvages ou, pour parler comme les journalistes, des islamistes radicaux (tiens, que peut donc bien vouloir signifier un islamiste modéré ? Qu'il ne vous tranchera, l'heure venue, qu'une moitié de la gorge ? Qu'il ne vous estropiera que modérément à la suite d'un demi-attentat-suicide ?), alors que nos ennemis donc, eux, ces chiens de l'enfer détestés de tous sauf de Nabe et sans doute de quelques joyeux artistes du réel, rejettent, haïssent ce nihilisme tiède dans lequel nous nous embaumons, bandelette après bandelette, paisiblement.
Ils sont vivants et nous sommes morts, je mesure bien toute l'horreur de ce que je viens d'écrire. Oui, ils sont vivants et nous sommes morts car, aussi fanatisés qu'on les voudra, aussi incultes, intolérants, anti-féministes, homophobes déclarés, horriblement non-républicains et surtout, cela est parfaitement impardonnable, résolument ennemis de l'esprit tellement vertueux, internationaliste et humaniste du Baron de Coubertin, ils défendent encore une conception illuminée de la vie à coups de morts et de suicides et nous ne défendons rien si ce n'est, avec quelle maigre réussite, une joviale et bigarrée société multi-ethnique, l'appui de la candidature parisienne à Singapour, la si noble et nécessaire PAC et, ne l'oublions pas, le classement en zone protégée de nos si belles côtes encore quelque peu sauvages, c'est-à-dire considérées comme perdues pour les loups du tourisme de masse qui se nourrissent, cela au moins est connu, de moutons huilés de crème solaire.
Et que l'on ne vienne pas m'amuser de quelque pirouette dialecticienne qui, magiquement, affirmerait que les islamistes eux aussi, plus que nous, sont déjà mort puisqu'ils ont consommé leurs noces avec le nihilisme, qu'ils en sont les nouveaux apôtres, qu'ils auraient même lu quelques volumes de Dostoïevski et, pour les plus intrépides d'entre eux, de Glucksmann. Que faire ? Continuer à dormir ? C'est ce que nous faisons. Se bercer de paroles lénitives, consensuelles et qui évitent, Dieu nous rende grâce de notre impeccable sagesse, tout amalgame ? C'est ce que nous faisons, alors même que, selon les conjectures les plus prudentes, plusieurs milliers de fanatiques (en fait, de 5 à 10 000) sont prêts à passer à l'action sur notre propre sol. Reste une dernière voie, la seule qui affirmera, sinon notre victoire, en tous les cas notre honneur, moins que cela, un dernier soubresaut de notre honneur retrouvé, reconquis. Car ces morts-vivants, ces hommes (que seraient-ils donc, bon sang, sinon des hommes ?) prêts à mourir en chantant, outre le fait de démembrer quelques malchanceux Occidentaux obnubilés par la perfection de leur corps, parviendront peut-être mais j'en doute, à réveiller quelques-uns d'entre nous, les plus braves ou bien celles et ceux qui, eux aussi, ne craignent point la mort, pour aller défendre le territoire sacré du parc européen où gambadent et broutent en toute insouciance quelques millions de gras moutons.