Histoire pour les nuls ou catéchisme pour les cons, par Pierre Damiens (05/05/2008)



La déclaration d’amour de Nicolas Sarkozy pour Angela Merkel nous amène à nous interroger sur la problématique de la relation franco-allemande dans une perspective historique. À ce sujet, l’Histoire et la mémoire ont été le théâtre d’affrontements idéologiques, lequel a été déserté par les historiens, cette espèce aujourd’hui disparue, mais est occupé depuis par les politiciens, les organisations d’anciens combattants, de résistants, de déportés, et autres associations à but lucratif… Le chaotique vingtième siècle, avec ses guerres, ses carnages, ses révolutions en cascade, est bien entendu la période de prédilection de nos mentors.
Hélas, à force de torturer les faits historiques pour leur faire avouer des vérités politiquement accommodantes et édifiantes, nos braves petits profs, nos chers médias, nos directeurs de conscience télévisuels nous dictent une leçon qui tient parfois de la faribole. Mais qu’on ne s’avise surtout pas de renâcler, d’objecter, de douter seulement, ou ce sera le tribunal, le gnouf et le déclassement social.
À l’intention des âmes perdues qui seraient tentées de s’écarter du dogme, je rappelle les fondements du catéchisme républicain.

Ce qu’il faut généralement retenir du premier conflit mondial, c’est qu’Allemands et Français sont des peuples frères, broyés par la machine belliciste, et que la guerre est une monstrueuse ânerie. Si ce n’étaient quelques regrettables malentendus, on se serait volontiers embrassés dans les tranchées, cinq ans durant, perdus d’amour dans la bouillasse. Dont acte. Quiconque s’avise de faire le récit de la Grande Guerre doit impérativement conclure par une profession de foi pacifiste de bon aloi.
Mais si nous prolongeons notre étude, quelle n’est pas notre surprise d’apprendre qu’au tournant des années 30, tout compte fait, les boches ne sont pas si fraternels… Pire encore, ils sont la barbarie même, des ogres, des fous sanguinaires ! Du même coup, la guerre se pare des vertus de la justice.
Et la boucherie devient belle, utile, salutaire.
Tous au turbin !
Allons enfants ! Ne rechignez pas au sacrifice !
Nous sommes tous des Guy Môquet !
Pourquoi pas ? Mais on ne comprend plus très bien… Alors, la guerre, quand il s’agit de repousser le Fridolin à l’est du Rhin en 1914, c’est une ignominie. Mais quand il faut libérer Varsovie, et Volgograd trente ans plus tard, pardon ! Quel art sublime, féerie phosphorée, feu d’artifice mégatonnique ! Aussi, la sagesse pacifique tant vantée précédemment devient une trahison, une lâcheté, une abdication. Quant à ceux qui se sont avisés, de Munich à Montoire, de s’en inspirer, ils doivent être voués aux gémonies et leur nom fait désormais office d’insulte.
Si vous avez suivi jusque là que reste-t-il sur le tapis, au bilan, en 1945, après le grand cataclysme? D’un côté des Teutons déments, fanatiques, si dangereux qu’il faut couper leur pays en quatre et hérisser le Brandebourg de barbelés pour se prémunir contre leurs récidives meurtrières. De l’autre, des Français qui ont pactisé avec le diable, qui sont, eux aussi, bien suspects, bien salopards, pas fiables pour deux sous. Le second chapitre de l’Histoire de l’Europe contemporaine se conclut ainsi : il existe au monde deux nations infectes : l’Allemagne sanguinaire et sa complice française. Seuls la bravoure et le sacrifice désintéressé des autres peuples ont pu désarmer leur immonde conspiration.
La plus élémentaire logique voudrait qu’on disloque à jamais cette entreprise démoniaque, cette association de malfaiteurs continentale, la nébuleuse franco-germanique… Hé bien non ! Nos maîtres nous étonnent encore. La merveille, la panacée, la solution finale du problème européen, c’est l’union, la mixture, le conglomérat !
Il faut à tout prix unir les tarés germaniques aux salauds gaulois.
Quoi, on ne veut pas se mélanger ? On n’obtempère pas dans les urnes ?
Mais c’est marre !
On ne vous demande plus votre avis !
Tombez frontières !
Par ici les beaux traités ! L’acier, l’atome, les bagnoles, la monnaie et la becquetance… tout doit fusionner sur fond d’Hymne à la Joie !
Dorénavant et pour toujours, que chacun s’imprègne de cette vérité primordiale. Les Allemands sont froids, calculateurs, inhumains et cruels. Les Français sont vantards, cupides, poltrons et querelleurs. Mais il n’y a rien de plus sublime, de plus urgent, de plus indispensable, que l’union de ces êtres si nuisibles, si odieux, si parfaitement dégoûtants.
Amen.

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