Haine de la Hollande de Patrick Besson (02/09/2009)
Il paraît que Patrick Besson est un homme méchant et même qu'il fait peur. C'est sans doute parce qu'il a écrit avec acharnement beaucoup de livres tous passables, qu'il officie dans plusieurs journaux tous excellents où il distille ses phrases mononucléiques et même participe au jury du Prix Renaudot qui récompense, on le sait, les meilleurs romans publiés en France, dont celui de Patrick Besson paru en 1995, Les Braban et, en 2007, Chagrin d'école de Daniel Pennac. Du lourd n'est-ce pas ? En somme, Patrick Besson fait peur rien que pour de bonnes raisons, je veux dire, de nobles raisons, qui toutes ont un rapport étroit avec la littérature. Moi, Patrick, il me fait rire, certes pas aux éclats mais un tout petit peu tout de même parce que je me dis qu'un auteur qui a osé publier de pareils petits textes bessonniens, c'est-à-dire ni vraiment bons ni vraiment mauvais mais en revanche truffés de fautes de typographie, d'orthographe et de grammaire, hé bien, un écrivain pareil n'est pas vraiment sérieux, est même peut-être un clown.
Parfois, les clowns font peur lorsqu'ils arrêtent de rire. Un tout petit peu peur. Besson, on le dit, rit rarement. Il se prend même très au sérieux. Mais les clowns, surtout, sont des hommes pressés puisqu'il leur faut, toutes les semaines, faire leur numéro de clown. Dans le cas qui nous occupe, le numéro de clown a consisté à écrire, sans trop se préoccuper de l'existence d'un relecteur voire d'un lecteur même si, avec ce livre, un simple balayage réalisé par le plus élémentaire traitement de texte, disons la version Word utilisée dans les cabanes de la Transylvanie en 1987, eût amplement suffi à témoigner au lecteur quelque respect.
«L'objet de la critique, écrit Brunetière dans l'article Critique de L'Encyclopédie, est d'apprendre aux hommes à juger souvent contre leur propre goût». Je ne sais pas si je fâcherai, avec cette note, certains de mes lecteurs qui aiment l'écriture de Patrick Besson, puisque, statistiquement, il doit y en avoir, même si je n'ose songer à quoi ressemble un grand lecteur de Patrick Besson. À un clown, sans aucun doute. Un clown triste, lorsqu'il lit du Besson et qu'il voit, sous certains mots, la tristesse de l'écrivain. On n'ose pas bien sûr, par un pur sentiment de charité qui est comme ma seconde nature, imaginer ce qu'un Bernanos eût fait du sujet (l'hystérie anti-serbe dont la France se rendit coupable il y a quelques années) qui a mis en colère Besson, sujet d'écriture bien fait pour prendre à rebrousse-poil la prudence convenue des bien-pensants et des tartuffes. Avec Besson, nous n'avons que du Besson, c'est-à-dire une espèce de Bernanos sub-millimétrique, un Bernanos qui s'exprimerait par infra-sons en somme, écrivant comme une montre à l'ancienne indique l'heure, sans même y penser, sans autre rythme que celui, purement mécanique, provoqué par une machinerie minuscule que l'on devine suisse, voire hollandaise, donc increvable. Lorsque je tente de me faire peur, je me dis que le dernier écrivain encore vivant sur terre écrira sans doute comme Patrick Besson, sans même se rendre compte que plus personne ne pourra lire ses petites proses écrites pour lui seul et, feint-il de croire, une postérité impossible. Tiens, mais j'y songe tout d'un coup : Patrick Besson doit se dire qu'il est le dernier écrivain sur la terre, c'est ce qui explique que sa prose ne puisse rien faire d'autre que chuchoter sa petite musique aigrillarde, qui ne réveillerait pas, de son sommeil léger, un éphémère ridulant la surface d'une mare. Pas étonnant non plus qu'il écrive autant, Patrick, puisqu'il n'a presque rien à dire mais qu'il le dit d'une façon (appelons cela : le style, du moins, son style) qui nous ferait presque croire qu'il nous révèle des gouffres de paradoxes qui eussent flanqué la migraine à Sören Kierkegaard. Un exemple de ces gouffres : «Les guerres médiatiques sont plus sales que les guerres normales parce que les journalistes sont plus bêtes que les militaires, et la bêtise rend cruel» (p. 44).
Bon, voilà, le caniche est lâché, il fera deux ou trois mètres avant d'uriner (rassurez-vous, un tout petit pipi de rien du tout) puis de revenir bien vite mordre sa laisse, les caniches détestant la liberté et le grand large. Un texte de Patrick Besson, c'est à peu près carré, c'est plutôt concis, c'est même simpliste, c'est tout de même un peu mal fichu, ce dernier membre de phrase par exemple, mais enfin, c'est là le meilleur ou presque, du moins dans ce maigre recueil écrit en caractères bien larges pour faciliter la lecture des vieux, le lectorat principal je crois de Patrick Besson. Un texte de Patrick Besson, c'est comme un caniche : cela aboie de loin, parfois montre les dents, puis enrage de ne pouvoir vraiment mordre. Finalement, on plaint l'animal et même son maître, un petit vieux généralement qui discute avec son chien comme Socrate avec l'un de ses contradicteurs. Le meilleur passage du livre ? Je suis allé un peu vite et ai été injuste car le meilleur, le voici, enfin, je crois, n'ayant rien trouvé d'autre dans ce petit recueil de textes acrimonieux mais sans grandeur, méchants mais sans style, affreusement plats comme le monde vu à hauteur d'un caniche. Le meilleur, c'est un texte (Pétitionnade) ayant même été publié par Le Figaro qui, il est vrai, n'hésite pas à publier les textes de Yann Moix, qui sont aux textes de Patrick Besson ce qu'un caniche royal est à un caniche nain, un lointain cousin : «Les ennemis finissent toujours par servir à quelque chose, c'est pourquoi il faut en avoir beaucoup pour être bien servi» (p. 13).
Chapeau l'artiste, c'est une phrase diablement juste même si, comme toutes vos phrases, aucune vie ne la sustente. J'attendrai donc, patiemment, votre prochain numéro et tour de piste.
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