Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle... (16/12/2004)
Saluons comme il se doit, en partant d’un grand rire, le seul événement de quelque importance de cette insignifiante journée parisienne, grise et pluvieuse, fuligineuse, baudelairienne en somme : l’entrée de Valéry Giscard d'Estaing à l’Académie française, élu au fauteuil de l'ancien Président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor. Foutriquet, n’ayant plus peur, depuis des lustres (des siècles ?) du ridicule, a tout de même déclaré, noblement « Je ressens cette entrée à l'Académie comme une certaine reconnaissance de mes écrits ».
Oui, c’est l’évidence même.
Fatigue de l’écriture presque quotidienne qu’impose ce blog (en théorie : tout blog) et, sans craindre la grandiloquence, période de sécheresse intellectuelle et spirituelle. J’entrevois d’ailleurs la date, plus tellement éloignée, où ce blog n’aura plus le moindre intérêt dans mon esprit. De la même façon, depuis quelques semaines, les livres me tombent des mains : à la différence de Gracq qui avouait, durant ses propres périodes d’acédie (le mot est à la mode journalistique), ne pouvoir lire que quelques pages, choisies, de Rimbaud, les vers d’une violence et d’une beauté inouïes de la Saison en enfer eux aussi me lassent. Dans ce cas-là, après tout de plus en plus répandu dans nos sociétés acédiques pourrais-je dire (l’ami Juldé, pour ce terme, connaît une orthographe plus procédurière…), je me permets de donner un conseil tout simple, reçu, il y a bien des années, de plus sage que moi : il faut lire et relire le Nouveau testament, à la lumineuse simplicité. Rien de plus. Rien d’autre.
Bien sûr, je n’ai pas besoin de préciser l’écœurement grandissant avec lequel je parcours la Toile puisque, sauf exception trop rare (mais suffisamment indiquée dans la Zone, ici ou là…, au fil des jours…), je ne trouve pas loin s’en faut de quoi m’enthousiasmer. C’est là une banalité sans doute que j’ai suffisamment répétée, alors que fleurissent des centaines de nouveaux blogs qui, dans leur dramatique majorité, sont nuls. Pathétiquement nuls. À la merde, la merde s’agrège, suis-je bête.
Je ne soulignerai jamais assez la superbe qualité d’une revue, rare, dont on parle peu il me semble, qui pourtant est en tout point remarquable, La Sœur de l’Ange. Je l’ai déjà dit : cette revue imposante me fait songer à une autre, Conférence, aux qualités indéniables. Une différence toutefois, énorme à mes yeux et qui me rend désormais insupportable ladite revue, surtout sa bien trop souvent ridicule partie intitulée Cahier, consacrée à des auteurs (pardon, des amis) contemporains : dans La Sœur de l’Ange, Matthieu Baumier est bien incapable, contrairement à Christophe Carraud, le patron de Conférence, de faire écrire ses petits copains, fussent-ils de bien piètres rédacteurs. Seuls priment le talent, l’originalité, le travail et la CONFRONTATION des pensées. Pas de népotisme donc, cela est finalement bien rare.
Je crois que l’un des signes les plus évidents signalant la grandeur d’un auteur se découvre, mais oui, dans la qualité de ses lecteurs. À ce petit jeu-là, je suis au regret d’affirmer que l’auteur nabique est minuscule (ce qui est aussi la stricte vérité morphologique du personnage…), sauf exception zanninienne ou journalière, si l’on considère la zone de putrescence fort avancée que représente le site de ses lecteurs, auquel je ne ferai plus de publicité directe.
Je signale ainsi, a contrario, deux excellents articles, rédigés en anglais, de Thorsten Botz-Bornstein, consacrés à l’œuvre de Tarkovski. Le premier, intitulé « Aesthetics and Mysticism : Plotinus, Tarkovsky, and the Question of Grace » (in Transcendent Philosophy, 5:4, Dec. 2004) et le deuxième dont le titre est « Realism, Dream, and Strangeness in Andrei Tarkovsky » (in Film-Philosophy 8:38, Nov. 2004). Un troisième, pour le plaisir de quelques happy few, sur l’œuvre de Sokurov.
Également, les éditions Philippe Rey ont eu l’excellente idée de publier deux ouvrages singuliers du cinéaste, d’abord Lumière instantanée qui regroupe en fait quelque soixante photographies (extraites d’un ensemble de près de 200) réalisées au Polaroid par Tarkovski lui-même, ensuite Récits de jeunesse, un beau recueil de textes.
Je ne puis enfin résister à la joie, le mot n’est pas trop fort, d’indiquer quelques-uns des prochains livres à paraître aux remarquables éditions de L’Éclat qui, l’année prochaine, fêteront leur vingtième année d’existence. J’indique également un lien vers le catalogue général en version PDF de L’Éclat, qui, franchement, vaut le détour, ne serait-ce que par la découverte, pour certains, d’auteurs tels que Jules Lequier, José Bergamín, Carlo Michelstaedter et Hermann Broch, dont un recueil de textes (Logique d’un monde en ruine) que j’attends de lire avec impatience est annoncé depuis plusieurs mois.