Le bonheur dans le crime ou portrait d'une diabolique : Josyane Savigneau (07/01/2005)

Crédits photographiques : Shannon Stapleton (Reuters).
«Solve senescentem mature sanus equum, ne peccet ad extremum ridendus et ilia ducat».
Horace


Quelques lignes de nécrologique amusement, pour commencer puisque je suis aussi, à mes heures et tout du moins dans cette Zone infatigablement nettoyée, un charognard, rappelant au passage aux nantis et aux pudibonds qui déjà feraient le geste de se boucher le nez que, sans cette espèce peu appréciée dont ils se vantent d’ignorer le rôle prophylactique dans l’écosystème littéraire, l’eau claire de leur baignoire se transformerait vite en mangrove pourrissante. Quelques lignes donc pour saluer la disparition (en fait, une mise au placard en bonne et due forme…) d’une journaliste, non pas de terrain ce qui a encore quelque classe mais de salon ou d’alcôve, ce qui en a beaucoup moins, disparition à fêter sans retenue puisqu’elle concerne l’une des plumes les plus infectes dont Le Monde a pu s’honorer. Son nom terrible, connu de tous au demeurant ? Savigneau, Josyane Savigneau, chienne de garde et unique Grande prêtresse du temple vide patiemment érigé par Sollers, lui-même antique Sardanapale dont il devient de plus en plus difficile de lire les «œuvres » à mesure que, vieillissant (Solve senescentem… disait Horace fort à propos, Réformez à temps votre cheval qui vieillit…), rares sont celles et ceux de ses fidèles qui avouent sans partir d’un grand rire craindre encore ce parkinsonien de l’écriture.
Bien plus nombreux en revanche, heureusement, sont les écrivains et les critiques qui ont dénoncé l’odieux terrorisme intellectuel marquant d’une borne funeste et inamovible le champ de cornichons cultivé par cette harpie sans le plus petit talent (non pas celui de la parabole évangélique bien sûr…), hormis, peut-être, la capacité de se faire haïr sans la moindre réserve, cordialement, amoureusement, voluptueusement. Je veux croire que nombre de ces auteurs dont le livre a été étrillé, sans la grâce et l’intelligence assassines d’un Angelo Rinaldi, par cette «journaliste» momifiée à force de méchanceté dogmatique, se souvenant d’un des titres les plus provocateurs de Barbey, a dû s’imaginer, durant combien de nuits hantées par le même rêve scandaleusement délicieux, se tenir en face de cette diabolique de salle de rédaction pour, avant d’être brûlé d’une juste et définitive sentence, pouvoir éprouver le plaisir subtil du bonheur dans le crime puis contempler, horrifié comme le personnage du Démon de Selby Jr., la face difforme ricanant dans la nuit.

Journal, extraits du 16 septembre au 7 octobre 2003.

Relecture de La mort de Virgile d’Hermann Broch qui, je ne l’avais pas assez vu, est un livre sur le langage, sa consomption lorsqu’il est mal servi par le «littérateur» ou «l’homme de lettres», langage seulement humain qui ne peut, dans tous les cas, que s’arrêter pour laisser la place au Sauveur. Ce livre est donc entièrement orienté vers l’attente du Messie, que Virgile n’est pas même capable de précéder dignement. Dès lors, comme les quelques phrases de George Steiner sur ce livre (dans Langage et Silence je crois) me paraissent courtes et partiales…
[…]
L’Avenue, superbe, de Gadenne : le thème en est l’art (pour la revue à naître de Matthieu Baumier, La Sœur de l’Ange) mais au fond il n’y a pas d’art, seulement la Recherche que celui-ci signifie, seulement la Face qu’il nous commande de chercher.
Envie d’aller voir Le Temps du loup de Haneke qui, à mon sens, doit ressembler à du Sokurov ou à Stalker. Je parle de Sokurov parce que je me souviens que, au détour d’une conversation, Michel Estève (directeur des Études bernanosiennes] a prononcé son nom. Je dois également essayer d’aller voir le dernier Béla Tarr [Les harmonies Werckmeister]

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