Philippe Sollers, le doge de la bêtise (08/05/2006)
Crédits photographiques : Adrian Dennis (AFP/Getty Images).
Philippe Sollers pour In Situ.
Je me disais, en lisant, en tentant de lire le pathétique entretien que Sollers a royalement accordé à quelques vagues imbéciles situationnistes qu'une telle farce est tout simplement parfaitement concevable, logique même, à une époque comme la nôtre, à la fois supérieurement intelligente et prostrée comme l'est tel idiot de village (en reste-t-il, d'ailleurs, des idiots de village ? Je poserai la question à Pierre Jourde qui subit il y a peu leur colère...). Parvenue, dans son bathyscaphe salonnard où seules quatre places sont disponibles en tout et pour tout (Joseph Vebret, qui ne fait hélas point partie des heureux élus même s'il a consacré à l'apnéiste Sollers tel dossier de sa Presse littéraire, a dû se contenter, pour suivre les hardis explorateurs, d'enfiler une combinaison de plongée, ma foi fort seyante), à de tels abîmes de nullité bavarde, immédiatement, la crétinerie doit se retourner en son lumineux contraire et la bête se faire ange, la lourde amphore chargée d'une vase millénaire remonter à la surface dans un bouillonnement libérateur d'oxygène. Non, pas du tout : l'amphore, dont le vin précieux a depuis des siècles tourné en un vinaigre inoffensif, continue de servir de havre de paix à quelques étranges monstres à ventouses qui ne tarderont pas d'ailleurs à quitter leur demeure temporaire. Les mauvais écrivains, comme les volages bernard-l'hermite, ne se réclament d'un toit que le temps de passer sous un autre, échangeant leur vieille coquille contre une autre dont la nacre paraît, de loin, plus étincelante. Je pensais encore, naïvement, que le monstre à la chair molle et translucide, la gueule armée de longs crocs transparents, suçant le sol vaseux composé de milliers de strates d'animaux morts, deviendrait une créature éthérée avide de la lumière dansante chauffant la lointaine surface de l'océan. Là encore : non, puisque le lourd Léviathan, ridiculement présenté par les éponges de la réclame et les avaleurs de slogans comme étant un dandy supérieur, peut-être même le croisement d'une subtilité orchidéenne entre Des Esseintes et Robert de Montesquiou, un esthète suprême, un supra-Matzneff du sybaritisme le plus décadent, broute le gazon du fond océanique en toute indolence. Allez donc affirmer à un zébu débonnaire qu'il est, à vos yeux, quelque animal fabuleux comme une Licorne et il y a fort à parier que l'herbivore vous décoche un coup de sabot expéditif. C'est donc que la transmutation du plomb en or a lamentablement échoué, telle que nos petits Cagliostro inchoatifs l'avaient pourtant rêvée. Nous sommes toutefois parvenus à un bizarre résultat, bien capable d'indisposer les plus délicats puisque le plomb, métal vil, s'est bel et bien transformé en un lingot surréaliste : au fond de notre athanor subitement devenu opaque et dégageant une fumée suffocante, ne sommes-nous pas surpris de constater la présence d'un banal berlingot de merde, au fumet dispendieux et coruscant, aux volutes vermiformes et controuvées crochetant les naseaux par un ironique et sapide hameçon ? Voici donc le sublime effet de l'alchimique opération tentée par ces Cornelius Agrippa de boudoir : Sollers écrivant de toute ses forces ne parvient qu'à complexifier maigrement la science délicate chargée de répertorier puis de classifier les étrons.
Inclinons-nous et saluons au moins le fait que Philippe Sollers, explorateur des plus basses fosses de la stupidité, ne paraît même pas avoir été touché par le mal singulier des profondeurs, cette narcose qui contamine le sang, fait délirer, entraîne des lésions irrémédiables du cerveau et, dans les cas les plus graves, tue. Notre écrivain, je suis donc bien marri de certifier ce fait, est une véritable rareté scientifique puisque, visiblement atteint du syndrome des cloaques vertigineux, le cerveau selon toute vraisemblance profondément gâté par la consommation de quelque zooplancton d'origine douteuse, il n'en continue pas moins, la barrière nonagénaire allègrement franchie à la vitesse d'un bolide supersonique, à tenir bien droite sa plume vaillante, qui dégouline maintenant depuis des lustres poussiéreux. Une assistance médicale a toutefois été fournie au cacochyme batracien qui ne peut être retiré de son aquarium vénitien aux vitres verdies plus de quelques minutes. Des laborantins facétieux ont d'ailleurs tenté l'expérience qui s'est malheureusement conclue par un horrible dégazage et le dépérissement rapide de la créature gluante et mélancoliquement croassante. Sollers en effet, parvenu au comble du grotesque et du ridicule, comme ces étranges créatures hantant les Marianne ténébreuses, meurt dès qu'on l'arrache de son milieu; d'où les infinies précautions dont ont fait preuve, cette fois-ci, nos biologistes situationnistes en ayant reconstitué le biotope fascinant de Sollers, ultime bizarrerie de la foire littéraire, pourtant capable d'aligner, pour la parade quotidienne, une armée de nobles chimères contrefaites. Il paraît même que le thaumaturge lafcadien, de temps à autre, exhibe, sortie de quelque poche stomacale où elle reste au chaud, une irénique créature auto-contemplative et amoureuse d'elle-même, éternellement perdue dans un sommeil béati(fi)quement érotique entrecoupé d'éclairs mystiques aussi brusques qu'imprévisibles, la petite chose scribante répondant au nom exotique d'Alina Reyes. Quoi, vous me dites que je confonds les patronymes et qu'il s'agit en fait d'une certaine Josyane Savigneau, écrivainE alors que l'autre est critiquE, euh, non, artisteuh stochastique, rédactrice intermittente de notices expliquant, à quelques pauvres vieux podagres, l'usage de la confiture péri-anale ? Dieu, sans doute, oui : c'est que ma vision n'est point suffisamment acérée pour distinguer, gazouillant dans la boîte de Pétri, ces flottants animalcules, adeptes de versicolores et festives transgénèses bactériennes. Sous le balayage du microscope électronique, nous parviendrons, je l'espère, à différencier les deux protozoaires qui ne peuvent quitter leur très riche biotope sollersien sous peine de se riduler comiquement puis de s'évaporer en un millième de seconde. Si, selon une proposition bien connue, l'ontogenèse résume la phylogénèse, il est temps de démontrer, sans l'aide suspecte d'un Lombroso ou d'un Nordau, que les ultimes soubresauts d'une République des Lettres sénescente et stérile parodient, eux, la dégénérescence tragique des moisissures privées d'humidité qui se cornent, se flétrissent puis se saponifient au moindre friselis d'air frais.
Quoi qu'il en soit de ces secrets moites, moins d'alcôve que de cirque, évidemment romain, l'une des façons les plus simples et commodes de ne point perturber le curieux animal observé, c'est encore d'en adopter le comportement, à tout le moins de ne point en gripper le mystérieux mécanisme langagier : il faut donc ne pas déranger ses habitudes alimentaires, prétendre perturber son mode, fragile, de communication, afin de ne pas compromettre ses chances, certes réduites, d'acclimatation à la pesanteur terrestre. Sollers, habitué à une exquise légèreté plus ténue qu'un fil arachnéen, ne supporte en effet pas très longtemps la contraignante et morose gravité. In Situ, avec un talent de camouflage digne de faire rougir le plus doué de ses homochromes cousins octopodes, a ainsi réussi la colossale gageure : permettre à Philippe Sollers d'exprimer ses plus létales pensées, lancer ses vues les plus souveraines, concaténer impeccablement ses apophtegmes les plus berbères, vitupérer précieusement ses évidences les plus pointilleuses, expectorer ses vagissements les plus douloureux sans que, de surprise, le système solaire ne suspende sa course folle dans l'espace. J'ai à mon tour tenté cette révolution copernicienne et ai constaté avec stupéfaction que le soleil ne s'était point subitement, de honte, obscurci. Ainsi pouvons-nous étaler à notre tour, ici ou là dans le cours de cette note, un approximatif succédané de la marmelade sollersienne, en l'espèce, quelques morceaux choisis de l'entretien en question, dont je garantis l'authenticité frauduleuse, dont je paraphe la morale du tricheur et cautionne sans honte l'insignifiance épique. La Zone ne peut donc que s'honorer de la présence, dans sa mare la plus superficielle, d'une telle éclosion de larves verbales qui auront toutes, je le crains, un peu enviable sort : la vie bourdonnante à la surface d'une flache puante ne survit guère, d'habitude, au premier rayon de soleil qui en dissipe la tulle éphémère.
Et d'abord, un rappel, une mise en bouche ou plutôt, la déhiscence d'une unique question, tristement formulée de la façon suivante, grossière, plate, analgésique et surtout oiseuse : Tout comme Pound à sa manière avec ses Cantos, Paradis prend acte de cette nouvelle et libre et singulière façon d'envisager l'Histoire et de voyager dans le Temps. Laquelle, d'ailleurs, s'oppose à l'Histoire telle qu'elle nous est enseignée, et rejoint ce que Heidegger a appelé l'historial [...]. Fin de l'Histoire ? Non, mais historicisme devenu caduc mon Grand Duc.
Sollers maintenant, dans sa réponse borgésienne, vous englobant donc, pauvres lecteurs, ainsi que toutes les questions que vous avez jamais osé vous poser, que jamais vous oserez vous poser, que l'humanité entière n'aura pas assez d'éons pour matérialiser de la sorte, tout simplement lumineuse, vibrante d'une évidence parousique :... je ne pense pas qu'on ait tenté une traversée de l'Histoire des corps humains à partir de cette lumière. Vous citez Heidegger et là je crois que vraiment c'est très clair... donc, il écrit : «pas de successions d'époques», et donc pas d'Histoire de l'art, de la littérature, etc., ce qui fait, d'ailleurs, que tout ça est tombé si bas et que maintenant l'arrogance de ceux qui se croiraient les héritiers ou les dépositaires de toute l'Histoire antérieure, n'ont même pas conscience tellement ils suintent de nihilisme... ça leur paraîtrait plausible que tout cela ait eu lieu pour arriver à eux...
Pardon de vous interrompre, cher Maître mais... Oui, oui, je le sais, cet imbécile d'allure sombre, au patronyme basque prétendument enivrant, ne s'est pas seulement contenté de branler du chef mais voici qu'il a eu l'outrecuidance de vous interrompre, déclarant, à l'assemblée médusée et muette, remplie, quelques secondes encore avant sa désagréable mise en demeure, d'amour à votre égard : Vous n'avez pipé mot à ce charabia épochalisé, pauvres, infortunés auditeurs, louables lecteurs de Philippe Sollers ? Ou plutôt : vous craignez de n'avoir compris rien d'autre que ceci : il n'y a strictement rien à comprendre, certes, dans de pareilles phrases à la syntaxe plus approximative que légère ? Rassurez-vous : moi aussi, je n'ai strictement rien compris, pas le plus petit mot, pas la plus légère articulation logique, pas la plus minuscule semblance de transition et alors ? Je vous pose la question et vous me répondez : et alors, grossier personnage que l'on devrait faire taire, que nous chaut ? Que nous importe de comprendre Philippe Sollers pourvu qu'il nous parle sans tarir, comme une source d'eau vive dont le puits n'a jamais été sondé ? Tenez : prétendait-on, monsieur le savant contempteur, dans l'Antiquité, pouvoir comprendre les grognements inspirés de la Pythie de Cumes, ceux de sa cousine de Delphes ? Elles parlaient, voilà tout et dans leur langage animal les mondes, réels et possibles, étaient tout simplement contenus, y compris votre ridicule intervention alors, de grâce, taisez-vous, malandrin critique, perfide insinuateur. Voilà, vous m'avez énervé : impuissant. Oui, oui, mon adorable nain gémisseur : la présence du grand Martin, parti tôt ce matin de son refuge mousseux du Todtnauberg, habile grimpeur et courageux marcheur égaré sur ce haut sommet sollersien, est tout de même le gage d'une possible descente en rappel pour le lecteur virant à une bleuissante et suspecte constipation cérébrale sous de telles altitudes ? Espérons, espérons... Allez, je suis même tout disposé à vous le concéder, voyez comme je suis conciliant... Toutefois... Vous permettez, ce sera là ma dernière remarque et ensuite je retournerai, c'est juré, à ma cave humide où, homme malade, je ne cesse de haïr la lumière et les habitants de la plate surface ? Oui ? Bien... Je dois donc vous dire que je n'ai rien compris de plus que ce que Philippe Sollers, répondant, avec son habituel simulacre de talent, à quelques griffonneux en mal de reconnaissance, a voulu leur faire admettre, à savoir : moi, Philippe Sollers, le Sérénissime comme me surnomme l'Assouline, n'ayant pas lu une seule ligne de Sein und Zeit, je puis tout de même vous assurer que le temps est une invention de nos consciences malades, à moins qu'il ne s'entortille, comme un filet d'eau limoneuse, dans le siphon de mon écriture, fontaine jaillissante d'où perle une vitalité sans âge. Paradis nest-ce pas, comme machine désirante et spatio-temporelle précédant, récapitulant tous mes livres, avant même que je n'aie l'idée (saugrenue) d'écrire Une curieuse solitude, d'ailleurs renié, monstre aussi bizarre que ces créatures rampantes de fin de monde contemplées par le voyageur de Wells. Dites-moi, noble assemblée, est-ce bien cela ? Suis-je parvenu à déchiffre le code du manuscrit Voynich qu'inlassablement Philippe Sollers affirme déposer sous nos yeux d'aveugles ? Monsieur, à la fin, vous devenez parfaitement vulgaire et nous empêchez de nous repaître de notre commune idole, à laquelle nous allons d'ailleurs sacrifier notre... intelligence, l'offrande n'en sera que plus digne. Vous nous demandez : est-ce bien là l'essentiel ? Nous nous emportons à la fin et ne craignons pas de vous affirmer : oui, pauvre vieux grison réactionnaire dodelinant de votre museau vaseux, minable Thésée perdu dans sa labyrinthique Zone, envieux qui ne savez point danser ni rire de tout, comme le fait l'aérien funambule au-dessus du précipice nietzschéen, oui, c'est bien tout, puisque Philippe l'apophyse et le pataphe de sa ligature, cela devrait vous bouffire, non, sacrejaune ?
Revenu dans mon caveau où je contemple, muet d'effroi, les petits yeux phosphoriques et rusés de mes uniques compagnons, je me suis frappé le front jusqu'à le faire saigner, un jus gluant et poisseux dégoulinant jusqu'à ma bouche. N'est-ce pas assez clair, en effet ? Qu'ai-je besoin de chercher une cohérence dans les écrits de l'insigne Sollers ? N'est-ce d'ailleurs pas l'évidence même que d'affirmer que la prose sollersienne, comme la rose du distique, est sans pourquoi ? Non bien sûr, cela ne me suffit pas, car avec Sollers, Jourde avait donné de ce point une hilarante analyse dans sa Littérature sans estomac, la question est toujours autre que celle qui paraissait avoir été directement abordée, le centre décentré, la vérité (affreux concept inutile) toujours relative, fausse, mensongère, non-vérité bref : simulacre. Sollers, plus habilement glissant qu'une anguille, plus furtif qu'un furet, n'est jamais là où l'attend le sot, la langue tirée dans un comique effort de concentration et de patience douloureuse, l'unique talent de l'écrivain consistant à déjouer le piège, il est vrai grossier, du lecteur qui tenterait d'introduire le venin de la logique dans le corps mou de cet invertébré grisonnant.
Foin des digressions, revenons à nos tristes lurons.
Quel est donc le sujet de l'entretien diligemment proposé par une triade d'imbéciles permanentés à leur père, pardon, leur mère, puisque, comme nous l'apprenons avec ravissement, il s'agit, aussi, en fait : D'ABORD, de lutter contre l'affreux dogme patriarcal qui gangrène la vitalité matriarcale, jubilatoire, de l'Occident, euh non, je m'encastille et debordise, de la multitude sainement égyptologisée ou plutôt égyptifiée, apophisée, ce n'est pas tout à fait la même chose ? Laissons donc parler, une bonne fois pour toutes, la bouche d'ombre éminente, aussi cariée que l'était le dentier sonore et pourri de la vieille mule lacanienne : Philippe Sollers lui-même (ou son masque rieur ?) m'a en effet autorisé à reproduire dans la Zone cette chatoyante mélopée, par lui murmurée humblement afin de faire taire toute ordurière interrogation et étouffer tout couac disharmonieux. Une précision, d'importance il me semble : la fin du texte correspond, nul ne pourra le nier je crois, à l'acmé de l'effort concentrationnaire (pardon, le mot finit mal tout de même, préférons-lui le complément du nom de concentration), l'éjaculat libératoire ayant visiblement poissé des hectares de Zone, désormais colonisés par d'innombrables fratries de limaces. Ces petites créatures répugnantes étaient pourtant l'une des rares espèces non-chitineuses qui n'avaient point réussi à se répandre sur la terre sauvage et âpre dont je suis le Grand Forestier solitaire. Depuis ma falaise marmoréenne, il me tarde d'assécher ces marais gidiens où pullulent les crapauds, les moustiques et tant d'autres monstres phocomèles qui, la nuit venue, lâchent en de plaintifs répons des envolées de pets sonores.
Taisez-vous à présent, sots histrions qui pensez que la littérature ou quelque chose osant s'affubler de ce nom ridicule existait avant la naissance anadyomène de Philippe Joyaux, sorti lui aussi tout en arts et non pas en armes de la fournaise divine. Place, à présent, il est grand temps, au Sérénissime et que la Création tout entière, comme Walter Benjamin en eut la géniale intuition (lui qui pourtant ne connut point Philippe Sollers) garde alors l'espoir invincible que lui sera redonnée, par le magnanime Orphée des lettres françaises, la joie perdue avec la prévarication du Premier homme.
C'est donc à moi, l'histoire d'une de mes folies ? Pas trop tôt, attendez, où est passé mon miroir de poche je vous prie ?... Enfin, l'exercice est facile et j'ai quelque espoir d'avoir ici, dans votre Zona (drôle de nom au passage) un public plus conséquent que chez mes trois épiciers debordiens, sympathiques mais quelque peu... collants n'est-ce pas ?... Allez, l'argon(s) les amarres du bateau ivre. Il n'y a aucun sujet situationnable, individu bêtement lecteur d'un non-texte qui, en même temps, c'est ça qu'il faut montrer, c'est bien ça que j'essaie de montrer et de dire mais ce n'est pas facile parce que, vous comprenez, la censure, elle, elle veille tout le temps et essaie par tous les moyens de me faire taire, moi et d'autres voix qui ne sont pas des auteurs, oh ça non, rien de tel le mot me fait peur, mais seulement des voix elles-mêmes parfaitement idiotes, je veux dire solipsistes, des ça anonymes qui parlent et continuent de parler de livre en livre, Pound, Joyce, Guyotat, des voix quoi mais pas des auteurs, j'insiste sur ce point c'est très neuf, personne, avant moi, comprenez bien cela, ne l'a dit même si, je le répète, on s'en fout de Sollers auteur ou de machin auteur, on s'en fout de Reyes, bien mignonne au demeurant et babélisable à souhait, on s'en fiche du nom, cette survivance fasciste du père donc de l'Occident donc du Sur-Papa, ce Père buissonnable et autotéliquement taillable, je le dis, bien sûr le premier, c'est moi qui ai inventé le Père d'ailleurs, mes livres (qui ne sont rien de tel, attention, hein, n'allez surtout pas commettre l'erreur typiquement bourgeoise de croire que mes livres ne sont rien de plus que cela : quoi ? Eh bien faquin : des livres justement puisque l'Esprit souffle où il le veut, dans des livres et dans ce qui est le non-livre absolu, cette bribe de la Bible, en même temps livre mallarmo-borgésien : Paradis I-II-III et bientôt IV, vous voyez, hein : la rupture de la trinité, le processus méta-diabolique (le diable c'est l'oblique mais qui a dit cela ? Un bon auteur assurément... Alain, me dites-vous ? Un auteur sollersien en tout cas) consistant, dans la trirèse supra-verbale, à insinuer (et pas instituer, je refuse les fondations, étant de sable) l'élément destructurant, le ça qui se dit dans tout texte non-textuel... Voyons... Où en étais-je ? Mais oui : Paradis ! J'y reviens toujours à mon berceau, mon cocon defibrilisé... Tous les chemins mènent au Paradis, qui est en somme à Rome ce que le Golgotha est à la pénéplaine de la Bécassière, un des hauts-lieux que hante mon ça. Ponctuez, ponctuez, ya rien à boire. Alors vous me demandez (non ? Tant pis, moi je vous réponds), le Paradis, c'est quoi ? Facile : le Paradis c'est l'absence de ponctuation, non pas son absence tragique car, savez-vous, il n'y a pas de tragique ailleurs que dans quelques cervelles moisies, mais en somme son occultation occultante, principielle et en même temps, oculiste, puisque c'est bien ça qu'il faut s'efforcer (c'est forcé) de voir. Alors... la main sise sur la reproduction, bien sûr, d’ailleurs vous ourlez Paradis et vous avez tout de suite l’équation qui va en un sens diriger toute la forme même prise par le pitre sur le fait que il y a (IL Y A : suis-je lévinassien ? Il y a, sur mon bureau, des vinasses, siens... C'est moyen ? Bah !...) une liaison intrinsèque entre ponctuation et procréation. Vous savez que Picasso a passé son temps à écrire des poèmes sans ponctuation quand il avait des problèmes plastiques à résoudre... Il est évident qu’il s’agit d’un long raisonnement, pour que ça tienne, comme un mur fraîchement bâti... pour que ça tienne en dehors d’une décloquation générale, c’est-à-dire d’une embardée dans la psychose, puisqu’on traite la psychose, pour éviter que ça soit fou ou tout simplement banal, vite soluble dans une analyse presque immédiate, il faut du raisonnement, pas être la moitié d'un fou, d'un con, c'est la même chose, puisque l'un et l'autre bavent leur morve d'huître. Mon livre paradisiaque n'a pas un seul point, encore moins une virgule (en fait, si, si, implicitement, dans votre propre lecture qui ne peut s'empêcher de ponctionner, de ponctuer, de de stratifier, de...) et pourtant c'est fou comme il coule, oui, comme un camembert trop mur [sic], il dégouline saventassement, il houspillonne les trois poings [sic] pas même inventés par Céline mais par moimoimoimoi, moi, est-ce clair ? Paradis claque comme une vague de Venise sur un mur lépré du rivage des Pyrthes... Quoi ? Vous ne connaissez pas Grack [NDJA : afin de ne pas alourdir inconsidérément les réponses à nulle question de Philippe Sollers, je me contente dès à présent de ne point siquiser [sic] ses phrases, de toute façon aisément cons-préhensibles] Grack donc, mes chéris poudrés, mes louftis lourdés, mes potelots mozartiens, mes anges angevins ? Gracke, Mozart, c'est tout Un... Oui... Le Génie... Le Joueur... J'ai d'ailleurs écrit, vous le bavez, un Portrait du joueur mais attention, la faute est incarillonnable et me fait mollir : pas Un portrait du joueur non, car mon portrait est Le portrait, LE PORTRAIT de même que Paradis contient tous les autres Paradis (I, II, III, CMXII...) jusqu'à l'Enfer mais oui ! ... De Dante ou de Tochez... C'est ça qu'il faut défAndre, c'est làlala différAnce : l'Enfer c'est l'anus paradisiaque, l'alexipharmaque de l'Éther, pas mal non, c'est de moi, enfin non... Vous savez que mon moi est bébête et qu'il s'éclipse dès que mon ça apparaît, mon céça et rien d'autre alors autant parler... c'est l'autre qui me joue puisque mon arpège, nul n'en flatimine la résine. Rimbot c'est essentiel, il a toudi, du vers à la laine. Verlaine bien sûr, quelle musique, je l'écoute presque tous les jours, c'est un con parable et lire c'est toujours s'abstenir, hein, voyez-vous. Moi, je lis beaucoup et je b... Non ? Oui, vous avez raison, je n'ai plus le temps alors je reli(e)s les mêmes femmes. La reliure c'est le Livre, la lie c'est la femme, Lalie aussi, j'étais fan, ces fesses plates des grandes brunes tout de même, quelle damnation plaisante.
Je scroubignole mais oui et godeluronne, pourquoi pax ?, mon pipeauphore mais flanchement, cela ne bourre pas les mues. Que croyez-vous, que l'entité sollersienne, donc rayonnante parce que dans sollers il y a le mot herse c'est très nouveau, ne s'enflige point et qu'il lui suffit d'oupire le claquepet pour que ça (toujours le ça, notez-le mes acquis) s'estanquille lit et rature ? Trop facile. Non non non non non, point si gracile, l'absinthe de tout toupet ne se peuille au premier bruitier venu. Faut de la rigueur, de la bistouille, de la garce quoi, de la crasse aussi, c'est encore la meilleure colle. La Femme-moi, on y revient toujours, Martin l'a écrit; vous me crites, Martin qui ? Luther évidemment : Martin Luther, protestant (n'est-ce pas ?) contre son père, son ad-verbe (Eckhart) de Père ? Femmes, c'est le pitre d'un de mes moments : notez le plu-riel, cet arc-en-ciel de la singularité, c'est près du nous, cyprès du Nô, et qui dit Nô dit Momo donc Artaud, un grand prédécesseur, non, un grand continuateur, allez, je n'hésite pas : un copieur carrément de Sollars, qui arse et brûle même si, comme moi-ça, il écrivait sans écrire, il ne faisait rien d'aussi lamentin... lamentant... lame-entablement plat qu'un livre. Lui, il hurlait et se pissait dessus... le pauvre... l'électricité, vous comprenez... ça hérisse drôlement les poils du cul, un vrai hérisson encoigné dans le fion... Dans sa folie géniale, il disait bien des choses le môme Artaud, c'est tout nouveau, que j'ai redites depuis ? Quoi ? Oui, ardons, lardons, c'est l'inverse qui est vrai : devenu fou, Sollers-le-Popo écrivait aussi mâle que le jojo d'Abel, pas loin de Caïn potez-le, Gance qui avait une sacrée panse, une vraie marmite à histoires. La lit-et-mâture, c'est ni plus ni moins qu'une affaire de Gance pardon, de panse : le cas n’a pas encore été essoré et je doute qu’il le soit bientôt parce que c’est une proposition révolutionnaire qui n’a pas été rêvée, proposée, mais agie, âgée, AG, c'est sans fin, et une AG, surtout avec la prés-ance, la pré-Hanse de FO, du Fou du pot, c'est toujours réPOlutionnaire ma grand-mère. La littérature c'est la mère, la mer, l'amer : mieux vaut pas loucher sur le portugland, l'hisse-Berg (je suis un grand admirateur d'Alban) n'est jamais loin le salaud et mon esquiffe est plus fin que la gaze de Mathilde.
Recrutons à mes gloutons, voulez-vous, parcourons, marmitons : 1981, c'est l'année de locution de Paradis sans ponctuation : ponctuez... ah, oui, je me récrête. 1981, personnellement, je-Moi, ça-sollers-ars (bien sûr, «je» n’est pas «moi»… je suis qui je suis… le buisson n’arrête pas de parler, je suis qui je suis, je sais qui je suis aussi, comme Mickey (non, pas celui avec les grandes oreilles) devant sa glace diabolique, je serai qui je serai que je serai, c’est un présent qui est un futur, c’est Dieu qui s’énonce : je suis qui je suis, bonne nuit les petits… Donc ce «moi» est un autre «moi» que le «moi social», ça va de soi, c’est un «moi» qui ne va pas vers le «nous» c’est un «moi» qui s’enfonce dans une expérience sous la pression du «je»… et qui donne, en tant que moi, un «moi» destitué de ses habitudes… de son identité sociale… c’est pas le «moi» pour l’autre… c’est «moi» en tant que je fais l’expérience de «je», c’est une mise en «je», une mise en jeu… c’est-à-dire le «moi» qui aurait pris «une forme utilisable par le jeu…» et «qui pourrait tout lire sans résistance» il s’agit de cela… le moi qu’on voit n’est qu’une construction sociale décidée par les autres… «La calomnie est toujours l’auto-portrait du calomniateur», je crème beaucoup cette crase de Tsvetaeva) je ferme la parenthèse, ouf !, et récribillonne : pense, (panse ?) que l'événement régional, national, avec le temps de toute petite envergure, ce qui ne veut pas dire qu’il ne s’est pas passé à l’intérieur de ce tourbillon quelque chose d’important, comme un taon piquant Mitterrand, pauvre vieux, qui en est mort sous sa pyramide de verre et de litière. En 1981, j’écoute la Missa Sollerstis de Beethoven dans le Palais des Rogues sous le Paradis de Pinochet, c’est-à-dire le tourbillon conservateur, avec le couronnement de la Vierge en jupons; et la chose que j’avais à faire, à la faveur de cet écouvillon à la fois musical et plastique et intérieur et neuf et végétarien, dans cet endroit-là et pas ailleurs, hein, pas ailleurs cela va de soi, s’est montrée, nue sous mes yeux grands ouverts. Je tiens assez à cet épisode que je raconte déjà il y a vingt-cinq ans dans ce numéro d’Art Mess. L’événement est, comme vous voyez, fort complexe et touche à la fois à l’Histoire à venir mais aussi à toutes les stratifications symboliques accumulées depuis autant de temps que vous voudrez : mais oui, le diplodocus aux deux cerveaux était sollersien, évidemment sans le savoir. Et moi, vous me dites que je suis un fossile, un faucille, un squelette fragile datant de l'époque où les hommes chassaient le tigre à dents de sabre ? Pour sûr, j'ai autant de strates qu'une marne du Pléistocène et n'ai pas honte de vous dire que mon organe, parfois, témoigne d'une vibrionnante intuition, jouit d'une intelligence adaptative qui lui est propre. Vous savez bien sûr que les plus grands sauriens avaient inventé ce moyen pour que les ordres de leur cerveau puisse parcourir leur corps immense : un deuxième cerveau, beaucoup plus petit, directement logé dans leur queue... Alors, j'y reviens, le vrai contexte de la publication de Paradis, je viens de dire la Bible, bien sûr, et puis tous les départements religieux, théologiques, mystiques, gnostiques, pornographiques (Rhône-Alpes : 69, ce n'est pas anodin) dans quelque tradition que ce soit, y compris évidemment toute la bibliothèque dans son ensemble, reprise et ironisée, comme Proust par exemple. Alors, vous avez raison de parler de Guichotat dont le livre d’ailleurs, Et merde, Et merde, Et merde, après Godelureau pour cinq cent mille méats, n’était pas non plus programmé pour être publié – nous sommes sur des questions de ce genre –, mais joué, vibré, strapontifié, rigodonnisé, ripolinisé. Voilà le contexte : Althusser à rien, et Lacan à pas grand chose et... Sollers ?...
Je m'entregoule et pituitivement m'exfollicule le verme, le verbe, ça pustulure sec dans mon rivoire et... Alors y en a à qui ça plaît pas… Les gens qui lisent mes romans depuis Femmes, ne lisent pas du tout Paradis… ça (ç-a) leur échappe totalement. Et puis il y a eu des dévots, et ça continue… qui trouvent que j’ai trahi de façon épouvantail… Paradis. Ca ne veut pas savoir… Même surdité, même cécité, de part et d’autre, autrement dit, ça ne veut pas se rasseoir, ces fichus Assis… L’exemple que je prends toujours, bon, c’est un peu exagéré de ma part… Je pense à Picasso… Il ne cherche pas, il groove, c'est assez intussuspectible, blourg... blourg... bleurp... je m'encaille, ça me prend toujours comme ça, judasiennement, sang criée lard, ça moule à flot, une vraie coulée qui me subverge et me laisse, nu, sur la berge, avec la brumeuse pénalité à éteindre. Les Confucéens veillent au grain. C'est tant mieux, j'ai moulu tout le mien. Je suis le mystique bourrage du clos d'Hélien, un beau parador quatre étoiles pour les amants où je descends pour me rechausser de Paris, car Sollers se repositionne toujours plus inconsistant que la trame gazeuse des nuages et et et puis... je-ça me brûle en même tant puisque je suis mon propre sommeil qui dissipe l'arrosé ça vigne-eau jourde bourde courbe bourbe merde alors comment vous mites c'est l'a-pression je destructugramme-grave mon phone fallait s'y étendre c'est malin le diable oui oui c'est très nubile l'oblique de tout banquet Alain ça profite à qui le meurtre à Platon ou à Manouk Hian hein c'est le piston il n'y en a pas d'autre dreli drelin deux langues non le mot pétri d'exactitude sans dents qui grincent incisives du haut chih chih wo chih chih wo wo ch'o ch'o bavardages wo wo ch'o ch'o abordages et pourtant chu l'a dit rien pour saisir les choses aux quatre coins de l'univers ciel terre ou autre pas de prise pas de clair kuan car... cargaison cargo de nuit forcément les Boers s'y connaissaient en camps pas d'entraînement je vous pris pas papal pas palestinien pas mal à droite non non non concentré concentrationné centré sur le con on y revient toujours à celui-là le grand con qui enfante (sans parole bien sûr l'enfant parle toujours pourtant...) le monde émoi devenir le cir-concis pour retrouver le con le buiçon d'où syprinne toute faribole et plus de 8 000 Byzantins foutus dehors près de Ferrare il fut enterré nu fu Nicolo e di qua di la del Po velcro l'époisse des aimants hache la vie divine quand les peuples d'Europe auront été insidieusement privés de leurs libertés nous jouirons à peine rentrés danserons la guillebole ma parole à bandole ça bande Doll la poupée sur la nationale sur l'ana-tionale je stoppe je fais du stop coke en stock monte ma salope monte donc dans mon bolide je connais Popeye caché dans un vaste et surprenant champ de maïs tu verras on dirait le Sud ça pour sûr tu chanteras de vrais trémolos hurlés dans la pampa le certain c'est que tu jouiras le sertao c'est que tu gémineras puisque double peine penne tu subiras et pas de libération participée fais-moi con ma fiente tu mouilleras etcaetera et l'empereur envoya son manteau doublé de fourrure à ce général et ne songea bientôt qu'à se distraire quelle misère dans le parc tout de même tous ces canards que l'on parque Ilan dans une cave et qu'on nous foute la paix avec ces hoquets de l'increvable fierté nationale moisie puisque Christ et va et vient carchériser la kaïra caillera comme du lait noir de l'aube nous te fumons te jouons te buvons te crachons rond-patapon au Gabon Papon s'impatiente mon capiton il a fait comme un sacré bourrelet sur le cul de cette garce la France baisée jusqu'à l'os à poigne qu'elle crève donc cette baudruche qu'elle ouvre ses barges cuisses j'y saurien bien pondre quelques pieux romans qui la boufferont du dedans comme d'ignobles larves dans une chienne crevée et suintant sous le chaud sollers berce Perse pauvre Alexis ta poésie pas légère sent bon son Maréchal on n'en sort pas j'en crève...
Parvenu à ce stade visiblement pré-coïtal du divin délire verbal où j'ai cru reconnaître (parmi sans doute bien d'autres références encore plus secrètes) quelques vers hermétiques des Cantos de Pound, pour l'amour admiratif duquel il paraît que Sollers a appris un très ancien dialecte de la province de Fout-Chou, la cassette s'est brusquement arrêtée, le claquement du mécanisme me faisant sursauter dans les ténèbres alors que l'ivresse narcotique, dangereuse, commençait à couler dans mon sang épuisé. Les murs suintants de mon misérable cachot, de longues minutes après que la Pythie sollersienne eût cessé d'éCumer ses incompréhensibles avertissements, m'ont paru résonner d'étranges babils murmurés par une voix nasillarde de vieillard.
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