Une prière de Gerard Manley Hopkins parmi les éléments déchaînés, par Gregory Mion (03/12/2024)
Crédits photographiques : Chris J. Ratcliffe (The Guardian).
Manned by hard fighting men both of honor and fame ?
She flew the Stars and Stripes of the land of the free
But tonight she's in her grave on the bottom of the sea.»
Woody Guthrie, The Sinking of the Reuben James.
Note du traducteur :
Il fallait selon nous proposer quelque chose d’absolument nouveau pour donner à relire ou à réécouter l’un des plus grands poèmes de Gerard Manley Hopkins : The Wreck of the Deutschland. Et nous avons déjà pris cette direction dès le titre, plutôt deux fois qu’une d’ailleurs, en choisissant d’abord de parler d’un engloutissement (pour faire apparaître autrement le naufrage), puis en prenant le parti de féminiser le nom du bateau dont il est question (ce que le poète fait lui-même à plusieurs reprises). D’une façon encore plus personnelle, nous n’avons pas choisi d’imiter les nombreux mots-composés de Manley Hopkins, qui sont, chaque fois, des manifestations du génie de l’assonance. Nous les avons décomposés en essayant de ne pas perdre les effets de sonorité. Comme à notre habitude encore, nous avons également déplié le pli de quelques références qui auraient pu paraître un peu obscures à certains lecteurs (nous nous référons là aux mentions de la culture religieuse). En ce qui concerne sinon le vocabulaire de la mer, nous avons pris plaisir à en déployer souvent plus que ce que le texte original a pu en dire, mais avec Manley Hopkins, tout «peu» est un «beaucoup» et il était impensable de refuser cette conversion qui va de l’économie à l’abondance. Enfin, il ne faut pas oublier l’intention d’un tel poème : à savoir se faire l’avocat de Dieu malgré le flagrant délit d’une injustice terrestre. Que penser d’une catastrophe en mer, que faire de la mort de dizaines de passagers, dont celle de cinq sœurs franciscaines qui devaient se rendre aux États-Unis pour vivre leur foi plus librement que dans l’Allemagne persécutrice des catholiques en ce milieu des années 1870 ? Les mots que le poète a recueillis sont des mots qui éprouvent autant qu’ils renforcent la foi. Et plus nous progressons dans cette prière qui devient une plaidoirie pour le Seigneur, plus le régime du Signe s’agrandit, plus ce qui fait signe nous appelle, ce qui nécessitait, en termes de traduction, des formulations presque en lévitation, en tous les cas des formulations qui ont dû quelquefois quitter la terre ferme du texte pour aller s’aventurer sur les très lointaines terres de Dieu espérées par le poème – espérées pour l’Angleterre, témoin et lieu de ce drame combiné de l’homme et du mystère.
Illustration de Garrick Palmer.
L’ENGLOUTISSEMENT DE LA DEUTSCHLAND
par Gerard MANLEY HOPKINS
En guise de juste mémorial pour cinq Sœurs de l’Ordre de Saint-François,
forcées à l’exil en raison des Lois Falk, naufragées le 7 décembre 1875,
entre la nuit noire et le matin de ce jour.
PARTIE PREMIÈRE
I
Tu es mon inventeur
Dieu ! Donateur du souffle et pétrisseur du pain;
Du monde la trame, de la mer le drame;
Du vivant et du défunt le Seigneur;
En moi tu as noué l’osseux et le veineux, tu m’as fixé dans la chair,
Et après – quel effroi s’immisça ! – il s’en est fallu de peu que ce tissage
Fût détissé : or te revoilà me touchant comme au commencement ?
Encore et encore il y a ton doigt, il y a toi que je conçois.
II
J’ai donné mon assentiment
À la foudre – oui ! – au bâton qui s’abat;
Dans ton oreille ma confession fut langue d’oracle,
Aveu de ta crainte, ô Christ, ô Dieu !
Docteur des architectures, génie de l’autel, de l’heure et de la nuit –
La défaillance d’un cœur que ton passage en force et en trombe
A châtié sévèrement, humilié par une horrible suprématie :
Et le ventre crispé, jugé, ligoté par un feu d’anxiété.
III
Son sourcilleux visage
Devant moi, la chevauchée du diable
Dans mon dos – à quel saint se vouer, à quel endroit s’en aller ?
Le sort conjuré, en bourrasque je me suis envolé,
À cœur perdu j’ai fui, au cœur même de l’Eucharistie.
Mon cœur, si je puis dire, battait d’une aile de colombe,
Esprit migrateur, souffrez que je l’honore,
Pour enseigner la flamme aux flammes, pour bénir même les bénédictions.
IV
Poussière je suis, subordonné
D’un sablier – à sa vitre je résiste,
À la merci d’une mouvance, d’une influence,
Et cela se masse puis se disperse à force de gravitation;
Aussi stationnaire que l’eau d’un puits, sous des dehors de glacis,
Pour autant une corde m’assure, toujours, sur les hautes collines,
Sur les versants difficiles, un ligament
De l’Évangile, la serre d’une offrande, un dogme – faveur du Christ.
V
D’un signe de la main, j’encense
Les étoiles, ces lueurs éparpillées,
Ce ravissant émiettement où affleure l’Unité;
Alors je suis scintillement – rayonnement dans le tonnerre;
J’encense le soir, fruit de Damas qui mûrit sa lumière,
Et quoique latente sous les brillants miracles du monde,
La porte de son mystère doit s’entrebâiller – se distinguer;
Ainsi je m’incline les jours d’apparition, ou je remercie les connotations.
VI
Des sources de sa félicité
Ne surgit point le sentiment de suffocation,
Pas plus que du Très-Haut, à l’origine (et d’aucuns savent cela),
La punition donnée ne descend –
Punition et suffocation que les étoiles et les houles décernent,
Réduisent les torts au silence, submergent et dissolvent les cœurs –
Mais cela sillonne le temps comme on fend les flots du fleuve
(Et là le croyant temporise, l’incroyant romance et chavire).
VII
Cela remonte au jour
De son séjour en Galilée;
Au cordial tombeau d’une mûre vie utérine;
De la crèche à la pitié de la Vierge Marie;
À la Passion, impénétrable et irrésistible, à la sueur de sang;
D’où sa suppuration, sa future majoration,
Pressentie toutefois, déjà un torrent –
Circonstances qu’on eût ignorées, si le cœur lourd et fatigué,
VIII
Ne s’en fût déchargé !
Eh quoi ! À la fin des fins, pour le meilleur ou pour le pire,
Un dernier mot retentit ! Comme un fruit liquoreux, gorgé de faste,
Comme cette pulpe va se répandre et mordre les chairs déchaînées !
Assouvir l’homme, emporter les entités – sapide ou insipide.
Au ras de tous les éclats, en plénitude ! – Ici même, avec le temps,
À l’ombre du Calvaire, à l’ombre du Christ héroïque,
On verra les hommes venir – qu’ils en soient ou n’en soient point avertis, bon gré mal gré.
IX
Fais que les hommes te vénèrent,
Dieu, forme trinitaire;
Brise ton adversaire, féroce en sa tanière,
La malice humaine – qu’elle sombre dans l’orage.
Transcendant le charme des adages et l’énoncé des révélations,
Tu es le feu du ciel, tu es la compassion, je l’ai deviné, une froideur et une chaleur;
Le créateur et l’enchanteur du cœur que tu sabordes :
Tu viens parfois paré de ténèbres et c’est là que perce ta miséricorde.
X
Comme le marteau frappe l’enclume,
Ta volonté le forge au feu de ses décrets,
Ou alors, tu serais, disons, l’illicite Printemps
Voleur de son essence d’acier – fusion de son métal, toujours son forgeron.
Sans plus tarder, que tu sois comme un Saint Paul fracassant,
Ou que tu sois Saint Augustin, inusable et sociable savant,
Professe en nous autres ta clémence, et, pour le monde, prononce ton
Empire, mais sois estimé, sois le Monarque adoré.
PARTIE DERNIÈRE
XI
«Que l’un me procure l’épée; qu’un autre
M’amène le fer et les moyens de ferrer; le feu,
La fourche ou le fondeur» – fait savoir la mort et son roulement de tambour,
Et les tempêtes en fanfare font sa gloire.
Mais notre rêve est d’être enraciné sur le plancher des vaches – Périssable
Chair choira en flagrante charogne, même si nous, à la fleur comparable,
Sur la prairie nous ondoyons, faisons fi de la faux,
De son tranchant devoir de grimace, de son occulte lame subite.
XII
Depuis Brême, le samedi, le large fut pris,
En partance pour l’Amérique,
Le colon mêlé aux travailleurs de la mer, hommes et femmes confondus,
Deux cents âmes recensées à l’arrondi –
Ce n’était pas sous ton pavillon, ni même par intuition, ô divin Capitaine,
Qu’elles avaient un brisant pour finalité, une cinquantaine la noyade pour destination;
Pourtant, de l’obscure clameur de ta consécration,
Ne les voyait-on recouvertes, nouées aux nœuds marins par milliers de ton humanité ?
XIII
De la neige et de la glace, elle se débarrasse,
À sa poupe le port s’estompant,
Tel est le dimanche de la Deutschland; et donc se dresse le ciel,
Parce que méchants sont ces climats infinis,
Et l’écume un silex, mer vertébrée d’obscurité dans l’habituelle rafale,
Vent persévérant de l’Est vers le Nord, l’Est encore, maudite boussole;
Rage de blancheur spasmodique, neige cyclonique,
Tu inclines aux abysses mangeurs de pères et d’enfants – semeurs de veuves.
XIV
Elle fit route sous le vent, dans le noir naviguant,
Elle heurta – non point le néfaste minéral
Mais la ligne de crête d’un sable écrasant : à Kentish Knock
La nuit tout à fait la propulsa;
Elle cogna ces hauts-fonds de sa proue et de sa quille :
Le péril, d’un choc désastreux, sur toute sa largeur planta sa banderille;
Et foc, sextant, hélice et gouvernail,
À perpétuité se dissociaient de leur vitalité – elle en fut éprouvée.
XV
L’espoir avait décliné,
L’espoir avait pleuré cette calamité,
Les larmes le défiguraient, les soucis le façonnaient,
L’espoir était absent depuis le temps d’une demi-journée;
Et un criminel crépuscule cerna ce jour de douleur.
Nul sauveteur – seule scintilla une lueur de détresse, puis un feu en tête de mât,
Et des vies emportées à la fin nous vîmes :
Sur les haubans ils s’accrochèrent – les mauvais vents hurleurs les secouèrent.
XVI
D’un perchoir du gréement, l’un descendit à la rescousse
De la gent féminine affolée sur le pont;
Un pan de corde autour de la taille, l’homme était brave et habile –
Une mortelle secousse l’envoya par-dessus bord,
Nonobstant saillante musculature et cœur de lion :
Des heures durant les survivants le virent, en avant, en arrière, dans le remuement
D’une bave rude et sauvage – Quels étaient ses instruments
Parmi les denses giclées du vent, parmi les ruées de la vague pressante ?
XVII
Ils affrontèrent comme un hiver de Dieu –
Inégale querelle tandis qu’ils chutaient sur la passerelle
(Broyés par elle) ou dans les eaux (par elles noyés), ou remous ils devenaient,
Avec la mer folâtrant sur l’épave.
La nuit tonna – préface au ton crucifiant d’une populace crucifiée,
Douleur féminine, souffrance enfantine inconsolée –
Avant que ne se levât une lionne, bravant ces braiments,
Une pythie supplantant le tumulte, un langage marial se formulant.
XVIII
Ah, mon cœur ! Touché en plein cœur de ton boudoir thoracique !
Tu le diras ! Désarçonné par une subtilité magnifique, nous le dirons !
De ma solitude en ce lieu, tu fais un atelier de la parole – bel orateur !
Patrie de ma vie intérieure, mon cœur.
Ô incorrigible dévot du démon, mais porteur de vérité,
Tu pleures ? Se peut-il que tu pleures ? Le galant prélude que voilà !
Elle ne meurt pas, cette allégresse, cette rivière de jeunesse –
Et quelle est la nature de cette transe ? Ce bien-là est-il sous ta stricte dépendance ?
XIX
Une sœur – écoutez la sœur qui invoque
Un supérieur, le sien et le mien ! –
Et les vagues à l’abordage se précipitaient, turbulentes et renversantes;
L’eau salée comme une éruption cutanée, vigoureuse flambée
Qui aveugle son œil – mais elle voit l’essentiel, le substantiel au milieu du démentiel;
En elle se dessine un dessein : être le son qui monte jusqu’aux suprêmes
Oreilles – entendez la supplication de cette sœur de haut rang
Aux gabiers du grand-mât et des drisses, comme elle a vaincu le chahut du gros temps.
XX
Première voix d’un quintette, elle venait
D’une congrégation de femmes vêtues d’un voile sur la tête.
(Ô Deutschland ! Double peine au signal de ton nom !
Ô monde moqueur de ses terres fécondes !
Mais Gertrude la Grande, lys de Saxe, et Martin Luther, issu du même axe,
Fleur du Christ et animal des sylves sous-estimées :
Du seuil de la vie, ceci l’on recueille,
Abel est le cadet de Caïn et aux mêmes seins ils se sont abreuvés).
XXI
Honnies pour un amour viscéral que les hommes savaient, bannies par leur terre natale,
Le Rhin les rejeta – la Tamise au trépas devait les expédier.
Valse de vagues, cristaux de glace, choses fluviales et minérales
Fulminèrent : mais tu es l’Amont de cet aval, Orion en constellation;
Tes mains de tempérance, comme deux plateaux d’une balance, jugeaient des valeurs,
Toi professeur de douleur : dans ton œil
Les flocons en horions étaient des pétales en cavale, un récit d’ondées fleur-de-lysées –
Astronomie d’un charmant paradis.
XXII
Cinq ! Le verdict et l’archétype
Et le chiffre de la souffrance christique.
Imprégnez-vous de ces plaies, empreintes de l’inhumanité,
De ce langage qui parle d’un Sacrifié.
Mais lui-même d’une encoche écorche son troupeau,
Onéreuse cotation sur le marché des morts prématurées –
Signe et stigmate, marque florale, blason pentagonal
Inscrit sur la toison de l’agneau pascal – sur la laine une rosace de chair a pris place.
XXIII
Que la joie soit sur toi, père François, saint d’Assise,
Sollicité par la Vie qui de la mort fut éprise;
Des clous te tordent, la Sainte Lance en toi s’est nichée –
Crucifixion de son sublime horizon
Et sceau de sa séraphique irruption ! Et ces filles, fondées en ses fondations,
Cinq fois vivantes et stigmatisées, par sa grâce et par sa vanité,
Sont sœurs de sanction dans les eaux punitives,
Baignées de ses pitiés en déluges dorés, inspirées par ses regards d’intensité.
XXIV
Plus loin, sur une aimable part de la surface occidentale,
Sur un mont pastoral du pays de Galles,
J’étais ici à l’abri, au repos,
Et eux là-bas étaient la cible des vents irréductibles;
Elle, contre le grain égreneur de noirceur, dans les récifs, contre l’opacité
Du blizzard, au nom de la multitude tremblante et à la vie reconnaissante,
Ainsi elle appelait : «Ô Seigneur, Seigneur, dépêche-toi !»
Et croissait la croix de sa croyance en Christ – baptême improvisé d’une imparfaite Perfection.
XXV
Elle évoquait la majesté ! Que fallait-il en penser ?
Souffle ancestral de la Respiration primordiale.
Était-ce au fond d’elle passion d’être ce que son passionné avait été ?
Souffle – corps aliéné à la Mort délicieuse.
Les hommes avaient somme toute la tête ailleurs, dans ce Génésareth en fureur,
Quand ton ivresse ils perturbèrent par un «Nous périssons» de terreur.
Ou était-ce la couronne, plutôt, qu’elle supplia,
Fort assidue à l’éclosion des consolations malgré l’assiduité du combat ?
XXVI
Et le cœur accoste aux encouragements,
Car les basses glandes de la grisaille sur la Terre embrassées,
Leurs étreintes desserrent – ainsi viennent les cieux du geai bleu,
Le pieux et fructueux mois de mai !
Tout en haut le bleu palpite, noble halo; ou la nuit plus haute encore,
Ses étoiles carillonnantes, sa Voix Lactée doucement papillonnante.
Selon vos représentations, à quel éden le désir s’en remet ?
Ce trésor de toute vision l’étranger ! Ce loup blanc qu’on ne saurait traquer.
XXVII
Mais ces choses n’étaient point concrètes.
Voyez plutôt la rosse harassée agaçant la charrette,
La férule du Temps – l’engendrement d’une requête d’apaisement
Pour le cœur détrempé de ses déchirements.
Outre le danger de l’abominable ciel survolté, se dévoile, au-delà,
Son ascétique prière qui attendrit toute fascination pour la Passion.
J’en déduis, sinon, l’intelligente mesure de son fardeau révélé
Dans la démesure des mers crocodilesques et des vents titanesques.
XXVIII
Mais moi, là, comment je survivrai… Faites-moi une place :
Adjugez-moi une… Inspiration, viens vite en ma besace –
Est-ce de le voir qui sur vous la foudre fait pleuvoir ? Avisez la menace planante,
La présence qu’elle pressentit… or c’est bien lui : le Maître,
L’être en tant qu’être, le seul et l’unique, le Christ, le Roi, le Frontispice :
Il était prêt à parer aux extrémités dans lesquelles il l’avait reléguée;
De sa personne il allait donner, pour les vivants et pour les morts il règnerait;
Glorieuse est l’enjambée qui surpasse l’orgueilleuse – ici ses fins dérivent du souverain bien.
XXIX
Ah ! Là se tenait un cœur vertical,
Là demeurait un œil impérial !
Élucidant le hiéroglyphe de la nuit traumatisante
Et appréciant l’opérateur et ses opérations;
Et comment le dirait-elle sans la diction du présent et du passé, en lui exprimés,
Sans le Ciel et la Terre dont il est le cours et le discours ? –
Cette âme était digne de Simon-Pierre ! Faite de roche Tarpéienne,
Défi aux pluies diluviennes, mais flambeau d’un phare fané par le vent.
XXX
Jésus-Christ, de nos cœurs la lanterne,
Jésus-Christ, d’une vierge l’enfant,
Quelles agapes ont succédé à la nuit noire
Où cette sœur te fit don de sa gloire ? –
C’est une fête en l’honneur de celle qui du péché n’a point connu la défaite.
Et les semences qui lui donnèrent vie sont semailles de ton existence;
Mais là se forma un cœur en frayeur, la naissance d’une conscience,
Un ton pour ta tonalité, ta sécurité – un total pour ta totalité.
XXXI
D’accord : tu es le soutien de son chagrin, l’abondance
De sa patience; mais puisse l’indulgence concerner le reste de ces gens !
Va donc, cher cœur, saigner d’une artère plus amère
Pour ceux d’entre eux qui sont les craintifs incrédules –
Arrive la confiance : le doigt prévenant de l’heureuse Providence,
Ô combien délicat, ô combien tendre et cotonneux ! – à lui on doit l’obéissance,
Il dirige le sein de la Vierge, il est la cloche, tintement du ralliement des brebis égarées –
Faut-il que ce naufrage soit fertile ? D’une graine, pour toi, cette tempête aurait le style ?
XXXII
Je t’admire, maître des marées,
Du Déluge passé, du passage de l’année;
La jetée rejetant les falaises du gouffre,
Sa frontière, son débarcadère et son sanctuaire;
Assoiffant et désaltérant l’océan des esprits réversibles;
Inflexible origine de l’Être : Dieu par-delà
Toute saisie, dynastie au verso
De la Mort, trône veilleur dans son ailleurs, devin des ères mais de nos temps solidaire;
XXXIII
Doté d’une bonté qui résout
L’algèbre de l’eau, comme une arche de Noé
Pour celui qui tend l’oreille; un amour s’insinue à merveille
Pour celui qui s’attarde aux confins des tombeaux et des ombres;
Un vaisseau pour la visite des priants qui n’ont pas leur pareil, parqués au pénitencier,
Persistants pénitents de la dernière heure – la cicatrice impératrice
De notre géant revenu des immersions de la Passion,
Messie du Père de compassion – elle est visible dans la violence de son voyage.
XXXIV
Désormais tu rayonnes, nouveau-né de l’univers,
Biface est la nature de ton nom,
De la race des cieux, de la moelle des cœurs et de la virginité l’allure,
Miraculé de Marie transportée,
D’un triptyque le deuxième «Il est né» parmi la monarchie du tonnerre;
Nul feu de fin du monde à sa venue, nulles ténèbres au jour de son aurore;
Gentillesse, mais aussi altesse à la reconquête de son royaume !
Soudaine pluie délivrée sur le comté, au lieu de l’éclair enflammé méchamment adressé.
XXXV
Notre-Dame des naufragés, sœur au seuil de notre porte,
Noyée parmi nos sables accumulés,
Que votre souvenir ne nous laisse pas en rade – accolade pour la divine Compensation :
Que notre Roi renaisse – ô qu’il réapparaisse sur les âmes britanniques !
Sa Pâque soit de nous – que son jour ajourne le demi-jour, qu’il nous oriente au flambant Orient !
Ainsi va son règne, ainsi elle est illuminée de lui, la singulière dulcinée qu’on appelle Angleterre.
Il est notre prince de fierté, notre rose et notre virtuose en vocation,
Charité, brasier de nos cœurs, chevalier multiplié de nos pensées – Seigneur.
par Gerard MANLEY HOPKINS
En guise de juste mémorial pour cinq Sœurs de l’Ordre de Saint-François,
forcées à l’exil en raison des Lois Falk, naufragées le 7 décembre 1875,
entre la nuit noire et le matin de ce jour.
PARTIE PREMIÈRE
I
Tu es mon inventeur
Dieu ! Donateur du souffle et pétrisseur du pain;
Du monde la trame, de la mer le drame;
Du vivant et du défunt le Seigneur;
En moi tu as noué l’osseux et le veineux, tu m’as fixé dans la chair,
Et après – quel effroi s’immisça ! – il s’en est fallu de peu que ce tissage
Fût détissé : or te revoilà me touchant comme au commencement ?
Encore et encore il y a ton doigt, il y a toi que je conçois.
II
J’ai donné mon assentiment
À la foudre – oui ! – au bâton qui s’abat;
Dans ton oreille ma confession fut langue d’oracle,
Aveu de ta crainte, ô Christ, ô Dieu !
Docteur des architectures, génie de l’autel, de l’heure et de la nuit –
La défaillance d’un cœur que ton passage en force et en trombe
A châtié sévèrement, humilié par une horrible suprématie :
Et le ventre crispé, jugé, ligoté par un feu d’anxiété.
III
Son sourcilleux visage
Devant moi, la chevauchée du diable
Dans mon dos – à quel saint se vouer, à quel endroit s’en aller ?
Le sort conjuré, en bourrasque je me suis envolé,
À cœur perdu j’ai fui, au cœur même de l’Eucharistie.
Mon cœur, si je puis dire, battait d’une aile de colombe,
Esprit migrateur, souffrez que je l’honore,
Pour enseigner la flamme aux flammes, pour bénir même les bénédictions.
IV
Poussière je suis, subordonné
D’un sablier – à sa vitre je résiste,
À la merci d’une mouvance, d’une influence,
Et cela se masse puis se disperse à force de gravitation;
Aussi stationnaire que l’eau d’un puits, sous des dehors de glacis,
Pour autant une corde m’assure, toujours, sur les hautes collines,
Sur les versants difficiles, un ligament
De l’Évangile, la serre d’une offrande, un dogme – faveur du Christ.
V
D’un signe de la main, j’encense
Les étoiles, ces lueurs éparpillées,
Ce ravissant émiettement où affleure l’Unité;
Alors je suis scintillement – rayonnement dans le tonnerre;
J’encense le soir, fruit de Damas qui mûrit sa lumière,
Et quoique latente sous les brillants miracles du monde,
La porte de son mystère doit s’entrebâiller – se distinguer;
Ainsi je m’incline les jours d’apparition, ou je remercie les connotations.
VI
Des sources de sa félicité
Ne surgit point le sentiment de suffocation,
Pas plus que du Très-Haut, à l’origine (et d’aucuns savent cela),
La punition donnée ne descend –
Punition et suffocation que les étoiles et les houles décernent,
Réduisent les torts au silence, submergent et dissolvent les cœurs –
Mais cela sillonne le temps comme on fend les flots du fleuve
(Et là le croyant temporise, l’incroyant romance et chavire).
VII
Cela remonte au jour
De son séjour en Galilée;
Au cordial tombeau d’une mûre vie utérine;
De la crèche à la pitié de la Vierge Marie;
À la Passion, impénétrable et irrésistible, à la sueur de sang;
D’où sa suppuration, sa future majoration,
Pressentie toutefois, déjà un torrent –
Circonstances qu’on eût ignorées, si le cœur lourd et fatigué,
VIII
Ne s’en fût déchargé !
Eh quoi ! À la fin des fins, pour le meilleur ou pour le pire,
Un dernier mot retentit ! Comme un fruit liquoreux, gorgé de faste,
Comme cette pulpe va se répandre et mordre les chairs déchaînées !
Assouvir l’homme, emporter les entités – sapide ou insipide.
Au ras de tous les éclats, en plénitude ! – Ici même, avec le temps,
À l’ombre du Calvaire, à l’ombre du Christ héroïque,
On verra les hommes venir – qu’ils en soient ou n’en soient point avertis, bon gré mal gré.
IX
Fais que les hommes te vénèrent,
Dieu, forme trinitaire;
Brise ton adversaire, féroce en sa tanière,
La malice humaine – qu’elle sombre dans l’orage.
Transcendant le charme des adages et l’énoncé des révélations,
Tu es le feu du ciel, tu es la compassion, je l’ai deviné, une froideur et une chaleur;
Le créateur et l’enchanteur du cœur que tu sabordes :
Tu viens parfois paré de ténèbres et c’est là que perce ta miséricorde.
X
Comme le marteau frappe l’enclume,
Ta volonté le forge au feu de ses décrets,
Ou alors, tu serais, disons, l’illicite Printemps
Voleur de son essence d’acier – fusion de son métal, toujours son forgeron.
Sans plus tarder, que tu sois comme un Saint Paul fracassant,
Ou que tu sois Saint Augustin, inusable et sociable savant,
Professe en nous autres ta clémence, et, pour le monde, prononce ton
Empire, mais sois estimé, sois le Monarque adoré.
PARTIE DERNIÈRE
XI
«Que l’un me procure l’épée; qu’un autre
M’amène le fer et les moyens de ferrer; le feu,
La fourche ou le fondeur» – fait savoir la mort et son roulement de tambour,
Et les tempêtes en fanfare font sa gloire.
Mais notre rêve est d’être enraciné sur le plancher des vaches – Périssable
Chair choira en flagrante charogne, même si nous, à la fleur comparable,
Sur la prairie nous ondoyons, faisons fi de la faux,
De son tranchant devoir de grimace, de son occulte lame subite.
XII
Depuis Brême, le samedi, le large fut pris,
En partance pour l’Amérique,
Le colon mêlé aux travailleurs de la mer, hommes et femmes confondus,
Deux cents âmes recensées à l’arrondi –
Ce n’était pas sous ton pavillon, ni même par intuition, ô divin Capitaine,
Qu’elles avaient un brisant pour finalité, une cinquantaine la noyade pour destination;
Pourtant, de l’obscure clameur de ta consécration,
Ne les voyait-on recouvertes, nouées aux nœuds marins par milliers de ton humanité ?
XIII
De la neige et de la glace, elle se débarrasse,
À sa poupe le port s’estompant,
Tel est le dimanche de la Deutschland; et donc se dresse le ciel,
Parce que méchants sont ces climats infinis,
Et l’écume un silex, mer vertébrée d’obscurité dans l’habituelle rafale,
Vent persévérant de l’Est vers le Nord, l’Est encore, maudite boussole;
Rage de blancheur spasmodique, neige cyclonique,
Tu inclines aux abysses mangeurs de pères et d’enfants – semeurs de veuves.
XIV
Elle fit route sous le vent, dans le noir naviguant,
Elle heurta – non point le néfaste minéral
Mais la ligne de crête d’un sable écrasant : à Kentish Knock
La nuit tout à fait la propulsa;
Elle cogna ces hauts-fonds de sa proue et de sa quille :
Le péril, d’un choc désastreux, sur toute sa largeur planta sa banderille;
Et foc, sextant, hélice et gouvernail,
À perpétuité se dissociaient de leur vitalité – elle en fut éprouvée.
XV
L’espoir avait décliné,
L’espoir avait pleuré cette calamité,
Les larmes le défiguraient, les soucis le façonnaient,
L’espoir était absent depuis le temps d’une demi-journée;
Et un criminel crépuscule cerna ce jour de douleur.
Nul sauveteur – seule scintilla une lueur de détresse, puis un feu en tête de mât,
Et des vies emportées à la fin nous vîmes :
Sur les haubans ils s’accrochèrent – les mauvais vents hurleurs les secouèrent.
XVI
D’un perchoir du gréement, l’un descendit à la rescousse
De la gent féminine affolée sur le pont;
Un pan de corde autour de la taille, l’homme était brave et habile –
Une mortelle secousse l’envoya par-dessus bord,
Nonobstant saillante musculature et cœur de lion :
Des heures durant les survivants le virent, en avant, en arrière, dans le remuement
D’une bave rude et sauvage – Quels étaient ses instruments
Parmi les denses giclées du vent, parmi les ruées de la vague pressante ?
XVII
Ils affrontèrent comme un hiver de Dieu –
Inégale querelle tandis qu’ils chutaient sur la passerelle
(Broyés par elle) ou dans les eaux (par elles noyés), ou remous ils devenaient,
Avec la mer folâtrant sur l’épave.
La nuit tonna – préface au ton crucifiant d’une populace crucifiée,
Douleur féminine, souffrance enfantine inconsolée –
Avant que ne se levât une lionne, bravant ces braiments,
Une pythie supplantant le tumulte, un langage marial se formulant.
XVIII
Ah, mon cœur ! Touché en plein cœur de ton boudoir thoracique !
Tu le diras ! Désarçonné par une subtilité magnifique, nous le dirons !
De ma solitude en ce lieu, tu fais un atelier de la parole – bel orateur !
Patrie de ma vie intérieure, mon cœur.
Ô incorrigible dévot du démon, mais porteur de vérité,
Tu pleures ? Se peut-il que tu pleures ? Le galant prélude que voilà !
Elle ne meurt pas, cette allégresse, cette rivière de jeunesse –
Et quelle est la nature de cette transe ? Ce bien-là est-il sous ta stricte dépendance ?
XIX
Une sœur – écoutez la sœur qui invoque
Un supérieur, le sien et le mien ! –
Et les vagues à l’abordage se précipitaient, turbulentes et renversantes;
L’eau salée comme une éruption cutanée, vigoureuse flambée
Qui aveugle son œil – mais elle voit l’essentiel, le substantiel au milieu du démentiel;
En elle se dessine un dessein : être le son qui monte jusqu’aux suprêmes
Oreilles – entendez la supplication de cette sœur de haut rang
Aux gabiers du grand-mât et des drisses, comme elle a vaincu le chahut du gros temps.
XX
Première voix d’un quintette, elle venait
D’une congrégation de femmes vêtues d’un voile sur la tête.
(Ô Deutschland ! Double peine au signal de ton nom !
Ô monde moqueur de ses terres fécondes !
Mais Gertrude la Grande, lys de Saxe, et Martin Luther, issu du même axe,
Fleur du Christ et animal des sylves sous-estimées :
Du seuil de la vie, ceci l’on recueille,
Abel est le cadet de Caïn et aux mêmes seins ils se sont abreuvés).
XXI
Honnies pour un amour viscéral que les hommes savaient, bannies par leur terre natale,
Le Rhin les rejeta – la Tamise au trépas devait les expédier.
Valse de vagues, cristaux de glace, choses fluviales et minérales
Fulminèrent : mais tu es l’Amont de cet aval, Orion en constellation;
Tes mains de tempérance, comme deux plateaux d’une balance, jugeaient des valeurs,
Toi professeur de douleur : dans ton œil
Les flocons en horions étaient des pétales en cavale, un récit d’ondées fleur-de-lysées –
Astronomie d’un charmant paradis.
XXII
Cinq ! Le verdict et l’archétype
Et le chiffre de la souffrance christique.
Imprégnez-vous de ces plaies, empreintes de l’inhumanité,
De ce langage qui parle d’un Sacrifié.
Mais lui-même d’une encoche écorche son troupeau,
Onéreuse cotation sur le marché des morts prématurées –
Signe et stigmate, marque florale, blason pentagonal
Inscrit sur la toison de l’agneau pascal – sur la laine une rosace de chair a pris place.
XXIII
Que la joie soit sur toi, père François, saint d’Assise,
Sollicité par la Vie qui de la mort fut éprise;
Des clous te tordent, la Sainte Lance en toi s’est nichée –
Crucifixion de son sublime horizon
Et sceau de sa séraphique irruption ! Et ces filles, fondées en ses fondations,
Cinq fois vivantes et stigmatisées, par sa grâce et par sa vanité,
Sont sœurs de sanction dans les eaux punitives,
Baignées de ses pitiés en déluges dorés, inspirées par ses regards d’intensité.
XXIV
Plus loin, sur une aimable part de la surface occidentale,
Sur un mont pastoral du pays de Galles,
J’étais ici à l’abri, au repos,
Et eux là-bas étaient la cible des vents irréductibles;
Elle, contre le grain égreneur de noirceur, dans les récifs, contre l’opacité
Du blizzard, au nom de la multitude tremblante et à la vie reconnaissante,
Ainsi elle appelait : «Ô Seigneur, Seigneur, dépêche-toi !»
Et croissait la croix de sa croyance en Christ – baptême improvisé d’une imparfaite Perfection.
XXV
Elle évoquait la majesté ! Que fallait-il en penser ?
Souffle ancestral de la Respiration primordiale.
Était-ce au fond d’elle passion d’être ce que son passionné avait été ?
Souffle – corps aliéné à la Mort délicieuse.
Les hommes avaient somme toute la tête ailleurs, dans ce Génésareth en fureur,
Quand ton ivresse ils perturbèrent par un «Nous périssons» de terreur.
Ou était-ce la couronne, plutôt, qu’elle supplia,
Fort assidue à l’éclosion des consolations malgré l’assiduité du combat ?
XXVI
Et le cœur accoste aux encouragements,
Car les basses glandes de la grisaille sur la Terre embrassées,
Leurs étreintes desserrent – ainsi viennent les cieux du geai bleu,
Le pieux et fructueux mois de mai !
Tout en haut le bleu palpite, noble halo; ou la nuit plus haute encore,
Ses étoiles carillonnantes, sa Voix Lactée doucement papillonnante.
Selon vos représentations, à quel éden le désir s’en remet ?
Ce trésor de toute vision l’étranger ! Ce loup blanc qu’on ne saurait traquer.
XXVII
Mais ces choses n’étaient point concrètes.
Voyez plutôt la rosse harassée agaçant la charrette,
La férule du Temps – l’engendrement d’une requête d’apaisement
Pour le cœur détrempé de ses déchirements.
Outre le danger de l’abominable ciel survolté, se dévoile, au-delà,
Son ascétique prière qui attendrit toute fascination pour la Passion.
J’en déduis, sinon, l’intelligente mesure de son fardeau révélé
Dans la démesure des mers crocodilesques et des vents titanesques.
XXVIII
Mais moi, là, comment je survivrai… Faites-moi une place :
Adjugez-moi une… Inspiration, viens vite en ma besace –
Est-ce de le voir qui sur vous la foudre fait pleuvoir ? Avisez la menace planante,
La présence qu’elle pressentit… or c’est bien lui : le Maître,
L’être en tant qu’être, le seul et l’unique, le Christ, le Roi, le Frontispice :
Il était prêt à parer aux extrémités dans lesquelles il l’avait reléguée;
De sa personne il allait donner, pour les vivants et pour les morts il règnerait;
Glorieuse est l’enjambée qui surpasse l’orgueilleuse – ici ses fins dérivent du souverain bien.
XXIX
Ah ! Là se tenait un cœur vertical,
Là demeurait un œil impérial !
Élucidant le hiéroglyphe de la nuit traumatisante
Et appréciant l’opérateur et ses opérations;
Et comment le dirait-elle sans la diction du présent et du passé, en lui exprimés,
Sans le Ciel et la Terre dont il est le cours et le discours ? –
Cette âme était digne de Simon-Pierre ! Faite de roche Tarpéienne,
Défi aux pluies diluviennes, mais flambeau d’un phare fané par le vent.
XXX
Jésus-Christ, de nos cœurs la lanterne,
Jésus-Christ, d’une vierge l’enfant,
Quelles agapes ont succédé à la nuit noire
Où cette sœur te fit don de sa gloire ? –
C’est une fête en l’honneur de celle qui du péché n’a point connu la défaite.
Et les semences qui lui donnèrent vie sont semailles de ton existence;
Mais là se forma un cœur en frayeur, la naissance d’une conscience,
Un ton pour ta tonalité, ta sécurité – un total pour ta totalité.
XXXI
D’accord : tu es le soutien de son chagrin, l’abondance
De sa patience; mais puisse l’indulgence concerner le reste de ces gens !
Va donc, cher cœur, saigner d’une artère plus amère
Pour ceux d’entre eux qui sont les craintifs incrédules –
Arrive la confiance : le doigt prévenant de l’heureuse Providence,
Ô combien délicat, ô combien tendre et cotonneux ! – à lui on doit l’obéissance,
Il dirige le sein de la Vierge, il est la cloche, tintement du ralliement des brebis égarées –
Faut-il que ce naufrage soit fertile ? D’une graine, pour toi, cette tempête aurait le style ?
XXXII
Je t’admire, maître des marées,
Du Déluge passé, du passage de l’année;
La jetée rejetant les falaises du gouffre,
Sa frontière, son débarcadère et son sanctuaire;
Assoiffant et désaltérant l’océan des esprits réversibles;
Inflexible origine de l’Être : Dieu par-delà
Toute saisie, dynastie au verso
De la Mort, trône veilleur dans son ailleurs, devin des ères mais de nos temps solidaire;
XXXIII
Doté d’une bonté qui résout
L’algèbre de l’eau, comme une arche de Noé
Pour celui qui tend l’oreille; un amour s’insinue à merveille
Pour celui qui s’attarde aux confins des tombeaux et des ombres;
Un vaisseau pour la visite des priants qui n’ont pas leur pareil, parqués au pénitencier,
Persistants pénitents de la dernière heure – la cicatrice impératrice
De notre géant revenu des immersions de la Passion,
Messie du Père de compassion – elle est visible dans la violence de son voyage.
XXXIV
Désormais tu rayonnes, nouveau-né de l’univers,
Biface est la nature de ton nom,
De la race des cieux, de la moelle des cœurs et de la virginité l’allure,
Miraculé de Marie transportée,
D’un triptyque le deuxième «Il est né» parmi la monarchie du tonnerre;
Nul feu de fin du monde à sa venue, nulles ténèbres au jour de son aurore;
Gentillesse, mais aussi altesse à la reconquête de son royaume !
Soudaine pluie délivrée sur le comté, au lieu de l’éclair enflammé méchamment adressé.
XXXV
Notre-Dame des naufragés, sœur au seuil de notre porte,
Noyée parmi nos sables accumulés,
Que votre souvenir ne nous laisse pas en rade – accolade pour la divine Compensation :
Que notre Roi renaisse – ô qu’il réapparaisse sur les âmes britanniques !
Sa Pâque soit de nous – que son jour ajourne le demi-jour, qu’il nous oriente au flambant Orient !
Ainsi va son règne, ainsi elle est illuminée de lui, la singulière dulcinée qu’on appelle Angleterre.
Il est notre prince de fierté, notre rose et notre virtuose en vocation,
Charité, brasier de nos cœurs, chevalier multiplié de nos pensées – Seigneur.
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