The Racing Rats (11/09/2007)

Crédits photographiques : Rodrigo Abd (Associated Press).
«White bodies naked on the low damp ground
And bones cast in a little low dry garret,
Rattled by the rat’s foot only, year to year.»
T. S. Eliot, The Waste Land, III, The Fire Sermon.

«That scene, with Macbeth helpless and desperate
In his nightmare – when he meets the hags again
And sees the apparitions in the pot –
I felt at home with that one all right.»
Seamus Heaney, Keeping Going.


Je marchai avec C. dans les rues de Lyon. Pressée contre mon bras, son parfum paraissait légèrement réchauffer l'atmosphère, glaciale en cette nuit du 11 septembre 1997.
Nous approchions de la place Saint-Paul, venant d'un bar de la presqu'île où nous avions longuement discuté.
Sa vie, me disait-elle sans toutefois se plaindre, était d'une tranquillité sidérante.
La mienne ne parvenait pas à trouver ce point d'Archimède depuis lequel, selon Kierkegaard, une volonté pouvait faire basculer le monde à condition d'être parvenue à l'équilibre.
C. était-elle ce point miraculeux que je continue de chercher ?
Nous marchions dans la nuit, sans échanger un mot.
Cette ville où j'ai vécu durant près de trente ans, comme Paris qu'elle s'efforçait depuis des lustres de grimer non sans la jalouser, n'était pas encore devenue une banale capitale provinciale s'affichant désormais, comme une garce pressée de plaire et sûre de ses chairs exposées, des bords de Saône festifs et socialement bigarrés.
Pressant le pas et ignorant les rares promeneurs autour de nous, nous nous taisions, sachant que ces quelques minutes étaient précieuses : recueillies, elles tentaient de retenir l'essence volatile d'images incomparables.
Ces minutes, pouvions-nous l'ignorer, étaient aussi les dernières que nous passerions ensemble, le froid mordant aiguisant leur morfil.
Ainsi plongés dans nos propres souvenirs, oubliant l'instant donné et mal reçu, nous n'accordâmes aucune attention à un rat noir évitant comme si c'était de l'acide la flaque de lumière vers laquelle nous avancions, solitaires et silencieux, approchant du pont La Feuillée.
Lorsque je rentrai chez moi, quelques heures plus tard, je devais longtemps, sans parvenir à m'endormir, voir ce rat devenu énorme fureter dans l'obscurité de ma chambre, s'échappant d'une immense tour en flammes que C. me désignait d'un regard terrorisé.

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