Une rentrée littéraire idéale (15/10/2007)

«Nous ne savons ni bâtir ni sculpter ni peindre, notre musique est une abomination, et c’est pourquoi nous restaurons les monuments anciens au lieu de les détruire et c’est pourquoi nous nous rendons conservateurs de tous les styles, double aveu d’impuissance»,
Albert Caraco, Bréviaire du chaos (L’Age d’Homme, coll. Le Bruit du Temps, 1982), p. 53.


Non mes chers lecteurs, cette photographie d'une vitrine de librairie n'est absolument pas truquée.
Vous avez bien cherché, fébrilement, les prénoms et noms de Yannick Haenel, François Meyronnis, Éric Reinhardt, Charles Dantzig, Philippe Forest, Marie Darrieussecq ou encore Amélie Nothomb.
Vous les avez bien cherchés et ne les avez point trouvés. Normal, ils n'y sont pas.
Vous avez bel et bien lu, en revanche, vous demandant si l'on vous jouait quelque plaisanterie, les noms de McCarthy, Celan, Sábato, Bernanos, Maistre ou encore Kierkegaard.
Aucun malfaisant génie de l'informatique n'a pris le contrôle de votre ordinateur, projetant sur votre écran le visible témoignage de sa folie. La preuve ci-dessous, en agrandissement je vous prie.

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Tout de même, cette photographie a beau ne pas avoir été truquée (malgré la présence de quelques évidentes fautes de goût, comme le livre survendu de Yasmina Reza, que l'on devine heureusement caché par Paul Celan), vous vous doutez bien qu'elle eût été presque rigoureusement impossible à prendre en France, pour d'évidentes raisons de pression économique mais aussi de crasse ignorance et de plus en plus nette propension de mes amis libraires à suivre le mouvement du troupeau de moutons...
Il nous faut donc des piles entières de Reza et, dans quelques jours si nous survivons à l'angoissante attente, de Philippe Sollers, que j'ai surnommé naguère le Doge de la bêtise.
Sollers justement. Si j'avais l'esprit joueur, j'aurais pu offrir une collection complète, dûment dédicacée de tous les livres de Philippe Sollers (autant traduire cette phrase hermétique par une expression plus claire : une véritable petite fortune !) au premier de mes lecteurs qui m'eût donné la ville et le pays où ce cliché, je le répète absolument authentique, a été pris.
Assez curieusement, vous noterez que mon livre est celui qui s'est laissé, de loin, le plus difficilement photographier, comme s'il était celui qui réfléchissait le plus la lumière extérieure...
Il faut s'en approcher, et encore, suivant une oblique qui, selon Alain, était la marque (signum diaboli) évidente du démon, pour qu'il cesse d'être lumineux; bien sûr, je précise ce point pour les grincheux, j'ai écrit ces mots sans la moindre trace de prétention ironique.

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Cette étrange bizarrerie à mettre sur le compte d'un livre pour le moins ténébreux m'a plongé dans une joyeuse méditation.
La réponse à notre petite devinette se cache derrière ce lien.

Il s'agit de la librairie LireLoue (Alain Deshaies, que je remercie bien sincèrement), 2374, rue Beaubien est, Montréal (Québec).

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