Georges Bernanos, l'oublié de Plon (06/02/2008)

Ce sera, le 5 juillet, le soixantième anniversaire de la mort de l'un des plus grands écrivains du siècle passé, Georges Bernanos et, sans doute pour marquer dignement cet événement qui reste ou devrait rester considérable, les éditions Plon ont décidé de publier... Philippe Sollers. Il est vrai, dans son pathétique dernier vrai-faux roman, le vieux faune solipsiste évoque, en deux lignes idiotes qui se veulent probablement pleines d'humour, Bernanos. Les patrons de Plon ont dû estimer que le rappel était bien suffisant, surtout sous la plume de l'un des plus grands écrivains parfaitement inutiles du siècle passé et de celui-ci, le nôtre, par-dessus le marché.
Un regard jeté sur les prochaines parutions d'une maison qui, naguère, fut prestigieuse, ne laisse, sur cet étrange oubli, aucun doute : j'ai eu beau chercher les prénom et nom du Grand d'Espagne, je n'ai trouvé que ceux de Pierre Juveneton, auteur d'un ouvrage sobrement intitulé Ma santé par la naturopathie, de la célèbre Laurence Boccolini, un poétique Puisque les cigognes ont perdu mon adresse, d'un certain François Paul-Cavallier, Je me découvre par la psychogénéalogie ou bien enfin, puisque ce petit sondage nous aura suffisamment renseigné sur la profondeur réellement abyssale où les valeureux scaphandriers des éditions Plon ont décidé de capturer quelques créatures aussi monstrueuses que translucides, de Lise Bartoli, un enthousiasmant Je me libère par l'hypnose. Plon lui, apparemment, est hypnotisé par une idole ayant un nom aussi vulgaire que commun : la médiocrité marchande.
Les magnifiques livres de Georges Bernanos ont donc disparu non seulement de la liste fort savante des livres à paraître au programme de notre noble éditeur mais, plus simplement et d'ores et déjà, des rayons des librairies, puisque les principaux romans de l'écrivain, tels qu'ils ont été édités par Plon, sont devenus pratiquement introuvables. Et que dire des trois volumes de sa correspondance ? Depuis combien d'années sont-ils d'ailleurs introuvables ailleurs que chez les bouquinistes ? Je me souviens que Christian Combaz, dans le numéro spécial que la revue Europe avait consacré à Bernanos, s'était déjà offusqué du traitement infligé par Plon aux romans d'un écrivain sans lequel, sans doute, cet éditeur n'aurait pas été grand-chose de plus qu'un distributeur pour échotiers, ce qu'il est apparemment devenu. Avec empressement, les responsables de cette revue avaient d'ailleurs fait remarquer, comme il se doit, que les propos de l'auteur n'engageaient nulle autre que lui-même.
Bernanos est ainsi non pas à la merci des passants, mais des marchands. Bernanos mort aurait-il été fait prisonnier, par la volonté de quelques grossiers vendeurs de détritus imprimés ayant oublié ce qu'ils devaient à un tel écrivain, d'un Purgatoire éditorial aussi mou que gris, ouinien en somme, exactement le genre de punition qu'il eût fait enrager ce diable de romancier ?
Étant au moins aussi bien renseigné que l'inestimable dénicheur de scoops littéraires picrocholins, j'ai bien évidemment nommé Pierre Assouline, je puis dire à mes lecteurs que je connais le nom de l'éditeur qui, désormais et dès cette année, va accomplir la tâche que Plon aurait dû se faire un devoir de continuer à mener à bien, publier les romans de Georges Bernanos, espérons-le agrémentés de préfaces dignes de ce nom, pas forcément universitaires donc : de vrais textes, tout ce que l'on voudra sauf de la bouillie pré-digérée (et bien mal : quelques gros morceaux risquent de faire s'étouffer nos oisillons estudiantins) par Monique Gosselin-Noat.
Non mes amis, il ne s'agit pas de Gallimard, dont l'édition en deux volumes des romans de Bernanos, annoncée depuis des années dans la collection de la Pléiade, doit décanter dans quelque recoin du bureau d'Antoine, attendant que se cristallise le bon vouloir de ce grand patron. Il est vrai que cette édition, si elle ressemble au dernier texte sur Bernanos, infâme et approximatif, que Monique Gosselin-Noat a signés, risquent de couvrir de ridicule un grand éditeur...
Quoi qu'il en soit, c'est le Castor Astral (ayant publié un recueil des superbes nouvelles de l'un des fils du grand écrivain, Michel) qui va désormais reprendre l'édition des romans de Georges Bernanos.
Et voici, pour saluer à ma façon le terrifiant premier roman de Bernanos, Sous le soleil de Satan paru en 1926 et qui n'a, bien sûr, rien perdu de sa force, les deux premières pages d'un article (qui en compte près d'une trentaine) écrit pour les Études bernanosiennes, dont le numéro 24 semble décidément ne plus devoir paraître, sans doute parce que les éditions Minard ont été liquidées.

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