La Légende de nos pères de Sorj Chalandon (06/02/2010)

Crédits photographiques : Rajanish Kakade (Associated Press).
31pFLL22utL._SS500_.jpgÀ propos de La Légende de nos pères de Sorj Chalandon paru aux éditions Grasset, 2009.
LRSP (livre reçu en service de presse).

8.1 Bouton Commandez 100-30

Cette critique a paru dans le numéro de Valeurs actuelles du 4 février 2010.

Se pourrait-il que nos écrivains se mettent enfin à écrire comme des hommes, c’est-à-dire comme des fils tourmentés qui veulent recevoir de leur père des réponses à leurs questions ? Avec Un roman français de Frédéric Beigbeder, Démon de Thierry Hesse, Les Taiseux de Jean-Louis Ezine*, Sorj Chalandon tente lui aussi de redonner vie, dans ce beau roman qu’est La légende de nos pères, aux figures du passé proche, celui de la Seconde Guerre mondiale. L’écrivain y évoque le père de son narrateur, portant le nom de code de Brumaire, de son vrai nom Frémaux, «sillon d’histoire» dont l’enterrement, le 17 novembre 1993, a réuni «neuf personnes et trois drapeaux». Parmi ces neuf personnes, un homme, Tescelin Beuzaboc et sa fille, Lupuline qui demandera à l’ancien journaliste, homme falot devenu biographe pour petites gens, d’écrire le récit plein de bruit et de fureur que lui fera son père. Le narrateur, fils d’un véritable résistant qui n’a jamais réclamé le moindre honneur, comprendra vite que Tescelin Beuzaboc a de toutes pièces inventé son passé, à seule fin de peupler d’héroïsme facile les rêves de sa fille. Elle-même n’est pas dupe : son père est un faussaire et elle le sait, même si elle n’ose se l’avouer. Pourtant, notre pâle biographe décidera d’écrire et même d’embellir l’histoire du faux résistant Beuzaboc, afin de le clouer au cadavre de son imposture grâce aux prestiges d’un livre qui sera lui-même mensonger. Beuzaboc finalement, une fois le livre imprimé, devant sa fille et ses amis réunis avouera qu’il n’a été qu’un faussaire, cette volonté douloureuse de dire la vérité avant de mourir étant à ses yeux l’unique courage dont puisse désormais s’enorgueillir un homme banal, un homme qui n’a trahi personne, qui ne s’est pas engagé non plus, qui a juste «détourné les yeux». Est-ce aussi suggérer que le dernier salut d’un imposteur adressé à un véritable combattant, ne saurait décidément, dans un monde devenu vide, constituer l’unique réponse d’un père à son enfant ?

* Critique à paraître dans Valeurs actuelles.

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