George Steiner au cœur du mystère chrétien ? (17/02/2014)

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Photographie (détail) de Juan Asensio.
Cette étude a paru dans le collectif dirigé par Ricardo Gil Soeiro, The Wounds of Possibility. Essays on George Steiner, publié par les Éditions de l'Université de Cambridge. Cet article avait précédemment paru dans le numéro du mois de novembre 2011 dans la revue Études.

38363358522_113f94d36e_o.jpgGeorge Steiner dans la Zone.





3112951835.jpgPierre Boutang dans la Zone.





La position que George Steiner nourrit par rapport au christianisme est complexe, ambiguë, paradoxale. Elle n’hésite pas en tout cas à s’aventurer profondément, jusqu’au cœur du mystère chrétien, en utilisant à des fins profanes et esthétiques, par exemple, le concept de «réelle présence» (1) emprunté à la théologie de l’eucharistie par le penseur qui, dans un ouvrage du même titre, a tenté de définir les caractéristiques d’un art occidental enté sur l’arbre du divin, au moins jusqu’à une époque encore récente.
Évoquer, même, une fascination de Steiner à l’égard du christianisme peut sembler un euphémisme pour celui qui jamais, selon ses dires, n’a cessé de relire Kierkegaard (2), le philosophe par excellence de ce que nous pourrions, après Pessoa, appeler l’intranquillité. Bien plus car, plutôt que de parler d’ambiguïté, nous pourrions avancer que le rapport que Steiner a tissé avec le christianisme appartient à la catégorie du secret (3), dont l’une des possibles voies de figuration serait la fiction.
Il est ainsi relativement aisé de démontrer que le personnage d’Adolf Hitler, tel que George Steiner a choisi de la camper dans Le Transport de A. H., peut être rapproché d’un Christ parodique ou, pour le dire plus explicitement, de l’Antichrist (4). Ce n’est pas un hasard si l’auteur, lorsque tel journaliste, en l’occurrence Ramin Jahanbegloo, le questionne trop ouvertement sur son rapport à Dieu, refuse de donner une réponse claire et franche (5).
Second point : cet article est forcément simplificateur (6) puisqu’il n’évoquera qu’obliquement la conception steinerienne de Dieu, laquelle hésite entre la tradition apophatique, le Dieu caché des mystiques chrétiens et la proclamation par la philosophie occidentale de la mort de Dieu ou par la pensée juive de son éclipse, c’est-à-dire de ce retrait (ou tsintsoum) évoqué par nombre de textes cabalistiques.
Le paradoxe que George Steiner se garde bien de dénouer est alors le suivant : comment parier sur le fait que l’Art peut nous offrir une «réelle présence» alors que, peut-être, sans doute dirait le pessimiste Steiner, Dieu est mort ? (7) Ne sommes-nous pas dès lors condamnés, lorsque nous lisons comme lorsque nous prions, à faire comme si (8) ?
Affirmons-le d’emblée : le christianisme est, pour George Steiner, responsable historiquement et théologiquement de la tragédie majeure du siècle passée, l’extermination de plusieurs millions de Juifs dans les chambres à gaz nazies. Cette assertion, à maint égard scandaleuse si nous ne tentons pas de l’expliquer, est déjà présente dans l’un des premiers essais de l’auteur, intitulé Dans le château de Barbe-Bleue (9). Le penseur y avance cependant à mots couverts lorsqu’il déclare que «Dans les camps a fleuri l'obscénité millénaire de la peur et de la vengeance, cultivée dans l'esprit occidental par les doctrines chrétiennes de la damnation» (10).
En somme, l’État totalitaire moderne et singulièrement son surgeon le plus diabolique, le nazisme, ne pourraient se passer, pour assurer leur survie, de la vieille conception religieuse judéo-chrétienne selon laquelle une verticalité transcendantale conduit les âmes vers la grâce du Paradis ou la damnation de l’Enfer, car cet État, peu ou prou, fonde son autorité sur les restes galvaudés d’un sacré devenu fou. George Steiner revient sur ce qu’il appelle une «métaphore de travail» dans un article publié en 1978 dans le New Yorker où il écrit que «l’érosion de la présence de Dieu dans la vie quotidienne et la légitimité politique a nécessité l’institution d’un substitut de damnation sur terre (l’Enfer au-dessus du sol) – le substitut en question étant les goulags nazi, soviétique, chilien et cambodgien» (11).
Dès lors, poursuit Steiner, il est commode de comprendre la logique horrible par laquelle les Nazis ont fait de la Shoah une «réédition de la Chute» (12), autrement dit un abandon volontaire du Jardin d’Éden, souvenir dont la pureté pourrait troubler la conscience des bourreaux, éveiller une nostalgie inapaisable, la soif, comme nous le voyons chez le maire de Fenouille, ce tragique et pitoyable personnage de Monsieur Ouine de Georges Bernanos, de l’innocence. Notons que George Steiner, proche en cela des idées d’un Éric Voegelin (13) ou d’un Augusto Del Noce (14), sait parfaitement que l’idéologie nazie n’est rien d’autre que l’enfant monstrueux d’un christianisme sécularisé, de nouveau gros des larves du paganisme, hanté par le mauvais rêve idolâtre (15).
George Steiner toutefois va plus loin lorsqu’il déclare que la Shoah peut être expliquée par la volonté d’amputation du souvenir, aidée par les techniques de la propagande moderne et de l’extermination systématique, visant à éradiquer tout souvenir de trois moments insignes vécus par l’humanité, moments qui, à l’évidence, sont juifs, moments où la culture occidentale affronte, selon le mot d’Ibsen, les «exigences de l’idéal» (16) : le premier est l’invention du monothéisme, le deuxième la naissance du christianisme, secte juive hérétique et, enfin, le troisième concerne le socialisme messianique (17). Dès lors, George Steiner peut avancer la proposition suivante : «En tuant les juifs, la culture occidentale éliminerait ceux qui avaient «inventé» Dieu et s'étaient faits, même imparfaitement, même à leur corps défendant, les hérauts de son Insupportable Absence. L'holocauste est un réflexe, plus intense d'avoir été longtemps réprimé, de la sensibilité naturelle, des tendances polythéistes et animistes de l'instinct» (18).
On le constate donc aisément, l’explication de la Shoah qui, selon les termes mêmes de Steiner, constitue l’axe autour duquel tourne tout ce qu’il a écrit, sa pensée et son enseignement (19), ou tout du moins une des tentatives d’explication de cette dernière est double : d’abord le reproche fait aux Juifs d’avoir par trois fois stigmatisé le fond de bestialité résidant en chaque homme en invitant l’humanité à se dresser hors du cloaque de ses instincts bestiaux. Second reproche, adressé cette fois au christianisme, que nous pourrions à son tour diviser en un aspect métaphysique et un aspect historique. Historiquement, le christianisme se serait fait le complice involontaire ou, pis, consentant, des massacres des populations juives qui ont scandé l’histoire douloureuse du Peuple du Livre. Métaphysiquement, le christianisme, dans sa volonté de convertir ses frères aînés, dans son désir paroxystique ou plutôt apocalyptique de hâter la Parousie littéralement dépendante de la conversion du dernier des Juifs, n’aurait pas hésité à tolérer une disparition pure et simple de ceux-ci, comme George Steiner, en s’appuyant sur sa lecture de l’Épître aux Romains, le reproche à son ami Pierre Boutang, qui de toutes ses forces rejette pareille accusation (20) : «Mais ayez le courage, bon Dieu, s’écrie ainsi George Steiner, de dire que pour vous la disparition du juif serait finalement...». Nous connaissons la réponse de Pierre Boutang, qui ne semble guère avoir convaincu son ami, si l’on en juge par les déclarations qu’il nous livre, sur cette même question d’une responsabilité directe du christianisme dans l’extermination de millions de Juifs, dans ses derniers ouvrages.
Finalement, un parallèle pourrait être commodément tracé entre le sort réservé aux Juifs tout au long des siècles et Judas, dont la figure emblématique aurait constitué un repoussoir idoine, le réceptacle de la haine des chrétiens à l’égard de l’apôtre félon qui livra le Christ (21). Comme Alain Boureau l’écrit : «le mythe associe Judas au Christ dont la présence liturgique scande la vie du Chrétien; chaque juif trahit le Christ au terme d'une passion incestueuse […]. Chaque juif recommence Judas, non par métaphore ni par filiation de responsabilité, mais par le mystère d'une présence réelle» (22). George Steiner lui, faisant remarquer que la bouchée que donne le Christ à son apôtre constituait un véritable «contre-sacrement dans une antinomienne Eucharistie de damnation» (23) écrit ces lignes terribles : «Judas entre dans une nuit de culpabilité collective qui n'en finira jamais. Dire que sa sortie est la porte ouverte à la Shoah n'est que pure vérité. La «solution finale» proposée, accomplie par le national-socialisme au XXe siècle, est la conclusion parfaitement logique, axiomatique, de l'identification du Juif à Judas» (24). Dans la figure maudite de Judas, Steiner croit également lire l’impatience messianique d’un apôtre, sans doute celui qui aima le plus le Fils de Dieu, ayant désiré hâter de toutes ses forces l’avènement d’un gouvernement temporel radicalement novateur, apocalyptique, au sens premier du terme. Ainsi l’auteur rappelle-t-il que : «Dans certaines communautés religieuses, au moins jusqu'aux Ve-VIe siècles, Judas fut vénéré pour s'être sacrifié, pour la nécessaire sainteté de son geste. C'était lui qui avait déclenché le miracle de la Croix et donc du Salut pour l'humanité pécheresse. Son suicide est le fruit d'une désespérante précipitation. Judas avait attendu que le Fils de l'Homme descendît de la Croix pour se révéler dans la gloire cosmique» (25).
Le Christ crucifié, ayant été incapable de restaurer le royaume d'Israël dans ses droits (bien au contraire, puisque les Juifs furent lourdement exterminés en 70 et en 135), comment ne pas se moquer des prétentions d'un aussi chétif et pusillanime Messie ? «C'est trop facile !, s'exclame George Steiner lorsque Pierre Boutang affirme que la crucifixion du Christ n'a eu de sens que comme prélude, prophétie, car une préfiguration qui ne porte à aucun changement fondamental dans l'histoire, c'est de la littérature, comme on dit en français !» C'est encore qu'avec «le Messie doit venir, pour le Juif, doit venir un vrai changement dans la qualité du comportement humain». Au lieu de cela, ajoute l’auteur, nous qui sommes à deux mille ans de l'événement crucial pour les chrétiens, nous n'avons jamais vu autre chose que le monde qui «continue à sombrer dans le sang, dans la barbarie, dans la torture et dans la saloperie la pire». Pierre Boutang répond à ces arguments convenus qu’il «ne faut pas vouloir que le salut soit déjà donné quand il est préparé, et [qu’]il y a une longue phase de l'histoire [qui] s'appelle l'Ancien Testament, dans laquelle cela est préparé». Mais George Steiner ne peut accepter une telle réponse ; il demande donc, une nouvelle fois : «Mais pourquoi ne se passe-t-il rien au moment du Christ ?» Boutang donne alors à son ami une réponse magnifique : «Mais c'est accompli ! […] Quand vous dites qu'il y a des saletés dans le monde, et des horreurs, je vous dis oui, mais il y a Antigone, mais il y a Jeanne d'Arc, mais il y a... le regard d'un enfant ! Mais tout recommence chaque fois qu'un enfant naît, vous le savez bien» (26).
Rapidement exposés, les reproches que George Steiner adresse au christianisme ne sont donc pas absolument nouveaux, même si ces vues ne sauraient être réduites à des explications mettant en avant les motivations purement antisémites des chrétiens au travers des siècles. S'arrêter à cette couche superficielle, comme le fait Myriam Revault d'Allonnes (27), serait d'ailleurs faire preuve d'une coupable cécité. Ces mêmes reproches sont, je crois, plus sûrement redevables d'une explication métaphysique et peut-être, je le dis littéralement, d'une vision, d'une véritable intuition mystique, qui éprouve d’ailleurs les pires difficultés lorsqu'elle doit se dire. Allons-nous déformer la pensée subtile de George Steiner en écrivant qu'il affirme une inconcevable identité spéculaire – puisque videmus nunc per speculum, in aenigmate – entre Dieu fait homme (et le refus juif de l'admettre, d'admettre pareille énormité, refus qui L’a conduit jusqu'à la croix) et l'homme fait bête (et sa glorification) (28), entre le Christ et le Juif qu'il était – qu'il est et sera – tout en assumant et dépassant par son onction divine l'immémoriale tradition du Peuple élu, entre le Christ juif et sorti du judaïsme – pour l’accomplir – et le Bourreau des Juifs, lui sorti du christianisme – pour le détruire – ou bien alors le parodier monstrueusement ?
Plus qu’intéressante me semble donc être l’intime compénétration que Steiner tente d’analyser entre Auschwitz et le Golgotha, n’avançant que très prudemment vers ce cœur des ténèbres qui, à ses yeux, demeure l’impensé de la théologie chrétienne, à peine entrevue par l’œuvre d’un Donald MacKinnon (29). L’une des images préférées de l’auteur, reprise à l’astrophysique moderne, celle du trou noir, qui décrit des astres exotiques qui, lorsqu’ils meurent, s’effondrent sur eux-mêmes et trouent le tissu de l’espace-temps en dévorant la matière qui les entoure, est utilisée significativement lorsque Steiner évoque, en un face-à-face qui n’aurait point déplu à Léon Bloy (30), le Golgotha et la Shoah (31). George Steiner n'aura de cesse, d’ailleurs, de revenir sur cette difficile question, s'approchant un peu plus précisément à chaque fois qu'il en parle du lieu impossible où le gibet du Dieu crucifié se dresse en face du brasier dans lequel fondent les corps des suppliciés, évoquant l'échec d'une révélation qui n'a pu abolir le Mal, d'un Dieu faible voire impuissant dont la catabase n'a pu renverser le pouvoir malin, écrivant ainsi : «L'énormité de la Crucifixion (la physique et la cosmologie parlent aujourd'hui de “singularités”) a pris une urgence irréductible. Elle demande à être considérée à travers le speculum tenebrum (miroir opaque) du siècle le plus bestial de notre histoire. Elle pose ses questions, ses appels à l'interprétation juste après le long minuit du massacre et de la déportation, de la fin des camps de la mort» (32), poursuivant, quelques pages plus loin, dans le sens d'une nouvelle condamnation de l'antisémitisme chrétien : «Il est pourtant un sens – que je crois décisif – où la Croix se dresse à côté des chambres à gaz. Et ce en raison de la continuité idéologico-historique qui rattache l'antisémitisme chrétien, aussi vieux que les Évangiles et les Pères de l'Église, à son éruption terminale au cœur de l'Europe chrétienne» (33).
Ce rapide exposé ne dissipera guère les critiques que tout chrétien est en droit d’adresser à George Steiner qui, je l’ai dit, répète inlassablement ces mêmes accusations contre le christianisme, celles-ci gagnant en virulence dans ses derniers ouvrages. Toutefois, nous l’avons vu, au-delà même de critiques qui, pour leur plus grande part, ne sont guère originales, l’intuition de George Steiner rejoint celle d’écrivains tels que Léon Bloy pour lequel la crucifixion du Christ représentait le môle autour duquel l’histoire de l’Occident enroulait ses siècles barbares et lumineux. Ce n’est pas là, loin s’en faut, le dernier des paradoxes que l’œuvre de George Steiner nous réserve.

Notes
(1) «Reale presence», puis «réelle présence», désignait spécifiquement la présence du Christ dans l'Eucharistie. Voir par exemple l’usage que firent de ce concept Guillaume Postel et Jean Boulaese dans le De Summopere [1566] et Le Miracle de Laon [1566] (Genève, Librairie Droz, coll. Études de philologie et d'histoire, 1995), où il s'agit de montrer que l'hostie consacrée peut venir à bout de la présence méphitique de plusieurs démons dans le corps d'une jeune fille. Dans un article très intéressant consacré aux rapports que George Steiner entretient avec le christianisme, Marc Ruggieri a pu parler de «pensée […] aimantée par le magnétisme du sacrement chrétien» (cf. le texte intitulé Figura Christi. Lecture et Eucharistie dans l’œuvre de George Steiner, in Cahier de l’Herne, Éditions de l’Herne, 2003, p. 288).
(2) Entretiens (Le Félin, 1992, puis Le Seuil, coll. 10/18, 2000), p. 113.
(3) C’est le sens de la conclusion de mon essai sur George Steiner intitulé La Parole souffle sur notre poussière (L’Harmattan, 2001). Signalons que l’auteur évoque Kierkegaard en le rapprochant de Graham Greene, tous deux sachant que «le plus esseulé des hommes est celui qui n’a point de secret – ou, plus exactement, qui n’a personne auprès de qui trahir un secret», in Lectures. Chroniques du New Yorker (Gallimard, coll. Arcades, 2010), p. 98.
(4) J’ai développé cette analyse dans un article recueilli dans le Cahier de l’Herne consacré à George Steiner (op. cit., pp. 261-272).
(5) Entretiens, op. cit., id.
(6) Mon ouvrage sur l’œuvre de Steiner aborde cette question, surtout dans sa quatrième partie, Auschwitz et le Golgotha.
(7) Quelle transcendance, en effet, peut demeurer à l'horizon sanglant de notre siècle barbare ? C’est la douloureuse question que pose Steiner dans son essai le plus connu, Réelles présences, où il écrit : «Mais comment parier sur une “réelle présence” après l'effondrement en Occident des données religieuses, après le minuit de toute parole humaine que fut Auschwitz ?», Réelles présences. Les arts du sens (Gallimard, coll. Folio Essais n° 255, 1994), p. 15.
(8) Ibid., p. 272.
(9) Dans le recueil d’articles intitulé Langage et silence (Seuil, 10/18, coll. Bibliothèques, 1999, p. 194) dont l’édition anglaise date de 1967, Steiner parle déjà de «l’indifférence complice de la chrétienté et du monde occidental» face aux camps d’extermination.
(10) Dans le château de Barbe-Bleue. Notes pour une redéfinition de la culture (Gallimard, coll. Folio Essais, 1997), p. 66.
(11) Cet article a été récemment recueilli dans Lectures. Chroniques du New Yorker, op. cit., p. 88.
(12) Dans le château de Barbe-Bleue, op. cit., pp. 57-8.
(13) Dans sa préface de décembre 1938 à ses Religions politiques, Voegelin affirme : «Face à une telle substance [le nazisme], non seulement moralement mauvaise mais aussi religieusement maléfique, satanique, l'opposition ne peut être menée qu'à partir d'une force aussi puissante, mais religieusement bonne. On ne peut pas combattre une force satanique seulement avec de la moralité et des sentiments d'humanité», in Les religions politiques (Cerf, coll. Humanités, 1994), p. 25.
(14) Évoquant la position de l’intellectuel de «la société du bien-être», Augusto Del Noce écrit : «Sa perspective historique est en substance la suivante : l’histoire a connu une césure définitive, représentée par la Seconde Guerre mondiale; non seulement fascisme et nazisme ont été vaincus, mais encore, avec eux, toute la vieille tradition européenne; fascisme et nazisme doivent être interprétés comme des phénomènes dus à la peur du progrès historique ou, comme on arrive à dire aujourd’hui, de la transcendance, à ce terme étant conférée une signification intramondaine», in L’époque de la sécularisation (Éditions des Syrtes, textes traduits et annotés par Philippe Baillet, 2001), p. 51.
(15) Cf. No Passion Spent. Essays 1978-1996 (London, Boston, Faber and Faber, 1995), pp. 341-2 : «Thus there has been in every pogrom and in the Shoah a central strain of Christian self-mutilation, a desperate endeavour by Christianity and by its pagan-parodistic offshoots such as Nazism […]». Il existe une traduction française des articles qui n’avaient pas été recueillis dans Passions impunies (Gallimard, coll. Nrf Essais, 1997), intitulée De la Bible à Kafka (Bayard Centurion, 2002).
(16) Ibid., cité par l’auteur, p. 55.
(17) Ibid., pp. 50 à 58.
(18) Ibid., p. 52.
(19) Dialogues. Sur le mythe d'Antigone. Sur le sacrifice d'Abraham de Pierre Boutang et George Steiner (Jean-Claude Lattès, 1994), p. 103.
(20) L’ensemble de ce dialogue dont l’impatience brûlante est admirable vaut la peine d’être cité :
«[S.] Mais ayez le courage, bon Dieu, de dire que pour vous la disparition du Juif serait finalement...
[B.] Le contraire de ma pensée.
[S.] ... la validation de ce que dit à la fois l'épître aux Romains...
[B.] Non, elle ne dit pas cela, l'épître aux Romains !», Ibid., pp. 135-6.
(21) Léon Bloy, pour sa part, s’est longuement étendu sur la confrontation entre le Christ et le traître insigne dans Le Symbolisme de l'Apparition (in Œuvres de Léon Bloy, t. X, Mercure de France, 1970), p. 87 : «La parfaite Espérance qui est Marie, vaincue par la mort volontaire de Judas, rencontre en s'enfuyant d'épouvante vers la Montagne, une autre mort volontaire qui lui rendra la victoire, mais il faut qu'Elle contemple ces deux morts dans le présent et dans l'avenir ! Il faut qu'Elle contraigne Sa pensée à supporter cette sacrilège confrontation. Judas et Jésus meurent tous deux volontairement; mais le second va fixer au pied de Sa Croix l'Espérance que l'autre vient de mettre en fuite».
(22) L'Événement sans fin. Récit et christianisme au Moyen Âge (Les Belles Lettres, coll. Histoire, 1993), p. 221.
(23) Passions impunies, op. cit., dans l’article intitulé Deux soupers, p. 72.
(24) Ibid., p. 74.
(25) Ibid., p. 71.
(26) Dialogues, op. cit., pp. 115-6.
(27) Ce que l'homme fait à l'homme. Essai sur le mal politique (Flammarion, coll. Champs, 1999), p. 48.
(28) No Passion Spent, op. cit., p. 343, dans l’article intitulé Through that Glass darkly.
(29) Errata. Récits d'une pensée (Gallimard, coll. Du Monde entier, 1998), p. 188 : « Dans son idée, il ne pouvait y avoir d'avenir justifiable pour le christianisme tant que la théologie et la pratique chrétiennes n'auront regardé en face, intériorisé lucidement, son rôle séminal dans les tourments millénaires du judaïsme et l'Holocauste. Ce qui signifiait, avant toutes choses, qu'il fallait en venir à un accommodement avec l'horreur du Golgotha, une horreur qui n'était point rachetée – tel était l'instinct compulsif de MacKinnon – par le miracle présumé de la résurrection ou par une quelconque promesse de réparation céleste ».
(30) Et, bien avant lui, à Grégoire de Naziance dont La Passion du Christ (Cerf, coll. Sources Chrétiennes, n° 149, 1969) organise une série d’oppositions entre Judas et la Vierge Marie pleurant son fils crucifié que Léon Bloy semblera reprendre dans tel de ses ouvrages comme Le Symbolisme de l'Apparition (Œuvres de Léon Bloy, t. X, Mercure de France, 1970 et, pour l’éditions de poche, Payot et Rivages, coll. Petite Bibliothèque, 2009).
(31) No Passion Spent, op. cit., p. 343.
(32) Passions impunies, op. cit., p. 43.
(33) Ibid., pp. 44-5.

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