La guerre littéraire de Didier Jacob n'a pas eu lieu (08/11/2008)
«Et que je pleure moi aussi de voir la boule [...] me revenir dessus, à la vitesse de la critique littéraire.»
Didier Jacob, La Guerre littéraire. Critique au bord de la crise de nerfs (Éditions Héloïse d'Ormesson, 2008), p. 13.
«La vie littéraire est, comme la vie, soumise aux lois de la sélection naturelle. On y est, par conséquent, en état de guerre perpétuelle. Mais l'art est de vivre sur le champ de bataille sans se battre et sans être blessé. Attendre qu'on reste seul.»
Fernand Divoire, Introduction à l'étude de la stratégie littéraire (Éditions Mille et une nuits, 2005), p. 55.
«Avec nos mœurs électorales, industrielles, tout le monde, une fois au moins dans sa vie, aura eu sa page, son discours, son prospectus, son toast, son auteur. De là à faire un feuilleton, il n’y a qu’un pas. Pourquoi pas moi aussi ? se dit chacun.»
Sainte-Beuve, De la littérature industrielle in Portraits contemporains, t. I, 1855.
Didier Jacob, La Guerre littéraire. Critique au bord de la crise de nerfs (Éditions Héloïse d'Ormesson, 2008), p. 13.
«La vie littéraire est, comme la vie, soumise aux lois de la sélection naturelle. On y est, par conséquent, en état de guerre perpétuelle. Mais l'art est de vivre sur le champ de bataille sans se battre et sans être blessé. Attendre qu'on reste seul.»
Fernand Divoire, Introduction à l'étude de la stratégie littéraire (Éditions Mille et une nuits, 2005), p. 55.
«Avec nos mœurs électorales, industrielles, tout le monde, une fois au moins dans sa vie, aura eu sa page, son discours, son prospectus, son toast, son auteur. De là à faire un feuilleton, il n’y a qu’un pas. Pourquoi pas moi aussi ? se dit chacun.»
Sainte-Beuve, De la littérature industrielle in Portraits contemporains, t. I, 1855.
Ancien élève de Jean-Pierre Richard, critique littéraire universitaire lénifiant pour classe préparatoire assoupie qui se voit ainsi récompensé de son enseignement, salarié par un hebdomadaire, Le Nouvel Observateur, dont les pages de critique littéraire sont parmi les plus affligeantes, sottes, partisanes et inutiles de la presse française elle-même peu suspecte, dans ce domaine difficile, d'excellence, Didier Jacob est un journaliste apparemment sympathique, un collègue vraiment très sympathique lorsqu'il se trouve en face du prétentieux et creux Pierre Assouline qui n'a de regards que pour ses notes rédigées à l'encre lymphatique (1), un blogueur assurément sympathique qui ouvre ses commentaires et, lui, ne les censure ni même ne les supprime comme le fait (contrairement à ses propres dires), son confrère à moustache, un critique paraît-il pas du tout sympathique, surtout lorsqu'il évoque des auteurs aussi sympathiques qu'ils sont peu dangereux comme Frédéric Beigbeder, et même, pour finir, Didier Jacob est, selon toute probabilité, un homme franchement sympathique.
Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Non, car Didier Jacob a décidé de publier un livre. Non pas écrire, simplement : publier, la mode est aux publications plus qu'à l'écriture véritable, puisqu'il s'agit d'un recueil de ses meilleures (il faut le supposer) chroniques parues sur son blog, Rebuts de presse.
Quoi qu'il en soit, un homme qui se moque de nullités littéraires telles que Christine Angot, Florian Zeller, Mazarine Pingeot, Dominique de Villepin et Philippe Sollers (cherchez l'erreur) ne peut m'être totalement antipathique, même s'il ne critique pas vraiment, au sens propre du terme, leurs livres ou plutôt les produits qu'ils font passer pour tels. Rien de plus, sous la plume facile de Didier Jacob, que du pastiche approximatif, d'ailleurs agréable, de l'humour, rarement fin, le plus souvent potache, du ricanement, très souvent journalistique donc faussement humble, de petits propos qui ne sont que des clichés ayant pour unique visée de rassurer les lecteurs de gauche (2), bref : pas de quoi faire un livre, Didier Jacob, de vos notes de blog même si votre livre, à la différence du catalogue publicitaire récemment commis par votre vaniteux collègue (et sympathique ami ?) Pierre Assouline, est encore au moins, lui, un livre, alors que le sien ou plutôt le machin fait (au sens le moins noble de ce verbe) par votre collègue se prenant pour un Everest de la critique littéraire n'a jamais été une chose pareille, noble, merveilleuse, humble, une chose qui, même si la submergent des milliers d'autres livres, vils ou bons, est encore un livre, c'est-à-dire une singularité absolue, non pas l'indigeste compilation de bavardages le plus souvent aussi stupides qu'ils sont anonymes, ce qui n'excuse rien. Et Pierre Assouline qui, sans la moindre honte, ose évoquer, à propos de ce salmigondis indigeste, une preuve éclatante des transformations de la conversation à notre époque... Imparable bonimenteur !
J'écrivais que la sympathie ne peut absolument pas être, seule, l'alliée naturelle du critique littéraire, à moins d'écrire avec la légèreté quelque peu naïvement lacrymale d'un Charle Du Bos. Didier Jacob, je crois que je ne choquerai personne en affirmant pareille évidence, n'est pas exactement, du moins quant à son talent de critique, facilement comparable à Charles Du Bos. Même quant à d'autres qualités. D'autres qualités. Et voici, l'air de rien (c'est le cas de le dire), j'ai fait du Didier Jacob comme Pierre Assouline fait du mauvais journalisme, sans même m'en rendre compte (3). Ma phrase ne veut rien dire, est monstrueuse, de sémantisme vide, sans verbe ? Et alors, je vous prie ? Et encore, les mots que j'ai très soigneusement choisis sont tout de même d'un langage soutenu, alors que ceux de Jacob paraissent avoir été mémorisés à la hâte par un pion facétieux qui aurait attentivement écouté les hauts échanges entre des gamins jouant une partie de foot... Et puis, si l'art, aussi subtil que souvent ennuyeux à force de paraître s'être admirablement coulé dans la prose (et l'esprit, et peut-être même l'âme !) de l'auteur que Du Bos commente sans fin, peut agacer puis lasser, quelle différence, de culture littéraire assurément, de sensibilité mais surtout de rythme ! Chez Du Bos, d'immenses phrases envahies, parfois littéralement contaminées par des incises entières en anglais, obéissant à leur façon au commandement étrange de Sainte-Beuve, lequel réclamait du critique qu'il sache naviguer autour puis dans un livre à la façon de voyageurs cultivés contemplant un ouvrage remarquable suspendu dans les hauteurs depuis plusieurs lieux qui en varieront les éclairages (4). Chez Didier Jacob, pas de longues phrases, ça non, pas de propositions savamment subordonnées ni même coordonnées, uniquement des membres de phrases séparées par un point et qui n'ont aucune allure et encore moins de sens : «Et puis il y a Bayrou. Bayrou, c'est autre chose» (p. 71) ou encore : «Sagan, adulée aujourd'hui. Aimée, adorée, admirée. La grande romancière française. Des rééditions, un film, une bio. Alors que bon. Les livres. Le pas tripette de ses bouquins» (p. 77). Didier Jacob ? Un Céline de salle de rédaction qui aurait fait ses classes sur les bancs des scénaristes du Miel et les abeilles...
Donc, non, vous ne trouverez pas de ces horribles choses longues comme des boudins au couteau dans ma boutique mon cher monsieur, s'exclame notre sympathique vendeur d'andouilles, mais plutôt la phrase courte voire très courte érigée en andouillette AAAAA de la non-pensée journalistique et qui donne toujours, aux textes ainsi amorcés, une couleur vineuse, une haleine particulièrement chargée contrebalançant la toute première impression, plutôt... sympathique, comme si derrière quelque Rimbaud faraud de sous-préfecture se révélait, trop vite, le morveux qui ne sait pas se tenir et flanquera ses doigts dans son nez sale dès que le bon professeur de grammaire tournera le dos à la classe. En un mot : l'odeur d'une andouillette est bien celle de la merde et, quoi qu'on fasse pour donner le change, cette fragrance est réputée l'une des plus tenaces. Un boucher qui se respecte vous le dira d'ailleurs bien volontiers : le meilleur boudin au couteau (par opposition à l'industriel, déjà coupé, ndlr) de France, il faut bien tout de même, à un moment ou à un autre, décider où il commencera et donc, logiquement, où il finira pour le ranger dans le panier de la ménagère. Sans cela, sans cette coopération tacite entre le boudin et celui qui le vend, pas d'affaires ! Pareil pour les phrases de notre journaliste.
Seconde règle absolue, donc, du cacographe maîtrisant ses piètres gammes : il faut absolument que les petits textes composant un volume que l'on souhaitera lui-même le plus mince possible soient introduits par une phrase-choc que nos Robespierre de la concision nomment une accroche, chargée de hameçonner le regard ou plutôt, je file ici ma métaphore, de flatter l'odorat. Exemples : «L'époque ne brille certes pas par son encéphalogramme» (p. 51) ou bien «Chez Villepin, la météo est toujours dégueulasse» (p. 58) ou encore «À la une de L'Express, il [BHL] est soucieux, sérieux, prêt à en découdre» (p. 159). La pompe, vite amorcée, ne vous versera qu'un filet d'eau saumâtre mais après tout, il est bien établi que les journalistes qui se mêlent d'écriture ne font pas la fine bouche n'est-ce pas ? Il est ainsi du plus haut comique que Didier Jacob stigmatise à juste titre la nullité absolue des phrases d'un Villepin en adoptant une écriture elle-même absolument plate. Ainsi, nous pourrions pasticher le pasticheur lorsqu'il se moque de Finkielkraut (cf. p. 141), écrivant : «Paradoxe de Jacob : il hait les mauvais écrivains, mais il calibre ses sorties pour en être l'ami, assénant des vérités sommaires (la dé-culturation) à longueur d'articles, au nom de cette «critiquette de la non-pensée» dont il s'est fait le théoricien. Il est ainsi en passe, se copiant-collant sans fin dans ses éternuements de clown ironisant, signant le bon-à-penser de critiques de plus en plus formatées pour obéir à l'impératif médiatique, d'en devenir le croisé en effet sympa, et donc sa première illustration». Vous me direz aussi que le commentateur s'adapte au texte qu'il fait mine de commenter ?
J'en doute, un pasticheur de génie est le plus souvent un auteur de plein droit, qui dépasse même son modèle en bien des cas, comme Proust dans ses propres textes décalquant et moquant amoureusement la prose de certains des auteurs qu'il admirait, Chateaubriand ou Flaubert par exemple.
Revenons à Sainte-Beuve, pour évoquer une phrase qui lui a été souvent reprochée, d'abord, la charge est restée célèbre, par Proust en personne : «il m’est difficile de la [l’œuvre] juger indépendamment de la connaissance de l’homme même; et je dirais volontiers : tel arbre, tel fruit. L’étude littéraire me mène ainsi tout naturellement à l’étude morale» (5).
Si, partant du recueil de texte de Didier Jacob, je devais en venir à l'étude morale, il y a fort à parier que je déclarerai l'un et l'autre : sympathiques, donc nuls.
Le grand lecteur que Didier Jacob est sans conteste, même si, nul n'est parfait, il avoue ne strictement rien connaître, par exemple, aux auteurs de science-fiction, ce grand lecteur donc, lisant mes propres lignes, ne pourra s'empêcher, sous son sourire perpétuellement ironique, de lever les yeux au plafond de sa salle de rédaction, s'exclamant : quoi, ce pauvre Asensio qui se targue de mieux savoir lire que mon très honorable et estimé ami Pierre Assouline, plus grand critique que tous ces Saint-Bœuf, Teigne, Renaud et Dubosse que je ne connais pas, n'a même pas remarqué que je n'étais absolument pas sympathique, que ce n'était là qu'une façade, une supercherie, une ruse facile que Florian Zeller en personne a éventée (oui, bon : au bout d'un bon millier de relectures, et alors ?) de mes notes ? Il n'a pas compris qu'en fait, j'étais méchant, horriblement méchant ? Que j'étais la méchanceté faite homme ? Critique ? La méchanceté elle-même, quoi ? La belle affaire que d'être méchant, horriblement méchant, avec des pitres tels que ceux que moque Didier Jacob ! Et puis, n'importe quel polémiste digne de ce nom vous le dira sans hésitation, cher Didier : la méchanceté est facile, c'est même la chose la plus facile qui soit pourvu que, cela va sans dire, l'on maîtrise quelque peu son écriture afin de la rendre aussi blessante qu'il le faut, que les imbéciles le méritent. La difficulté, l'horrible difficulté en lettres, ce n'est point le bête contraire de la méchanceté, la gentillesse (ou sa sirupeuse contrefaçon, bien illustrée par une Alina Reyes bientôt canonisable : une mièvre esthétisation érotique de la religion) mais plutôt ce que je nommerai, faute de meilleur terme, une bonté admirative à l'égard du livre décortiqué en quelques phrases ou pages, puisqu'il est décidément infiniment délicat d'évoquer un livre ou un auteur que l'on admire sans tomber dans le ridicule de l'éloge maladroit ou la froideur sans âme de la bluette universitaire.
Et c'est là que le bât blesse. Qu'il blesse. Le bât, écrirait le faussement sympathique puisqu'en fait il est très méchant Didier Jacob. Lorsque notre journaliste évoque les auteurs qu'il admire dans le chapitre le plus court de son recueil (pp. 111-130), qu'il s'agisse de Virginia Woolf, Cormac McCarthy ou Pierre Michon critiqué par l'admirable (selon son ancien élève) Jean-Pierre Richard, nous assistons à un cérémonieux étalage de platitudes. Car, après tout, le fait que McCarthy parle, à tout le moins devant un public, aussi peu que Faulkner ne devrait pas empêcher un critique littéraire un peu sérieux d'évoquer, espérons-le intelligemment, ses livres n'est-ce pas ? Quoi d'étonnant, en outre, que l'un des plus grands écrivains vivants ait si peu de choses à dire ou révéler à un journaliste, s'il estime raisonnablement que ses romans s'enfonceront toujours plus profondément dans les strates du langage que quelques minutes ou heures accordées à qui, de toute façon, s'il sait, parfois, entendre, ne sait assurément jamais écouter : un journaliste ? Didier Jacob lui, paraît s'extasier, la main contre la poitrine, de ses très maigres découvertes : le maléfice de taciturnité dont semble affecté Cormac McCarthy, comme l'appelaient jadis les inquisiteurs, provoquera cependant la rédaction d'un article ne nous apprenant rien, commençant de toute façon mal, de la façon la plus convenue qui soit par une citation parfaitement inepte et ridiculement fière de sa bêtise de Jérôme Garcin (du Nouvel Obs bien sûr), se terminant par la scène banale de la rencontre improbable d'un grand écrivain, Cormac McCarthy, avec un habile faiseur d'historiettes pour gamins de classe de cinquième, Jean-Marie Le Clézio.
En fin de compte, sans doute parce que le style de Jacob, fait de petites notations qu'aucune concaténation autre que purement rhétorique ne relie vraiment, se prête assez bien à l'écriture d'un texte sans réel sujet, le meilleur passage du livre de notre journaliste est celui où il évoque le voyage dans l'Allemagne nazie d'un écrivain aussi injustement oublié que Denis de Rougemont (cf. pp. 125-130) alors que, évoquant le journal de Virginia Woolf, Jacob devient aussi prodigieusement ennuyeux que son modèle pourtant admiré.
Nous avons dépassé la moitié de notre recueil de textes électroniques (mais tout de même retravaillés en vue de leur publication, ne nous plaignons donc point trop, je vous prie). Pouvons-nous d'ores et déjà en juger la portée ? Didier Jacob a-t-il bien fait, dès son introduction, de nous avertir qu'il ne se prenait pas au sérieux, y compris et surtout en tant que critique littéraire ? Bien sûr puisque, redevenu sarcastique, vachard, méchant après ce court passage louangeur où il semble ne pas avoir été dans son élément, il étrille l'infâme Guillaume Durand, le pathétique et baveux Jean-François Kahn, l'insupportable BHL, le plus talentueux de nos clowns, Philippe Sollers et quelques autres dont l'avenir ne gardera nulle trace, utilisant ses armes habituelles que sont le pathos méprisable et bien-pensant digne d'un ponte du Monde diplomatique, les jeux de mots péniblement alignés par un potache pas même fort en thème, l'intention parodique tournant à vide, la méconnaissance, voire l'ignorance profonde (concernant Debord, Finkielkraut ou Muray) de l'auteur qu'il mitraille avec des balles à blanc, méconnaissance et ignorance transformées en sotte formule journalistique chargée d'exécuter le malheureux alors qu'elle ne fait que ridiculiser celui qui l'a utilisée, le sympathique et méchant Didier Jacob, critique littéraire pour rire, blogueur hebdomadaire, journaliste quoi qu'il en soit de son état.
Notes
(1) Pierre Assouline et Didier Jacob ont été les récents invités de Parlonsnet, le club de la presse d’Internet, interrogés par David Abiker pour France Info, Anaële Verzaux pour Bakchich.info (un site au-dessus de tout soupçon qui d'ailleurs, sous la plume de Simon Piel, ne pense que du bien du livre de Jacob) et enfin Élisabeth Lévy pour Causeur.fr. Quel peut être l'intérêt de ce genre d'émission ultra-convenue, où David Abiker du moins remplit honnêtement son rôle consistant à chronométrer les temps de parole respectifs, Anaële Verzaux pose des questions d'une inconcevable bêtise (ce ne sont donc pas de vraies questions, ni même des questions...) et Élisabeth Lévy nous gratifie d'interventions aussi sympathiques (décidément) que peu pertinentes ? Aucun bien sûr : cela s'appelle du journalisme, autre mot, paraît-il noble, pour désigner une horrible et infamante réalité, l'entreléchage.
(2) Par exemple : «Je ne sais pas ce que les étudiants pensent du socle commun de conscience entre les différents établissements, mais le fait est que le coma du gars que les CRS ont piétiné place de la Nation a fait l'effet d'un tsunami émotionnel qui s'est ressenti, ma foi, au moins jusqu'au boul'Mich», p. 69. Les textes en fin d'ouvrage, regroupés dans un chapitre intitulé Un peu de sérieux, textes qui ne sont d'ailleurs absolument pas des critiques littéraires (ou ce qui passe pour un travail critique aux yeux de Jacob) mais des billets d'humeur se voulant je le suppose des cris de colère frémissants de courage, atteignent, eux, des sommets ou plutôt des abîmes de bien-pensance repue.
(3) L'original porte, p. 55 : «Reprenons de zéro. De [François] Léotard, donc».
(4) Sainte-Beuve écrit : «L’art qui médite, qui édifie, qui vit en lui-même et dans son œuvre, l’art peut se représenter aux yeux par quelque château antique et vénérable que baigne un fleuve, par un monastère sur la rive, par un rocher immobile et majestueux; mais, de chacun de ces rochers ou de ces châteaux, la vue, bien qu’immense, ne va pas à tous les autres points, et beaucoup de ces nobles monuments, de ces merveilleux paysages, s’ignorent en quelque sorte les uns les autres; or la critique, dont la loi est la mobilité et la succession, circule comme le fleuve à leur base, les entoure, les baigne, les réfléchit dans ses eaux, et transporte avec facilité, de l’un à l’autre, le voyageur qui les veut connaître. […] De plus, en poursuivant l’image, en supposant le fleuve détourné, brisé, fatigué à travers les canaux, les usines, saigné à droite et à gauche, comme le Rhin dans les sables et la vase hollandaise, on retrouve la critique telle exactement que la font les besoins de chaque jour, dans sa marche sans cesse coupée et reprise», Pour la critique (Gallimard, coll. Folio Essais, 1992, présentation par Annie Prassoloff et José-Luis Diaz), pp. 129-130.
(5) Cité dans Jean-Thomas Nordmann, La Critique littéraire française au XIXe siècle (1800-1914) (Le Livre de poche, coll. Références, 2001), p. 246.
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