De l'anarchisme considéré comme déchéance de la raison : sur Julien Coupat, par Francis Moury (30/05/2009)

David Guttenfelder (AP) pour le National Geographic Magazine).
«[…] Aimer l'autre comme «un autre soi-même», cela ne mène-t-il pas à l'aimer plus que soi-même ? C'est le drame de l'amour : aimer, c'est exister en communion avec autrui [I, 60, 4], donc former avec lui un Tout; c'est donc être prêt à risquer son bien particulier, non point tant pour le bien particulier de l'autre, que pour le bien du Tout que l'on forme avec lui. Or être prêt à risquer son bien privé, cela peut mener à risquer sa vie. Déjà, au plan naturel, organique et inconscient, la main s'expose au choc pour protéger le corps; au plan sensitif, les femelles s'exposent pour défendre leurs petits; et au plan rationnel ? La raison imite la nature : les Touts humains, résultant d'un accord libre et composés de membres autonomes, vérifient analogiquement la loi des Touts organiques [avec cette différence que la personne immortelle ne risque jamais l'anéantissement total]; il est d'un citoyen vertueux de s'exposer au péril de mort pour la sauvegarde du Tout social [I, 60, 5].»
Paul Grenet Le Thomisme, I Physique ou philosophie de la nature, 11, Volonté, liberté, amour (éd. P.U.F., coll. Que sais-je ?, 1953), p. 59.

«[…] Or un des caractères du monde moderne, c'est le développement de l'individualisme sous toutes ses formes. Depuis le XVIe siècle l'individualisme devient un problème angoissant. La société, les institutions, l'État se manifestent comme des contraintes contre lesquelles l'homme ne cesse de se révolter : ce sont des digues élevées contre la volonté de puissance de l'individu; mais il faut encore remonter plus haut. C'est dans le christianisme et dans la conscience chrétienne que se trouvent les sources de cet individualisme, dans le principe de la subjectivité absolue. La division en deux mondes de la conscience qu'exprime la phrase célèbre : «Rends à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu» empêche l'homme de trouver son absolu dans la Cité terrestre. L'État n'est donc qu'un réalité objective qui s'oppose au savoir que l'individu a de sa valeur absolue en lui-même et ce savoir, d'autre part, reste enfermé dans sa subjectivité. C'est là l'opposition la plus tragique qui ne se trouvait pas dans la belle liberté de la cité antique. [...] Hegel a considéré dans la Phénoménologie la Révolution française comme une tentative pour surmonter cette séparation en deux mondes. L'État devait redevenir l'expression immédiate de la volonté d'un chacun. «Le ciel allait se trouver transporté sur la terre». Cependant la Révolution a échoué, elle a abouti à la terreur ou à l'anarchie, deux faces d'un même phénomène. C'est Napoléon qui a ensuite refondu l'État moderne […]»
Jean Hyppolite, Introduction à la philosophie de l'histoire de Hegel, V, Le Monde moderne – État et Individu (éd. Marcel Rivière & Cie, coll. Bibliothèque philosophique, 1948), pp. 82-83.


La question de savoir si Julien Coupat est coupable ou non apparaît, après la lecture de sa lettre au journal Le Monde, reprise fragmentairement dans d'autres quotidiens comme Le Figaro, oiseuse.
Pratiquement, la question est gênante pour le ministère de la Justice, voire pour le ministère de l'Intérieur car s'il est coupable, il fallait continuer de l'emprisonner, s'il est innocent, il ne fallait pas le mettre en prison du tout. Mais philosophiquement, Coupat avoue lui-même souscrire au livre qu'on le soupçonne d'avoir écrit, et tout dans ses déclarations confirme qu'il soutient des actions semblables à celles qu'on le soupçonne d'avoir commises. À défaut d'être jugé correctement ou non par le droit, il est déjà jugé rationnellement par le contenu aberrant de ce qu'il pense et déjà jugé moralement et socialement par le contenu dangereux de ce qu'il veut.
Nous partageons donc son désintérêt pour l'aspect juridique de son jugement, contingent au plus haut degré et dont personne ne se souviendra dans quelques années, sauf lui : c'est un aspect nécessaire de la conséquence de sa pensée et / ou de ses actions mais pas d'une nécessité métaphysique, juste d'une nécessité pratique. Et c'est donc non pas sa peine, préventive ou non, juridiquement valide ou non, c'est ce contenu théorique – il s'en donne le vernis mais ce n'est qu'un ersatz brillant aux yeux des ignares – qu'il faut penser et nier, ici et maintenant. Ce qui nous amène à noter une coïncidence troublante : son style ressemble à du Alain Badiou ou à du Régis Debray des années 1960-1970, au moment où ce dernier revient à ses démons et s'affiche auprès du Parti communiste. Il y a de ces retours de flamme qui sont autant de hasards objectifs, au sens où l'entendait Jung. Bien léger serait celui qui passerait sur de telles coïncidences, puisque le penseur doit penser son temps, et que le temps, c'est ceci : une Corée du Nord dangereuse, des communistes révolutionnaires et des anarchistes européens qui relèvent la tête, des barbares qui attaquent en meutes, à visage découvert ou non, les rues, les transports en commun et les écoles européennes de jour comme de nuit, la piraterie qui réapparaît en Afrique et au Moyen-Orient, des guerres terroristes authentiques bien plus graves que celles menées par Coupat «théoriquement», au Pakistan et en Afghanistan : lorsque le navire (le monde libre, réel et rationnel) subit l'assaut des vagues, les rats, au lieu de le quitter, l'attaquent !
Inutile de revenir sur la peinture hâtive par Coupat des relations internationales de 1945 à nos jours, esquissée au début du premier paragraphe de sa lettre, ni sur la peinture non moins hâtive de la politique intérieure française encore plus rapidement esquissée à la fin de ce même premier paragraphe. Cette simplification et cette schématisation scandaleuses ne méritent aucun commentaire. On renvoie le lecteur aux manuels d'histoire contemporaine universitaires classiques qui élargiront singulièrement cette perspective étriquée et misérablement délirante.
Plus intéressante est la définition donnée du terrorisme qui, elle, mérite commentaire.
Elle est dialectiquement marxiste mais pas marxienne, encore moins hégélienne. Hegel ne rêvait pas à la mort de l'État : il rêvait à la réconciliation de l'individu et de l'État, tout comme Marx en rêvait aussi. Mais Hegel plaçait au-dessus de l'État des instances supérieures de réconciliation nommées Art, Religion, Philosophie. L'État pour Hegel ne fut jamais qu'un moyen : c'est en partie là-dessus que les Hégéliens de gauche et les Hégéliens de droite se sont séparés, que les Marxistes eux-mêmes se sont ensuite séparés. On se souvient du mot de l'anarchiste révolutionnaire incarné par l'acteur Fabio Testi, dans le très beau mais aujourd'hui un peu méconnu et oublié Nada (Fr.-Ital., 1974) au dialogue adapté par Claude Chabrol et Jean-Pierre Manchette à partir du roman de ce dernier : «Vous l'attrapez tous... la vérole marxiste : je me casse [...] Laisse-moi passer ou je te cogne» !
Bon, cela rappelé, on ne va pas se fatiguer à rouvrir les intéressants Cahiers sur la dialectique de Hegel de Lénine pour critiquer Julien Coupat. Il se revendique de la Société du Spectacle – donc celle théorisée par Guy Debord qu'il cite implicitement – qui aurait créé, pour perdurer, un concept, un être de fiction (le terroriste) alors que la terreur est une réalité, pas une fiction. Attention, n'exagérons rien : la terreur est quelque chose de bien supérieure au sabotage des trains lorsqu'on veut vraiment la réaliser. Mais la terreur peut débuter par le sabotage, en provoquant la colère collective contre les dirigeants. Basil Rathbone, dans Sherlock Holmes et la voix de la terreur (É.-U., 1942) luttait contre une radio nazie exaltant des actes de sabotage commis par une cinquième colonne sur le sol britannique durant la Seconde guerre mondiale. Coupat a sciemment lu, et il revendique, les techniques léninistes du coup d'État. Et il soutient les actes de sabotage : ces actes sont des actes criminels ignobles qui portent atteinte à l'intégrité de la nation, particulièrement fragile en cette période de crise provoquée par des financiers américains, européens et asiatiques eux aussi criminels, et qui portent atteinte aussi à l'intégrité parfois physique des personnes prises au piège par ces sabotages. Qui peut dire le nombre de malades ou de personnes handicapées pour le moins molestées par un arrêt inopiné de train durant des heures alors qu'ils doivent prendre un médicament à heures fixes, ont un rendez-vous important avec leur médecin, pour ne citer que ces exemples vitaux ? Sans parler des honnêtes travailleurs se rendant à leur travail, des chômeurs allant à un entretien d'embauche ou rentrant se reposer d'entretiens d'embauches inutiles et qui en sont épuisés et lassés autant que s'ils avaient travaillé, des personnes âgées, retraitées rendant visite à leur famille ou à leurs amis, des touristes voyageant dans notre pays et qui en reviennent avec une désastreuse image en tête ? Nulle réponse à ces questions.
De tels procédés devraient être punis par une peine bien plus sévère que six mois de prison étant donné l'énorme préjudice financier et social qu'ils causent ! Coupat pourra peut-être dire un jour, au premier degré et à son tour, in girum imus nocte et consumimur igni, s'il y avait une justice plus sévère et plus effective – au sens hégélien : une réelle vengeance à la mesure des crimes commis – dans ce pays. Le livre pour lequel il est en prison, pour lequel il est sorti de prison non pas la tête haute mais ignominieusement caché dans le coffre arrière d'une modeste berline, son livre de chevet à défaut de savoir si c'est bien son livre ou pas au sens du droit d'auteur qu'il renie – il s'en reconnaît lecteur et admirateur à plusieurs reprises à défaut de s'en reconnaître auteur, collaborateur ou inspirateur – prône techniquement d'organiser le dérèglement de la société : c'est un livre terroriste. Son éditeur est par destination un éditeur terroriste. Nous avons connu un Fernand Hazan qui avait édité en 1966 un Dictionnaire de la civilisation grecque rédigé collectivement par Pierre Devambez, Pierre-Maxime Schuhl, Robert Flacelière. C'était le grand Hazan celui-là, alors que celui d'aujourd'hui... des dénégations sophistiques et pitoyables, l'édition d'un livre anonyme. Aucun courage, ni du côté de l'auteur ou des auteurs, ni du côté des lecteurs, ni du côté de l'éditeur. Larvatus prodeo... mais ils ne sont pas René Descartes pour autant !
Julien Coupat est un intellectuel dévoyé qui s'exprime bien, argumente et articule ses arguments en paragraphes suivant les techniques de l'art oratoire qu'il a apprises à l'école puis à l'Université, et en lisant les classiques de la culture occidentale, y compris les classiques de la pensée dialectique. C'est la raison pour laquelle nous voulons être indulgent envers lui : son romantisme est aussi patent que son erreur intellectuelle et sa faute morale.
Julien Coupat est triste de constater que certains criminels ne sont pas punis et il a raison de l'être : il voudrait que ceux qui sont responsables de la misère des travailleurs, des injustices du monde, soient punis et il a raison de le vouloir. Faute de quoi, il considère par un renversement délirant que ceux qui sont actuellement punis sont innocents par principe ou, à tout le moins, que personne n'est coupable, que le crime et la prison sont des fictions érigées en système pour nous opprimer. Bref... le raisonnement hérité directement de la pensée de 1968 dont Coupat est un rejeton logique, est aussi absurde qu'il est finalement pervers : on peut d'ailleurs poser tranquillement qu'il est d'essence diabolique, au sens strict du terme dans la théologie, dans la mesure où il effectue la réunion de ce qui devrait être séparé, et identifie pour en faire une masse indistincte ce qui doit demeurer distinct. Il faut donc ici rappeler à Coupat que le bien n'est pas le mal, que le terrorisme n'est pas une invention gratuite des services anti-terroristes pour justifier leur propre existence – où le spinozisme ne va-t-il pas se nicher en politique ! – qu'il est un être réel et non pas un être de raison.
Quant au recours classique mais toujours aussi scandaleux à l'histoire politique pour signifier que le terrorisme est relatif mais pas réel, il est toujours aussi vain : Sartre a écrit Les Mains sales, mais Coupat ne l'a pas forcément lu. Ce n'est pas parce que le terrorisme est une technique politique qu'il est innocenté moralement comme terrorisme et quant à l'assimilation des résistants gaullistes à des terroristes, assimilation particulièrement ignoble, elle confond temps de guerre et temps de paix allègrement. On croirait parfois lire du Tenzer nous expliquant, à l'inverse il est vrai mais d'une manière aussi absurde, que le capitalisme produit politiquement ou devrait produire sa propre morale alors que le capitalisme, livré à lui-même et sans le contrôle de l'État, est immoral au pire, amoral au mieux ! Ce n'est pas parce qu'on pense politiquement le crime qu'il cesse d'être un crime ni parce qu'on parle politique ou économie que la morale n'existe plus. Ce sont des évidences que les enfants et les adolescents français de 1900-1939 avaient déjà appris chez leur famille avant de l'apprendre à l'église et à l'école. Les barbares qui fréquentent nos rues renient leur famille, crachent sur leur religion, et méprisent l'école : il est normal qu'ils ne sachent pas ce qu'ils refusent d'apprendre et ce qu'on refuse de leur inculquer de force. Il est en revanche moins normal que Coupat, venant d'une famille honorable et ayant été éduqué correctement, justifie leurs agissements, s'en fasse le chantre.
La ruse pseudo-hégélienne de Coupat est de se déclarer en guerre : état de guerre, l'État nous a déclaré la guerre, la prison n'est que le visage réel de la guerre que l'État mène contre ses citoyens, la prison n'est que la vérité de la société fictive représentée spectaculairement à nos yeux du dehors, etc.
Toujours la même antienne : une guerre de l'État contre ses créateurs, alors que l'État, au premier rang duquel on doit nommer l'armée et la police, ses deux éléments d'élite, ceux prêts au sacrifice à tout instant pour le bien commun et sans lesquels l'État ne peut plus agir, les protège réellement même si jamais aussi efficacement qu'on le souhaiterait, de prédateurs comme Coupat, pour leur part très réellement avides de pouvoir et de domination sous un air pseudo-angélique de persécuté. Qui veut faire l'ange... casse des caténaires. La chute est patente par rapport à la classe pascalienne initiale de la proposition du XVIIe siècle, qui avait davantage de panache. L'État ne fait la guerre (1) qu'à ceux qui le menacent et qui nous menacent. L'État se défend et nous défend contre les attaques physiques de la barbarie, ou du moins devrait nous défendre contre elles. L'État ne mène pas de guerre offensive contre certains de ses citoyens, mais une guerre défensive. C'est ce qui différencie la guerre défensive civile de la police et de la gendarmerie pourtant militaire par essence, de la guerre militaire stricto sensu entre États, bien que parfois, certaines opérations exigent pour être menées à bien un dialogue technique entre elles. Il faudrait par exemple, dorénavant, munir les sections d'intervention urbaine de fusils de précision, et pas seulement de riot guns ni de P. M. ne portant efficacement pas à plus de 50 mètres. Et leur donner le droit de s'en servir à vue en cas d'envois de pierres potentiellement mortels du haut d'un toit : c'est un simple exemple parmi bien d'autres très faciles à mettre en oeuvre rapidement et simplement, sans que cela coûte trop cher au contribuable.
Venons-en à présent à cette intéressante définition de la philosophie donnée par Coupat. Elle serait née «comme deuil bavard de la sagesse originaire». Autrement dit elle parle décalée, d'un lieu autrefois audible mais aujourd'hui sourd et muet. Les gauchistes demandaient dans les années 1970 «d'où parlez-vous ?» comme si le lieu supposé d'une supposée appartenance sociale déterminait la pensée. Coupat pose la même question. Il croit que Platon n'entend plus Héraclite. Il ne s'étend pas sur la question : il montre juste qu'il connaît les bases chronologiques de l'histoire de la philosophie grecque et qu'il sait que Platon est postérieur à Héraclite. Son assertion est pourtant, en dépit de son savoir à peine formel, fausse car Platon entend parfaitement Héraclite et les autres Présocratiques qu'il a lus et qu'il commente puis critique régulièrement mais sans jamais gauchir ni modifier les thèses originales de ceux qu'il critique. Selon Coupat, la philosophie serait une illusion bavarde qui aurait oublié l'essentiel. La pensée loin de la vie que la sagesse mettait en forme immédiatement, sans médiation, donc plus véridiquement. La pensée loin de la vie, L'Art loin de la vie... Charles Lalo parmi nous, toujours actif en somme ! Mais Coupat n'est ni Nietzsche, ni Heidegger. Quelle sagesse ? Celle des nations avec ses proverbes amers, cyniques ou empiriques ? Celle des religions ? Mais alors lesquelles ? Les religions primitives, les religions monothéistes modernes ? Quelle importance puisque Coupat ne sait clairement ici pas de quoi il parle, qu'il ne pense pas mais émet un simulacre de pensée faute de réelle culture.
Coupat veut la mort de la culture occidentale, de ses institutions, de son ordre et de ses hiérarchies : il veut affaiblir l'épine dorsale de notre nation au moment où la crise ignoble que les financiers américains de New York et de Californie – les financiers les plus dévoyés et les plus criminels jamais vus depuis que le libéralisme existe – nous infligent et infligent au monde entier, exige que nous raidissions nos énergies, rassemblions nos forces, surmontions nos divisions. Logiquement, Coupat critique donc dialectiquement la prison, qui est une institution donc un véhicule d'ordre.
La conception foucaldienne de la prison, qu'il reprend à son compte, est une vieille antienne rance. La prison est faite pour punir et pour surveiller les criminels : elle n'est pas faite pour les réinsérer ni pour les éduquer même si elle peut – secondairement – y parvenir. La prison a pour but de punir le mal et de tenir prisonniers ceux qui sont à nouveau susceptibles de le commettre, de punir ceux qui l'ont commis une seule fois comme plusieurs fois. Le degré du mal ne fait rien à l'affaire : la prison est une contingence comme toute institution. La vérité de la prison n'est pas la peine mais la vengeance de l'État à l'encontre du détenu donc la dureté de la détention. Ceux qui parlent d'humaniser la prison sont des niais : la prison est un endroit destiné par nature à accueillir celui qui s'est mis en dehors de l'humanité une ou plusieurs fois. Le fait qu'elle accueille des criminels et des criminelles plus anodins que des barbares, le fait aussi qu'elle puisse injustement détenir des innocents, pousse naturellement à adoucir pratiquement cette conception initiale. Cela dit, le fait qu'on meure en prison des suites de sévices infligés par des barbares co-détenus, le fait qu'on s'y suicide à cause de l'ignominie incarnée par et du mal commis par lesdits co-détenus n'est pas le résultat de la prison comme institution, il est le résultat du mal véhiculé par certains des pires criminels qui y sont incarcérés, notamment les gangs de jeunes barbares les plus violents, qui n'ont plus d'humain que l'apparence mais sont en réalité des animaux dangereux, des hyènes ou des loups sous vêtement humain, et parfois bien pires que des hyènes ou des loups, des démons purs, fracassant le crâne d'un lycéen à coups de marteau par exemple, chassant en meutes, en bandes, comme à l'époque de la préhistoire humaine ou comme dans la jungle animale encore écologiquement préservée. La prison est un royaume du mal : un enfer. Celui qui va en prison va en enfer : telle est sa punition. Les Salauds vont en enfer (France, 1955) de Robert Hossein ! Titre si merveilleusement sartrien... ce cher Sartre que nous citions tout à l'heure et qui lui avait lu Hegel et Marx sérieusement, au point qu'il était devenu, de bon phénoménologue initial, un marxiste redoutable plus révolutionnaire que les plus rouges ! Il avait tort : on retiendra de Sartre sur le plan philosophique le génial La Nausée, le bon L'Imaginaire, l'honorable suite de dissertations qu'est L'Être et le Néant mais pas La Critique de la raison dialectique, ni le débile Questions de méthode. Inversement, la prison est naturellement rédemptrice car lieu d'épreuves, de renaissance individuelle dans le cas d'une minorité d'élite capable de s'y réformer. Et elle doit demeurer un lieu de vie pour ceux qui s'y trouvent pour des délits mineurs ou de délits tangents juridiquement qualifiés de délits alors qu'ils ne le sont pas dans d'autres pays, pas un lieu d'insécurité du fait des criminels les plus dangereux.
Coupat parle de «gamins» emprisonnés : nous voyons chaque jour ces charmants «gamins» blesser ou tuer d'honnêtes citoyens dans nos rues, nos écoles, nos magasins. Ce ne sont pas des «gamins» mais des barbares qu'il faut dresser ou mettre hors d'état de nuire ! L'âge ne change rien à l'affaire : seuls les actes comptent. Un enfant poignardant son professeur doit être condamné au moins à une dizaine d'années de prison pas moins, et on peut songer au rétablissement du châtiment corporel publique dans un tel cas : fouet ou exposition sur un gibet, par exemple, comme au Moyen Âge. Cela serait dissuasif. On peut le voter demain : c'est possible et ce sera immédiatement dissuasif. La liberté surveillée, pour de tels barbares, doit être abolie : la peine devenir immédiate, son exécution renforcée : on doit songer à l'exil et à la réouverture des bagnes, si la situation ne s'améliore pas rapidement. Ces chiens ne doivent plus pouvoir tenir les rues comme ils le font impunément : on doit les mater définitivement, pour une ou deux générations, par les moyens les plus rudes. Et il faut bien évidemment, le plus rapidement possible, rétablir la peine de mort. C'est une évidence que la France n'a pas encore saisie mais que les Français ont parfaitement saisie dans leur immense majorité. Seul un Cohn-Bendit (on orthographie au hasard, on n'a pas envie de vérifier ni de perdre notre temps à vérifier : son nom passera de toute manière aux oubliettes) peut parler de progrès à propos de l'ignoble abolition de la peine de mort par un Badinter. Ironie objective de l'histoire : depuis que Badinter a vicieusement convaincu les parlementaires d'abolir la peine de mort, il n'y a jamais eu autant de morts dans les prisons françaises ! On meurt bien plus en prison depuis Badinter qu'avant lui : le fait est statistiquement irréfutable. C'est une sorte de revanche objective de la raison.
La «bifurcation, à la fois historique et métaphysique», consistant à «passer d'un paradigme de gouvernement à un paradigme de l'habiter au prix d'une révolte cruelle mais bouleversante» (on cite Coupat) est une bifurcation d'aspect angélique aux conséquences démoniaques, au sens de ce terme chez Dostoïevski. Coupat commence ou admet qu'on commence par empêcher les gens de voyager librement : c'est un début qui en rappelle d'autres, si on a de la mémoire. Il dénonce une guerre entre les riches et les pauvres alors que les riches sont la cause finale des pauvres, leur moteur primaire du point de vue «purement» économique (le point de vue des économistes, partiellement vrai : la finalité du pauvre est de devenir heureux donc riche – en s'en tenant au domaine pur de l'économie, en aristotélicien strict, pas en banquier londonien contemporain), de l'université contre ses étudiants alors que l'université est la finalité et la demeure de l'esprit, des jeunes de banlieue contre leur police alors qu'elle seule peut les protéger les uns des autres et que la police doit être soutenue inconditionnellement, des sans-papiers contre l'État qui pourrait leur en dispenser ou qui peut refuser de leur en dispenser car c'est son rôle : Coupat veut le chaos, l'anarchie, l'atomisation stirnérienne en acte.
Coupat se considère, et considère ses camarades, comme une variable d'ajustement dans le processus qu'il estime enclenché : d'une certaine manière il a raison. La crise et ses conséquences exigent des réponses d'une dureté sans pareille envers de tels agissements visant à affaiblir la France, l'Europe, le monde libre au nom d'idéaux communistes révolutionnaires qui ne peuvent plus être tolérés. Surtout au moment où la reprise de la guerre de Corée est possible, où celle du Pakistan et de l'Afghanistan est en cours, sans parler des conflits annexes africains et proche-orientaux et des zones grises ou noires diverses qui maintiennent un monde dangereux.
La justice sociale est une chose, le communisme révolutionnaire, l'anarchisme, une autre : la civilisation occidentale est le modèle universellement reconnu aujourd'hui par les autres civilisations car elle a prouvé sa supériorité technique, morale, économique, sanitaire, sociale, juridique aux autres civilisations, du moins durant la période antérieure à 1914 ou, si on veut être indulgent, antérieure à 1939. Il reste aux autres civilisations la possibilité de rivaliser avec elle sur les plans spirituels ou culturels, mais pas autrement. La civilisation indo-européenne demeure notre mère à tous au sens où Valère-Maxime parlait de la terre romaine comme mère de tout Romain mais aussi de tout homme connu sur sa surface. Elle est une civilisation qui implique un ordre solide au sein duquel un degré de liberté individuelle puisse s'épanouir. Cet équilibre racé et sophistiqué dont l'axe s'étend de Tokyo et de la Thaïlande (le mot grec «kai» existe par exemple tel quel dans la langue thaï, dont l'écriture est si jolie et si proche du sanscrit dont dérive l'ensemble des écritures occidentales connues) à la France et jusqu'à Boston et Los Angeles, équilibre si efficace en temps de paix comme en temps de guerre, en dépit des critiques intelligentes et nécessaires qu'on peut lui prodiguer, ne doit pas être menacé par de tels agissements, ni par une vacuité de pensée aussi patente.
Si Coupat veut faire le bien, il doit aller dans la rue aider les pauvres sans-abris qui meurent de faim, les prostituées exploitées par des proxénètes ou martyrisées par des voyous, aider une personne âgée isolée à faire ses courses ou lui faire le ménage. S'il accomplit une de ces actions, il sera racheté. S'il persiste, il sera damné au sens religieux original, comme au sens social : exclu, condamné à la solitude démoniaque du mal.
BKK, samedi 30 mai 2009.


Note
(1) Enfin, on voudrait qu'il la fasse, pour parler plus exactement ! S'il persiste à ne pas la faire efficacement, on sera décidément enclin à prendre le relais nous-même : les parents devront venir armés à l'école pour protéger leurs enfants du racket et de la violence déjà armée des gangs, et se protéger eux-mêmes des représailles. Il faut des policiers armés en permanence dans toutes les écoles, pas seulement des portiques de sécurité ni des fouilles de cartables ! Et on réitère une fois pour toutes la nécessité absolue de réformer la loi sur la légitime défense et celle de redonner aux Français honnêtes ayant accompli leur service militaire ou honoré une période d'initiation militaire, le droit de détenir des armes de défense et de guerre, et de s'en servir contre les criminels en cas d'absence physique de police pour les protéger d'un danger physique ou matériel imminent. La notion de légitime défense doit se transformer juridiquement, à terme, en celle de légitime attaque.

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