Portrait de Gabriel Matzneff en mirliflore rasant (08/10/2010)
Crédits photographiques : Vladimir Pirogov (Reuters).
LRSP (livre reçu en service de presse).
«J'ai toujours professé qu'un écrivain, c'est dans ses livres qu'il faut le rencontrer. Cela vaut, c'est évident, pour les écrivains morts, mais aussi pour les écrivains vivants...
«Seigneur, Dieu de mon salut [...], Tu m'as jeté dans l'abîme, dans les ténèbres et l'ombre de la mort. Ta fureur s'appesantit sur moi, Tes flots m'ont submergé. Tu as éloigné de moi mes amis; je suis devenu pour eux un objet d'horreur. Je suis enfermé et je ne peux sortir. Mes yeux sont consumés de misère.»
Lecture de l'hexapsalme, à chaque office des mâtines, Psaume 88, 2-10 (que Matzneff apprécie tout particulièrement puisqu'il me la cita dans l'un de ses courriels).
... Seule exception, un écrivain avec lequel une jeune lectrice désirerait avoir un lien intime.»
Gabriel Matzneff à Marion J., lundi 20 avril à 16 h 19, à la page 293 du livre ci-dessous présenté.
«Léon Bloy de poche, dilettante et polémiste de droite, armé de latin et d'autosatisfaction, c'est un modèle qu'on ne suit plus en littérature. Soldé, il va passer directement du fond de tiroir chez l'antiquaire. Sa seule chance de survie : c'est le rossignol qui se mue le mieux en objet d'art.»
Matthieu Galey (le redoutable Matthieu Galey !), Journal, 8 novembre 1977, cité par Pierre Chalmin dans son Dictionnaire des injures littéraires (L'Éditeur, 2010), p. 439.
Roman électronique, nous annonce la couverture du dernier ouvrage de Gabriel Matzneff, Les Émiles de Gab la Rafale [à la date où cette note était rédigée], ce qui est une poétique façon de dire que ce livre n'en est pas un et que, très probablement, il n'est absolument rien du tout, rien de plus qu'un nouvel hoquet publicitaire d'un écrivain à bout de grands textes qui sans doute, la prochaine fois, fera imprimer ses gribouillis griffonnés sur la nappe en papier de ses restaurants préférés.
Cela s'appellera Gab la Rafale se met à couvert, ou le contraire, ce qui vaudra à notre vieux faune priapistique des compliments enthousiastes, lesquels souligneront son redoutable sens du double sens, sa malicieuse ironie, bref, son talent de l'insignifiance contente d'elle-même.
Tout se vend n'est-ce pas, même les courriels adressés à des amis ou à des ennemis, des maîtresses qui, souvent, ne sont d'ailleurs que de futures ennemies, des renégates comme il les appelle...
Tout continuera de se vendre, n'en doutons guère, faisons même confiance à Léo Scheer, dont la science est désormais consommée pour mélanger œuvres de très peu de poids et bons textes. Éclectisme de fin lettré ? Risques consciemment assumés par un éditeur digne de ce nom de proposer au public français des auteurs qu'il ne connaît pas ? Assurément non : plutôt navigation à vue et promotion des plus odieux navets à couverture immonde, salués par une Julie Malaure fort peu inspirée qui, contrainte de gagner sa vie en pigeant, doit bien livrer quelques pseudos-critiques navrantes, purement paraphrastiques. «Une vraie bonne bouffée d'adolescence», cette phrase, proprement inepte et que l'on pourrait accoler à un épisode de Goldorak, situe au moins le génie d'Alexandra Varrin.
Gabriel Matzneff : en voilà un qui court après l'adolescence perdue comme l'éternel second d'un marathon derrière la consécration interdite. En pure perte d'ailleurs, les grimaces du vieillard singeant la jeunesse enfuie étant l'une des plus pathétiques illustrations d'une destinée pétrie de fiel, de grincements de dents et de mains qui tremblent sans pouvoir s'arrêter de trembler. Gageons que les prochains livres, et il y en aura, de Gabriel Matzneff, à mesure qu'ils deviendront la caricature et comme le miroir déformant d'un homme se voulant perpétuellement jeune et l'étant bien sûr de moins en moins, seront de plus en plus immondes et ridicules, car c'est la juste et implacable rétribution qui s'applique aux corrupteurs de la jeunesse que de ressembler, peu à peu mais inéluctablement, au portrait de Dorian Gray.
Tout se vend disais-je, à condition qu'Anne Procureur, naguère décrite par son patron Léo Scheer comme la meilleure attachée de Paris et peut-être même de France, fasse son métier avec un peu d'imagination ou tout simplement de logique, ce qui lui aurait permis de demander à Guillaume Zorgbibe (des excellentes Éditions du Sandre) de m'adresser l'ouvrage collectif qui lui a été consacré.
Le titre de ma note, d'ailleurs, n'est que le calque ironique de celui de l'intervention de Dominique N. sur son ami.
J'en veux pour preuve plusieurs tentatives, plus ridicules les unes que les autres : Pierre Assouline publiant, sans leur accord, les commentaires de ses lecteurs et, récemment, Frédéric Vignale qui, lui, met en vente un livre recueillant ses précieux statuts déposés sur... Facebook. Didier Jacob avait au moins fourni un peu plus de consistance à son livre de critiques sans grand intérêt précédemment publiées sur son blog...
Le lecteur pressé ou qui ne voue point un culte dionysiaque à Matzneff s'arrêtera de lire son dernier livre assez rapidement (à la page 28; même constat p. 104), rassuré de pouvoir le refermer avant sa fin (près de 400 pages tout de même), lorsqu'il tombera sur cette phrase : «J'ai le sentiment d'avoir déjà trop écrit, trop publié», probablement l'unique passage intéressant de ce roman qui n'en est un que par la grâce d'un éditeur.
Je ne dois point me montrer injuste à l'égard de cette légende de fond de boudoir qu'est Gabriel Matzneff et corrige donc mon assertion : passage non point seulement intéressant, mais révélateur d'un écrivain obsédé par lui-même (son teint, l'état de ses ongles de mains, de pieds, son poids, son poids, son poids, son poids...) jusqu'à la suffisance la plus convenue du dandy increvable et contempteur des foules (voir la description des badauds parisiens p. 88) qui, comme je l'ai déjà écrit, retrouverait un peu de superbe en se taisant, en faisant ses adieux à son unique maîtresse, lui qui en a tant aimées et se vante d'en avoir tant aimées, lui qui geint lamentablement (oubliant bizarrement ce qu'il a écrit dans Les passions schismatiques : «L'accoutumance est une lèpre que seule peut vaincre une vigilance sans cesse renouvelée»), lui qui, jour après jour, page après page, ligne après ligne, maîtresse après maîtresse, émile après émile, avec une complaisance qui dégouterait même Narcisse, ne se remet visiblement pas d'avoir été abandonné par celles qu'il nomme les renégates donc, et cette unique maîtresse est la littérature, et cette maîtresse est mille fois plus dure que toutes les ravissantes idiotes que Gab la Rafale a butinées puisque «nous sommes des lucioles, et le bonheur un dieu fugace» (p. 360, dernières très belles lignes).
Et cette maîtresse enfin, ne lui pardonnera rien. Elle a non seulement renié Gabriel Matzneff mais l'a oublié. Les temps étant durs, les nécessiteux sont nombreux.
Elle semble déjà commencer à se venger d'ailleurs, cette illustre bafouée, cette Didon écumante, en condamnant son amant volage à l'insignifiance du fond de tiroir, pardon, du fond de dossier électronique : des courriels, pensez donc !, dernière petite fiole d'aigreur jetée dans une mer de larmes sur laquelle nous naviguons si mollement que la terre ferme n'est même plus un rêve d'explorateur fou. Tiens, et si je publiais mes propres courriels à Gabriel Matzneff, lorsque nous échangions quelques fort aimables propos sur la destinée de l'œuvre de Pierre Boutang, et l'incapacité risible de ses héritiers et ayant-droits (sans compter l'un de ses éditeurs annoncés, Olivier Véron, qui procrastine la parution de l'intégralité des articles de Boutang parus dans La Nation Française depuis des années) à publier ou republier ses meilleurs livres et, bien sûr, son Journal inédit ?
C'est une idée, je m'en vais la proposer à Léo Scheer de ce pas.
Ce livre sera beau et se vendra. En plus rien ne sera flouté, initialisé ou astérisqué...
Le minuscule petit cercle des hiérophantes et vestales enfiévrées de Matzneff, ces dernières vêtues de la nébride et de la pardalide, qui composent un raout purement germanopratin (quoi qu'en dise l'intéressé, qui, on le sait, a une sainte horreur des honneurs) qui, comme tous ceux de sa ridicule espèce (songeons au dernier carré de bavards qui entourent le châtelain moins achrien qu'acariâtre de Plieux), est la pire des malédictions réservée à un auteur vivant, cette petite cohorte de pâmoisées ménopausées et de demi-mondaines paumées criera donc au chef-d'œuvre aérien, rejouera à n'en plus finir la morne ritournelle du temps qui passe et des amours envolées si bellement serties par l'orfèvre Matzneff, saluera la morgue ironique de l'écrivain vivant sans le sou (mais qui est toujours par monts et par vaux, à prendre d'inesthétiques kilogrammes dans les restaurants les plus rapicolants), évoquera encore, sans l'ombre d'un sourire, la pureté de l'écriture, ou, sous la plume de tel écrivaillon officiant dans une pissotière publique oubliée des cantonniers, se donnera des frissons en écrivant une de ces phrases si typiquement journalistiques, stupides, qu'elles en deviennent des monuments de drôlerie, que c’est donc «un Gabriel Matzneff qui ne se livre plus par l’écriture, mais qui est livré par l’écriture», s'amusera enfin à tenter de déchiffrer quel sycophante, quelle nouvelle maîtresse se cachent derrière les initiales des destinataires de Matzneff.
Rusé renard, qui cache sa trouille d'un procès derrière le respect d'une vie privée qu'il a en partie bafouée en publiant des courriels qui ne peuvent que nous donner bien des indices sur celles et ceux qui en furent les destinataires.
Passionnante lecture quoi qu'il en soit, n'en doutons point.
Et puis ma foi, ne boudons pas notre plaisir car, si ce livre paresseux, au sens où il n'est qu'un collage de messages, peut verser quelques gouttelettes de joie ineffable dans le gosier étroit de trente-cinq personnes, fantômes errants des vieilles maîtresses compris, ce n'est déjà pas si mal.
Quel gâchis tout de même. Ce même gâchis que j'exposai dans ma note sur les Carnets noirs et qui fut minablement compris, par bien des non-lecteurs, comme de l'envie, du mépris ou de la haine à l'égard de Gabriel Matzneff !
Ce même Gabriel Matzneff est pourtant infiniment plus drôle lorsqu'il moque la «quakeresse» Ségolène Royal ou stigmatise l'esprit festif de Paris, plus intéressant lorsqu'il écrit sur les émeutes dans les banlieues françaises (cf. p. 108, À propos des émeutes, recueilli dans Vous avez dit métèque ?) ou d'autres que lui, à l'exception bien sûr de la stupide Gilda D., dont c'est dans ce livre le retour tant redouté et que je vais de ce pas honorer en note (1).
Ce n'est certes pas la première fois que Gabriel Matzneff non seulement sombre dans le ridicule mais nous ennuie profondément en évoquant ses maîtresses et amies, surtout lorsqu'il les défend (puisqu'elles savent écrire, comme nous le prouve sans l'ombre d'un doute cet entretien d'un ennui abyssal), d'une façon tellement grotesque et exagérée qu'elle est peut-être, secrètement, une vacherie. Voyez ainsi ce consternant numéro de cabotinage tout de même extraordinaire en ceci qu'il nous montre un écrivain faisant mentir les mots qu'il utilise.
Pour un peu, j'ai cru que Matzneff nous rejouait la scène, si aimée par les écrivains approchant de leur hiver, de la passation de pouvoirs, Mauriac saluant le jeune et génial Huguenin par exemple.
Jean-René Huguenin d'un côté. Mauriac.
Marie Rivière de l'autre. Matzneff.
Nous avons ici le résultat du progrès sans doute, même celui qui gangrène les mœurs littéraires, progrès à lecture forcée qui est déchéance selon l'antique belle songerie de l'âge d'or.
Remarquable équilibre de la balance n'est-ce pas ? Triste dévaluation du canon de ce qui peut être considéré comme un écrivain et de ce qui, sauf à invoquer d'étroites affinités électives qui n'ont rien à voir avec la littérature, ne peut en aucun cas l'être et ne le saura jamais, fût-ce par les exaltations évohesques d'une bouche menteuse.
Comment peut-on, après avoir entendu de si enthousiastes déclarations qu'elles semblent être adressées à quelque réincarnation de la magnifique Marcelle Sauvageot, prendre au sérieux celui qui les a faites, considérant le fait qu'il est, très probablement, sincère ?
Pouvons-nous, de même, faire confiance aux dires de cet artisan émérite qui connaît un petit peu son métier tout de même et qui a, je veux bien le croire, l'amour de la langue française, s'il fait mentir les mots, pour lancer de si façon si grotesque la carrière, espérons-le vite éteinte, d'une de ses jeunes protégées ?
La réponse est non, nous ne pouvons pas faire confiance à Gabriel Matzneff défendant certaines de ses lectures.
Ma réponse est d'autant plus claire que Gabriel Matzneff fait une belle profession de sincérité (cf. p. 81) en écrivant qu'il se livre tout entier dans son journal intime.
Une telle proposition est bien sûr absurde, et pour des raisons évidentes, de la plus commune à la plus spirituelle : d'abord, ce livre de Matzneff n'est qu'un choix de courriels, je l'ai écrit. Pourquoi, je n'y reviens pas, ne pas avoir publié les nombreux courriels que Matzneff m'a adressés et qui, relecture faite (voyez comme je reste prudent), me paraissent tout de même diablement plus intéressants que ceux qu'il a envoyés à l'insupportable Gilda D. ou aux membres de sa société de lecteurs s'étrillant pour d'obscures et inintéressantes raisons de précellence, de ragots, de jalousies et de racontars de bas-bleus se piquant de littérature ? Ce n'est là qu'un détail bien sûr, Matzneff est maître de ses choix mais enfin, certains sont éloquents quant au sérieux qu'il accorde à la chose littéraire, y compris même celle qu'il a produite !
Ensuite, quel écrivain digne de ce nom, et j'accorde à l'intéressé, bien volontiers, le fait qu'il fasse partie de cette catégorie finalement très sélective, peut se vanter d'avoir tout reproduit, absolument tout reproduit, événement le plus infime d'une banale journée, révélation la plus intime, détail inavouable, pensées secrètes ? Nul ne l'a fait, ni Amiel ni, plus récemment, Léautaud, pas même Bousquet qui, tout cloué à son fauteuil qu'il était, était diablement plus remuant que Matzneff. Nabe peut-être ? Nabe, oui, et il a payé très chèrement cette volonté de tout dire, accordons-lui sans hésiter cette volonté de fer et cette cohérence rendue au sérieux de l'écriture.
Matzneff ? Un peu de sérieux, nous n'allons tout de même pas confondre, à notre âge, les petites confessions homéopathiques qu'un écrivain s'applique sur le visage en leur prêtant les vertus d'une pommade anti-rides avec les zones de subduction de quelque diariste de souterrain dont les colossaux renvois de bile suffiraient à ronger les colonnes du monde civilisé.
Allons allons, nous avons assez soupé de cette vieille lune de la transparence totale, surtout lorsque Gabriel M. transforme les prénoms de certaines de ses maîtresses, remplace par des astérisques les patronymes d'autres, surtout lorsque nous songeons au fait qu'il y a infiniment plus d'impudeur dans telle ellipse du volume des lettres d'un Dominique de Roux que dans le clinique étalement des séances amoureuses de Gabriel Matzneff, et plus d'érotisme dans une seule phrase, apparemment anodine, de Guy Dupré («Jambes encore émouvantes dont elle déplie la gauche sur son divan», p. 18, Bartillat, 2010) extraite de son magnifique Journal s'étendant de 1953 à 1978 et intitulé L'âme charnelle, que dans les contorsions d'un vieil homme sur un corps nubile (ou peu s'en est fallu) !
La belle parade que de me rétorquer que c'est justement pour prouver «la véracité de chaque page, de chaque ligne, de chaque mot» du journal de Matzneff que ce dernier a «mis en sécurité les documents concernant les jeunes personnes qui ont partagé, ou partagent», sa vie (note 1, p. 81) !
Véracité et non point vérité, notons-le alors que, quelques lignes plus haut, Matzneff parle justement de «vérité biographique, historique». Ni l'une ni l'autre ne constituent des socles absolument indémontables pour les lecteurs présents et futurs de Gabriel Matzneff qui, après tout, pourraient appliquer aux écrits concernés la vieille suspicion critique qui veut qu'un écrivain en sache infiniment moins sur sa propre vie, voire nous mente en toute connaissance de cause, que tel chercheur enfermé dans une salle de lecture de bibliothèque.
Notez que je me fiche de savoir si Gabriel Matzneff nous ment, puisque je constate qu'il exécute son numéro de trapéziste à bout de souffle au-dessus d'un filet de soie et de coton.
Et puis, Gabriel Matzneff, quelle attitude, pour le coup, de petit-bourgeois précautionneux que la vôtre (cf. p. 78, où Matzneff raille les propos de Judas lors de l'épisode de la pécheresse parfumant les pieds du Christ), celle d'un écrivain cherchant à se mettre en danger juste ce qu'il faut, à frôler sans jamais la franchir la ligne rouge entre l'impudicité et l'étalage de sa vie privée, tout en se gardant bien de révéler certains points qui pourraient vous valoir des attaques (qui de toutes façons viendront de celles et ceux qui vous survivront, voire des enfants de ces derniers) !
Allons allons, un peu de retenue et de pudeur tout de même; et Matzneff de citer Baudelaire et Rimbaud qui, en matière d'insécurité (cf. p. 74), non point seraient de son avis, mais, bien au contraire, lui en remontreraient.
Si, selon tel propos fort connu de Michel Leiris, écrire c'est «introduire ne fût-ce que l'ombre d'une corne de taureau dans une œuvre littéraire», j'ai bien peur que les journaux de Matzneff et à présent sa correspondance virtuelle ne distillent rien de plus qu'une extraordinaire complaisance, un amour éperdu de son petit moi et, hélas, n'introduisent rien de plus que l'ombre d'une ombre de corne de taurillon...
Sincérité de Matzneff ? Sujette à caution, comme celle de n'importe quel auteur n'en finissant pas de s'exprimer, de s'extasier sur son œuvre, ses régimes, ses voyages, ses dîners, ses coucheries, ses amants et amantes.
Oui mais, Gabriel, le taureau ?
Sincérité pas moins suspecte lorsqu'il concède que sa «vie [est] absurde», qu'il «manque d'énergie pour [se] ressaisir, par désespoir et désabusement» (p. 88).
Ainsi, si notre société est fondée sur le mensonge (voir le très bel émile pp. 184-5), votre livre l'est aussi, Gabriel Matzneff, comme tous les livres probablement qui toutefois, à la différence du vôtre, ne se targuent point de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
Il n'y a donc pas, pour reprendre les propos de Matzneff (qu'il tint face à Guillaume Durand en 2001 dans une émission de Campus) et, avant lui, de tant d'autres écrivains masquant la pauvreté de leur écriture sous ce nuage de fumée faussement provocateur, il n'y a donc pas de sujets nobles et ignobles.
Tout est sujet. C'est l'écriture qui transfigure.
Proposition éminemment contestable, surtout lorsqu'il n'y a pas de sujet (des courriels ?) et finalement très peu d'écriture.
Note
(1) Une personne travaillant dans l'édition a-t-elle besoin d'avoir un tout petit peu de culture littéraire ? Réponse : non bien sûr, il lui suffit d'avoir grignoté tous les navets d'Amélie Nothomb. Souvenons-nous de l'utile méchanceté de Baudelaire en adaptant à la cagole de Saint-Germain-des-Prés qui nous occupe une de ses plus imparables piques : On a toujours un peu honte de citer un nom qui dans cinquante jours ne dira plus rien à personne. Gilda D., qui, étrangement, a droit à un prénom d'emprunt, le téméraire Gab la Rafale, qui jamais ne perd une occasion de nous rappeler qu'il est un frondeur (cf. p. 74), ayant été sans doute échaudé par les menaces de procès qu'elle lui signifia avant la parution de ses Carnets noirs, qui sont en fait roses. Il est tout de même comique de constater que cette écervelée, dont la vie semble remplie par ses statuts Facebook qui nous apprennent qu'elle a plumé, avec grand plaisir, un pigeon de 200 euros ou qu'elle en cherche un autre pour lui offrir une paire de chaussures vénusiennes à 1 000 euros, a jeté son avocat sur un écrivain (qu'elle appelle, sur toutes les longueurs d'ondes du spectre, Petit Chou [à la crème], cf. p. 236) dont elle s'est vantée d'être la maîtresse à longueur de SMS incroyablement impudiques envoyés à une bonne centaine de personnes (dont moi) travaillant dans la presse ou l'édition, voire simples blogueurs.
Je me souviens encore d'une soirée chez Renaud C. (adoptons cette mode, par les temps procéduriers qui sont les nôtres...), où je vis venir, au bras de Dominique N. qui ne se gêna pas pour glisser aux invités qu'il s'affichait là avec l'une des dernières conquêtes de son ami Gabriel M., Gilda D. en tenue de cosmonaute tropézienne (soit minimaliste et argentée), Gilda D. papillonnant devant le moindre lampion, parlant sans retenue, me présentant ridiculement aux innombrables inconnus qu'elle connaissait ou pas, faisant beaucoup de gestes des mains, des bras et peut-être même des doigts de pieds, parlant encore et encore, se déclarant consternée d'avoir appris, par l'indiscrétion de *** (je risque gros, en conséquence, j'astérisque, comme Matzneff d'ailleurs !), que son toujours vaillant amant la trompait dix fois par jour et qui, en fin de soirée, s'approcha du Maître de ces lieux festifs, le très hiératique Renaud C. pour lui demander, tout de go :
- «Et vous, vous êtes qui ?
- Euh... Voyons, hésita le dernier monarque du Gers en son château dispendieux, je dois être celui qui vous invite. Oui, c'est cela, je suis votre hôte, ma demoiselle.
- Ah, d'accord, dit notre starlette sans même regarder celui à qui elle s'adressait.
Puis, sans réfléchir ne serait-ce qu'une petite seconde, d'un bel élan primesautier qui, selon Gabriel M., caractérise le plus finement la délicieuse impertinence des femmes, à moins qu'il ne s'agisse de celles qui n'en ont que les pires travers de leur sexe :
- Et c'est quoi, votre livre préféré ?
- Hum, hum, déclare, amusé, Renaud C. qui échange quelques sourires entendus avec les personnes l'entourant, voici une question qui me prend quelque peu au dépourvu, laissez-moi donc réfléchir, me concentrer, au milieu de tout ce bruit et après toutes ces coupes de Champââââgne, je craindrais de vous répondre si banalement que vous pourriez m'en tenassûtier rigueur et en prendrure Hômbrââââge.
Renaud C. réfléchit donc, plus d'une seconde en se frottant la barbe d'un geste gourmand et, redescendant son regard du plafond où il l'avait théâtralement collé affirme, avec la même assurance qu'un pilote d'Enola Gay qui lâcherait, après avoir mûrement réfléchi aux conséquences inimaginables de sa décision, au-dessus d'une ville sa petite merveille de précision atomique :
- Eh bien... Voyons... Oui... Oui, je crois que, sans la moindre hésitation, tout compte fait, ce sont, euh... oui... Il s'agit, hum... des Vagues, c'est bien cela, c'est le roman qui de loin qui emporterait mes suffrages de fort modeste lecteur...
- Ah ?... Connais pas, c'est quoi ça, Les Blagues, c'est de qui ?
- ...
- De Woolf voyons, chuchotent plusieurs personnes n'en revenant pas d'un tel mélange de sans-gêne et d'ignorance et, surtout, ayant constaté que, de stupeur effrayée sans doute, Renaud C. avait oublié de respirer et était entré dans une inquiétante apnée.
- Ah bon ? OK. Et il est mort ce Woulphe ? Non parce que, s'il était vivant, je pourrais lui proposer d'être son attachée de presse, ça ferait bien ça, sur une quatrième de couv, un truc du genre : Les Blagues, le livre préféré de Renaud C., ça pourrait même plaire (ici, Gilda D. balaie de son regard brillant et terrible comme celui de Gorgone l'ensemble des invités de Renaud C.) à, disons... euh... quelques personnes, quatre, peut-être cinq, non ? Enfin, si vous le dites, je vous fais confiance, mais moi, je le connais pas de toute façon alors hein, les livres que j'ai pas lus n'existent pas...
- ...».
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