Un été à Baden-Baden de Leonid Tsypkin (03/06/2019)

Photographie (détail) de Juan Asensio.
1382224116.jpgDostoïevski dans la Zone.





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C'est d'un seul souffle qu'il faut lire Un été à Baden-Baden de Leonid Tsypkin, longue phrase lancée aux trousses de Dostoïevski bellement préfacée par Susan Sontag chez Christian Bourgois. L'histoire de ce texte est curieuse puisqu'il a été publié dans un hebdomadaire nord-américain destiné aux émigrés russes, Novaya Gazeta, en mars 1982, quelques jours avant que l'auteur ne disparaisse, humble et quasiment inconnu sinon de ses proches, écrivain de l'ombre méritant de figurer dans la galerie de ces auteurs bartlebiens dont les livres sont pour le moins problématiques sinon carrément inexistants. Le phrasé halluciné de Leonid Tsypkin, répétant de page en page quelques images obsédantes (ainsi des scènes d'amour entre Dostoïevski et sa femme, décrites par des métaphores de baignade) s'adapte remarquablement à la passion dévorante, monomaniaque, du génial romancier russe pour le jeu, et nous a fait songer à la dernière partie de 2666 décrivant l'enfance de Benito von Archimboldi, ou encore à quelque Zone de Mathias Enard, mais parfaitement maîtrisé et ne tentant pas de tout dire dans des phrases interminables, grasses comme une pâtisserie orientale, bref sans queue ni tête.
Les phrases de Leonid Tsypkin sont elles aussi interminables, mais elles ne perdent jamais de vue leur unique objet contrairement à celles, boursoufflées, d'Enard, à savoir tel ou tel épisode, après tout banal, de la vie du joueur compulsif qu'était Dostoïevski. Et ce n'est là, encore, que le sujet apparent du texte sebaldien (comme Susan Sontag a parfaitement raison de le préciser) de cet auteur, bien davantage fasciné, dirait-on, par de nombreuses scènes, assez ridicules mais pas moins communément quotidiennes, durant lesquelles le prodigieux romancier russe a pu être, ou a pu se sentir car c'est tout un, humilié.

La suite de cet article figure dans Le temps des livres est passé.
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Lien permanent | Tags : littérature, littérature russe, critique littéraire, un été à baden-baden, leonid tsypkin, dostoïevski, éditions christian bourgois, susan sontag, le temps des livres est passé | |  Imprimer