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27/01/2006
Contre Gilles Grelet, Théorie-rébellion. Un ultimatum, par Francis Moury
Voici l'article (sous-titré : Exégèse d'un non-sens (presque) commun) rédigé par Francis Moury sur le livre polyphonique dirigé par Gilles Grelet (Théorie-rébellion. Un ultimatum, L’Harmattan, coll. Nous, les sans-philosophies, septembre 2005) auquel j'ai bien modestement participé, sous la forme d'un texte, publié dans la Zone il y a bien des mois, consacré au 11 septembre et, plus largement, à la question du Mal. Il va de soi que j'ai laissé, comme toujours d'ailleurs lorsque je lui demande d'écrire pour la Zone, une entière liberté de ton à mon ami. Le moins que l'on puisse dire, dès lors, est qu'il a su en user !
Bonne lecture de ce texte sans concessions auquel Gilles Grelet ou n'importe lequel des contributeurs de cet ouvrage (dont certains membres de l'ONPhi) pourra répondre, ici même, puisque je m'engage à publier ladite critique de la critique.
I - RAPPEL SPECTRAL DU SENS DE LA PHILOSOPHIE
«Il est de tradition, et pas seulement en philosophie, d’opposer la vérité aux nombreuses opinions, la réalité aux diverses apparences, l’objectivité aux impressions fugitives.»
Ch. Perelman, Opinions et vérité in Les Études philosophiques, Nouvelle série dirigée par Gaston Berger, quatorzième année, N°2, La vérité (P.U.F., avril-juin 1959), p. 131.
«Nous ne pensons pas encore de façon assez décisive l’essence de l’agir. On ne connaît l’agir que comme la production d’un effet dont la réalité est appréciée suivant l’utilité qu’il offre. Mais l’essence de l’agir est l’accomplir. Accomplir signifie : déployer une chose dans la plénitude de son essence, atteindre à cette plénitude, producere. Ne peut donc être accompli proprement que ce qui est déjà.»
Martin Heidegger, Lettre sur l’humanisme [suivie d’une seconde lettre également adressée à Jean Beaufret], texte établi et traduit par Roger Munier (nouvelle éd. bilingue revue Aubier-Montaigne, 1964 (réimpression, 1977)), pp. 27-185.
«Platon ne cesse de nous transmettre, ne saurait nous faire oublier l’originalité de l’opinion: inhérente à notre condition empirique elle est par-là même déchue; mais en même temps, elle a comme une priorité sur la science, non point essentielle (ni en valeur, ni par nature l’opinion n’égale la science) mais existentielle : si l’être ne nous apparaissait pas originellement dispersé et comme réfracté dans l’extériorité indéterminée de la «Chôra» aurions-nous besoin de le récupérer par la science ? […] Marque de notre condition, elle est aussi le principe initial de son dépassement.»
J.F. Chaumeil, La doctrine de l’opinion vraie selon Platon, sous la direction de M. le professeur Joseph Moreau, exemplaire relié souple, dactylographié + manuscrit pour les termes grecs (Faculté des Lettres et des Sciences humaines de Bordeaux, s.d. mais terminus a quo 1967 assurément), p. 110.
«[…] H. Gouhier, partisan de l’attention portée à l’individualité de la mise en forme d’un problème métaphysique, rend une philosophie inséparable de son cheminement historique et personnel. M. Guéroult recherche dans toute philosophie authentique l’adéquation d’une intuition séminale originelle et de son actualisation dans un système strictement architecturé. F. Alquié, écartant la menace d’une double réduction à l’origine individuelle ou à l’impersonnalité du système privé de ses conditions d’élaboration, définit une méthode qui part à la recherche de l’intuition propre au système et des servitudes philosophiques qu’il lui faut observer, et qui tiennent à la pérennité de certaines déterminations conceptuelles qui détiennent une vie indépendante des systèmes où elles ont pu figurer.»
Marie-Hélène Gauthier-Muzellec, Aristote et les commencements de la Métaphysique (Métaphysique A2) : méthode dialectique et paradigme méthodologique, in Les Études philosophiques, 71ème année, N°3, Philosophie ancienne (éd. P.U.F., juillet-septembre 1997), p. 321.
II - CRITIQUE DE LA RÉBELLION DES «SANS-PHILOSOPHIES»
A) PRÉSENTATION
Ironie de l’histoire : en septembre 2001, certains voulaient tuer une culture; en septembre 2005 certains autres proposent de tuer la culture et osent fièrement convier à ce sombre projet des contributeurs. Le XXIe siècle commence mal, décidément. Que cela nous motive à résister à cette décadence barbare avec toujours plus de détermination : c’est le bon côté de la chose. Après tout, nous aussi, nous appartenons dorénavant à ce siècle même si ce sont les précédents qui nous ont formé. Notre noble tâche est donc de défendre leur acquis contre ceux qui veulent les détruire. Ils veulent détruire la civilisation occidentale : nous voulons la maintenir. Les siècles suivants se souviendront de nos efforts méritants, nous l’espérons.
Venons-en au livre lui-même. Sa présentation esthétique, son titre, celui du nom la collection à laquelle il appartient, enfin son résumé en quatrième de couverture ne laissaient pas de nous inquiéter : on a vérifié les raisons qu’on avait de l’être.
Grelet est un disciple de François Laruelle, Principes de non-philosophie (1996) et un certain nombre de contributions réunies dans ce livre se revendiquent de la même source. Grelet a demandé à une quarantaine d’auteurs très variés un article n’excédant pas trois pages, donc forcément dense, pouvant s’insérer dans ce livre qui est en somme une tentative multidisciplinaire d’application concrète. Les 42 fiches bio-bibliographiques présentées en fin de volume ne précisent pas les dates de naissance des auteurs mais donnent une bonne idée de la variété de l’ensemble : philosophes, sociologues, géographes, écrivains et poètes, artistes, psychologues de générations diverses s’y croisent.
On peut distinguer trois catégories de contributions :
* Sur ces 42 textes que nous venons d’achever en cette nuit momentanément bruyante du 31 décembre 2005, disons tout de suite que cinq textes seulement trouvent entièrement grâce à nos yeux et à notre intellect, d’un point de vue strictement philosophique.
** Certains autres sont intéressants partiellement puis s’effondrent ou se brisent brusquement : par exemple celui sur la philosophie brésilienne (qui n’évoque pas un instant la devise positiviste comtienne «Ordem y progresso» pourtant inscrite sur son drapeau national : il faut tout de même le faire !) ou celui sur la philosophie de la culture nous ont laissé cette impression.
*** Enfin le restant se revendique du néo-structuralisme, du néo-marxisme, de l’anarchisme stirnérien, voire du féminisme ! On cite comme d’habitude avec emphase certains philosophes allemands mineurs contemporains, les Français Lacan, Foucault, Deleuze, Derrida, et quelques illustres inconnus récents qui sont écologistes, géographes ou économistes : ces trois disciplines sont à la mode, on dirait. On cite aussi quelques penseurs de la science comme René Thom ou Michel Serres (qui avait fait capoter, selon Pierre Boutang qui nous l’avait confié oralement en 1983, le projet d’édition par Pierre Arnaud des œuvres d’Auguste Comte à la Pléiade pour pouvoir imposer sa propre édition annotée mais discutable du Cours de philosophie positive chez Hermann) et quelques logiciens classiques du siècle dernier. Un poète aussi écrit un poème : bien écrit d’ailleurs mais la poésie philosophique commence avec Le Poème de Parménide (cf. sa présentation-traduction publiée par Jean Beaufret dans la collection Épiméthée dirigée par Jean Hyppolite aux P.U.F., 1955) et celui-ci ne soutient pas la comparaison conceptuelle avec son aîné. À gratter ce joli vernis, on n’atteint pourtant que rarement une véritable culture philosophique riche de son histoire. «Vers le concret» comme disait ce pauvre Jean Wahl qui doit se retourner dans sa tombe de temps en temps. Il faut dire qu’une des contributions se permet de critiquer en une phrase L’Être et le Néant de Sartre – à ce niveau de désinvolture, tout est permis, n’est-ce pas ? – auquel nous pensons parce qu’il avait dit son admiration pour ce titre précis de Wahl mais son mépris pour le contenu proposé, dans le beau documentaire cinématographique Sartre par lui-même filmé par Alexandre Astruc et Michel Contat de 1972 à 1976.
B) CRITIQUE DES CONTRIBUTIONS ESSENTIELLES (POSITIVES COMME NÉGATIVES)
Nous critiquons les textes sélectionnés parmi les trois catégories décrites ci-dessus en les replaçant dans l’ordre de lecture, donc dans l’ordre où ils apparaissent au sein du volume. Cette méthode respecte la variété de l’ensemble et en donne une honnête idée.
§ 1.1.2 (p. 18) : Infréquentable [texte repris sur ce blog sous le titre De l'horreur dénudée] de Juan Asensio
Il se trouve que notre ami Juan est le premier chronologiquement mais il se trouve aussi qu’on y a retrouvé des morceaux (sinon la totalité ? Peut-être, de mémoire...) parus vers 2004 nous semble-t-il sur le Stalker qui nous avaient déjà frappé par leur justesse lors de leur première lecture. L’ironie est que Juan est l’un des rares, sinon même le seul, à défendre par sa contribution l’idée d’ontologie (science maîtresse parmi les sciences métaphysiques, comme on sait) et à expliquer qu’il a voulu constituer une ontologie du mal qui n’a pas trouvé réception cordiale chez la plupart des philosophes qui furent ses lecteurs. Ceux-là étaient-ils des «sans-philosophie» greletiens ? Cela nous paraîtrait après-coup plausible mais le paradoxe est que ce sont eux qui publient sa défense d’une ontologie du mal alors qu’ils crachent cordialement sur la métaphysique et l’ontologie, l’idée de vérité, l’idée de morale et de mal aussi en général. Savoureux tout de même ! Juan se plaint que des philosophes (qui n’en sont pas, on le rassure) n’aient pas aimé sa démarche pourtant authentiquement philosophique : il a raison de s’en plaindre. Vouloir tenter de dire la réalité du mal (à l’occasion du «9/11») en visant à une ontologie du mal est un projet authentiquement philosophique, riche et pas seulement réussi par l’art ou la littérature. Vouloir viser un réel (une partie du réel) par la raison est un projet philosophique. Il n’y en a, d’ailleurs, jamais eu d’autre ! Juan traite le sujet greletien là où «ça» fait «mal» justement : en son noyau de négation de l’idée même de philosophie. On félicite cependant Grelet d’avoir publié ce texte qui est un cinglant désaveu de sa propre thèse centrale.
§ 1.2 (p. 22) : Un papier pour les sans-philosophies de Laurent Carraz
C’est un cas d’espèce : l’auteur manifeste une bonne connaissance de l’histoire de la philosophie, convient que l’appel lancé par Laruelle et Grelet est peut-être triste mais s’y rallie explicitement en méprisant ouvertement les plus grands philosophes tout de même. On n’y croit qu’à moitié et… c’est bien écrit : ressaisissez-vous M. Carraz ! Ne vous laissez pas charmer par le chant des sirènes de 1996 (date des Principes de non-philosophie de François Laruelle). Vous valez mieux que ça visiblement !
§ 1.2.2 (p. 28) : Rébellion de non-philosophie de Jean-Pierre Faye
Faye est un spécialiste de Nietzsche qui n’aime pas l’interprétation heideggérienne de Nietzsche. C’est son droit et ce n’est pas pour ça, évidemment, qu’il faut se passer de la connaître ni de la méditer. Il ressort donc ici les vieux journaux : on avait pourtant déjà lu son article Heidegger, le «trou noir» et le futur paru dans Le Monde du 25 mars 1988. Faye y surfait sur le succès mérité du célèbre livre de Victor Farias, publié en 1987 aux éd. Verdier. Sa contribution à charge était intéressante mais il la résume ici d’une manière encore plus succincte et agressive donc encore moins pertinente. Suivez donc le guide Faye au musée des horreurs de la philosophie : 1) Heidegger était national-socialiste. 2) Heidegger est l’héritier de l’histoire de la philosophie occidentale. 3) Donc mort à la philosophie occidentale à cause de Heidegger ! La visite était courte, moins drôle et pertinente que celle visible dans le savoureux et désormais classique film fantastique Horrors of the Black Museum [Crimes au musée des horreurs] (G.B., 1958) d’Arthur Crabtree. C’est entendu : Heidegger fut la matière du dernier vrai, grand, authentique débat philosophique et d’histoire de la philosophie du XXe siècle. On l’a, pour notre part, vécu en temps réel et passionné, ce débat. On a lu Farias, lu les articles dessus, lu les comptes rendus des livres-procureurs (Bourdieu par exemple, lamentable comme d’habitude), des livres-défenseurs (François Fédier, par exemple) que celui de Farias a suscités. L’histoire remonte aux attaques contre Jean Beaufret, aux Temps modernes d’après-guerre et même antérieurement encore : elle est parallèle aux deux derniers tiers du XXe siècle, pour tout vous dire. Mais enfin ce n’est pas en une demi-page écrite en septembre 2005 qu’on va revenir là-dessus correctement non plus. Et encore moins de cette manière péremptoire, presque délirante.
Faye accuse en outre la philosophie antique grecque d’avoir été misogyne : on s’en balance comme de notre première chemise, que la philosophie antique soit misogyne ou pas. C’est le cadet de nos soucis, on vous le dit franchement ! Ah ! Autre chose : le parallèle entre «l’effet Goering-Guernica» et la guerre en Irak ! Un peu court aussi, celui-là… Une guerre fait des morts : quel scandale ! On tue des gens sur Terre pour des motifs religieux, et même… moraux ou philosophiques. Eh bien : quelle nouvelle ! On ignorait tout ça : vous aussi ? Et c’est pour ces raisons qu’il faut nier l’histoire de la philosophie, la noblesse des génies de l’humanité ! Ce n’était tout de même pas la peine de lire Nietzsche toute sa vie comme Faye l’a fait pour en arriver là, même pendant un instant d’humeur qu’on suppose évidemment bien noire.
§ 2.1 (p. 32) : La privation se dit de façon multiple de Jacques Colette
Le titre de Colette est une allusion que seuls ceux qui sont familiers de la philosophie aristotélicienne comprendront, notamment les lecteurs de Heidegger et Pierre Aubenque. Mais citant Platon et Kant aussi pertinemment qu’Aristote, Colette répond simplement par une affirmation négative ou une négation gentiment affirmative, tranquille et mesurée à la crétinerie initiale de l’entreprise : nier la philosophie c’est déjà en faire, nolens volens, donc l’admirer nolens volens aussi, donc l’aimer nolens volens derechef. Et certains en font qui croient n’en pas faire. Et certains pensent qui n’en font pas profession quand d’autres dont c’est pourtant la profession scient l’arbre qu’ils devraient cultiver. Alain et bien d’autres avant lui l’ont vu, pensé et dit et écrit. Il fallait tranquillement le répéter.
On va le dire franchement comme Colette n’a pas osé le dire pour que les choses soient bien claires: prétendre nier la philosophie comme résultat d’une histoire de la philosophie, prétendre «faire tomber l’arbre lui-même» (quatrième de couverture) et lui substituer une pensée neuve, vierge qui la remplacerait est une entreprise barbare par essence, ignare par vocation comme par origine. Vous voulez penser par vous-mêmes, messieurs les «sans-philosophie» ? Commencez par savoir puis comprendre puis méditer puis commenter ce qu’ont pensé vos prédécesseurs ! Respectez-les comme des maîtres indistinctement – la tradition vous le commande de toute manière, la science aussi : nulle philosophie en dehors de l’histoire de la philosophie ! – et ensuite seulement tentez de vous élever à leur cheville avant de trop (on allait écrire «l’ouvrir») parler/écrire/éructer de telles insanités !
§ 3 (p. 45) : Entre sophistes et sages de Gilbert Kieffer
Ça commence mal : on nous cite Lévi-Strauss (quand finira-t-on de nous fatiguer les oreilles avec ce sinistre sophiste : qui va enfin reconsidérer la pauvreté insigne de son Le Totémisme aujourd’hui ? Dès les années 1950, on savait que Lévi-Strauss était un pauvre d’esprit : il ne faut pas se lasser de le répéter), Derrida et même un brave Milton Erickson dont le prénom fait penser à un garde du corps de Malko Linge ou à celui de l’économiste en chef de l’École de Chicago et dont nous n’avons jamais entendu parler de toute notre vie, au demeurant ! Kieffer emploie aussi une abréviation qu’on n’a pas comprise : «PNL». Quid ? Ensuite les choses se clarifient, se simplifient : deux attitudes possibles. La vie ou la raison. Air connu mais profond : opposition riche. Ne date pas d’hier bien sûr. Kieffer n’invente rien : il cite Saint-Exupéry et Quand dire, c’est faire [How to do things with words] d’Austin.
Cette dernière citation évoque un beau souvenir : notre jeunesse agrégative à Paris-IV. Inutile de vous dire qu’avec les correcteurs mitterrandiens mi-socialistes mi-communistes qu’on avait en 1983, on était quasiment certain de ne pas être davantage agrégé en 1983 que normalien en 1981 ! À un an près, ça n’eût rien changé d’ailleurs, en ce qui concerne l’agrégation : le ver marxiste-structuraliste-socialiste était dans le fruit depuis l’après-guerre, pleinement installé et infiltré dès 1955 au sein même de l’administration scolaire française. Il fallait bien le vérifier tout de même : notre aspect empiriste et pragmatique anglo-saxon et indo-européen nous le commandait. On a même voulu le re-vérifier en 1998 à Paris-I : même cause, même effet ! Les boules de billard de David Hume, comme si on y était ! Pas un secret de toute manière, la manière dont on recrute les professeurs dans ce pays ! «Aurea mediocritas» + «conformisme» + «absence de culture» (les professeurs ne veulent pas d’élèves professeurs cultivés, ils veulent juste des élèves-professeurs : la culture est leur ennemi intime puisqu’on peut se le procurer sans eux) + «obédience politique au pouvoir en place» ou «piston familial» ou «absence d’opinion politique» pour cause de vocation de fonctionnaire juvénile. Au choix.
Notre meilleur souvenir de ce point de vue sociologique : un jeune homme de 22 ans obtient l’agrégation en 1998 : il battait des mains et sautait sur ses deux pieds pendant une discussion sur Spinoza à bâtons rompus, à chacune des remarques de notre professeur. L’anecdote est véridique et un détail que je ne puis vous révéler la rend d’ailleurs encore plus drôle. On se serait cru dans une expérience de laboratoire de psychologie animale : le comportement évoquait celui d’un singe recevant une friandise, comportement réitéré naïvement de la même manière à chaque nouvelle friandise (= explication, ici) reçue, l’aidant à préparer le concours. La France apprécie la bonne volonté et la table rase depuis le XVIIIe siècle : la preuve par l’agrégation décidément. Depuis cette preuve phénoménale, on a compris que les dés étaient pipés même si on en était bien convaincu déjà.
Bref, une des raisons pour laquelle on aime son texte, à Kieffer, d’ailleurs. Il restitue quelque chose de véritable, de réel. Deux mots que n’aiment pas, paraît-il, les «sans-culottes 2005». Malheureusement on retombe vite dans l’antienne : pas de racines, pas d’histoire, tout reprendre à zéro, plus de tradition, vive Laruelle ! J’en passe et des pires. Mais on finit sur une note pleine de sagesse : encore un mot que n’aiment pas les «sans-culotte 2005» d’ailleurs ! Décidément ils n’aiment rien de ce qu’il faut aimer. Ils ne liront donc pas La Sagesse de Plotin de Maurice de Gandillac au moins une fois dans leur vie ? Bref Kieffer nous dit texto : «il y a toujours eu une non-philosophie pour alimenter une création philosophique». C’est bien dit même si mon boulanger ou mon pharmacien peuvent en dire autant entre deux ouvertures de leurs tiroirs-caisses. À inscrire d’urgence au programme du C.A.P.E.S interne : le sujet aura du succès. On rit facilement mais tout de même, il fallait oser… Bref, Kieffer ne se mouille qu’à moitié et sa conclusion est absolument pertinente.
§ 3.2.1 (p. 62) : Pratiquer la phénoménologie : quelle révolution ? de Natalie Depraz
Sympathique car Natalie Depraz n’est de toute évidence ni révolutionnaire, ni «sans-culotte sans philosophie» pour deux sous ! C’est une phénoménologue sérieuse, presque besogneuse qui croit noblement en la vérité, en Husserl, et en la noble tâche de «fonctionnaire de la vérité». Son texte est bien écrit (qualité qu’on ne doit pas se lasser de souligner) mais surtout très drôle en raison de deux anecdotes personnelles racontées par l’auteurE (la contributrice Geneviève Fraisse nous surveille : on rajoute un «e» final en majuscule sinon on va aller en prison pour dix ans, privé de femmes en plus ! Dommage tout de même… ne serait-ce que pour le plaisir des yeux – enfin on aurait encore la télévision à condition d’avoir de l’argent de poche) et qui sont franchement désopilantes. On ne vous en dit pas plus : on vous laisse savourer celle sur Clément d’Alexandrie qui en dit long sur le carriérisme universitaire ! Sans oublier surtout celle, ahurissante du point de vue du niveau des étudiants actuels, concernant l’imbécile n’arrivant pas à recopier mentalement la réduction phénoménologique. Cette dernière surtout est digne des instants comiques dans les films d’Hitchcock : le suspense est inclus en cadeau-bonus. L’époché, ce sera pour une autre fois, concernant ce brave garçon. Le jour où il y arrive, on vous tient au courant sans faute. Sa professeurE pourra être fière de lui, et surtout d’elle.
§ 4.1.2 (p. 93) : Le dernier des sens de Paul Hegarty
Celui-ci est une assez sympathique et originale tentative de constituer une philosophie du bruit. Pas mal. Un peu confus et redondant parfois mais enfin sympathique. On vient de le lire vers minuit cette nuit du nouvel an : d’actualité. Heureusement le bruit n’a pas duré trop longtemps. Mais il est 03H48 du matin et des jeunes filles chantent dans la rue : Ulysse résiste, comme vous pensez. Il est – enfin «nous sommes» puisque Ulysse est modestement nous-même, vous l’aviez compris – attaché au gouvernail, maîtrise son attelage, suit la route tracée. Nous (ma présomptueuse représentation mentale de moi-même et… moi-même) continuons. On passe par-dessus quelques textes consacrés à la géographie, à l’idée que la ville est devenue le monde et réciproquement, à l’idée aussi que la nation n’a plus de sens : airs connus. Chaque sujet (anciennement «ego» est devenu un mini-réseau, un mini-internet, un atome communicant : tant mieux, nous dit-on. C’est mieux qu’avant. Ah et puis on a oublié de vous dire que selon certains la psychanalyse freudienne est dépassée : originale comme idée. Par qui ? Lacan ? Ce sophiste minable adulé par les imbéciles ? Freud, le génie de Freud, n’ont aucun souci à se faire en lisant «çà» d’outre-tombe. Nous, on confirme que «là où ça était, je dois devenir». Freud l’a compris en lisant les Grecs, Shakespeare et quelques autres. Il n’avait pas besoin que des pitres comme Lacan ajoutent le ridicule grain de sel par-dessus. Et Freud l’a compris aussi en observant la réalité. Bon, bref… le texte intéressant suivant … ah le voici !
§ 5.1 (p. 116) : Réformer les études culturelles – Pour une science de la culture de Sathya Rao
Les pages 116-117 sont claire, bien écrites, présentent rationnellement et correctement le problème qu’elles veulent traiter. La thèse est ce qu’elle est mais enfin on la comprend, elle se tient debout. Mais à partir du moment où le dernier paragraphe de la p. 117 adhère à Laruelle en le citant, tout s’écroule jusqu’à la confirmation involontairement drôle des deux dernières lignes que le raisonnement est vain : bien sûr que ce qui n’est pas X, que Y entretient et a toujours entretenu des rapports avec X ! Et ce n’est pas l’idée «actuelle» de le nommer Z qui y changera quelque chose ! C’est bien la décadence des années 1990 : changer le nom, vous évacuez la chose ! Pirouette, tapis volant… La philosophie classique a pensé la culture non-philosophique (les pratiques diverses) comme la pensée elle-même : passible d’unité ou de différence, exclusivement puis relativement l’une à l’autre. Les deux voies ne sont plus tenables. La culture est – ne doit plus, d’ailleurs – être pensée au sens strict car elle est immanente, occasionnelle, utopique. Bizarre tout ça tout de même : pourtant le problème est simple. Il n’y a même pas de problème du tout ! La philosophie a toujours pensé ce qui n’était pas elle et brusquement on déclare qu’elle a mal fait son travail donc qu’il faut s’arrêter de penser ! Délirant. Je me demande ce qu’en aurait pensé le Max Scheler de Les Formes du savoir et de la culture. Enfin… bref : s’il lit tout ça comme nous, il doit lui aussi se retourner dans sa tombe. Ce n’est pourtant pas si compliqué de se dire qu’il y a un monde et qu’il faut le penser pour en tirer la vérité ! Eh bien, non : Laruelle et ses ami(e)s ne veulent plus de ça… Ils le remplacent par une méthodologie anti-méthodologique débouchant sur la néantisation de toute valeur, de toute culture – comme telles.
§ 5.2 (p. 119) : Philosophie-en-France / Comme un Étranger dans la France des philosophes de Didier Moulinier
Exemple d’un texte particulièrement dangereux et pervers, notamment son début. Qu’on en juge car il faut hélas citer : «Existe-t-il une philosophie française ? Il y a bien de la philosophie en France – qui pourrait en douter ? Mais qu’est-ce que «la» philosophie française ? À cette question, aucun philosophe censé et respectable n’oserait apporter une réponse unilatérale.»
Eh bien, M. Moulinier, apprenez que plusieurs historiens français de la philosophie française ont répondu à votre question, parmi lesquels on peut citer :
- Émile Boutroux (1845-1921), Nouvelles études d’histoire de la philosophie (éd. posthume Félix Alcan, 1927) peut être lu immédiatement après Delbos car il rassemble uniquement de belles et importantes études sur des philosophes français même si son titre ne l’indique pas. Il contient notamment La philosophie en France depuis 1867 (lu par Boutroux au Congrès international de philosophie d’Heidelberg puis paru dans la Revue de Métaphysique et de Morale en 1908) qui se donne explicitement comme étant la suite du célèbre Rapport de Félix Ravaisson sur la philosophie française (1867) qui en résumait déjà admirablement l’évolution depuis le début du XIXe siècle.
- Victor Delbos (1863-1916), La philosophie française (éd. posthume avec un avertissement de Maurice Blondel, éd. Plon, 4ème éd. 1919) – «En étudiant les éléments originaux de la philosophie française, je voudrais montrer en quoi la France s’est révélée dans ses façons de philosopher autant que dans ses doctrines, indépendamment de l’influence anglaise ou allemande.» (V.D. le 06 novembre 1915, cité par M.B., op. cit., Avertissement, p. I) – 365 pages qu’il vous faudra lire tout de même un jour, M. Moulinier.
- André Cresson (1869-1950), Les Courants de la pensée philosophique française (éd. Armand Colin, coll. C.A.C. tomes I et II, N°85 et N°86, section philosophie, 1927 (réimpressions 1941 et 1946).
- Émile Bréhier (1876-1952), Transformation de la philosophie française 1900-1950 (éd. Flammarion, coll. Bibliothèque de philosophie scientifique, 1950).
- Jean Wahl (1888-1974), Tableau de la philosophie française (éd. Gallimard, 1ère éd. 1946 puis seconde éd. in coll. Idées-N.R.F. 1962).
- Vincent Descombes, Le même et l’autre. Quarante-cinq ans de philosophie française (1933-1978) (éd. de Minuit, coll. Critique, 1979).
Je recommande bien sûr d’abord Boutroux, authentique fondateur de l’histoire moderne de la philosophie dans notre pays et Delbos aux novices. Ils sont bien plus assurés, profonds et riches que Cresson, Wahl et Bréhier concernant une même matière. Wahl est souvent fin et riche mais excessivement emberlificoté même si son texte regorge de formules fécondes et bien frappées. Cresson est ancien, n’a pas le génie de Boutroux ni de Delbos, ni même celui encore une fois un cran au-dessous de Bréhier et Wahl, mais possède cependant une clarté remarquable. Descombes est excellent mais difficile et suppose la lecture des précédents pour être pleinement compris : sachez cependant qu’il avoue lui-même n’être pas exhaustif. On doit évidemment rajouter de tels livres aux Histoires de la philosophie générales qui les citent régulièrement en bibliographie lorsqu’elles étudient à leur place et en leur temps les grands philosophes français.
Moulinier se permet de dire un peu plus loin qu’il ne concède la qualité de «française» qu'à une pensée qui «refuse l’académisme». C’est une insulte à toutes les institutions philosophiques universitaires, dépositaires de cette noble tradition, à commencer par l’Institut de France (la meilleure d’entre elle) à laquelle appartenaient Boutroux, Delbos et Bréhier soit dit en passant ! On entre en effet à l’Académie des Sciences morales et politiques, section Philosophie parce qu’on est reconnu par une élite authentique (sauf navrantes exceptions toujours humainement possibles, bien sûr) et il faut donc la respecter par principe ! Sinon, rien n’a plus de sens et on peut mettre tout de suite la clé sous la porte ! Le reste du texte est une divagation dissolvante – sur la France et l’Europe, on ne sait quoi d’autre – digne de son début.
§ 5.3 (p. 123) : Obscénité de la philosophie – Pour non-philosophes avertis de François Laruelle
On s’attendait à un texte lui-même obscène tant le titre l’est.
Mais on est presque déçu : mis à part l’éructation abjecte du second paragraphe crachant sur l’élite des grands philosophes et osant mettre sur un pied d’égalité Derrida avec des génies comme Platon, Descartes ou Hegel, le reste du texte comporte une réflexion plus saine et mesurée sur l’idée de réel «parousique» opposé à l’intellectualisme de son appréhension. Air connu mais enfin… Laruelle nous parle même de la personne : il a relu Mounier ? On trouve cependant au fond de tout cela une idée dangereuse : l’idée que le peuple vaut mieux que l’élite naturellement directrice qui doit le diriger. Idée jacobine démagogique, dangereuse et face à laquelle il faut toujours demeurer très vigilant. L’idée de remplacer le professeur par le balayeur a déjà été testée grandeur nature in situ n’est-ce pas ? Si c’est ça que Laruelle a en tête, derrière la tête, ou au fond de la tête, il faudra tout de même qu’il nous passe sur le corps avant : l’union de l’âme et du corps sert aussi à empêcher ce genre d’errances. On en parle parce qu’un médiocre contributeur annexe croit bon de citer un texte de Deleuze parlant de l’inanité de ce problème. Il n’a même pas lu Deleuze correctement ni intégralement d’une part – ce n’est parce que Deleuze a collaboré avec ce pauvre Félix qu’il ne fut pas aussi parfois sain d’esprit et capable de dire de belles choses, tout de même ! Et ce n’est pas parce que cette citation est textuelle qu’elle est unique sur le sujet, Dieu merci ! – et il ne connaît probablement pas non plus les études de Merleau-Ponty rassemblées par Jean Deprun sur le sujet. Un autre contributeur, non moins drôle, à moins que ce ne soit le même, cite Deleuze d’une manière nouvelle : aucune référence bibliographique ni de pagination à la phrase citée mais un renvoi vers… le site Internet consacré à Deleuze ! En matière pédagogique et universitaire, on a fait mieux. Là on atteint quelque chose d’inquiétant. Si les écologistes triomphent et qu’on n’a plus d’électricité nucléaire un jour, on n’aura plus Internet non plus ! Alors il faut tout de même avoir des livres chez soi et citer leur référence afin que les générations futures soient prémunies. On vous conseille d’ailleurs, si vous aimez nos textes, de les imprimer au cas où aucun éditeur n’aurait la bonne idée de les rassembler un jour en volume. Vous êtes ainsi certain d’en conserver une trace au cas où une catastrophe se produirait. C’était un aparté narcissique qu’on nous pardonnera [étant donné, cher Francis, que nombre de tes textes sont par exemple dans la Zone disponibles au format PDF, ndJA]. Nous poursuivons.
§ 6.3.2 (p. 144) : Les deux tours de Cyril Epstein
Très beau texte bien écrit : il oppose la «Tour de David» à la «Tour de Babel» comme symboles d’un conflit entre le mal et le bien, d’un point de vue moral comme historique comme religieux autant que comme philosophique proprement dit. Intelligent aperçu sur la métaphore de la décapitation dans l’histoire de l’art et dans l’histoire récente. Bien sûr, une facilité apparente dès le titre : l’allusion facile au World Trade Center doublée de celle à un film américain récent adapté de Tolkien. Mais c’est bien sûr aussi le sujet profond du texte donc… on n’a rien dit ! Ce Cyril Epstein a-t-il un lien de parenté avec le cinéaste Jean Epstein, grand philosophe aussi d’ailleurs de son art ? Rien à ce sujet dans la biographie qui nous apprend en revanche qu’il est un spécialiste de Comte : nous aussi ! Un point commun, ça fait toujours plaisir. Son sujet de thèse résumé dans sa fiche biographique est par-contre un peu étonnant. On demande à voir, à l’occasion.
III - DÉFENSE DE L’HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE
Une navrante ignorance, visible, et une navrante incompréhension, non moins visible, de l’histoire de la philosophie apparaissent en filigrane d’une manière récurrente dans un certain nombre de contributions qui prétendent donner leur opinion sur cette histoire. Descartes est visiblement totalement réduit à une caricature et jamais lu, encore moins compris. Personne n’a donc lu Du rôle de l’idée de l’instant dans la philosophie de Descartes de Wahl, Le rationalisme de Descartes de Laporte, les études et les éditions classiques de Gouhier, de Gilson, d’Alquié ? On dirait que non ! Quant à Hegel ou Platon : souvent des caricatures aussi en guise de commentaire, la plupart du temps ! Tout cela est tout de même grave et laisse mal augurer de la santé mentale et morale des élèves de nos lycées et universités à qui cette noble discipline est encore enseignée.
On leur recommande d’ailleurs vivement, s’ils nous lisent hic et nunc, de commencer par lire une Histoire de la philosophie. Celles d’Albert Rivaud et d’Émile Bréhier valent par l’unité du point de vue rédactionnel de leur auteur, celle la Pléiade par la diversité autorisée et compétente des contributeurs. On les complètera en fonction de ses goûts personnels par des histoires spéciales consacrées à un sujet (les grandes doctrines morales, par exemple) ou à une période (la philosophie au moyen âge, par exemple). On le répète ici une fois pour toutes : outre une excellente culture générale supposant la connaissance du patrimoine culturel de base (histoire des mythes et des religions, histoire de la littérature, histoire des arts plastiques, histoire politique-économique-sociale, histoire des sciences) celui qui n’a pas lu les fondateurs grecs puis latins ne comprendra rien aux Pères grecs et latins ni aux pères médiévaux. Celui qui n’a pas lu dans son ensemble l’histoire de la philosophie de l’antiquité et de la philosophie médiévale ne comprendra rien à la Renaissance ni au Grand Rationalisme du XVIIe siècle. Et celui qui n’a pas lu tout cela est incapable de comprendre les Lumières (superficielles à quelques exceptions près comme Sade ou Diderot, d’ailleurs) du XVIIIe. Tout cet ensemble est à son tour indispensable à la compréhension des grands systèmes comme des grands anti-systèmes du XIXe. Enfin de même relativement au XXe qu’il est surtout utile aux jeunes esprits de bien connaître jusqu’en 1939. La suite peut attendre une maturité capable de trier entre analyses pertinentes et aberrations : on n’est pas capable d’effectuer ce tri avant une bonne dizaine ou vingtaine d’années de lecture et d’études consacrées aux parties précédentes. C’est le trajet des aînés qu’il convient de refaire si on veut les entendre. Inutile par conséquent de lire trop tôt les études d’histoires de la philosophie de Deleuze sur Hume, Kant, Spinoza, Nietzsche ou Bergson en espérant «faire d’une pierre deux coup». Le temps de la culture ne se rattrape pas à l’économie : il se conquiert patiemment.
Donc commencez, chers jeunes lecteurs (si fragiles par nature, ils nous importent dans cette affaire par-dessus tout puisqu’ils sont destinés, pour certains d’entre eux, à faire partie de l’élite de demain) par le commencement: apprenez les bases ! Vous penserez d’abord en apprenant, ensuite, beaucoup plus tard, par vous-même réellement, et toujours en méditant les grands penseurs reconnus, donc inclus naturellement dans toute histoire de la philosophie soigneuse.
Vous apprendrez notamment en lisant les belles études françaises d’histoire de la philosophie d’Émile Boutroux, de Jules Lachelier, de Victor Brochard, de Victor Delbos, de Victor Basch, de Léon Robin, de Joseph Moreau, d’Émile Bréhier, d’Henri Gouhier, de Léon Brunschivcg, d’Albert Rivaud, de Martial Guéroult, de Ferdinand Alquié, de Claude Tresmontant. Vous lirez aussi des monographies anciennes et reconnues pour leur valeur sur chaque penseur particulier sans oublier les manuels non moins classiques et riches d’Armand Cuvillier, Paul Foulquié et quelques autres. Leurs bibliographies sont encore aujourd’hui inépuisables de science, de richesse et de précision.
Privilégiez toujours l’ancien par rapport au récent : la culture était bien supérieure en France avant 1945, le niveau moral et intellectuel aussi, en règle générale ! Il suffit de comparer la rigueur de raisonnement, la prudence d’un Émile Meyerson à celles du dernier Gaston Bachelard, pour en être parfaitement convaincu. Tenez-vous en par prudence à ce terminus ad quem avant de vous risquer dans la jungle contemporaine 1950-2005. On ne les édite plus ces beaux livres d’avant-guerre; même leurs rééditions plus récentes s’épuisent ? Achetez-les d’occasion ! Elles valent cher ? Privez-vous de repas du soir pendant un mois s’il le faut afin d’économiser l’argent nécessaire à leur achat ! On vous dit que ces études sont démodées et dépassées ? Ceux qui vous disent cela veulent votre perte, sous couvert d’amitié : ne les croyez surtout pas !
Ne croyez pas non plus Laruelle, Grelet et leurs amis : la philosophie et son histoire, notamment sa partie la plus élevée (la métaphysique) et la section la plus noble de cette partie (l’ontologie) mais aussi ses autres sections (logique, morale, psychologie, sociologie, esthétique, politique sans oublier la philosophie des sciences et celle de la religion) sont de belles, bonnes et véritables choses qu’il faut d’abord respecter a priori si on veut un jour espérer les connaître vraiment. Elles ne se donnent (comme l’amour augustinien) qu’à ceux qui les ont d’abord aimées et désirées. Les comprendre en détail viendra de soi-même si vous travaillez sérieusement, et tout au long de votre vie. Ce qu’Althusser, Foucault, Derrida, Lévi-Strauss et leurs amis ont voulu tuer, ce que Laruelle, Faye et Grelet veulent encore tuer sous nos yeux : cette noblesse de l’Occident vous apparaîtra au contraire dans sa splendeur si vos yeux ont su veiller, la nuit, face à une parole écrite par principe pour vous et n’ayant que le réel, et la vérité de ce réel, et la maîtrise de ce réel, pour objet.
Je vous rappelle l'existence des sites suivants :
Non-philosophie, dirigé par François Laruelle.
Organisation Non-Philosophique Internationale.
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