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14/10/2008

Les Infréquentables deviennent un livre


Une méchanceté circulait au sujet de Lou Andreas-Salomé, rapportée par Hector Bianciotti dans Une passion en toutes Lettres : dès qu'elle s'attachait à un créateur, celui-ci accouchait d'un livre après un délai très strict de neuf mois de labeur.
Une méchanceté circule, paraît-il, au sujet de Léo Scheer, ce grand amant des lettres françaises : toutes les fois qu'il rencontre un jeune auteur, ce dernier, homme, femme ou commentateur de blog peu importe, neuf jours plus tard expulse un navet, immédiatement transféré en soins intensifs (une plantation hydroponique, sans même un milligramme de bon fumier odorant) par le bon docteur Florent Moreau-Georgesco chargé de le laver sommairement, de le peler et surtout de l'accommoder à une sauce mercantile dont il a le secret. Notre navet poussera certes de travers mais qui donc s'en rendra compte et s'avisera de jeter le légume transgénique à la poubelle ?
Les bonnes âmes qui me lisent constateront donc que, cédant à la mode et ayant approché Léo Scheer il y a quelques mois, je suis non seulement parvenu à conserver ma silhouette de jeune premier mais aussi j'ai réussi tonyà ne point expulser un cadavre d'ouvrage, à faire un livre comme on fait ses besoins...
Ces mêmes lecteurs auront également remarqué l'indiscutable infériorité de Léo Scheer, véritable tayloriste du mauvais livre, sur celle qui n'eut même pas besoin d'être la maîtresse de Nietzsche pour rendre ce dernier fou d'amour.
Cette note, je la dédie donc bien évidemment au blogueur Léo Scheer et à son nègre aquinate, donc subtil voire angélique, Florent Georgesco*, pourrait être malicieusement intitulée : Des effets surprenants de la blogosphère sur la réalité.
L'intéressé ou plutôt l'ex-intéressé, à savoir le très fin Léo Scheer, comprendra l'allusion : à trop jouer avec la notion de virtualité, on risque d'en payer quelques menues conséquences, tout de même réelles. Je précise d'ailleurs, pour les ignorants, que Léo Scheer est depuis longtemps versé dans ces questions complexes relatives aux frontières poreuses entre la réalité et la virtualité, récemment mises en lumière par un numéro bidon de Chronic'art qui ne cesse de faire la fierté de ses rédacteurs.
Je connais au moins une personne qui l'avait éventée au bout de quelques heures seulement (et, bien sûr, d'une recherche instantanée sur Google) et qui fut priée, à genoux ou presque, par le patron de Chronic'art en personne de ne point vendre la mèche avant, tout de même, que ce faux numéro n'ait fait parler de lui, donc, vendre quelques exemplaires...
De qui s'agit-il ? Allons allons, la curiosité est un vilain défaut, surtout lorsqu'elle voudrait se proposer de ternir la réputation de nos si impeccables journalistes hyper-branchés... Heureusement pour les ventes de Chronic'art que David Abiker, avec quelques autres, ont foncé comme un seul homme sur le panneau, pourtant visible à quelques bonnes centaines de mètres.
Et puis votre serviteur n'a-t-il pas berné quelques scheeriens patentés ou d'occasion, dont la très peu mémorable Peggy Sastre ?
Toutefois, laissons nos petits Néo s'amuser dans leur lilliputienne Matrice festiviste et parisienne et revenons à nos moutons enragés, un sujet infiniment plus noble il me semble.
J'évoquais donc les conséquences pratiques de comportements virtuels.
En voici une, de poids certes modeste mais pas moins bien réelle : mon refus de faire paraître ce livre, pour le moment intitulé Les Infréquentables, aux éditions Léo Scheer.
Je le confesse, humblement : j'ai failli être tenté, oui, mea maxima culpa, par une publication aux éditions Léo Scheer, pour la simple et bonne raison que je ne me voyais pas proposer ces Infréquentables à des éditeurs qui, de toute façon, trop frileux ou trop lâches, n'en auraient point voulu, le rejetant d'une phrase-type, Malgré l'intérêt de votre projet, nous sommes au regret...
Quoi qu'il en soit, je l'écrivais en titre, Les Infréquentables, qui constituèrent un numéro hors série de la revue de Joseph Vebret, La Presse Littéraire, finiront bien par être édités par quelque courageux entrepreneur de démolitions ou, pour le dire plus clairement, s'il en existe encore : par un éditeur digne de ce nom.
D'ores et déjà, j'ai réussi à regrouper une bonne soixantaine de collaborateurs de qualité (je compte dans ce chiffre ceux que j'avais réunis, à quelques exceptions près, pour La Presse littéraire) autour de ce projet mais, malgré bien des efforts, je n'ai pu trouver de portraitistes dignes d'évoquer les écrivains (et penseurs) suivants : Caraco, Bernanos (Georges et Michel), Fraigneau, Monnerot, Chesterton, Péguy, Barbey d'Aurevilly, Daudet (Léon bien sûr), Ocampo, Cingria, Abellio, Morand, Bataille, T. S. Eliot, Jouhandeau, Maurras.
Je suis ouvert à toute suggestion (sérieuse : Soljenitsyne; moins sérieuse : J.-É. Hallier) bien évidemment, non seulement quant à l'ajout de tel infréquentable qui aurait été paraît-il scandaleusement oublié (comme Tony Duvert ? À vrai dire, oublié, il ne le fut pas...) mais également à celui d'un portraitiste auquel je n'aurais pas songé et dont, surtout, j'obtiendrais les coordonnées.
Un dernier mot : je compte dédier ce volume à la mémoire de Dominique Autié, décédé le 27 mai 2008, qui écrivit un beau texte sur Ernst Jünger et qui me proposa spontanément de le retirer du sommaire de La Presse littéraire, la place me manquant pour accueillir tous les textes. Tous, loin s'en faut, ne firent pas preuve d'une telle humilité...

* Il reconnaîtra, sur la photographie illustrant cette note, le premier jet du synopsis de nos Infréquentables, l'après-midi où, dans un agréable troquet tenu par une très désagréable mégère, nous avons bu de trop nombreux verres de vin blanc. La conversation fut très intéressante et même franchement agréable. Elle ne devait, bien évidemment, mener à rien, pas même à me pousser à lire les ouvrages paraît-il scandaleux de Tony Duvert.