Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« L'amour l'après-midi d'Éric Rohmer, par Francis Moury | Page d'accueil | Le beau mariage d'Éric Rohmer, par Francis Moury »

11/02/2010

Ce qu’on doit à Frédéric Bastiat, par Roman Bernard


Bastiat2.jpgÀ propos de Pamphlets de Frédéric Bastiat paru aux éditions Les Belles Lettres, 2009, coll Bibliothèque classique de la liberté dirigée par Alain Laurent.
LRSP (livre reçu en service de presse).

8.1 Bouton Commandez 100-30


Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas ou l’Économie politique en une leçon (1850).

On sait depuis Luc et Matthieu que nul n’est prophète en son pays. Méconnu en France, l’économiste libéral Frédéric Bastiat (1801-1850) fut assez prophétique pour inspirer des penseurs aussi illustres que Friedrich Hayek ou Milton Friedman. Ronald Reagan décrivait ce Landais de naissance comme son «économiste préféré». Quant à Margaret Thatcher, elle louait l’«élégance», la «puissance» du message de Frédéric Bastiat, «de tous les temps».
Plus récemment, en janvier 2009, le président tchèque, très libéral et très anti-européiste à la fois, citait, alors que son pays prenait la présidence tournante du Conseil européen, la fameuse satire de Frédéric Bastiat sur les marchands de chandelle, où il faisait demander à ces derniers une interdiction des fenêtres pour faire cesser la concurrence déloyale imposée par… le soleil.
Vaclav Klaus a dû essuyer les sifflets des eurodéputés devant lesquels il s’exprimait. Parmi eux, des Français, dont il y a fort à parier qu’ils découvraient ainsi leur défunt compatriote.
Il se pourrait toutefois que Bastiat soit de retour dans la terre qui l’a vu naître. En 2004 déjà, le livre L’État c’est toi ! remettait la pensée de Bastiat à l’honneur. L’an dernier, les Belles Lettres (cf. couverture) éditaient les pamphlets du publiciste, préfacés par son spécialiste, l’universitaire Michel Leter. Le même Michel Leter, dans la foulée de la création du Centre d’études du libéralisme francophone (Celf), publiait la correspondance de Bastiat avec Victor Calmètes entre 1819 et 1822. Ce mois-ci, enfin, sort le premier des sept volumes de ses œuvres complètes aux éditions Charles Coquelin. Claude-Frédéric Bastiat revient à la mode (1).
Dans l’ordre politique, l’époque ne semble pourtant pas aux politiques reaganienne et thatcherienne, qui s’inspiraient pour partie des préceptes de Frédéric Bastiat. Aux Etats-Unis, le président Barack Obama mène une politique socialisante, tandis que le successeur de Tony Blair au 10, Downing Street, Gordon Brown, se cramponne à l’héritage social-démocrate de son prédécesseur. Inutile de dire que ce n’est guère Nicolas Sarkozy, avec sa politique d’endettement public et de «relance» massifs conseillée par le jacobin Henri Guaino, qui va remettre à l’ordre du jour les principes d’économie politique du pamphlétaire bayonnais.
Les gouvernants français devraient au moins se donner la peine de les lire. Dans une langue d’une clarté, d’une précision et d’un raffinement rarement égalés chez les économistes, Bastiat s’attaque à tous les sophismes socialistes, étatistes et protectionnistes de son temps.
Dans son pamphlet le plus célèbre, Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas, sur lequel se termine le recueil de pamphlets des Belles Lettres, Bastiat, en catholique averti, commence par une parabole : la vitre cassée. Si une vitre est cassée par un mauvais plaisant, il s’en trouvera toujours un autre pour saluer le surcroît d’activité que cela procurera au vitrier, lequel achètera à son tour les services d’un autre artisan, et ainsi de suite. Cette « relance » de l’économie induite par le bris de la vitre, c’est ce qu’on voit. Ce qu’on ne voit pas, cependant, c’est que le propriétaire de la maison vandalisée aurait pu allouer la somme donnée au vitrier à autre chose. Ainsi, il n’y aura pas plus de «relance» de l’économie avec le bris de la vitre que sans. En revanche, il y aura eu une perte nette dans le premier cas : la valeur de la vitre.
Comment une idée si simple, si évidente, peut-elle être méconnue par les politiques qui, dès que l’industrie automobile se porte mal, imaginent des primes de reprise de voiture pour la «relancer» ? Ce qu’on voit, c’est le garnissement des carnets de commande de Renault et de Peugeot. Ce qu’on ne voit pas, c’est le manque à gagner pour d’autres secteurs économiques.
Et ce qu’on ne voit pas non plus, c’est que des autos en parfait état de marche sont détruites.
À partir de cette parabole et de la leçon qu’il convient d’en tirer (l’existence de «coûts cachés»), Bastiat va déconstruire toutes les idées reçues qui ont cours lors de la brève Deuxième République, dominée par les idées socialistes. En sa qualité de parlementaire, Bastiat dénonce par exemple les hommes politiques qui prétendent favoriser l’intérêt général en votant le financement public des théâtres, dont il remarque qu’en sus d’être dotés d’un argent qui aurait pu être alloué à des théâtres privés, si l’on avait osé compter sur le goût des citoyens pour l’art dramatique, ils sont souvent beaucoup moins prisés que ces derniers.
Toute ressemblance avec le financement public de l’«exception culturelle française», si exceptionnelle qu’elle coïncide étrangement avec la mort de la culture française, serait bien sûr purement fortuite. Toute analogie avec le fait que les rares Français encore épris de culture préfèrent le cinéma américain privé au cinéma français public serait également pur hasard.
Dans une note reproduite par les Belles Lettres, Bastiat résume sa pensée ainsi : «Si toutes les conséquences d’une action retombaient sur son auteur, notre éducation serait prompte. Mais il n’en est pas ainsi. Quelquefois les bonnes conséquences visibles sont pour nous, et les mauvaises conséquences invisibles sont pour autrui, ce qui nous les rend plus invisibles encore. Il faut alors attendre que la réaction vienne de ceux qui ont à supporter les mauvaises conséquences de l’acte. C’est quelquefois fort long, [et] prolonge le règne de l’erreur.» (2)
Ce qu’on doit à Frédéric Bastiat, c’est donc d’avoir, dans une forme accessible à tous, donné les outils intellectuels pour démasquer tous les sophistes qui veulent faire passer leur désir d’enrichissement et leur volonté de puissance pour des motivations humanistes désintéressées.
Comme disent les journalistes, force est de constater que Bastiat n’a pas vraiment été entendu. Aujourd’hui, ce n’est plus l’émancipation du prolétariat, mais la sauvegarde de la planète qui sert d’alibi moral aux insatiables appétits financiers des escrocs du GIEC.
Dès lors, comment faire entendre raison aux rares décideurs politiques et économiques de bonne volonté ? Comment leur faire comprendre que leurs «plans de relance» et autres « grands emprunts » sont non seulement inefficaces, mais encore néfastes à l’économie ?
La tentation de la défaite superbe n’est pas loin de saisir le nanocosme libéral français. Si Bastiat n’a pas été entendu, c’est qu’il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Si les préconisations de bon sens de Bastiat ne sont toujours pas appliquées, ce n’est en aucune manière parce que ces préconisations présenteraient un vice interne de fabrication.
Le «compagnon de route du libéralisme», plus soucieux d’efficacité politique que de purisme doctrinal, ne saurait se satisfaire de cette délectation morose des milieux libéraux. Si les idées de Bastiat sont méconnues en France, c’est également parce que la copie est à revoir.
Comme l’avait remarqué Jean-Jacques Rosa (3), la pensée de Bastiat est essentiellement rationaliste. Porté par la foi en la Raison qui animait son époque (et la franc-maçonnerie à laquelle il appartenait, en dépit de sa ferveur catholique), Bastiat croyait, naïvement selon Rosa, qu’il suffirait que les marchands de sophismes soient chassés du Temple de la liberté pour qu’enfin éclate la Vérité libérale. Bastiat méconnaissait du même coup le caractère profondément irrationnel de la nature humaine, qui préfère se laisser séduire par des idées manifestement mortifères que par des idées rationnelles et humanistes. Comment Bastiat, mort prématurément et né assurément trop tôt pour assister à la victoire des totalitarismes au XXe siècle, aurait-il pu expliquer que les islamistes triompheraient des libéraux, dans l’Iran de 1979 ? Que les fantassins de la Régression qu’étaient les bolcheviks ou les SA pourraient défaire sans coup férir leurs adversaires libéraux, humanistes et respectueux des institutions ?
La question est dès lors de savoir comment les idées libérales, dont l’auteur de ces lignes pense qu’elles doivent être réaffirmées, peuvent rencontrer l’adhésion des citoyens français, européens et occidentaux. Leurs préoccupations étant de plus en plus d’ordre identitaire, et la subversion des sociétés occidentales menée au nom de l’islam menaçant directement leurs libertés, il semble qu’il existe une chance historique d’une synthèse victorieuse des idées libérales et conservatrices, pour une double défense de la liberté et de l’identité de l’Occident.
Les libéraux saisiront-ils cette chance, ou préféreront-ils se complaire dans l’impuissance ?

Notes
(1) Jean-Jacques Rosa, Bastiat : illusions et désillusions libérales, in Commentaire (printemps 2005, Vol. 28, n° 109), pp. 258-260.
(2) Frédéric Bastiat, Pamphlets (Éditions Les Belles Lettres, Bibliothèque classique de la liberté, 2009), p. 395.
(3) Voir article cité.

Commentaires

Bravo pour cet article magnifique !!!

Et merci.

Écrit par : LOmiG | 11/02/2010

En effet, superbe article...!

A toutes fins utiles : http://centredetudesduliberalismefrancophone.hautetfort.com/
Les présentations et annotations de Michel Leter sont aussi d'excellente facture...

Écrit par : Aequalis | 11/02/2010

"Comment une idée si simple, si évidente, peut-elle être méconnue par les politiques qui, dès que l’industrie automobile se porte mal, imaginent des primes de reprise de voiture pour la «relancer» ? Ce qu’on voit, c’est le garnissement des carnets de commande de Renault et de Peugeot. Ce qu’on ne voit pas, c’est le manque à gagner pour d’autres secteurs économiques."

J'ai vu moi mème les choses de cette manière pendant un moment avant de me raviser, c'est impossible que les homme politiques ne soient pas conscients de ça, impossible qu'ils soient si idiots ...
Un seul mot, lobbying, copains etc ...

Écrit par : Pierre | 11/02/2010

Excellent article qui a le mérite de montrer que le libéralisme est le plus souvent incompris en France, et que la tradition des penseurs libéraux français reste incontournable pour agir efficacement sur notre présent et notre avenir...

Écrit par : Thierry Guinhut | 11/02/2010

Réponse à Pierre : Non, il est plus probable que les deux tares sont présentes chez les hommes politiques : La concussion comme mode de fonctionnement social, et l'incompétence comme caractéristique.
Je travaille dans une grande entreprise nationale et j'assiste depuis plus de 10 ans, après la disparition des dirigeants "historiques", à la dilapidation des richesses dans une succession de réorganisations, auxquelles participent une armée de "consultants" beaucoup trop inexpérimentés pour apporter quoi que ce soit, sinon leur appétit féroce pour digérer les richesses accumulées par les générations antérieures.
La prétention, l’inculture et l’appât du gain en même temps que le conformisme , voila les maux qui tueront la France des copains et des "frères"

Écrit par : Bruno | 11/02/2010

Merci à l'auteur pour cet article qui a le mérite de l'originalité (aucune ironie de ma part).
Je n'ai ni votre talent, ni vos connaissances pour réfuter les arguments exposés, mais vous devez connaître les critiques que Jean-Claude Michéa opposent à la pensée libérale. Q'en pensez-vous?

Quant à moi, quand j'entends parler des "insatiables appétits financiers", ce n'est pas précisément aux "experts" du GIEC que je pense.

Écrit par : Alix | 11/02/2010

On nous dit que Bastiat était l'économiste de référence de Reagan et de Thatcher, deux ennemis du socialisme, et c'est peu dire. Or le libéralisme un tantinet poussé (ulcéré ?) de ces deux-là ont conduit à des politiques de rentabilité maximale et de profits rapides : produire toujours plus avec le moins de personnel possible. Le personnel licencié, on en fait quoi ? On le met au chômage. C'est alors qu'il faut corriger cette aberration par des politiques de protection sociale. Libéralisme et socialisme se nourrissent l'un l'autre, chacun obligé de corriger les excès de l'autre.

Il est question de voiture. Un type achète une voiture à crédit. Après cinq ou six ans, à peine a-t-il payé son crédit (et parfois pas complètement), et alors que sa voiture est toujours en bon état, il en change et se remet un crédit à dos. Avec cet argent-là, lui aussi aurait pu faire autre chose. Le système libéral pousse à la consommation, et rien n'est plus étranger au bon sens que la consommation. Chacun le constate. Ce qui est fabriqué est désormais de qualité médiocre (voir tous les produits « made in China »). Un ouvre-boite tient un an, une paire de chaussures deux, si vous avez de la chance, et vous en rachèterez une nouvelle paire, vu qu'il n'y a plus de cordonnier. Et ainsi de suite pour quantité d'objets du quotidien, que jadis on avait pour la vie (ouvre-boite, casse-noisettes, couteaux, mobilier, etc.). On dépense donc plusieurs fois la même somme d'argent pour le même objet, on fait tourner l'économie, mais cet argent-là aurait pu servir à autre chose aussi. Et on ne cesse de jeter des objets parfois un peu usés seulement. Et je ne dis rien de cette chose très superficielle qu'on appelle la mode et qui nous contraint à remplacer (et à jeter) trop souvent des trucs et des bidules (des vêtements, la plupart du temps) tout à fait potables et portables encore.

Je ne mets pas en doute le bon sens de ce Bastiat, mais ceux qui se sont inspirés de sa pensée semblent l'avoir fort mal compris... Curieusement, on nous dit la même chose de Marx : les politiques inspirées de Marx sont un dévoiement de sa pensée. Comme c'est curieux, n'est-ce pas ? (dirait Sollers).

Mon économiste préféré n'est pas un théoricien, mais un capitaine d'industrie : Ernest Solvay.

Écrit par : Yanka | 11/02/2010

Dans un petit livre récent, Le Grand méchant marché: décryptage d'un fantasme français, D. Thesmard et A. Landier soulignent qu'il y a eu en France un épisode libéral fin XIXe, début XXe. Etat restreint, confiance dans l'initiative privée, beaucoup de Français actionnaires, très américains donc. Chose très curieuse, pour une époque aussi proche les auteurs indiquent qu'elle est assez méconnue, peu étudiée du point de vue économique. La réticence innée des Français au libéralisme serait donc un mythe.

Écrit par : J. | 11/02/2010

"Merci à l'auteur pour cet article qui a le mérite de l'originalité (aucune ironie de ma part).
Je n'ai ni votre talent, ni vos connaissances pour réfuter les arguments exposés, mais vous devez connaître les critiques que Jean-Claude Michéa opposent à la pensée libérale. Q'en pensez-vous?"

Tu peux lire un article ici : http://www.contrepoints.org/Jean-Claude-Michea-L-Empire-du.html

Quoique Michéa, bien que conservateur, n'a rien d'un Michel Valley, contrairement à Rials ou Chantal Delsol.

Ou avec Raynaud :

"Le tableau que donne Michéa de cet Empire du moindre mal qui finit par ressembler au meilleur des mondes est souvent juste et parfois saisissant, parce qu’il est servi par un style alerte, qui tempère l’indignation par une ironie pleine de charme. On peut cependant lui adresser deux objections. Il est possible, en premier lieu, qu’il y ait une part d’illusion rétrospective dans l’idée d’une nécessité de l’évolution du libéralisme politique vers le pur et simple règne du marché ; on aurait pu tout aussi bien, il y a quelques dizaines d’années, prophétiser l’autodestruction de l’économie de marché en montrant que celle-ci avait fait naître une demande illimitée de protection des droits qui se traduisait par le progrès régulier de l’Etat-providence."

Écrit par : Maximonstre | 11/02/2010

"oppose", pardon.

Écrit par : Alix | 11/02/2010

@ Yanka : vous confondez plusieurs choses, il me semble. Je dis ça sans aucun mépris ni aucune condescendance : je suis moi-même ignorant de beaucoup de choses.
Mais je connais assez bien le libéralisme. Vous confondez les bases morales du libéralisme (qui sont essentiellement une réaffirmation de la liberté individuelle, pensée AVEC ses limites naturelles - ne pas empiéter sur la liberté des autres -), et des effets possibles des actions de certains acteurs.

Le libéralisme ne pousse pas à la consommation, ni à la recherche du profit. Le libéralisme laisse les individus libre de vivre comme ils l'entendent. Si certaines personnes tombent dans une logique consumériste et superficielle, ce n'est pas à mettre sur le dos du libéralisme, mais plutôt sur leur manque d'éducation, de repères, etc...

Le libéralisme ne fait que définir un cadre légal et moral pour une société de liberté. Les individus en font ce qu'ils veulent, de leur liberté. Certains se vautrent dans la médiocrité : est-ce qu'il faut pour cela jeter la liberté individuelle à la poubelle ?

Écrit par : LOmiG | 12/02/2010

@ Ygor

Il me semble que vous partez ici du postulat que le libéralisme est aux affaires aujourd'hui, ou l'a été récemment. Si l'on s'en tient à la version classique du libéralisme, au sens européen continental donc, il est pourtant clair que le libéralisme est dans l'opposition depuis le début du XXe siècle.

James Burnham a bien démontré dans Suicide of the West que le sens du mot « libéralisme » s'était infléchi depuis la fin du XXe siècle. C'est pourquoi il signifie, en anglais, le contraire de ce qu'il signifiait au départ.

Le liberalism défendu par Obama n'est pas le libéralisme de Bastiat !

Et même si l'on s'en tient aux expériences reaganienne et thatchérienne, il convient davantage de parler de rééquilibrage que de réelle libéralisation.

Le Royaume-Uni travailliste des années 1970 était tellement collectivisé que Thatcher a dû le libéraliser à fond pour en faire... une social-démocratie.

Le responsable de la merde actuelle, ce n'est pas Hayek, c'est Keynes...

Écrit par : Criticus | 12/02/2010

Bravo, belle recension ! Il y aurait un véritable travail pédagogique à faire pour appliquer Bastiat à la plupart des problèmes économiques contemporains...

Écrit par : Paul Castaing | 12/02/2010

La lecture récente des "Pamphlets", associée à celle de l'ouvrage de Philippe Nemo "Les deux république françaises", conduit à une vision pour le moins décapante de la société française, d'aucuns diraient sarkozienne. Elle est hélas corroborée par nombres de statistiques ainsi que par le dernier rapport de la Cour des comptes (http://ladettedelafrance.blogspot.com/2010/02/cour-des-comptes-la-dette-semballe.html). Entendre certains qualifier la politique économique actuelle d'ultralibéral serait risible si, aux travers des mensonges assénés quotidiennement par ceux qui nous gouvernent ou prétendent le faire (ainsi que par les roquets de service), nombre de personnes ne se retrouvaient pas broyés par l'implacable machine à fabriquer de la pauvreté qu'est devenue la France.
Je partage les propos de Roman Bernard selon lesquels le libéralisme est dans l'opposition depuis la fin du XIXème (voir Philippe Nemo). Aussi paradoxal que cela puisse être eu égard à la conception politique traditionnelle, c'est ce libéralisme qui incarne désormais les valeurs de progrès face au conservatisme d'origine socialiste qui est la marque de fabrique de notre pays. Pour ceux qui en doutent, les grèves à répétition qui paralysent régulièrement les "services publics" suffisent à nous rappeler cruellement l'existence de ce conservatisme et son inefficacité, hélas, croissante.

Écrit par : H. | 12/02/2010

La ligne de partage entre libéralisme et socialisme ne passe pas forcément par la position prise vis-à-vis de l'État.
Par ailleurs le jugement porté sur Lord Keynes est injuste : Keynes était un "libéral marginaliste" (*) assez lucide et il a combattu la politique de déflation dans son important "Treatise on money".
Bastiat était un "libéral optimiste" (*) mais son importance théorique est bien plus marginale - au sens usuel et non plus technique dans l'histoire de la pensée économique - que celle de Keynes.

Cela dit, cher Roman, puisque vous vous intéressez aux problèmes économiques, que diriez-vous de l'étalonnage de l'Euro sur l'or ?

Il me semble que ce serait un excellent moyen d'enter la puissance de l'Euro définitivement de manière à le faire devenir un étalon universel. La convertibilité lui a déjà permis naturellement - il représente une richesse et une valeur de production supérieure - de surpasser la valeur de la £ et du US$ : l'étalonnage de l'Euro sur l'or interdirait aux spéculateurs internationaux, dont l'action est cosmopolite par nature, d'espérer un bénéfice de sa chute pour la simple raison qu'une telle chute deviendrait impossible.

(*) Cf. : C. Ambrosi, M. Baleste, M. Tacel, Histoire et géographie économique des grandes puissances à l'époque contemporaine, Livre II L'économie capitaliste libérale au début du XXe siècle, §II Les doctrines économiques libérales et leur application + Livre IV D'une guerre à l'autre (1919-1939), §III Les remèdes à la crise (1932-1939), éd. Delagrave, Paris 1967, pp. 122-138 et 388-418.

Écrit par : francis moury | 12/02/2010

Cher Francis,

Keynes n'était pas un libéral stricto sensu, c'était un liberal (dommage que les italiques ne passent pas sur Hautetfort...), et il entrait donc parfaitement dans cette catégorie de libéraux qui, de la fin du XIXe siècle au début du XXe, sont passés du laissez-fairisme à l'interventionnisme étatique. Keynes a d'ailleurs écrit « The End of laissez-faire » en 1926. Il n'était plus libéral à cette date...

Écrit par : Criticus | 13/02/2010

Keynes n'était pas un ennemi du capitalisme. Bien au contraire et l'histoire le prouve puisque c'est bien lui qui a sauvé le capitalisme anglais. Et il était libéral même si pas "stricto sensu". En outre, relisez Serge-Christophe Kolm, "Le Libéralisme moderne", éd. P.U.F., Paris 1984. Il n'y a pas, il n'y a jamais eu de libéralisme "stricto sensu" sérieux : il y a en revanche des libéralismes... y compris le libéralisme keynésien.

PS : je connais la disctinction sémantique entre libéral et "liberal", inutile de me mettre des italiques pour que je la comprenne, vous savez. De toute manière elle ne s'applique pas à Keynes. Non vraiment, oublions Bastiat et parlez-moi plutôt de l'Euro-or qui m'intéresse bien davantage en ce moment. Vous n'allez pas me dire qu'un défenseur du libéralisme comme vous ne s'intéresse pas aux problèmes monétaires ? C'est un des rares éléments intéressants de cette science sophistique et lugubre (Carlyle dixit) qu'on nomme chez nous "économie politique". On a d'ailleurs raison car les économistes sont en grande majorité, mis à part quelques penseurs remarquables comme Keynes ou Pareto, les véritables équivalents des sophistes antiques, au moins du point de vue de l'influence sociale car du point de vue théorique, les sophistes antiques demeurent nettement plus passionnants que les pauvres d'esprits nommés Ricardo ou Smith.

Écrit par : francis moury | 13/02/2010

"Ronald Reagan décrivait ce Landais de naissance comme son «économiste préféré». Quant à Margaret Thatcher, elle louait l’«élégance», la «puissance» du message de Frédéric Bastiat, «de tous les temps»."
Est-ce pour vous un gage de qualité de l'auteur que d'être loué par ces deux personnalités? si oui, en quoi?

"démasquer tous les sophistes qui veulent faire passer leur désir d’enrichissement et leur volonté de puissance pour des motivations humanistes désintéressées."
pensez-vous que les libéraux sont exempts de ces tares? Si oui, étant donné que vous estimez que le libéralisme n'a jamais été pratiqué stricto sensu, comment pouvez-vous en être sûr?

"la subversion des sociétés occidentales menée au nom de l’islam menaçant directement leurs libertés"
de quoi parlez-vous exactement? Il me semble que l'hégémonie doctrinale, économique, culturelle actuelle est occidentalo-américaine.

Ne pensez-vous pas que la position que vous tenez relève d'une sorte de confort intellectuel:
le systeme libéral est le meilleur mais il n'a jamais été pleinement exercé. Du coup, vous pouvez fustiger tous les autres sans risquer grand chose puisqu'on ne pourra jamais démontrer, selon cette logique, que le Libéralisme Véritable n'est pas la panacée.

Écrit par : kekiz | 14/02/2010

Cher Francis,

Je suis d'accord avec vous pour ma part au sujet de l'Euro-or qui aurait comme effet une stabilisation mais il faudrait aussi un contrôle politique de cette monnaie pour que les banquiers centraux ne soient plus les seuls décideurs comme c'est encore le cas au grand dam des tentatives européennes d'exportations.

Écrit par : Samuel | 14/02/2010

L'ironie de l'histoire, à propos de l'admiration de Roman pour Reagan, c'est que Pierre Drouin - dans son article chroniquant et discutant le livre de Kolm que j'ai cité en référence supra dans un de mes commentaires précédents - a pu se demander, en 1984, si "le seul gouvernement vraiment keynésien à l'heure actuel[le] (sic) n'est pas celui de M. Reagan, qui a réussi à réduire remarquablement le chômage [par] un déficit budgétaire considérable ?"

Pourquoi Drouin se demandait-il cela en 1984 au moment où Reagan redonnait l'espoir financier, économique, sociale et militaire aux USA après la crise traversée sous les Démocrates qui avait sérieusement affaibli ce beau pays ?

Parce que si la balance des paiements américains était alors déficitaire, le statut du dollar américain comme monnaie de référence mondiale, permettait d'outrepasser les contradictions entre une politique monétaire restrictive et une politique budgétaire expansive. C'est donc parce que les U.S.A. avaient une monnaie-étalon mondialisée qu'ils ont pu lutter à la fois contre la stagnation et l'inflation mais sans elle...

L'idée chinoise actuelle - idée qu'ils appliquent déjà - de détrôner le US$ est donc théoriquement saine : elle repose sur une analyse économique et financière de l'histoire contemporaine qui s'avère lucide. Le fait que la Chine achète parallèlement des bons du Trésor américain et des US$ et maintienne artificiellement le niveau du dollar américain est un autre problème qui n'est pas logiquement connecté au précédent : la preuve de facto.

Je propose - j'y reviens beaucoup en ce moment - compte tenu de ces expériences et de ces connaissances d'histoire économique et financière assez simples à examiner - que les Européens puissent répondre un jour - le plus tôt possible - aux Américains : "L'Euro-or c'est notre monnaie... c'est votre problème". Et que non seulement l'Europe mais les Trésors des autres gouvernements ayant acheté cet Euro-or puissent aussi leur dire. L'équilibre financier du monde sera rétabli sur une base assainie dans la mesure où la répartition des masses financières sera aussi mieux équilibrée.

Certes, l'Euro actuel vaut d'ores et déjà bien plus que le US$ et vaudrait encore davantage sans certains facteurs contingents gauchissant le marché financier des monnaies.
Un Euro-or remplacerait purement et simplement le US$ au niveau des échanges internationaux.

PS
Il y a au surplus une éminente dimension nationaliste - d'essence religieuse : Max Weber senserit -dans le libéralisme américain, dimension qui n'a rien à voir avec le "laisser-faire" dont Roman est tombé amoureux. Cf. : Henri Carey, "Harmonie des intérêts" (USA, 1850). Carey qualifié par Max Tacel (op. cit. in commentaire supra) de "maître à penser du parti républicain aux États-Unis".

Écrit par : francis moury | 14/02/2010

Cher Samuel, une solution trouvée, du moins modestement proposée, un nouveau problème théorique et pratique surgit ! Je vous le concède bien volontiers. Cependant, il me semble que celui que vous évoquez est assez connu et que l'éventail de solutions déjà adoptées pour le résoudre est assez large et diversifié.
Vous savez bien que ce à quoi j'aspire, préconisant ce que je préconise, est de remonter le temps, de retrouver pour nous hic et nunc la légendaire puissance, la légendaire stabilité du DM-or, du FF-or, de la £-or... et le statut international qui les accompagnait alors. Ce que je voudrais, c'est que l'Europe à présent unifiée retrouve le prestige des Empires occidentaux du XIXe siècle, sans ses rivalités : une sorte de démultiplication aboutissant à faire retrouver à l'Occident le rôle prépondérant qu'il occupait sur la scène internationale, à tous points de vue, avant la Première guerre mondiale. Une telle prépondérance retrouvée est dans l'intérêt des autres blocs constitués : Alena, Asean, Afrique, etc.

PS CORRIGENDA dans mon commentaire immédiatement antérieur :
- 2ème paragraphe, lire "social" au lieu de "sociale";
- 3ème paragraphe, seconde ligne, supprimez la virgule;
- dans le PS, lire bien entendu "Henry Charles Carey" au lieu du "Henri Carey" francisé par Tacel et que j'avais recopié trop vite !

Écrit par : francis moury | 14/02/2010

Francis,

Je parlais du libéralisme, pas du capitalisme. Par ailleurs, je ne prétends à aucune expertise en matière monétaire (quelle est la vôtre ?). Je déconstruis simplement les idées « relancistes » en m'appuyant sur la pensée de Bastiat.

Écrit par : Criticus | 15/02/2010

« Est-ce pour vous un gage de qualité de l'auteur que d'être loué par ces deux personnalités? si oui, en quoi? »

Oui, en ce que Reagan et Thatcher ont été de grands « hommes » d'État.

« pensez-vous que les libéraux sont exempts de ces tares? Si oui, étant donné que vous estimez que le libéralisme n'a jamais été pratiqué stricto sensu, comment pouvez-vous en être sûr? »

Étant humains, ils n'en sont pas exempts, non. La seule différence, c'est que les vrais libéraux ne prônent pas l'intervention étatique à leur profit.

« de quoi parlez-vous exactement? Il me semble que l'hégémonie doctrinale, économique, culturelle actuelle est occidentalo-américaine. »

Elle l'est. Mais il existe une subversion islamique au sein de nos sociétés.

« Ne pensez-vous pas que la position que vous tenez relève d'une sorte de confort intellectuel:
le systeme libéral est le meilleur mais il n'a jamais été pleinement exercé. Du coup, vous pouvez fustiger tous les autres sans risquer grand chose puisqu'on ne pourra jamais démontrer, selon cette logique, que le Libéralisme Véritable n'est pas la panacée. »

Vous déformez mon propos. Je ne dis pas que le libéralisme n'a jamais été appliqué. Je dis qu'il a été dévoyé, entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, lorsque certains libéraux sont devenus socialistes (d'où le fait que le terme « liberal » signifie social-démocrate en anglais). J'appelle donc à poursuivre la régénération des idées libérales initiée par Hayek et Friedman.

Écrit par : Criticus | 15/02/2010

Roman

Parler du libéralisme "sans" parler du capitalisme ne veut rien dire...
On parle forcément de l'un lorsqu'on parle de l'autre : et pour cause, puisqu'il s'agit de doctrine économique, et que sans capital, il n'y a pas d'économie possible ni de doctrine économique applicable.

Je n'aime en outre pas trop cette notion d'expertise que vous me renvoyez comme critère déterminant le droit de parler : "Quelle est la vôtre ?"
On peut parfaitement s'intéresser aux questions économiques et financières, monétaires et sociales, politiques, sans en être un expert. Se documenter, lire, tenter de comprendre ce qu'on lit et en outre avoir éventuellement une certaine expérience du monde des affaires et des échanges internationaux pour savoir à peu près de quoi on parle lorsqu'on parle de déficit, de balance des paiements, d'indexation, d'inflation, etc. : cela me semble correct comme background pour parler de ces sujets qui ne sont pas excessivement compliqués. Une comptabilité, une balance des paiements, vous savez, dans toutes les langues et sous tous les régimes, cela demeure une colonne de + et une colonne de -, rien d'autre. Vous nous écrivez un texte défendant Bastiat et le libéralisme : on suppose que vous pouvez pensez l'économie, la monnaie, le capital, les échanges ? Non ? Ce qui se conçoit bien s'énonçant clairement et les mots pour le dire arrivant aisément, il me semble que ma suggestion concernant un Euro-or est claire, lisible, reposant sur certains arguments que j'ai énoncés supra et par conséquent discutable par toute personne saine d'esprit, d'un niveau normal d'éducation et d'instruction... sans qu'il soit besoin d'être économiste universitaire pour avoir le droit d'en débattre au préalable ? Vous savez, l'étude de la pensée économique faisait partie, de mon temps, des matières à connaître lorsqu'on préparait Normale Sup : je les ai donc étudiées. Et ensuite j'ai vécu et travaillé, observé et lu ce qu'on pensait : on apprend aussi comme cela, par la vie et par le temps, ce qu'est l'économie, ce que c'est que la finance, ce que c'est qu'une monnaie. Ce sont des instruments qu'on utilise constamment lorsqu'on exerce une profession libérale, lorsqu'on gère une société, ou bien lorsqu'on est salarié d'un organisation quelconque. Bref... remarque inopérante : vous avez le droit de me répondre même si vous n'êtes pas "expert" : la pensée, l'expérience, la connaissance, ne sont pas réservés aux "experts".

Au reste à quel moment commence l'expertise monétaire selon vous ? Licence, maîtrise, D.E.A. (Master) ou Doctorat ? Tous ces diplômes + 5 ans de pratique en entreprise ou à la tête d'une entreprise ? 10 ans ?
"L'expert" est un un sujet d'oral assez classique à l'agrégation de philosophie... parce que c'est une notion éminemment sophistique.

J'arrête, cher Roman, de vous mettre à la douce torture d'une bien sage discussion philosophique hérités du divin Platon mais... une ultime question : que signifie ce terme barbare de "relanciste" que vous employez ? En français S.V.P. !

Écrit par : francis moury | 15/02/2010

« Parler du libéralisme "sans" parler du capitalisme ne veut rien dire...
On parle forcément de l'un lorsqu'on parle de l'autre : et pour cause, puisqu'il s'agit de doctrine économique, et que sans capital, il n'y a pas d'économie possible ni de doctrine économique applicable. »

Mais justement, le libéralisme n'est que secondairement une doctrine économique, c'est avant tout une doctrine politique et juridique. Le fait que je n'aie aucune envie de parler de questions monétaires n'empêche pas une réflexion sur les « coûts cachés » évoqués par Bastiat, l'implication de son propos étant au moins aussi politique qu'économique. Quant au relancisme, c'est un néologisme parfaitement français (à moins que l'on considère la création lexicale comme une pure fantaisie, ce qui n'est pas mon cas).

Le relancisme, c'est cette idée selon laquelle on peut relancer l'économie en injectant de l'argent. Idée absurde comme l'a amplement démontré Bastiat.

Nul besoin de répéter que l'argent injecté aurait pu servir à autre chose...

Écrit par : Criticus | 16/02/2010

"Mais justement, le libéralisme n'est que secondairement une doctrine économique, c'est avant tout une doctrine politique et juridique."

étrange, lorsqu'on lit votre article qui est essentiellement sur l'économie.

"La seule différence, c'est que les vrais libéraux ne prônent pas l'intervention étatique à leur profit"
êtes-vous sérieux ou plaisantez-vous? ou alors c'est mal formulé.

Écrit par : kekiz | 16/02/2010

« votre article qui est essentiellement sur l'économie »

Mon article ne s'intitule pas « Ce qu'on doit au libéralisme » mais « Ce qu'on doit à Frédéric Bastiat », qui était un économiste.

« êtes-vous sérieux ou plaisantez-vous? ou alors c'est mal formulé. »

Vous aurez noté la présence de l'épithète « vrais » devant « libéraux ».

Écrit par : Criticus | 17/02/2010

J'espère que les libéraux se complairont non pas dans l'impuissance, pour reprendre la phrase ultime de cet opus, mais dans l'échec.

A dire vrai, l'unique mérite que je trouve dans cette plaidoirie - si c'en est une - réside dans le fait qu'elle illustre ce que deviendra le discours pro-libéral dans les années qui viennent: un triste glaviotage nostalgique tout à fait semblable, par sa structure, à ceux que formulent encore, d'une voix chevrottante, vos traditionnels ennemis ... communistes.

Le parallélisme des formes est en effet frappant. Tout comme les communistes, les libéraux nous disent en substance que la recette conceptuelle originelle - marquée du sceau de la pureté et de l'enthousiasme - n'a jamais été appliquée. "Bastiat n'a pas été entendu", dites-vous: d'autres déjà disent qu'il en va de même de Friedman, et qu'on n'a pas su comprendre ces autres extra-terrestres qu'étaient ses Chicago boys. De même les communistes octogénaires font-ils observer qu'on n'a jamais pris soin d'appliquer Marx - je dis bien "appliquer" puisque le célèbre barbu croyait écrire pour l'action et non pour le plaisir onaniste des cercles philosophiques. On nous dit depuis 40 ans que Lénine et Staline ont été de grands dévoyeurs d'une pensée théoriquement pure et surtout vierge des vicissitudes politiques: les libéraux vont, tout à fait de la même manière, nous expliquer que Reagan et Thatcher n'étaient pas Friedman, et qu'il y a là un glissement pareillement tragique.

D'ailleurs vous commencez ici même. Brown, assez peu suspect de gauchisme, se trouverait empêtré dans "l'héritage social-démocrate" tandis qu'Obama serait carrémment "socialiste". A ce train-là, et quand cette prévisible dialectique sera rodée, le prochain président US pourra allègrement être traité de bolchévique ou de marxiste-léniniste, en un mot de traître à la cause. et l'on ira disant: "coment vouliez-vous que le libéralisme puisse triompher avec des politiques pareils..."; critique que l'on n'osait pas formuler, en d'autres temps, à l'encontre du cow-boy Regan.

Or, la triste vérité, c'est que la pensée libérale a échoué tout comme le communisme; l'un comme l'autre étant inadaptés à la nature humaine. Mais alors que le communisme est tombé sous des coups provenant très majoritairement de l'extérieur, nonobstant l'inefficacité de son système économique, l'ultracapitalisme libéralisé s'est effondré sous l'action de sa propre antropophagie, tant il est vrai qu'une créature qui s'auto-dévore ne peut avoir une espérance de vie illimitée. On en a de multiples exemples aujourd'hui. Les "marchés", après avoir salué le sauvetage des banques par les Etats - salué du bout des lèvres, certes, car ce sont bien des Etats, donc des structures d'emblée perçues comme jacobino-socialistes et ennemies de la liberté - ces marchés, donc, se retournent contre eux. Ce n'est pas la reconnaissance, ni la décence qui les étoufent (cela, on le savait); mais bien la fascination de l'auto-destruction, et la volonté sciemment assumée (du côté de chez Goldman Sachs notamment) de provoquer la pauvreté du plus grand nombre pour en faire le lit de la prospérité de quelques-uns. Si les mots ont un sens, ça n'est pas un progrès, mais une régression.

Je me réjouirais de savoir ces étrons de la pensée renvoyés à la cuvette de l'histoire, chasse d'eau tirées aussi sûrement sur eux que sur le bolchévisme.

Écrit par : le koala | 17/02/2010

Alors là, Koala, je dis bravo. D'ailleurs Criticus était à l'extreme gauche dans sa prime jeunesse, c'est drôle. je crois qu'il se considère au centre, actuellement! (voir sur son site son test magique pour savoir de quel bord politique on se trouve, très amusant).
Vos propos sont attestés par la très prévisble réaction des économistes qui sévissent sur nos ondes: face à la crise financière mondiale, point d'autocritique mais un "enfonçage de clou" des plus délirants: si la crise a eu lieu, c'est que le concept libéral économique n'est pas exercé dans sa pureté. Il faut donc être encore plus libéral. On observe le même appel au retour d'un communisme véritable et originel sur le côté gauche du ring.

Criticus: j'ai bien lu l'épithète, mais votre affirmation rest néanmoins incroyablement naïve, vous m'excuserez.

Écrit par : kekiz | 18/02/2010

@ Le Koala : vous n'avez manifestement pas lu mon article. J'y écris ceci :

« [L]a copie est à revoir. »

Cependant, dire que le libéralisme est dominant aujourd'hui, avec des États qui contrôlent directement la moitié de l'économie (et indirectement l'autre, via les commandes de l'État au privé) est au mieux une preuve de mauvaise foi.

@ Kekiz : même remarque qu'au Koala.

Écrit par : Criticus | 18/02/2010

"des États qui contrôlent directement la moitié de l'économie "

... Ah tiens. La faute à qui, au fait ? Aux bolchéviques ? Ou aux banquiers de la City ?

Mais rassurez-vous. Ma prétendue mauvaise foi est en voie de dissolution rapide, quand on constate que les marchés - nécessairement rationnels et portés vers l'auto-régulation pour un monde meilleur, ainsi qu'on nous l'a seriné pendant une grosse décennie - s'attaquent à ces gros vilains Etats. En obligeant l'Islande à passer sous les fourches caudines d'un remboursement inique (demander à des contribuables d'un pays A de rembourser les boursicoteurs aventureux d'un pays B...), puis à ployer devant les exigences du FMI qui comme de juste exigera une liquidation des services publics, vos marchés réduisent effectivement les fonctionnalités publiques à la portion congrue. En attendant que ce soit carrémment les fonctions régaliennes (la police en dernier, histoire de se protéger les fesses le plus longtemps possible...)

J'espère juste que vous êtes encore (un peu) conscient qu'à ce rythme-là, après-demain, c'est la révolution. il faut du reste s'estimer heureux que des hordes de chômeurs n'aient pas encore eu l'idée de venir s'expliquer virilement, à la sortie des établissements bancaires, avec les cadres sup' et les traders maisons - scenario qu'avait redouté le Wall Street Journal lui-même. Le véritable miracle, compte tenu de l'absence crasse d'éthique mais aussi d'intelligence dans toute cette engeance, c'est qu'il n'y ait pas encore eu de morts. Quand on constate que 145 milliards de dollars ont été versés aux salariés du secteur financier en 2009, on n'a plus guère de doute: non content d'être irrationnels, ces gens sont purement et simplement suicidaires.

Aussi, soyez - que vous le vouliez ou non - conscient de ce simple fait: ce ne sont pas les marxistes-léninistes les plus remontés qui finiront par abattre le système, et sûrement pas Besancenot. Ce sont les financiers eux-mêmes, par excès de cynisme. Et les idéocrates qui ont jusqu'alors confortablement encadré leur triste exercice, en militant vaille que vaille contre toute régulation.

L'histoire vous présente l'addition. Vous pouvez comprendre ou refuser de comprendre: encore une fois, il y a des vieux cocos qui ont adopté le second parti, et vous en prenez également le chemin. On vous rangera côte à côte à l'hospice des idées déchues.

Écrit par : le koala | 18/02/2010

de toute façon, Mr Criticus évite de répondre aux problématiques posées et je gage que sa prochaine réponse sera du même acabit.

règle absolue chez lui: les accusations qu'il porte aux autres (mauvaise foi, sophisme, etc…) se retrouvent toujours dans ses propres "démonstrations".

Écrit par : kekiz | 18/02/2010

Le Koala, votre raisonnement est biaisé, dès lors que vous considérez les financiers actuels comme des libéraux. Or ce sont des keynésiens... Le fait que vous mettiez le FMI dans le libéralisme prouve que vous ne connaissez pas le libéralisme. Depuis quand une organisation inter-étatique, et étant le fruit des idées interventionnistes de John Maynard Keynes, est-elle libérale ?

Écrit par : Criticus | 19/02/2010

Merci de m'avoir fait découvrir un peu Frédéric Bastiat comme quoi même avec 150 ans d'avance ont peut prévoir les futurs fait des hommes qui aurons le pouvoir.
Il est plus facile pour ceux qui gouverne de donner de suite sans avoir a se soucier si plus tard il faut rembourser leur largesse qui sont faite.

Écrit par : Mapics | 19/02/2010

Mon raisonnement est d'autant moins biaisé que vous dépensez beaucoup d'énergie à en illustrer vous-même le bien-fondé. Que disais-je en somme ? Que vous et vos semblables alliez adopter le même genre de loghorrée que les anciens communistes, en essayant pathétiquement de défendre une idéologie manifestement dépassée par l'histoire (même si vous n'êtes pas obligé de vous en rendre compte immédiatement). Et j'ajoutais que dans cette optique, vous souligneriez chaque fois que c'est possible l'idée que le libéralisme n'a jamais été mis en oeuvre dans sa pureté conceptuelle, qu'il a été trahi, et autres billevesées. Or votre première réaction consiste justement à évoquer:

"des États qui contrôlent directement la moitié de l'économie"...

On sent bien qu'il ne faudrait pas vous pousser bien fort pour que vous affirmiez qu'en France post-mitterandienne et désormais sarkoziste, nous pataugeons dans le goulag. C'est d'ailleurs le même genre d'exagération grossière qu'illustre l'image illustrant voptre article, et vos propos mêmes: Obama bombardé socialiste !! Avant de nous expliquer ce qu'est le libéralisme orthodoxe, peut-être pourriez-vous symétriquement ouvrir un dictionnaire historique au mot "socialisme": c'est une simple suggestion.

Néanmoins, Keynes, voilà l'un de vos éternels et obsessionnels ennemis. Soit: on a les détestations qu'on veut. Mais alors, puisque vous condamnez Keynes et évoquez le "vrai" libéralisme - qui est un libéralisme radical, je suppose - nous sommes bien d'accord: il ne fallait pas sauver le système bancaire US, et laisser couler AIG et BOA après Lehman Brothers. C'est à ce seul prix que les financiers, en effet, seraient non-keynesiens: à condition qu'ils s'abstiennent de tendre la sébille à l'Etat honni chaque fois qu'ils ont un trou à boucher ...
C'est bien ça, n'est-ce-pas... ? Il fallait donc laisser s'écrouler le système ?

Écrit par : le koala | 19/02/2010

Mon cher Koala, rendez à César ce qui est à César. Je suis l'unique responsable du choix des illustrations accompagnant les textes que je publie sur Stalker.
En l'occurrence, cette illustration est une caricature, un terme dont je vous invite à vérifier le sens dans un dictionnaire.

Écrit par : Stalker | 19/02/2010

« "des États qui contrôlent directement la moitié de l'économie"...

On sent bien qu'il ne faudrait pas vous pousser bien fort pour que vous affirmiez qu'en France post-mitterandienne et désormais sarkoziste, nous pataugeons dans le goulag. C'est d'ailleurs le même genre d'exagération grossière »

Pouvez-vous nier qu'en France, l'État contrôle plus de la moitié de l'économie ?

Écrit par : Criticus | 20/02/2010

M'sieur Bernard...

Si Mohammad Reza Pahlavi et sa SAVAK, sans parler de sa révolution blanche et de ses multiples nationalisations, sont les libéraux iraniens que vous évoquez dans votre article, je suis bien content de ne pas faire partie du club.
Votre lecture de l'Histoire me laisse penser que vous portez des verres correcteurs, non point pour le bonheur des yeux mais pour celui de vos opinions politiques.
Les libéraux bousculés par les bolcheviks... Parlez-vous des quelques semaines du chef du gouvernement provisoire ? Lvov ?
Vite remplacé par un Kerensky d'ailleurs, de la racaille socialiste révolutionnaire.
Quant à ceux qui furent défaits par les SA... Si les libéraux furent bien présents dans les mutilples gouvernements de Weimar, il fut rare qu'ils en tiennent la barre.
Je vous propose donc de revoir votre copie, en cherchant bien dans les replis du temps, vous trouverez surement des libéraux renversés, bafoués, victimes, afin d'enrichir ce qui aurait pu etre un bon article.
En effet, je ne connaissais pas ce Bastiat et cette découverte étanche une toute petite part de ma soif d'apprendre.
Bien à vous.

Écrit par : Thierry Benquey | 20/02/2010

Amusant, celui qui avoue son ignorance après l'avoir traquée chez l'auteur...

Puisque le terme « libéral » est polysémique, veuillez noter que lorsque l'on parle de libéraux dans des contextes de subversion totalitaire, il s'agit de l'acception la plus large du terme, et qu'il s'agit donc des démocrates...

Cela vaut pour les mencheviks, la République de Weimar, ou les opposants au Shah qui n'étaient pas des islamistes. Trois coups dans l'eau, l'ami Benquey.

Écrit par : Criticus | 20/02/2010

Merci de la précision, je m'en souviendrai.
Pour ce qui est de l'Allemagne, j'ai malgré tout toujours du mal, je vous confie un lien :

http://de.wikipedia.org/wiki/Liste_ehemaliger_NSDAP-Mitglieder,_die_nach_Mai_1945_politisch_t%C3%A4tig_waren

En espérant que vous compreniez la langue de Goethe. (Pour trouver les libéraux polysémiques allemands vous devez donc oter de la liste ceux qui sont Republikaner ou NPD, ceux-ci n'ayant jamais été des libéraux.)

Bonne journée.

Écrit par : Thierry Benquey | 22/02/2010

"Pouvez-vous nier qu'en France, l'État contrôle plus de la moitié de l'économie ?"

Il y aurait beaucoup à dire là-dessus, j'en conviens, mais j'observe que vous préférez curieusement poser une autre question que de répondre à la mienne. Dommage, cela aurait contribué à éclairer votre conception d'un libéralisme "pur" - vous parliez aussi de "vrai" libéralisme - et je maintiens qu'il serait intéressant de définir la différence entre cette notion-ci et l'ultra-libéralisme. Ma conviction étant que le libéralisme est une idéologie, et que comme telle elle peut se prêter à une lecture, une compréhension et plus encore une application extrémiste; il y a donc, en d'autres termes, des fanatiques du libéralisme, qui drapent ce peu amène visage derrière un discours destiné à illustrer sempirnellement les complexités byzantines de la matière (libéralisme philosophique ou littéraire, héritage de Tocqueville, libertariens ou reaganisme étant tour à tour mis en avant - ou en arrière - au gré des conversations). Je doute fort peu que, de la même façon, Bernardo Gui devait être en mesure de développer une casuistique sophistiquée quand on avait le malheur de lui faire remarquer que ses méthodes étaient assez peu chrétiennes...

Las, ce catéchisme dissimule fort mal, en réalité, une simplicité assez grotesque du discours. L'ennemi, c'est l'Etat. Etat = communisme, goulag, répression, abolition de la liberté individuelle. Les suppots de l'Etat, donc les fonctionnaires (bolchéviques par destination) doivent être éradiqués (et peu importe qu'ils pantouflent entre public et privé, comme l'illustre aujourd'hui même notre gorieuse ex-minisre de la culture Christine Albanel). Les pires déviances financières sont légitimées par l'hypothèse - grotesquement fausse - selon laquelle la somme des intérêts particuliers sufit à composer l'intérêt général, en l'absence - surtout - de toute tentative de rationnalisation ou de pilotage stratégique. Saupoudrez tout ça de "dérégulation", ressassez la nécessité de resserer les dépenses publiques (autrement dit: liquider les services publics...), signifiez que l'éthique est spontanément satisfaite par la convergence des recherches de profit individuels et vous aurez le râgout, servi docilement chaque soir par le 20 heures de TF1 et plus accessoirement par les Minc, Baverez et consorts (qu'on voit moins, étrangement).

la pensée systémique est une pensée simplificatrice. Peut-être avez-vous tout simplement peur de la complexité. Dans quelques années, j'imagine que vous vous chercherez une autre bouée que celle-ci pour vous aventurer dans le grand bain. Le plus simple, néanmoins, serait peut-être d'apprendre à nager.

Écrit par : le koala | 22/02/2010

@ Le Koala

Il existe en effet des fanatiques du libéralisme, que vous appelez comme les médias — TF1 en tête... — « ultralibéraux », et que j'appelle « libertarés ».

Mais ils n'ont pas le pouvoir que vous leur prêtez. Ce sont de doux rêveurs.

Ceux qui ont le pouvoir sont les keynésiens, la crise des subprime dont nous avons subi les retombées étant la conséquence de leurs... fantaisies, disons.

Je bataille beaucoup, cela dit, contre les libertarés, et cet article est une attaque claire à l'encontre de ceux qui refusent de se remettre en cause.

Ceux, notamment, pour lesquels la seule notion d'identité est inacceptable.

Ceux aussi qui ne voient d'ennemi de la liberté que l'État, et non, comme le leur avait pourtant enseigné Tocqueville, la pression sociale. Ces libertarés refusent d'admettre le caractère liberticide de l'islam sous prétexte que celui-ci ne s'appuie pas, dans nos sociétés, sur le bras séculier de l'État.

Aussi votre conclusion confine-t-elle au ridicule : je me livre ici à la fois à une critique et un éloge de Bastiat : comment pourrais-je être systématique ?

Écrit par : Criticus | 23/02/2010

Votre pensée est systématique dans le domaine économique mais, comme vous le faites remarquer habilement - je dis "habilement" car cela vous permet encore une fois de ne pas répondre aux interpellations, ce qui devient une sinistre habitude - le libéralisme ne se résume pas à cette dimension: j'en suis tout à fait d'accord. Reprenons les deux points.
- Sur la dimension économique: je suppose que vous adhéreriez assez à l'idée selon laquelle la crise actuelle est dûe à de fort vilains keneysiens, comme Clinton, qui ont absolument tenu à "prêter aux pauvres" via le tandem infernal anny Mae / Freddie Mac. je mets ce point de côté, pour observer plus brutalement que le discours libéral glisse sous le tapis des problématiques auquel il n'a jamais apporté le moindre début de solution sérieuse. Deux exemples. 1°, que fait-on des personnes non qualifiées en occident, sachant que les emplois non-qualifiés sont systématiquement délocalisés (y compris dans les services, ainsi que le montre le déplacement des plate-formes téléphoniques) ? dans le meilleur des cas, on nous explique qu'il faut adapter l'enseignement et développer - attention, tarte à la crème - les "emplois-dans-la-recherche-pour-être-compétitifs-demain". Eureka: chez les libéraux, on a trouvé le moyen de transformer un tourneur-fraiseur au chômage en ingénieur telecom d'un coup de baguette magique. On est dans l'invocation pareillement magique, dans le yaka-faucon...
2°, La surexploitation des ressources naturelles. Il y a des domaines de la vie économique, comme les industries extractives, qui consistent à exploiter une matière finie. C'est notamment le cas pour les ressources halieutiques, donc le poisson, nonobstant la capacité e reproductio naturelle (largement dépassée). La pêche est aujourd'hui gérée sur un mode certes imparfait, qui cumule des traits d'économie dirigiste (quotas...) et des pratiques libre-échangistes dépourvues de contraintes, surtout en haute mer, espace qui comme vous le savez échappe largement aux réglementations natonales nonobstant la convention sur le droit de la mer de 82. Si les quotas n'existaient même pas, les océans seraient aujourd'hui écologiquement morts. Les flottes de pêche les plus agressives (espagne, chine, chili) les auraient vidés au moyen de pratiques industrielles à grande échelle, employées avec (encore) quelques contraintes aujourd'hui. l'ajustement spontané des "marchés" n'auraient pas empêché ce ragnarok, car la matière poisson, à raison des marges des intermédiaires, reste toujours très chère au détail et donc d'exploitation lucrative. Il ne nous resterait plus que le phytoplancton, que d'ailleurs des bonnes âmes prospectives nous invitent à bouffer dès à présent... (cf FAO).

Ces deux exemples pour dire quoi ? Que tout est affaire de placement du curseur, quelque part entre l'économie dirigiste à la sauce bolchévique et le libéralisme échevelé et hors de contrôle. il faut que ce curseur soit placé à mi-course: vous pouvez appeler ça "keneysianisme" si vous voulez. Encore une fois, il ne sera plus poussé à fond, et c'est tant mieux. Vous êtes bien peu désireux de vous prononcer sur la mesure dans laquelle la crise heurte vos préférences tant intellectuelles que purement individuelle: en évitant de répondre à la question je crains que vous n'évitiez surtout de vous la poser. Qu'importe, encore une fois le temps répondra pour vous.

- Deuxième dimension, individuelle et psychologique celle-là. C'est dans cette dimension, et dans cette dimension seule que je puis admettre la pertinence d'une pensée partiellement libérale, en ce qu'elle insiste du moins sur l'exercice de la responsabilité individuelle. C'est justement cette responsabilité qui est intégralement dissoute, actuellement, dans le chef de certains acteurs financiers, et il faudrait d'ailleurs la rétablir au moyen (glups) de la réglementation. Néanmoins, je déplore la perte de la responsabilité individuelle en tant que boussole; il me semble, mais il pourra le dire lui-même, que certains des textes du Stalker sur la sur-délinquance et la dégénérescece des rapports sociaux illustre cette perte de responsabilité. mais je ne vois guère comment on peut souhaiter en dissoudre intégralement la contrainte sur le plan économique, et vouloir la renforcer sur les plans individuels et politiques: il faut m'expliquer.

...néanmoins, ne prenez pas forcément cette peine, je sens que vos explications risquent de me déplaire.

Écrit par : le koala | 23/02/2010

« 1°, que fait-on des personnes non qualifiées en occident, sachant que les emplois non-qualifiés sont systématiquement délocalisés (y compris dans les services, ainsi que le montre le déplacement des plate-formes téléphoniques) ? »

Les délocaliserait-on si le coût du travail était moins prohibitif en Occident ?

Cela vaudrait peut-être le coup d'être essayé, car ça n'a pas encore été fait...

« 2°, La surexploitation des ressources naturelles. »

Surexploitation des ressources naturelles qui ne gène guère les keynésiens lorsqu'il s'agit de relancer l'industrie automobile à grands renforts de primes.

Je ne suis pas un « libertaré » : si les ressources naturelles sont en danger, il faut en limiter l'extraction, bien entendu. Je ne crois pas avoir dit le contraire.

Tout à fait d'accord pour dire qu'il s'agit là d'une question de « curseur ».

Je place le mien en suivant cette maxime : « Autant de liberté que possible, autant de coercition que nécessaire ». Le libertaré vous répondrait que la liberté se suffit à elle-même. Mais je ne suis pas de cette engeance,répété-je.

Par ailleurs, je ne comprends pas votre opposition entre responsabilité et contrainte. La responsabilité est justement l'intégration de la notion de contrainte. C'est parce que les banques savaient que les États allaient les renflouer qu'elles ont pris des risques inconsidérés. Dans une économie libérale, et non keynésienne, les banquiers n'auraient pas pris de tels risques.

PS : je vous répondrai quoiqu'il arrive, puisqu'il s'agit là de mon article...

Écrit par : Criticus | 23/02/2010

"Les délocaliserait-on si le coût du travail était moins prohibitif en Occident ?
Cela vaudrait peut-être le coup d'être essayé, car ça n'a pas encore été fait..."

Pardon de vous contrariez mais c'est fait en Allemagne qui ne dispose pas d'un salaire minimum, exception faite de conventions collectives considérées comme représentatives dans quelques secteurs économiques, comme le batiment par exemple.

Certaines personnes touchent des salaires de 4 euros de l'heure et des aides publiques (Hartz IV) car personne de nos jours ne peut vivre avec si peu d'argent. L'état est donc obligé d'intervenir pour subventionner indirectement les entreprises.

On constate que les salaires régressent en Allemagne. Cette regression est liée, majoritairement, à des augmentations de salaire (où à leur absence) qui sont inférieures au taux d'inflation.

Pour les délocalisations, fort heureusement, la tendance actuelle en Allemagne est au retour, les entreprises délocalisatrices relocalisent volontiers, préférant perdre sur les bénéfices plutot que sur la qualité et donc la clientèle.

Je ferme là cette parenthèse. Pardon de déranger les nombrilistes hexagonaux mais en période de mondialisation, nos regards doivent se tourner vers le monde.

Bien à vous.
Thierry

Écrit par : Thierry Benquey | 24/02/2010