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22/10/2014
Ion de Platon : le divin rayon de la philosophie, par Gregory Mion
«Il m’a paru avoir une profondeur d’une rare qualité; aussi ai-je peur que nous ne comprenions pas ses paroles et que, bien plus encore, nous ne saisissions pas la pensée qu’elles expriment.»
Platon, Théétète.
«Et toi, ne peux-tu parler sans qu’on te réponde ?»
Platon, Gorgias.
«Il n’est pas sage de laisser le soir juger le jour : car trop souvent la lassitude se fait alors juge de la force…»
Friedrich Nietzsche, Aurore.
Mise en contexte de la pensée platonicienne : la philosophie socratique et ses adversaires
Que faut-il dire pour exprimer la vérité ? Comment faut-il parler pour être certain de ne pas être du mauvais côté de la connaissance ? Ces questions presque synonymes irriguent d’un bout à l’autre la philosophie platonicienne. Elles ont l’air d’être simples, voire simplistes, mais pour peu que l’on s’efforce de les comprendre à la juste place qu’elles occupent dans tous les dialogues de Platon, on s’aperçoit qu’elles introduisent déjà un problème formel : puisque la vérité incite à la cohérence et l’unité, pourquoi s’embarrasser de la forme dialogique pour la rechercher ? En effet, le dialogue est le lieu d’une fragmentation des discours, il est le site des ruptures, des interruptions, des hésitations, et de ce point de vue, au regard des présupposés de la philosophie, il semble que le dialogue soit quelque chose qui relève de l’impureté philosophique. Alors que la philosophie suggère une connivence avec l’esprit de démonstration, le dialogue implique une source de déconstruction. Accusé de produire du désordre et de faire valoir les croyances de ceux qui en maîtriseraient les subtilités, le dialogue, quand on le considère sans ménagement, s’oppose à la raison bien disciplinée de la connaissance. Ce qui est chaotique ne saurait exprimer correctement la vérité. Le difforme n’est que très peu indiqué pour s’exercer à l’ordonnance des vérités patiemment construites par l’esprit le plus adroit.
Le classicisme de Boileau a même défendu que la poésie devait se montrer scrupuleuse dans la perspective d’une expression ordonnée du monde (1). Avec Boileau, il y avait une telle insistance sur les vertus de l’écriture claire et distincte que celle-ci, en plus de reposer ouvertement sur les principes cartésiens de la raison bien conduite, s’adossait par ailleurs au spectre de la pureté religieuse, comme si le bon écrivain, en quelque sorte, était chargé de prolonger la création divine par l’intermédiaire de sa création littéraire. Aussi quand Boileau écrit «Enfin Malherbe vint» et qu’il associe cette venue à une espèce de parousie purgative pour tout ce qui participe d’une science de la syntaxe et d’une ingéniosité sémantique, il pose les jalons du bien écrire et du mal écrire, le premier étant comptable d’une économie des moyens discursifs et d’une simplicité lexicale, quand le second paraît se fatiguer de ses maladresses et de ses excès baroques, sinon de ses «solécisme[s]» et de ses «barbarisme[s]», mus par une massacrante pompe davantage soucieuse d’exubérance que de pertinence. Pourtant n’est-ce pas là restreindre l’envergure de l’imagination ? Ne faut-il que préférer les choses lumineuses parce qu’elles sont indéniablement plus faciles à dire que les choses ténébreuses ? En opposant aussi radicalement le brillant et l’obscur, Boileau astreint les créateurs au double respect d’un style purifié et d’un monarque éclairé : il faut non seulement obéir à la grammaire et à l’orthographe dont les règles ont été formalisées par Malherbe et Vaugelas, mais il faut encore se subordonner à la puissance monarchique, le corps du roi Soleil étant d’une certaine façon tous les autres corps, à savoir celui de la France et celui de son langage. Peut-être alors qu’il en va autant de la santé du roi que de l’hygiène de la vérité adéquatement rédigée : «Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement / Et les mots pour le dire arrivent aisément.»
Cette division du «bien écrire» et du «mal écrire» postulée par Boileau et que nous pourrions plus rapidement schématiser dans les termes respectifs de la calographie et de la cacographie, voire dans ceux de styliste et de barbouilleur, se retrouve obliquement dans l’épisode de l’allégorie de la caverne (République, livre VII) où il est question du monde des ignorants et du monde des Formes, le premier étant souterrain et endormi par les illusions, le second étant éveillé par l’embrasement des vérités perpétuelles. Même si ces deux mondes ne sont guère séparés que par une différence d’intensité dans le désir (il y a ceux qui ne désirent que le plaisir des ombres réconfortantes et ceux qui désirent connaître), comme, en réalité, il n’y aurait entre celui qui sait écrire et celui qui ne sait pas écrire qu’une distinction de projet (écrire en prenant de la hauteur ou écrire en satisfaisant les bas instincts d’une masse vulgaire), il n’est cependant pas facile d’aller d’un monde à l’autre parce que d’un côté le désir de passivité est immédiatement satisfait par sa récompense (l’ignorance est confortable), et de l’autre le désir est d’abord désir de se faire violence en s’arrachant des injonctions du corps (le lieu des erreurs et du plaisir animal) afin de mieux regarder en son âme (le lieu du raisonnement). On a donc d’une part une sécurité ontologique qui endort (la caverne n’est peuplée que d’apparences d’être, de fantômes et de vapeurs), puis d’autre part on a une attitude philosophique qui réveille et qui montre un ailleurs (le monde intelligible, lieu des vérités consistantes).
Ceux de la caverne ne parlent pas en philosophes; ils ne font que se répéter à eux-mêmes les illusions qui circulent indistinctement – ils monologuent. Ceux de la caverne disent et jamais ne se dédisent. Ce sont des amoureux de l’opinion (philodoxes) qui bondissent d’une vacuité à l’autre, enchaînés au système de l’erreur et aux lois improductives des apparences. Ils ne savent ni parler ni connaître. Certes la vérité se définit par une puissante lumière et elle devrait à cet égard éclairer un maximum d’esprits, toutefois elle n’est accessible qu’à un petit nombre d’individus, en l’occurrence ceux qui sont capables de désirer à l’inverse de ce que la nature humaine désire habituellement, ceux qui en somme sont assez forts pour désirer contre-nature et préférer la difficulté du savoir à la facilité de l’ignorance, sachant du reste que le savoir dépend moins d’une capacité à restituer une connaissance que d’une mise à distance qui consiste à pouvoir dire que l’important n’est pas exactement de savoir, mais bel et bien de savoir savoir. C’est pourquoi l’on assimile le philosophe de type platonicien à un amour singulier : il n’aime pas l’opinion, il n’aime pas non plus le savoir pour le savoir, néanmoins il aime le raisonnement (le logos), ce qui fait littéralement de lui un philologos, si bien qu’il n’appartient pas en propre à cette tradition galvaudée qui cherche à tout prix à faire du philosophe un amoureux de la sagesse, c’est-à-dire un philosophos. Ainsi Platon se préoccupe du « bien parler » eu égard à l’attirance que nous devons ressentir envers cet ailleurs qui circonscrit les vérités immuables, celles, évidemment, du monde intelligible.
De ces Idées ou de ces Formes, comment pouvons-nous parler ? On ne pourra de toute façon pas les obtenir en tant que telles car pour cela il nous faudrait habiter dans le monde intelligible. Or comme nous avons un corps qui nous maintient sur la terre ferme du sensible, nous devons accepter le conflit de nos désirs et trouver de quoi discourir en raisonnant, ceci tout en étant obligés par un environnement qui sollicite souvent le ventre mou de nos facultés d’intelligence. Pour prendre un exemple typiquement platonicien, on préfèrera presque toujours le cadeau d’un confiseur à la piqûre d’un médecin. Au fond toute la besogne du philosophe est ici concentrée : comment faire en sorte que l’on puisse préférer ce qui contrevient à nos préférences les plus ancrées ? Un tel remaniement de la nature humaine suppose de toute évidence une réforme de nos façons de parler.
D’ordinaire nous nous contentons de solitudes consenties – nous aimons satisfaire nos désirs et vaquer au calcul de nos intérêts. Mais cette posture existentielle, à la prendre pour ce qu’elle est vraiment, n’est peut-être qu’une solitude subie, à savoir la solitude de l’ignorant qui ne sait pas qu’il ne sait pas, semblable au parcours d’un animal solitaire qui poursuit son chemin d’errance. Celui qui agit en fonction du principe qui consiste à maximiser son plaisir ne fait que se soumettre au règne de son corps. Il ne sait pas que se satisfaisant à outrance, il se flétrit en même temps. Il ignore que son âme se rabougrit à mesure que son corps croît et se multiplie. Il n’a pas encore eu l’occasion de rencontrer Socrate et d’entamer une discussion formatrice. Il n’a pas vu venir son Malherbe ou son prophète ; il a passé son chemin quand celui-ci pouvait lui proposer la solution d’un détour profitable. On ne nie pas qu’il existe dans cette métaphore de la rencontre une plus ou moins grande mystique, Socrate ayant été plusieurs fois comparé à un ensorceleur, à un magicien, à un genre d’envoûteur, autant de professions qui justifient le pouvoir engourdissant de la philosophie (2). Entrer en philosophie, c’est d’une certaine manière se plier aux géométries les moins agréables pour soi. C’est, en un mot, accepter de penser contre soi-même, assumer de rejeter tout ce que l’on croyait savoir, daigner supposer que c’est en étalant son ignorance que l’on se prescrit une opportunité de produire une démarche savante.
Par conséquent le point culminant de la philosophie platonicienne réside dans le dialogue. Dialoguer signifie au sens le plus pur que l’on traverse le raisonnement de part en part (dia-logos). Dialoguer avec Socrate, de surcroît, c’est procéder à l’examen de son âme, mettre son âme dans les mains du philosophe pour que celui-ci examine ce dont elle est grosse. Phénarète, la mère de Socrate, fut sage-femme; son fils étendit les compétences maternelles de l’accouchement à la délivrance des âmes gangrénées d’opinions, de croyances et de superstitions. La maïeutique caractérise l’art d’accoucher les âmes et Socrate en fut l’artiste de plein droit. On peut en conclure quelque chose qui paraît au premier abord contre-intuitif mais qui s’avère en définitive logique pour Platon : penser, c’est parler. Si le penser réside dans le parler et plus spécifiquement dans le dialoguer, c’est que le dialogue constitue la condition de possibilité d’un apparaître de la vérité. Refuser de parler, ce serait refuser le raisonnement – ce serait avoir la haine de la raison et faire acte de misologie. La philosophie ne pourrait pas envisager de se faire dans la solitude d’une méditation ou d’une retraite misanthrope. Il n’y a de philosophie qu’au travers d’un pluriel concret qui s’enracine dans le dialoguer. Dans la mesure où celui qui désire philosopher désire le raisonnement, il ne peut que vouloir entrer dans le dialogue car la parole qui se distribue à plusieurs est la seule qui traverse le logos. Qui plus est, le dialogue induit la science de la dialectique, celle que Platon ne nomme quasiment jamais et qui affleure discrètement à la fin du Phèdre : celui qui peut se targuer de posséder l’art de dialectique n’est autre que celui qui sait distribuer et recevoir le logos. Cette qualification au demeurant claire de la dialectique ne veut dire qu’une chose encore plus évidente : elle fait du dialogue le lieu privilégié d’une situation d’interlocution où ceux qui consentent à parler ne le font qu’en sachant pertinemment qu’il faudra savoir à la fois questionner et répondre. Dans le cas contraire, il n’y aurait que des conversations linéaires, et quand bien même Socrate est très souvent questionnant plutôt que répondant, il convient au moins de reconnaître au philosophe la compétence de mener le rythme du dialogue. Étant donné que le philosophe a conscience du logos, il est le mieux placé pour conduire les discours qui se promettent de l’honorer.
Conformément à cette dimension de conduite du discours, l’un des plus beaux moments de bravoure des dialogues platoniciens a incontestablement lieu dans le Ménon, pendant que Socrate illustre la théorie de la réminiscence. Interrogeant un esclave, Socrate montre à ce dernier qu’il peut résoudre un problème de géométrie qu’il aurait spontanément jugé infaisable en raison de sa condition d’esclave (comment doubler l’aire d’un carré ?). L’esclave parvenant peu à peu à la solution du problème, Socrate prouve ainsi que la connaissance n’est qu’une question de ressouvenir : il s’agit de nous entraîner à retrouver dans notre âme ce que nous avons oublié sitôt la vie terrestre recommencée dans un nouveau corps. Si bien que savoir n’est pas tant apprendre que réapprendre ce que nous ne savions plus. L’âme étant immortelle et ayant le privilège de circuler dans le monde intelligible à chaque fois que la mort corporelle survient, elle connaît la géographie de cet endroit où gisent éternellement les vérités (3). En conséquence de quoi, la philosophie est affaire de reconnaissance, c’est-à-dire d’abord re-connaissance du logos idéalement senti par l’âme, et ensuite réorientation au milieu d’un monde oublié, un monde nécessairement incompatible avec celui du corps, un monde d’ordre qui doit essayer de s’affirmer dans la sphère sensible chaotique et désordonnée. La philosophie devient en ce sens une thérapeutique, une médecine qui redresse l’âme de ses contradictions et le corps de ses excès, car si l’on a constamment seriné que le corps était pour Platon le tombeau de l’âme, on a en général omis de rajouter que le désir de la philosophie était aussi désir de régler le pas de son corps sur celui de son âme, donc désir de vivre dans la modération, selon l’ordre d’une cosmicité parfaite, loin des tentations acosmiques des hommes prisonniers de leur propre tyrannie, loin de ceux qui accomplissent le Mal non par volonté de le faire mais par stricte ignorance de ses catégories (4). Le Mal ou toute forme de destruction/autodestruction procède ainsi de l’erreur, d’un péché de méconnaissance, et plus particulièrement d’un manque patent de connaissance du Bien, lequel se recherche infiniment à travers le désir de philosopher, en l’occurrence le désir de dialoguer en vue de cheminer vers la nature d’un savoir qui peut affirmer ses tenants et ses aboutissants.
L’objectif, cela dit, n’est pas d’accumuler des savoirs mais de comprendre ce que c’est que d’entamer la route du savoir. On en arrive de la sorte au paradoxe fondamental de la philosophie platonicienne : savoir revient plutôt à augmenter son ignorance. Puisque les dialogues sont menés dans le monde sensible, ils ne peuvent pas atteindre la vérité de ce dont ils parlent. Tout au plus le dialogue saura-t-il en bout de ligne ce que la chose discutée n’est pas. La vertu essentielle du dialogue se résume alors à passer au crible de la dialectique un maximum d’hypothèses. Celui qui philosophe teste des hypothèses, reformule des questions. Ce n’est pas quelqu’un qui entretient le fantasme des réponses ultimes ou qui prétend détenir une vérité forcément accessible. Le cas échéant, il ne pourrait pas y avoir de philosophie. On a donc besoin des opinions et des quant-à-soi pour impulser le mouvement de la philosophie. Ceci explique le fait que Socrate, régulièrement, ne s’exprime pas en premier. Il laisse l’opinion faire son discours avant de prendre le relais. Il autorise les débordements du sujet individuel dans le but de proposer par la suite les moyens de formuler un sujet pluriel qui puisse faire preuve de transitivité, de citoyenneté, et surtout d’urbanité. La philosophie est en cela une affaire essentielle de la Cité grecque : elle a le devoir d’installer un mode de gouvernement aussi régulier et pur que les forces qui gouvernent le logos. C’est la raison pour laquelle la philosophie ne pense pas tant en termes de hiérarchie qu’en termes d’efficacité – le logos est une totalité et non un agrégat de parties hétérogènes. Certes, encore une fois, le philosophe semble se donner le beau rôle en faisant office d’organisateur en chef des discours et des positions sociales, toutefois il ne soutient cela qu’en vertu d’une idée originale de la justice sociale : tout homme qui concourt à la vie de la Cité est à sa juste place s’il possède la science optimale de sa fonction, que cet homme soit au plus haut ou au plus bas de l’échelle sociale telle que nous la concevons.
Autrement dit, occuper telle ou telle fonction, ce serait avant toute chose la posséder à fond. Selon ce modèle théorique, on comprend aisément qu’une Cité malade puisse guérir par un effort de ré-administration de ses compétences. On comprend également que ce modèle est inapplicable car, hormis le philosophe qui peut indiquer à ses interlocuteurs la quête d’un message tout à fait autre, hormis le philosophe qui peut encore rendre la pensée pensante et par là même endosser la responsabilité du raisonnement, rares sont les hommes à incarner aussi radicalement ce qu’ils sont et ce qu’ils font. Alors que la majorité risque toujours de s’endormir ou de faillir à ses engagements, le philosophe est le seul qui puisse tenir la distance. Le philosophe est le plus endurant des êtres parce qu’il ne tremble pas devant le terme de la vie. Au contraire, il fait du terme de la vie la concrétisation d’une chance. Socrate mourant, c’est Socrate guérissant (5). L’âme enfin se détache du corps et prend de la hauteur sur l’échelle de la connaissance. Tout ce que le corps empêchait, la mort le permet en affranchissant l’âme de sa pesante maison. Mais il aura quand même fallu se préparer en cette vie. La mort ne résout pas le trouble des âmes déréglées, elle ne fait que nous confronter à l’état de notre pensée, aussi il vaut mieux s’être purgé de ses erreurs pendant son passage terrestre. C’est le relatif point faible du platonisme : en tant qu’hommes, on peut désirer indifféremment le Bien et le plaisir, et lorsque Socrate se mesure aux arguments redoutables de Calliclès, il ne peut rien faire lorsque Calliclès se retire du dialogue (la philosophie s’arrête dès l’instant où le dialogue cesse) et lorsque le droit du plus fort met en péril la posture jurisprudentielle de la philosophie. Face à cette adversité qui refuse de se plier au désir sensiblement incongru de la philosophie, que peut Socrate sinon formuler un avertissement sur la vie qui commencera après la vie réelle ? Pris au piège de l’inflexible Calliclès et racontant le terrible destin des âmes réfractaires, que fait Socrate sinon passer du logos au muthos, du raisonnement d’un dialogue avorté à la fiction d’une histoire qui se voudrait menaçante ? (6).
Parfois, donc, il y a chez Platon une réelle oscillation entre deux registres distincts : celui de la philosophie et celui de la fiction mythique. Ce balancement n’est pas systématique mais il pose une concurrence entre deux façons de parler – la parole philosophique et la parole mythique, celle-ci étant chargée d’artifices littéraires et celle-là se préoccupant uniquement de raisonner, celle-ci étant de temps à autre un secours de la philosophie quand celle-là revendiquerait une constance indubitable. Ce balancement est d’autant plus fort que nous sommes aux prises avec une philosophie dialoguée, c’est-à-dire une forme d’expression qui n’est pas sans rappeler celle du théâtre, Platon ayant de toute manière eu la tentation de la tragédie avant de faire sa rencontre décisive avec Socrate. Par conséquent la philosophie platonicienne serait pour l’essentiel le lieu d’un tiraillement, le lieu d’une tension entre l’intelligible (les idées discutées) et le sensible (les voix multiples qui discutent et qui négocient avec leurs humeurs), le lieu d’une dispute toujours renouvelée entre l’être et l’apparaître, entre le spéculatif et le dramatique. Deux puissances du discours peuvent légitimement s’affronter au milieu de ce terrain mouvant de la parole : d’une part la philosophie qui défend la brièveté, la concision, chaque fois conforme au jeu des questions/réponses et des obligations de se dédire au fur et à mesure des hypothèses avancées; d’autre part la rhétorique, éprise de longueurs et de métaphores, créatrice d’images calculées et non d’arguments travaillés, œuvrant pour la persuasion et non pour la conviction. C’est en somme un combat qui oppose la parole canalisée à la parole débordante, traditionnel désaccord de la philosophie et de la littérature, mésentente qui est plus précisément le désaccord du philosophe avec celui qui fait de la littérature, ou, pire encore, avec celui qui fait de la poésie. Puisque le poète ne choisit pas ses mots en fonction d’une adéquation présumée avec la réalité, il les choisit a contrario de façon arbitraire en vue de proposer d’autres mondes possibles (7). Cette incompatibilité de la philosophie et de la poésie anime bien sûr l’épisode des poètes ostracisés dans la République, cependant elle anime aussi un dialogue moins connu, l’Ion (8), où Socrate rencontre le rhapsode Ion et se moque de sa pratique, lui faisant voir qu’il ne possède en rien l’art de ce dont il prétend être le meilleur.
Lecture de l’Ion : les anneaux du poète et les images du philosophe
Ion est un rhapsode d’excellente réputation au moment où il croise Socrate. Revenant d’Épidaure où se tenaient là-bas les fêtes d’Asclépios, Ion s’est distingué en raflant les meilleurs prix de la rhapsodie. Être rhapsode signifie que l’on est un expert dans la récitation des poèmes. La plupart du temps, un rhapsode grec récite les compositions d’Homère, rivalisant de vigueur expressive pour rendre hommage à la dimension épique desdites compositions. La récitation rhapsodique se démarque donc d’une autre en insufflant au public une émotion plus intense. Le meilleur rhapsode bénéficierait de ce fait d’un pouvoir d’envoûtement qui n’est pas sans nous évoquer l’ensorcellement auquel nous faisions tantôt allusion avec Socrate. Probablement est-ce la raison pour laquelle Socrate avoue à Ion qu’il a naguère jalousé l’habileté rhapsodique (cf. p. 86). De sorte qu’il y aurait une collusion tacite entre la philosophie et la rhapsodie. Les deux paroles se ressembleraient en ce qu’elles susciteraient chez ceux qui les entendent une ferme hébétude. De plus, philosophie et rhapsodie seraient au même niveau de pratique puisque Socrate emploie le terme «art» quand il confesse son ancienne admiration pour les rhapsodes. Or tout le problème est là : l’enthousiasme socratique pour la rhapsodie est une chose consommée, par conséquent le début informel de cette discussion contient déjà en germe la critique de ces extravagantes récitations – le philosophe se fait cordial pour s’assurer que le dialogue aura lieu, mais il entend prouver que le récitant homérique n’est pas le détenteur d’un art, tandis que la philosophie, à l’inverse, est tout entière imprégnée du plus grand art qui soit, en l’occurrence celui de la dialectique.
Ne voulant que le logos, la philosophie est sans intermédiaire durable. Ou pour le dire plus justement, la philosophie se construit dans les intervalles du dialogue, dans les transitions des hypothèses et des opinions discutées, ne perdant jamais de vue la destination intelligible de son aspiration. La philosophie accepte la fragmentation de sa parole pour mieux supposer l’unité qui la nécessite de l’intérieur. Peu importe que les dialogues ne fournissent aucune réponse un tant soit peu utile, ils ont au moins éclairci l’itinéraire qui peut aider notre âme à mieux raisonner. À rebours de l’intention philosophique, la rhapsodie est chaque fois contrainte par son public. Faire de la rhapsodie, ce n’est pas proposer ni s’imposer une récompense différée (la connaissance ultérieure des Formes), c’est réussir immédiatement en ce monde, remporter des prix après avoir conquis les cœurs palpitants d’une foule qui réclamait d’énormes transports.
Cela suffit-il à garantir l’authenticité des émotions transmises ? Rien n’est moins sûr en effet, et c’est tout l’enjeu de ce dialogue inopiné entre Socrate et Ion que de comprendre de quelle armure est faite la rhapsodie. Il s’agit ni plus ni moins d’une première intention de critique littéraire cinq siècles avant notre ère, quoique, précisons-le quand même, Platon ne fasse pas grand cas des aspects purement poétiques du sujet, à savoir qu’il ne fait aucun détour par la notion de mimesis et qu’il n’entreprend pas non plus de mentionner les avantages pédagogiques de la poésie (9), à moins qu’il ne faille considérer que les nombreux extraits d’Homère dans l’Ion constituent indirectement la preuve que la poésie est toujours la manifestation d’un paradoxe : elle est mimesis parce qu’elle fascine celui qui l’entend ou qui l’interprète sans lui apporter de connaissance (elle est dégradation de ce qu’elle chante parce qu’elle n’en rapporte qu’une matière sensible qui fait illusion par le biais d’une cristallisation discursive), mais elle est simultanément un mouvement d’inspiration qui peut se rapprocher de l’acte de connaître. En tant que la connaissance est un processus graduel qui commence dans les apparences et qui se termine idéalement dans le monde des Formes, la poésie, par les chemins de l’inspiration, serait une manière de délire dont la source divine ne serait pas sans accointance avec l’action de philosopher. En résumant, on pourrait avancer que la philosophie serait une aliénation consciente au logos tandis que la poésie serait une aliénation inconsciente, une sorte de possession de soi par un versant altéré de ce même logos. Ainsi le philosophe se posséderait en toutes circonstances (et par là même il posséderait la faculté de rendre compte de son art), alors que le poète serait possédé par son inspiration, ne sachant guère les raisons de ses mots ou de ses formules (10).
Cette étrange conception de la poésie n’a évidemment pas manqué de froisser les poètes qui l’ont ultérieurement commentée, néanmoins cet aspect des choses n’est pas pertinent pour notre propos. Ce que l’on observe, c’est que si la poésie n’est pas totalement condamnable au regard de la stratégie philosophique platonicienne, la rhapsodie, en revanche, n’étant que l’interprétation d’une parole déjà sujette à caution, fait certainement partie des disciplines contestables. Le rhapsode, à tout prendre, est en quelque sorte un connaisseur d’Homère et il s’engage à interpréter la voix du maître selon telle ou telle tonalité. Dans le meilleur des cas il rend hommage, il traduit convenablement l’effervescence de la parole poétique, et, au pire, si son interprétation manque de véhémence, il retranche aux émotions originales une partie de ce qu’elles sont, autant de détails que le poète n’aurait de toute façon su expliquer puisqu’il est lui-même incapable d’en connaître la provenance exacte. Autrement dit la rhapsodie est l’interprétation subjective d’un discours insuffisamment maître de lui-même. On comprend dès lors le piège que Socrate tend à Ion lorsqu’il lui demande de faire la démonstration de son art rhapsodique (cf. p. 87). Comment démontrer une activité dont l’essentiel paraît reposer sur un substrat irrationnel ? Est-ce bien parler que dire des choses dont on ne saisit pas la fonction totale dans l’énoncé ? Il est évident que la traditionnelle objectivité de la philosophie s’oppose ici à la subjectivité du poète et du rhapsode.
Aussi, en partant du principe que le rhapsode ne sait pas ce qu’il dit quand il le dit, le poète ne sachant pas lui-même ce qui l’enjoint à choisir un mot plutôt qu’un autre, on en conclut que tous les énoncés poétiques sont des indiscernables. Il n’y aurait pas de poésie spécialisée dans tel ou tel domaine. La poésie traite volontiers d’une infinité de sujets, c’est entendu, mais dans la mesure où elle le fait en se fiant à des inspirations imprécises, personne ne peut prétendre que le poète parle bien ou mal de ce qu’il aborde (cf. pp. 92-3). Autant la syntaxe de la poésie relève d’une précision irréfutable, autant sa sémantique paraît douteuse. Il existe bien sûr des thèmes poétiques fédérateurs, ce qui permet d’établir quelques différences de talent entre les poètes et de porter Homère aux nues, mais le fait que la poésie homérique soit au-dessus des autres ne dépend pas de critères démontrables ou rationnels. Ce n’est qu’une espèce de causalité errante qui place Homère au sommet de la production poétique, et son prestige d’aujourd’hui ne garantit en rien le maintien de son magistère pour les siècles futurs. On nous objectera que le recul nous a prouvé le contraire, on nous brandira sans doute les Essais esthétiques de David Hume où Homère fait à bon droit figure de norme géniale, cela dit nous nous plaçons dans le sillage de la critique platonicienne, et plus particulièrement encore dans le contexte dialogique qui réunit Socrate et Ion. Or dans ce contexte-là, étant donné que Ion ne semble être performant qu’en récitant Homère, il est donc relativement ignorant du reste de la production poétique, et comme la maîtrise d’un art suppose que l’on en connaisse la totalité, Ion ne peut ainsi prétendre qu’il commande entièrement la pratique de la rhapsodie, et encore moins peut-il désigner avec assurance les bons et les mauvais rhapsodes (cf. p. 95). Ainsi, de plus en plus, on a le sentiment que la rhapsodie n’est pas en capacité de rendre compte de ce qu’elle fait (cf. p. 99).
Partant de là, si la philosophie de Socrate se présente d’emblée comme une confession d’ignorance («Ce que je sais, c’est que je ne sais rien»), elle est au moins en position de savoir sur un point cardinal : elle sait comment il faut parler pour être en situation de penser, aussi reconnaît-elle ceux qui peuvent penser (les individus qui consentent à se faire contredire dans un dialogue) et ceux qui ne le peuvent pas (les rhapsodes qui scandent une parole introuvable et impensable, stupéfiant le public par leurs emportements et par l’emballement de leurs bouches récitantes). C’est pourquoi la philosophie peut expliquer sa pratique, discerner les étapes de son raisonnement, contrairement au rhapsode qui dépend d’un faisceau d’inspirations, lesquelles ne sont pas démontrables ou assimilables à un quelconque procédé que l’on saurait tout à fait circonscrire.
Pouvant de la sorte expliquer la moindre chose qu’elle se donne pour objet de réflexion, il n’est pas contradictoire que la philosophie puisse apprendre à Ion les modalités de son activité rhapsodique (cf. pp. 99-103). Socrate l’annonce tout de go à Ion : «Car ce n’est pas un art – je te l’ai dit à l’instant – qui se trouve en toi et qui te rend capable de bien parler d’Homère. Non, c’est une puissance divine qui te met en mouvement, comme cela se produit dans la pierre qu’Euripide a nommée Magnétis […]» (pp. 99-100). S’ensuit la métaphore de l’aimantation qui remplit allègrement son rôle de clarification de la thèse socratique. L’image est d’ailleurs si efficace qu’on serait tenté d’en suspecter le bien-fondé philosophique, comme toutes les fois où Socrate se livre à des prodiges d’éloquence, ou comme toutes les fois où Socrate rattache sa pensée à un ferment mythologique, s’avançant pour ainsi dire masqué, recouvert du masque de la philosophie et dissimulant des paroles qui s’apparentent à des sophismes. Les occurrences de cette confusion des registres ne sont du reste pas exceptionnelles. Si la philosophie platonicienne a posé la sophistique comme devant être son autre le plus absolu, c’est que les deux discours ont couramment été confondus. Dans le Sophiste, en outre, Socrate se retire précocement pour que le dialogue puisse interroger les éléments distinctifs de la philosophie et de la sophistique. Est-ce à dire que si Socrate avait été présent on aurait été impuissant à traquer les différences ? En tout cas, au terme du Sophiste, dialogue parmi les plus canoniques de Platon, la discussion a été si laborieuse qu’il n’est pas insensé d’affirmer que le sophiste et le philosophe se ressemblent comme chien et loup.
Dans la même lignée, en lisant le Gorgias, dialogue où Socrate affronte successivement trois sophistes, on constate rapidement que celui qui s’exprime le plus est Socrate. Par conséquent, cet homme qui prétend faire de la philosophie et qui parfois a l’air de s’adonner à tout autre chose, est-il encore en train de philosopher ou permet-il à la philosophie d’être un art excessivement modulable ? La question n’a jamais été résolue et en ne considérant que l’exemple métaphorique de la pierre d’Euripide, on peut légitimement se demander si la philosophie n’est pas un art d’emprunter aux autres arts, un art du détour et de l’hybridation du logos, le lieu d’une parole à la fois fragmentée et composite, le lieu d’une éminente dissémination qui ne viserait au final qu’un rassemblement nécessaire, c’est-à-dire le moment où le dialogue se relâche parce que suffisamment d’hypothèses ont été réfléchies et que l’on peut enfin détecter parmi ces diverses propositions une cohérence rétrospective.
Prenant donc la pierre aimantée comme la pierre de touche de son raisonnement, Socrate imagine le rhapsode à l’instar d’un anneau de fer qui serait attirée par la pierre. Mais il n’y a pas qu’un seul anneau et l’ordre des anneaux représente une chronologie de l’inspiration poétique : d’abord la Muse est incarnée par la pierre, ensuite le poète est le premier anneau qui se trouve magnétisé, puis suivent le rhapsode qui est influencé par le poète et enfin le public (cf. p. 107) dont l’attention est d’ordinaire captivée par la parole rhapsodique.
On en déduit plusieurs points d’importance : 1/ le public ne participe pas à la parole, il est dépendant d’une force occulte; 2/ le rhapsode n’est pas en position préférentielle eu égard à l’ordre des anneaux (il n’est qu’un interprète d’interprète (cf. p. 104)); 3/ le poète, que l’on a tendance à révérer pour ses capacités créatrices, est lui aussi dépendant d’une force difficilement identifiable et dont il n’a les faveurs que par hasard (cf. p. 108); 4/ toutes les activités qui sont étroitement liées au phénomène singulier de l’inspiration n’ont pas de méthode; 5/ il suit de là que la poésie en général ne représente aucunement une activité de la raison, aussi n’est-elle pas apte à servir le logos. En vérité la poésie est asservie à une forme déraisonnable du discours, en quoi elle est perçue par Socrate comme une perversion de l’intelligence (cf. p. 101).
Cette prétendue démonstration de l’incompétence poétique (et par extension de la totale inutilité de la rhapsodie) se renforce dans les exemples qui suivent, ceci en même temps qu’elle assoit les qualités indiscutables de la philosophie – une parole qui sait ce qu’elle dit, une parole méthodique, raisonnable, logique, réfléchie, etc. Habituellement prompt à rappeler son ignorance, Socrate fait preuve sur Homère d’une érudition égale, sinon supérieure, à celle du rhapsode Ion. S’arrêtant sur des passages où Homère chante tel ou tel secteur d’activité, Socrate montre à Ion que lorsque le poète décrit par exemple les gestes d’un aurige, il improvise davantage qu’il ne sait ce qu’il dit car seul le cocher possède l’art de monter à cheval (cf. pp. 110-1). Le poète improvise parce qu’il est inspiré, à défaut de quoi il ne parviendrait à rien écrire, ignorant les réelles dispositions d’une recherche de la connaissance. Quant au rhapsode, il ne fait que réciter une parole ignorante, l’enrobant d’artifices qui en accentuent encore plus les manquements dorénavant ostentatoires. Ceci justifie le fait que le brave Ion ne soit pas devenu stratège : il n’aura pas appris à le devenir en étudiant Homère malgré le fait qu’il puisse le clamer avec une candide assurance (cf. p. 126), il aura tout au contraire désappris à le devenir en fréquentant les écrits du poète.
La critique socratique fait donc de la poésie et de la rhapsodie des matières protéiformes et inintelligibles. Finalement de quoi parle-t-on quand on est rhapsode ? Eh bien selon toute vraisemblance nous ne parlons de rien parce que nous ne savons pas de quoi nous parlons. La critique de Socrate a des allures d’exagération, on ne le nie pas, cependant elle incite à penser un ensemble de règles esthétiques qui pourraient homogénéiser le domaine d’influence de certains arts, tout comme elles pourraient resserrer la signification de l’une ou l’autre des qualités qui président au statut d’artiste. À une époque comme la nôtre où n’importe qui se revendique écrivain ou poète, souvent au prétexte d’on ne sait trop quelle filiation ou machination, l’intransigeance logique de Socrate ne serait pas vaine pour éprouver ces discours un peu trop sûrs d’eux-mêmes. Ceci étant posé, le plus sûr de tous les arts est bien évidemment celui de la philosophie, car il est le seul à pouvoir totalement témoigner de ce que qu’il fait et de ce qu’il dit, puisque le faisant et le disant, il est tout entier dévolu à sa cause et conscient de l’être.
Notes
(1) Nicolas Boileau, L’art poétique (1674).
(2) Cf. Nicolas Grimaldi, Socrate, le sorcier (Éditions PUF, 2004).
(3) Cf. le mythe d’Er le Pamphylien (République, livre X).
(4) C’est la fameuse thèse platonicienne énoncée par Socrate : «Nul n’est méchant volontairement» (cf. Gorgias, la thèse étant complétée par une seconde : «Il vaut mieux subir l’injustice que la commettre»).
(5) Cf. la fin du Phédon.
(6) Cf. la fin du Gorgias.
(7) Or dans la perspective du cosmos platonicien, il ne peut pas exister d’autres mondes possibles. Il n’y a qu’un cosmos fermé qui contient le sensible et l’intelligible. Toute personne qui ne serait pas préoccupée par la possibilité de participer aux énergies réfléchies du logos serait évidemment condamnable du point de vue de la philosophie. Rapportée à cette exigence, la poésie de Boileau pourrait se sauver puisqu’elle insiste sur les notions d’ordre, de simplicité et de laconisme, défendant l’image d’un poète archi-maître de sa copie et de ses discours.
(8) Platon, Ion (Flammarion, coll. GF, 2001, nouvelles édition et traduction de Monique Canto-Sperber). Nos références de pagination renverront à cette édition.
(9) Cf. introduction de Monique Canto-Sperber, pp. 9-13.
(10) La poésie et son inspiration ne sont donc pas unilatéralement mauvaises dans le corpus platonicien. On s’en convaincra en lisant le Phèdre et le Banquet, le premier de ces dialogues mettant en scène la célèbre palinodie socratique, moment où la philosophie se reprend après avoir déliré dans ses propos (cf. introduction pour de plus amples renseignements, pp. 46-54).
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