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12/03/2025
Questions (encore) sans réponses sur Pierre Couturier en Benno von Archimboldi
Photographie (détail) de Juan Asensio.
Je ne prétends pas que cet homme, Pierre Couturier, a vécu comme s'il n'avait pas vécu, car il a bel et bien évidemment vécu, en s'amusant même, selon toute logique, au moins autant voire bien plus que n'importe quel autre homme d'une condition comparable à la sienne, ou exerçant un métier approchant, qui sait, le sien, qui aurait vécu aux mêmes endroits et à la même époque que lui; affirmer cela serait ridicule. Non, je ne dis pas cela, et du reste toute nouvelle pièce du puzzle que je parviens à
Bien sûr, je ne me cache même pas derrière le maigre paravent consistant à remarquer, avec l'auteur des Détectives sauvages, que l’œuvre, l'Œuvre comme il dit, poursuit toujours son voyage vers la solitude, une fois qu'elle s'est débarrassée de la Critique et des Lecteurs (ces majuscules sont toujours celles de l'auteur), et qu'elle est destinée à voyager irrémédiablement seule vers l'Immensité, car c'est en fait comme s'il n'y avait eu ni Lecteurs ni Critique pour Lavacourt, et même, en fin de compte, d'Œuvre puisqu'elle ne sera jamais parvenue à pénétrer la plus secrète mémoire des hommes, qui elle aussi finira par s'éteindre, sans toutefois avoir pu faire obole au néant, ou à cela qui, inimaginable, le suivra, du texte qu'elle aura porté. C'est en fait comme si Pierre Couturier signant André Lavacourt n'avait strictement aucune réalité, oui, pas même celle de son roman pourtant massif, celle encore de quelques textes disséminés dans une presse introuvable ailleurs qu'en bibliothèque ou à un prix souvent prohibitif chez les bouquinistes, hormis celle que je lui donne par ces notes, ou celle, antérieure à mes recherches, que lui donna l'auteur de ce blog, Images enfuies, évoquant, voici plusieurs années, celui que, par chance, il eut le loisir de considérer et donc de mieux connaître grâce aux souvenirs d'un homme dont Couturier fut l'ami.
Commençons par l'évidence, déposée sous nos yeux en toutes lignes sur la quatrième de couverture du roman d'André Lavacourt, où nous apprenons qu'au moment où il est publié par Gallimard, Couturier a quelque 45 ans, ce qui fait assez logiquement remonter sa naissance à l'année 1915, un peu avant peut-être, si l'on tient compte du nécessaire décalage entre le moment où l'auteur (ou l'éditeur, ou les deux ensemble) rédigea son court texte de présentation et la publication de son roman.
Il n'y a pas trace de ce Couturier-là, né en 1915, mais, un temps du moins, j'ai suivi la piste d'un autre Pierre Couturier, né, lui, en 1921 à Gallardon, le 27 août précisément, et mort à Issy le 26 septembre 2006; je me suis adressé aux mairies concernées et j'ai pu prendre connaissance, ici d'un acte de naissance, là d'un acte de décès. Le premier nous informe qu'un certain Jean Pierre Henri Couturier, de sexe masculin nous sommes certains de ce point (ce qui, à notre époque pour le moins peu assurée en matière

Je ne suis visiblement pas le seul à m'être intéressé à cet homme que nous supposerons brave puisqu'il a été décoré, en raison de ses actes de résistance, durant la Seconde Guerre mondiale, un premier correspondant (1), puis un second qui se fourvoya (2) en m'indiquant un autre Pierre Couturier également résistant m'ayant appris que ce même Couturier possédait un dossier au SHD (ou Service historique de la défense du ministère des Armées) que je ne suis donc pas allé consulté sur place, puisque, grâce à l'obligeance dudit correspondant (le premier des deux) et du personnel de cet organisme qui a su me guider correctement dans les dédales des archives et celles de l'Administration quand on lui pose des questions sur la meilleure façon de bien s'orienter au sein desdites pléthoriques et même labyrinthiques archives, j'ai pu m'écarter de cette piste sur laquelle je n'avais pas posé la moitié d'un pied. Il faut savoir s'économiser lorsque l'on recherche un individu qui n'a pas été extrêmement avare de confidences, et n'a pas laissé énormément de traces dans la mémoire si faillible des hommes.
Il est tout de même étrange, me suis-je dis en lisant, au moment de mes recherches, le si vif petit essai de Jean Rouaud intitulé La constellation Rimbaud, que le génial poète ait pu avoir la chance (je dirais : la malchance) de voir identifiés chaque lieu (ou presque) qu'il a traversés, chaque correspondant (ou presque) auquel il a écrit et même, bien moins que ceux-là, tel ou tel témoin fortuit de son errance dans l'Europe exponentiellement industrielle de la fin du 19e siècle qui rendait (c'est la thèse de

Le mythe, bien sûr, qui assez vite a capturé dans ses filets, quasiment vivant ou le cadavre pas encore complètement refroidi, l'auteur des Illuminations suffira, me dira-t-on, à expliquer cette sidérante différence de traitement entre deux auteurs, l'un pourtant plus éloigné de nous que l'autre, mais cette cristallisation opérée par le mythe, qui a bien sûr également pu déchaîner les passions et les efforts du moindre chercheur de traces en herbe, n'est pas valable si nous songeons à des écrivains ayant vécu à la même époque que Lavacourt et dont nous savons, là aussi, tout ce qu'il faut savoir, ou presque, quelle chance tout de même pour leurs lecteurs et ceux qui, maigrement, essaient de révéler quelque pan peu connu de leur histoire très amplement renseignée. Mais alors, comment Jean Rouaud, qui après tant d'autres rimbaldiens a apporté sa pierre au monument assez impressionnant du savoir entourant la plus minuscule des dates de la vie du poète, peut-il sincèrement feindre de se désoler qu'Arthur Rimbaud nous échapperait toujours, lui dont nous possédons plusieurs portraits et photographies, peu importe en fin de compte que l'on puisse pinailler sur leur authenticité et ergoter quant à l'identité réelle de l'homme photographié, quand nous ne possédons, de Pierre Couturier signant ses productions littéraires sérieuses (autrement dit, la seule qui nous soit parvenue, Les Français de la décadence), qu'une seule photographie ?
Il m'a paru logique, donc, de commencer mes recherches morticoliques dans le domaine qui fut spécifiquement celui de Couturier, et d'y tenter quelques sondages durant les périodes allant des années 40 à 60, puisque notre homme est né en 1915, ou pas loin de cette date. Ô divine surprise, un Couturier a bien écrit plusieurs articles publiés dans les Annales odonto-stomatologiques dont j'ai épluché, consciencieusement, plusieurs dizaines de numéros mais, las, ce Couturier se prénommait Paul et exerçait à Aix-les-Bains. Ces mêmes recherches, menées cette fois-ci dans La revue odontologique n'ont pas davantage donné de résultat et c'est avec beaucoup d'espoir mais non sans une certain malice que je me suis intéressé à une thèse pour le doctorat en
Les choses étaient donc parties d'un assez bon pas puisque je pouvais constater qu'en ses arcanes le monde scientifique s'amusait parfois à nous délivrer de cryptiques messages, que j'espérais une nouvelle fois être riches d'enseignements biographiques, en déployant de remarquables efforts, ma foi couronnés de succès, pour obtenir copie d'une autre thèse, soutenue à l'Université de Nantes, au sein de l'UFR d'odontologie, en 1976 et par un certain J.-P. Couturier, intitulée Utilisation d'un courant galvanique en endodontie : l'ionophorèse; je finis par en obtenir copie, malgré le fait rédhibitoire, on me le fit bien comprendre, que je ne pouvais prétendre à aucune qualité d'étudiant en université, que la thèse était ancienne, trop ancienne en tout cas pour figurer dans les archives commençant en 1983 pour les thèses de doctorat, en 1993 pour les thèses d'exercice, et pour bien d'autres raisons encore tenant à une foule de données qui n'avaient sans doute rien à voir avec les usages au sein de l'Alma Mater, dirait-on de plus en plus pointilleuse à mesure que s'effondre, là comme ailleurs, son niveau général de culture et d'attention à la chose écrite. Il me fallut donc faire appel à un ami universitaire, qui comme il se doit se reconnaîtra, pour constater, bien sûr allais-je dire, que cette thèse ne nous disait rien de son auteur, sinon qu'il était, à la date de sa soutenance, domicilié au 9 rue Dupaty à La Rochelle, et que son jury était présidé par M. J. Tanniou ayant pour assesseurs MM. H. Hamel, auquel cette thèse est dédiée, et à un certain P. D. Bernard.
Au fait, après plusieurs relances et des semaines ou plutôt des mois d'attente, j'ai fini par recevoir une réponse, hélas négative, à ma requête auprès de l'Ordre national des chirurgiens dentistes; ainsi, alors que j'avais espéré obtenir quelques indications biographiques sur un certain Pierre Couturier ayant exercé l'art si noble de la chirurgie dentaire, l'Ordre qui eût dû tout (ou presque) savoir sur notre praticien ne sait strictement rien ! Mais qui est donc ce chirurgien dentiste dont l'Ordre ne sait rien

Attendons encore un peu toutefois car, dans son infinie sagesse, cet Ordre m'a suggéré de m'adresser au Docteur Xavier Riaud, auteur de plusieurs ouvrages réputés savants sur les riantes thématiques que sont l'histoire de l'art dentaire, celle de la stomatologie ou celle encore de la chirurgie maxillo-faciale. Au point où j'en suis, n'est-ce pas... Je l'ai donc contacté, puis relancé, et je n'ai toujours pas reçu de sa part la moindre réponse. Je dois dire que je me suis étonné, auprès de mon interlocutrice (car c'en est une) de l'Ordre, du fait que ce dernier ne puisse visiblement rien savoir d'un dentiste et, excellente précision, il m'a été dit que c'est à un autre Ordre, celui des médecins, que je devais m'adresser, puisque Pierre Couturier était aussi, et peut-être même avant tout, stomatologue ! Me voici donc parti pour contacter ce puissant organe qu'est le Conseil national de l'Ordre des Médecins, attendant donc la réponse ordinale, qui ne pourra me donner, je n'en doute pas, que de nouvelles et utiles précisions.
J'ai commencé à explorer une autre piste. Nous savons donc que Pierre Couturier, dentiste de son état, à la fin des années 70 aurait exercé dans un cabinet dentaire situé au 2, rue de Colombes, à Nanterre. Or, j'ai pu constater assez rapidement que cette rue n'existait plus à Nanterre, alors que ce semblerait être le cas dans des communes voisines. Je me suis adressé à la Société d'histoire de Nanterre qui n'a pas tardé, bien aimablement et par la personne qui s'en occupe, à me répondre ce qui suit : ledit
En tout cas, il semble que notre écrivain fantôme et pléthorique, ce qui est une assez curieuse façon de signifier son retrait au monde, ait été, aussi, un praticien assez, disons... furtif, du moins par la trace qu'il a laissée dans les archives départementales des Hauts-de-Seine qui, consultées, ont eu l'obligeance de me répondre ce qui suit, à propos de recherches effectuées dans trois dossiers : l'un, portant la cote 1213W220, intitulé Cabinet du Préfet. Affaires sanitaires et sociales, suivi des organismes professionnels et consultatifs : Conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes (1968-1974), dans lequel Pierre Couturier ne figure pas dans la liste des chirurgiens-dentistes de Nanterre, et cela bien que le 1, rue de Colombes soit indiqué. Pour le second dossier, portant la cote 1823W116 et intitulé Sanctions disciplinaires de chirurgiens-dentistes, décisions d'amnisties ou plaintes rejetées (1985-1993), pas davantage trace de notre fantôme, tout comme dans le troisième et dernier dossier (cote 1999W170/1, Services de l’État : Affaires sanitaires et sociales dans le département. Tutelle hospitalière. Recensement des praticiens opérant dans les Hauts-de-Seine (1975)).
Devant tant de difficultés, considérant mon peu de goût, assez manifeste du reste, pour les très patientes recherches qu'il ne faut pas craindre d'assumer (y compris financièrement, la consultation de certaines archives n'étant pas gratuite) quand on se lance à la poursuite d'une personne ayant, tout aussi méthodiquement, pris le soin de disparaître des radars germanopratins, peut-être, oui, peut-être alors me faudrait-il décider de laisser Pierre Couturier à la farouche voire hystérique volonté de discrétion dans laquelle il a souhaité enclore sa vie de tous les jours et ne m'attarder qu'à André Lavacourt et son unique roman publié, Les Français de la décadence, voilà qui, au moins, est simple, en notant par exemple que c'est dans les toutes dernières pages du Chevalier, la Mort et le

Peut-être me faudrait-il davantage m'intéresser aux possibles influences littéraires de Lavacourt, selon l'un des rares personnages à l'avoir côtoyé en Algérie sous le nom de Couturier, Francis Marmier, qu'il s'agisse de Simenon dont il admirait le talent ou encore de François Augiéras signant sous le pseudonyme d'Abdallah Chaamba son Vieillard et l'Enfant, évoqué dans les numéros 7 et 8 datant des mois de juillet-août 1954 de la revue Arcadie à laquelle, nous l'avions écrit, Lavacourt a participé et qu'il devait donc lire, qu'il y participe ou pas, Augiéras écrivant encore Le Voyage des morts, cette fois-ci mentionné dans le numéro 76 de cette même revue publiée en avril 1960, sans oublier d'indiquer de possibles liens avec Les Sept Piliers de la sagesse de T. E. Lawrence, également mentionnés par celui qui rencontra notre fantôme et ne parut point en être effrayé, voire m'attarder sur La mort
Peut-être faudrait-il établir un peu plus qu'un trop rapide rapprochement entre Les Français de la décadence et Les Hommes de bonne volonté de Jules Romains, comme le fait l'auteur, qui ne signe pas de ses prénom et nom une très courte et pourtant excellente recension du roman de Lavacourt pour La sélection des Libraires de France dans son n°9 du mois d'octobre 1960, où il ose même affirmer que la publication du roman est «un événement littéraire comparable à la parution de Voyage au bout de la nuit» et, comme dans le texte le plus connu de Céline, qu'existent «des passages, voire des chapitres entiers, d'une véhémente crudité», puisqu'il est assez visiblement clair que «M. Lavacourt vomit le siècle et ses totems, singulièrement la morale de midinette dénoncée jadis par Montherlant». Peut-être faudrait-il, encore plus directement, écrire une note comparant le roman de Lavacourt et Le Camp des Saints de Jean Raspail sans me contenter, comme le fit un certain J.-F. Setze dans son étude (voir le numéro 111 datant des mois de mai-juin 1973 de la revue Défense de l'Occident, p. 41) sur ce dernier roman, de déplorer la disparition de celui de Lavacourt ou bien de L'Occident de Marcel Clouzot. Qui sait, oui, si je ne dois pas me résoudre à laisser en paix, lui qui à vrai dire n'a été que fort peu inquiété par le monde littéraire, André Lavacourt qui n'aura jamais été que l'auteur d'un seul roman publié de son vivant !
C'est un chercheur, Arno Schmitt, auteur d'un travail érudit intitulé Bio-Bibliography of Male-Male Sexuality and Eroticism in Muslim Societies, résolument introuvable quel que soit le biais par lequel je suis passé, quel que soit le nombre de bibliothèques que j'ai pu contacter, quelles que soient mes supplications auprès de personnes fort honnêtes travaillant dans plusieurs librairies anglo-saxonnes, et qui toutes m'ont aidé non seulement très vite mais aussi bien qu'elles l'ont pu, c'est ce chercheur émérite disais-je qui, en mentionnant, en passant pour ainsi dire, André Lavacourt dans son ouvrage, évoqua deux de ses contributions, l'une dans une revue que nous connaissons désormais bien, Arcadie, l'autre dans une revue qu'il orthographia, à tort, Incogniti, erreur ou inattention bien vénielle qui provoqua pourtant des bouffées d'énervement lorsque je me mis à la chercher et que, conséquemment, je n'en trouvai aucune trace puisqu'elle n'existait tout simplement pas.

Quoi qu'il en soit, c'est dès le premier numéro de cette dernière revue, Incognito Magazine, qu'André Lavacourt apparaît non seulement comme l'auteur d'un texte, mais aussi comme faisant partie des complices de ladite revue, selon les indications de son ours, avec d'autres personnes dont les patronymes se sont perdus dans les strates complexes de l'histoire de la presse homosexuelle des années 70, Jean Coquelle, directeur-rédacteur en chef et prolifique patron de ce genre de presse, nous le verrons, Stéphane Perrault, Philippe Bonnard, Claude Courouve, Pierre Schricke, Mark Freedman, Jean de Satrat,
Notons que nous retrouvons dans Incognito Magazine quelques-uns des noms, comme celui de Jean Coquelle, dont nous apprenons qu'il est psychosociologue ou celui de Mark Freedman, professeur à l'Université d’État de San Francisco et décédé en 1976, dans l'éphémère revue Don qui la précéda, sous-titrée Les cahiers de l'homophilie dans le monde ainsi que, dès son sixième numéro, la rubrique intitulée Sel & Vinaigre qui passera, telle quelle, dans Incognito Magazine et dans laquelle André Lavacourt écrira non seulement un mais plusieurs textes, de celui que nous avons précédemment indiqué, dans la première livraison de la revue, jusqu'à sa cinquième, le nom de Lavacourt
Incompatibilité d'humeur : l’Église et la morale culière (n°2, pp. 52-9).
Toutes les avenues du pouvoir (n°3, pp. 46-50).
Nous sommes les autres. Lettre ouverte à André Baudry (n°4, pp. 16-20).
Grandes amours et petites annonces (n°5, pp. 36-41) et, un bonheur n'arrivant jamais seul, Les histoires de Brahim : le Terroriste... (pp. 57-62), le titre même, bien qu'incomplet, pour lequel Arno Schmitt, notre chercheur émérite quoique distrait, je vous le rappelle, avait évoqué André Lavacourt officiant dans Incogniti. Notons encore que ces textes, à l'exception de ce tout dernier, ont tous été publiés dans la rubrique précédemment citée, Sel & Vinaigre qui disparut avec la mention d'André Lavacourt, du sixième et dernier numéro, selon toute probabilité, d'Incognito Magazine qui, lui, à la différence de Don, ne sembla pas capable de renaître de ses cendres, mais fut définitivement stoppé par la censure, dès 1978.
Les chercheurs amateurs de ces thématiques, je suppose qu'il doit y en avoir car ce genre de revues plus ou moins éphémères
Dans ce domaine-là, l'une de mes intuitions s'est révélée fructueuse : puisque André Lavacourt a participé à plusieurs revues homosexuelles et que ces dernières, dans les années 70, ont été le plus souvent interdites à la vente, je suis allé chercher dans le bien nommé Dictionnaire des livres et journaux interdits par arrêtés ministériels de 1949 à nos jours de Bernard Joubert, paru en 2007 aux éditions du Cercle de la Librairie, une véritable mine disposant, qui plus est, d'un impression Index des noms, énorme et très savant ouvrage qui m'a indiqué non seulement un titre que je connaissais déjà, Incognito Magazine, mais un autre auquel le nom de Jean Coquelle, qui nous est quelque peu familier, était associé, et que j'avais décidé de consulter : Gay Magazine qui très vite deviendra Gaycontacts (comme Don devint Incognito Magazine) ne dépassant pas à ma connaissance les deux numéros, alors que le titre précédent sera allé,
André Lavacourt a-t-il écrit d'autres articles, durant ces années 70, dans l'une ou plusieurs des nombreuses et même incroyablement nombreuses revues homosexuelles à tropisme plus ou moins pédophilique disponibles, avec plus ou moins de fortune là encore, en France, à condition de débourser quelques francs (heureux temps !), qu'il s'agisse de L'Antinorm, du Fléau social, d'Olympe, de Futur qui, accueillant des nouvelles, eût pu intéresser Lavacourt, d'Andros ou de Marge ? Je ne le sais pas, le temps et la motivation me manquent, même si je puis répondre par la négative pour au moins trois de ces titres, pour devoir de nouveau passer des heures entières à effectuer d'aussi méthodiques et longues recherches et puis, ma foi, je m'en voudrais de ne plus rien laisser découvrir à de jeunes chercheurs qui deviendront tôt ou tard émérites, même s'ils se trompent d'une seule lettre dans un titre et que, par cette petite quoique coupable faute d'inattention, ils ne manqueront pas de plonger à leur tour quelque hypothétique continuateur de mes explorations dans d'indicibles tourments. Qu'ils entreprennent ces recherches, avec, pour guides, l'Histoire de la pédophilie.
Ce que j'ai trouvé est donc assez maigre, au regard des heures que j'ai passées à m'user et, parfois, à me salir les yeux, même si je préfère me les salir en tournant page après page des revues contenant des petites annonces aux abréviations euphémistiques, des publicités ma foi graphiquement léchées et des photographies d'hommes ou de jeunes hommes aux poses évocatrices ou ne laissant guère place à l'imagination qu'en tournant celles d'un mauvais roman contemporain, qui représente bien trop souvent une
C'est pourtant au moment même où j'ai fait ce constat assez dur bien qu'irrécusable qu'un double événement est venu ranimer ma flamme exploratrice, toute proche de s'éteindre, faute d'oxygène pour la maintenir vaillante et fièrement dressée à dissiper les ténèbres ou, de façon moins grandiloquente, la grisaille d'une recherche assez peu exaltante, affreusement terne et jamais dispensatrice de découvertes remarquables : le premier de ces événements est la lecture, comme toujours retardée lorsqu'il s'agit d'un roman ayant reçu les acclamations de la presse germanopratine, du prix Goncourt 2021, La plus secrète mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr, le second, lui, tenant à l'aide inopinée qu'un lecteur, grand amateur de quêtes archivistiques, m'a apportée en me livrant, pieds et poings liés par les cordes de ses déductions, la date de naissance et la date de décès de Pierre Couturier signant André Lavacourt.
J'en reparlerai bien sûr, dans ce qui sera alors la sixième note que j'aurais consacrée à ce qu'il est je crois légitimement possible d'appeler, si romanesquement que j'en souris, le mystère André Lavacourt.
Notes
(1) Lequel a pu effectuer bien des recherches de son côté, m'évitant de perdre un temps précieux, qu'il en soit sincèrement remercié ! Ainsi a-t-il pu m'écrire que les «naissances à Paris entre 1913 et 1922 n'ont rien donné (pour l'anecdote, on trouve un Michel Pierre Couturier né le 8 avril 1915 dans le 17

(2) Qui lui m'a écrit ce qui suit : «Il y a bien un Pierre Couturier inscrit Force Française de l'intérieur (maquis), né en 1915, le 25 janvier à Thiviers en Dordogne. Ce qui concorderait avec publication à 45 ans, 1960, des Français de la décadence et serait donc mort en à Trélissac, toujours en Dordogne, le 16/07/2005», que l'on retrouve ici et qui je le crains ne saurait être notre homme qui, a priori, a aussi peu participé à la Résistance qu'à l'effort de repeuplement français ! D'autres éléments, notamment un portrait minutieux fourni par un de ses amis combattants, mais aussi une photographie, ou encore l'acte de naissance indiquant sa date de mariage en 1936 écartent la prétention de cet homme vaillant à être notre Benno von Couturier !
(3) Jean Cau, Le Chevalier, la Mort et le Diable (La Table Ronde, 1977), pp. 170-1.
(4) Voir par exemple, sur le cas spécifique de la revue Arcadie, Julian Jackson, Arcadie. La vie Homosexuelle en France, de l'après-guerre à la dépénalisation (éditions Autrement, 2009). Cet ouvrage ne mentionne pas la réponse de Lavacourt à Baudry. Toujours sur Arcadie, cet article de Christopher Miles intitulé Arcadie ou l'impossible éden, paru dans la Revue H, n°1, 1996.