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04/03/2004

Steiner, Boutang et le Christ

Crédits photographiques : Dar Yasin (AP).

641263900.jpgAvec cette Crucifixion, du photographe Andres Serrano, que j'utilisai naguère en guise de couverture d'un des numéros de ma revue Dialectique, présentant le dialogue entre George Steiner et Pierre Boutang, je ne pouvais certes mieux trouver une image plus symbolique de ce qui s'est tramé entre l'auteur de Réelles présences et celui de l'Ontologie du secret, la symbolique de cette image étant bien évidemment parfaitement transposable à toute personne qui se pose, comme je le fais, la question redoutable, à vrai dire abyssale, des liens qu'entretiennent Chrétiens et Juifs. Steiner parle et répète à l'envi que le christianisme a une responsabilité écrasante dans la Shoah. Il affirme, sans absolument apporter de preuves, que l'horreur absolue du Golgotha a pour gouffre immonde le trou noir d'Auschwitz, dans un de ces paradoxes qu'il adore jeter à la face des crétins qui louent sa culture sans même comprendre que chaque ligne du bonhomme est un appel angoissé. Imre Kertész a écrit la même chose dans Un autre, où il retrouve l'image d'un Christ en Croix faisant face (si je puis dire) au puits de noirceur, à la figure grimaçante du fou Hitler. Il s'agit là, je n'ai pas peur de l'écrire, d'une espèce de vision mystique démoniaque, après tout logique sous la plume de ce penseur inquiet et ô combien paradoxal qu'est Steiner, grand lecteur de Kierkegaard, grand lecteur sans doute (mais en cachette...) de Léon Bloy, celui du terrible et difficile Salut par les Juifs, relu il y a peu, sans doute l'un des sommets de l'exégèse bloyenne, où je lis cette phrase : L’histoire des Juifs barre l’histoire du genre humain comme une digue barre un fleuve, pour en élever le niveau. L'outrance même de certaines métaphores, outrance revendiquée par Léon Bloy, n'a qu'un seul but : nous faire comprendre que Juifs et Chrétiens sont indissolublement liés. On comprend que Bloy n'ait jamais eu assez d'insultes pour se moquer de l'imbécile Drumont et de son antisémitisme grotesque, sentant la trouille et l'impuissance d'un pamphlétaire qui mourut dans la misère. On comprend aussi qu'Éric Marty, dans Bref séjour à Jérusalem, lâche quelques lourdes bêtises sur Bloy et Bernanos, qu'il a sans doute lus comme lisent les journalistes, en préférant aux textes les résumés vite digérables...