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30/05/2005

Pierre Assouline et varia ou le stalker s'amuse... un peu

Le stalker en Elmer

«There must be some way out of here, said the joker to the thief».
Bob Dylan, All Along the Watchover.


Depuis la mise en place d'outils statistiques plus fiables qu'ils ne l'étaient il y a quelques semaines, je constate que la Zone a plusieurs fois dépassé la barre des 1 200 visites quotidiennes. Je n'en puis être que ravi mais aussi... effrayé, pour plusieurs raisons. La première, qui ne cesse de me faire rire, tient à la rançon commune de tant de célébrité. Depuis quelque temps, la Zone du stalker deviendrait en effet une espèce de drôle de réserve où, selon un con qui finira sans gains, quelques vieux fossiles réactionnaires attendent tranquillement qu'un paléontologue les extraie de leur gangue millénaire. Bien sûr, la parodie, qui pourtant, comme l'étymologie du mot nous l'indique, est une sorte de parasite se nourrissant du texte critiqué, est tout à fait nulle, d'abord littérairement, ensuite, donc, dans sa portée intellectuelle si j'ose dire, puisqu'elle n'est pas suffisamment méchante pour s'extraire d'une bourbe mille fois touillée dans tel ou tel site (précisément : des forums...) que j'ai pu fréquenter autrefois. Je conseille à ce cloporte cloné, qui n'a pas même le courage de signer ses poussives bluettes de son patronyme de rat d'eau douce congo-chaldéen, de s'injecter dans les veines, à condition que, tel un phocomèle, il ne soit point privé de membres, une forte dose de venins insignes : Baudelaire, Sorel, Bloy, Darien ou n'importe lequel de ces auteurs, antimodernes selon Compagnon, imprécateurs par nécessité plus que par goût, qui écrivaient pour tuer et savaient bien qu'écrire c'était, avant tout, tuer et qu'importe si un Bloy pouvait laisser, sur le brouillon maculé du sang de ses innombrables ennemis, tomber quelques gouttes salées de ses précieuses larmes, versées ainsi en obole de l'imbécile par lui malmené, à vrai dire achevé. Je passe encore plus vite, de peur, comme le petit robot Opportunity enlisé dans les sables martiens, de ne pouvoir plus m'extraire de quelque répugnante congère de merde, sur le cas de l'acéphalique Grêloti.
La deuxième raison est plus grave puisque cette exposition somme toute médiatique de mes écrits engage, je le constate parfois avec effroi, une réponse, la mienne, à celles et ceux qui m'écrivent et m'interrogent ou m'invectivent, qu'il s'agisse de personnes goûtant plus ou moins la littérature ou de stricts inconnus, venus témoigner, dans la Zone, d'une présence discrète quoique assurée, pas moins réelle au demeurant. Je ne pense pas que l'on puisse avec sérieux m'accuser de ne pas faire face : je réponds en privé (des heures durant chaque jour !) et, lorsque le problème soulevé par tel ou tel en vaut la peine, en public, comme dans le cas de l'impayable bulle d'excommunication que m'adressa le noble Guillebon dont le patronyme, victime du succès de la Zone, est désormais admirablement visible sur Google.
Je dois vous faire cet aveu : je ne me suis jamais autant amusé et, parfois, je n'ai jamais autant ri aux éclats, mais d'un rire amer, inquiet et, finalement, triste, que depuis que, chez mes collègues amateurs de blogs, il m'arrive de lire, de plus en plus souvent hélas, des textes sans écriture, sans pensée, sans âme, sans tête ni queue, ni glandes, ni pieds, sans verbe donc, ni sang ni haut ni bas mais qui, rendez-vous compte mes frères poussiéreux amateurs (forcément réactionnaires) de textes sexués, colonnés, vertébrés, éjaculent leur vague non-sens lettriste, déchargent leur marémotrice puissance de chasse d'eau, tourbillonnent dans un siphon où se perdent celles et ceux qui se noient dans une cuiller à café de futurisme oulipo-anarcho-lacano-structuralo-derridien, ce maigre sirop moins amer que gluant et, finalement, si pauvre en principes actifs. Quoi d'autre encore, stalker, allez-vous donc impunément vous ériger en norme irréfragable du bien-écrire ? J'entends ainsi, de bien loin, la critique qui me sera faite. Croyez-vous vraiment avoir le droit de traiter aussi légèrement que vous le faites, monsieur le simple lecteur (puisque c'est ainsi que vous vous présentez, faussement bien sûr...), le bouillonnement créatif que la Toile a rendu proche de son degré de maturation le plus extrême, j'ose le dire, de son explosion toute prochaine ? Et de me clamer haut et fort que recherche il y a bel et bien, et écriture (même si l'entreprise ressemble davantage, par son caractère éphémère et son aveu final d'impuissance, à une de ces performances artistiques contemporaines plutôt qu'à de la littérature, a priori prémunie, sauf dans les petites intumescences d'un Florian Zeller et de ses innombrables clones, contre tout prurit d'éphémérisation), et quête, donc, pardon, recherche d'un sens qui n'exclut point l'absurde et l'insensé, et volonté stochastiquement inchoative d'un centre décentré et désorbité, gage d'une gravité, sans poids bien sûr, donc légère, et écoute non pas d'une ni même de dix milles mais de cent milles, de dix millions de voix, de l'ensemble des voix de tous les êtres humains (n'oublions pas, tout de même, les animaux, qui doivent bien avoir leur propre langage... Quoi ? Vous n'aimez pas les bêtes ! J'aurais dû m'en douter...) ayant vécu, vivant et qui vivront un jour sur cette planète, le tout vaguement agglutiné dans une boule de neige sale qui sera propulsée dans les confins de l'univers où elle finira bien par rencontrer quelque intelligence extraterrestre capable de déchiffrer pareil amphigouri amphibologique, ultime témoignage du génie malade des hommes. N'est-ce pas ? Je me dois de répondre, calmement : non...
Non car toute atteinte portée, consciemment, consciencieusement, au langage, est moins le signe d'une volonté d'avant-gardisme que, comme Roland Barthes tout proche de mourir semblait le redécouvrir mais un peu tard, comme Jean Paulhan l'affirmait dans ses Fleurs de Tarbes, un terrorisme, une haine du mot, en un mot platonicien (Phédon), une misologie. J'avance donc cette évidence qui n'est pas même paradoxale : la majorité des blogueurs haïssent, ni plus ni moins, le langage dont ils se servent et qu'ils déprécient allègrement, qui devient, sous leur domination vulgaire, leur serf écouillé, décérébré, dont la langue même, si je puis dire, a été arrachée.

Quelque autre révolutionnaire rôderait-il dans la Zone ? Ah oui, en guise de divertissement final, voici la lettre (restée comme il se doit sans réponse...) que j'ai tout récemment envoyée à Pierre Assouline, assurément moins Robespierre que sans-culotte, lui assurant mon indéfectible attention après avoir lu son pathétique papier consacré à la mort de Zoran Music :

Cher monsieur.

Saint Assouline, priez pour que mon verbe retrouve ses couleursMerci de tout cœur de m'avoir interdit l'usage de vos commentaires, et ce depuis (presque) la première heure d'existence de votre pérenne République : passant moins de temps, donc, à pouvoir écrire chez vous ce que je pense de votre prose réellement sans pareille, je puis au moins, à en hurler de rire, tenter de la lire, comme lorsque je l'évoque dans un tout récent billet sur Zoran Music. Je mens toutefois car il est vrai que je n'ai guère ri, ces derniers temps, en vous lisant : ainsi, tel récent hommage au peintre Music était-il bien peu respectueux à l'égard de tous ces pauvres morts, si mal réconfortés par votre plume très laide, qui barbouille sa toile mais n'a tout de même pas honte de la signer.
Également, c'est ce genre de procédé (et ma foi, après tout, la très large publicité que je lui fis naguère sur la Toile), procédé d'interdiction (puis d'éloignement) du territoire faisant mentir le titre pompeux de votre blog, fort peu républicain au demeurant puisqu'il caviarde et ostracise, qui fait grandir auprès des rédacteurs de blogs votre extraordinairement mauvaise réputation...
Continuez comme cela, je puis bien vous prédire une belle gloire... moins littéraire, n'est-ce pas, que virtuelle.
Mon Dieu cher monsieur, je sais qu'il est sans doute trop tard pour vous supplier afin de vous demander d'apprendre les quelques rudiments de français vous permettant d'employer une langue à peu près intelligible et vertébrée mais tout de même, j'avoue avoir eu toutes les peines du monde à considérer comme sérieux votre papier ridicule sur Zoran Mus(z ?)ic...
Pauvre, pauvre mort...

Il est vrai que, tout autant, chacun des textes (le mot est ici inadapté...) de cet homme décidément incapable d'écriture, est à punaiser comme témoignage insectoïde de la plus veule nullité intellectuelle, du plus ridicule papillonnement de phalène qui, hélas, jamais ne grille en s'approchant de la lumière qui le rend ivre. Le voici voletant comme un moucheron autour de l'immense Jünger, qu'il n'a probablement pas lu, comme il n'a du reste pas lu l'essai remarquable de Jean-Luc Évard sur cette très complexe question des accointances politiques de l'auteur du Travailleur. Peu importe, notre zélé moucheron ne s'en laisse point compter et s'empresse d'ourdir sa guerre nanoscopique : non pas en attaquant directement celui qu'il compte bien égratigner, courage et intelligence minuscules dont il est parfaitement incapable, mais en reprenant le propos d'untel, moustique ou cloporte c'est selon, qui lui-même ne faisait que transmettre telle vilaine opinion entendue il ne sait trop où au sujet du tout de même bien louche auteur des Falaises de marbre qui, rendez-vous compte madame comme c'est étrange, a vécu plus de cent ans, à croire qu'il a passé, hein, ne le répétez surtout pas, un pacte avec le dia...

Jean-Luc Évard, Signes et insignes de la catastrophe Pauvre, pauvre Assouline, représentant le plus pathétique d'une caste innombrable de journaliers de l'écriture, qui traitent le langage comme un ouvrier fracture, avec son marteau-piqueur crasseux, le goudron sous lequel jamais il ne trouvera la moindre goutte d'eau vive.
Mais je me tais et abandonne à ses poussives réflexions et à sa langue aussi pauvre qu'une lande de l'altiplano chilien Pierre Assouline, songeant que je dois justement lire le nouvel ouvrage de Jean-Luc Évard (chez le même éditeur exemplaire, L'Éclat), intitulé Signes et insignes de la catastrophe (au sous-titre éloquent : De la swastika à la Shoah), dont le sujet même me paraît supérieurement intéressant et, heureusement, absolument impénétrable pour l'esprit colimaçonné de notre journaliste.
C'est finalement une chance...

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