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13/11/2006
Dune de Frank Herbert, 1
Profitant de quelques jours de tranquillité, j'ai désiré me replonger dans le premier tome de la saga de Frank Herbert, Dune, lu une première fois alors que j'étais un tout jeune adolescent, à la même époque, d'ailleurs, que le non moins célèbre Seigneur des Anneaux de Tolkien. Bien sûr, je n'y ai point retrouvé l'émerveillement qui fut, immédiatement, à cette époque, le mien, accentué par les illustrations que Chris Foss avait réalisées pour une adaptation cinématographique, qui jamais ne vit le jour, sous la houlette de Jodorowsky. Un premier point, que l'on mettra sur le compte de ma légendaire mauvaise humeur : je dois dire ainsi que mon plaisir, ou plutôt son évanescent souvenir, a été gâché par le nombre absolument inacceptable de fautes que j'ai relevées (je n'y peux rien : une faute est comme une vilaine tache sous mes yeux) dans une édition dite de prestige, sans compter que, depuis que la traduction réalisée par Michel Demuth a été publiée en France, en 1970 je crois, le volume de Dune et ses suites ont été réédités un certain nombre de fois. Les éditions Robert Laffont, qui certes ne semblent guère préoccupées par le plaisir des lecteurs si j'en juge par les exemples, calamiteux en ce qui concerne la correction grammaticale et orthographique, des différents livres et revues publiés sous leur égide, auraient tout de même pu payer un correcteur, ne serait-ce que pour cette édition plus ou moins définitive (sur son site, l'éditeur parle même d'une édition ultime, ce qui est tout de même assez comique) proposée en deux gros volumes du reste assez bien réalisés. Je tiens d'ailleurs, à la disposition de M. Gérard Klein, directeur de la célèbre collection Ailleurs & Demain qui la première publia le roman de Frank Herbert en France, mes exemplaires corrigés de ces volumes; moyennant la somme (il s'agit là d'un prix... d'ami), de 0,75 euros par millier de signes, je me ferais un plaisir de lui indiquer bien des erreurs qui ainsi, du moins je l'espère, ne figureront plus dans les pages d'une future réédition... Autre remarque, sans doute futile : comment peut-on affubler des romans de science-fiction, parfois excellents lorsqu'il s'agit de la collection dirigée par Klein, d'aussi monstrueuses illustrations que celles de Jackie Paternoster, pas mêmes peintes puisqu'elles ont été réalisées à l'aide d'un logiciel qui ferait passer les graphismes des antiques jeux Atari pour un modèle d'élégance et de fluidité ? Le premier tome, regroupant Dune, Le Messie de Dune et Les Enfants de Dune est ainsi orné d'un immonde boudin (je reste poli, une autre image s'étant immédiatement imposée à mon esprit...) se dandinant sur la croûte d'une tome de Savoie millénaire. La seconde illustration, une espèce de bonhomme avec des tuyères en guise de jambes, à moins qu'il ne s'agisse d'un ridicule vaisseau spatial, dépare la couverture du volume regroupant L'Empereur-Dieu de Dune, Les Hérétiques de Dune et La Maison des Mères que j'évoquerai prochainement. Il y a là, dans ce choix d'un illustrateur aussi techniquement nul (sans même évoquer la laideur de ses dessins), un mystère qu'une pourtant très forte consommation d'épice ne m'a point permis de résoudre : sans doute s'agit-il, comme toujours, de quelque copinage bien propre au petit monde de l'édition...
Passons. Dans ce premier volume de la série, m'a surtout frappé l'insistance avec laquelle Herbert a légitimé l'inexorable apparition du djihad conduit par les légions fanatiques de Paul Muad'Dib par le simple fait que, risquant d'être frappées d'une dangereuse immobilité, les races (pardonnez-moi cet horrible et très réactionnaire vocable mal-pensant, d'ailleurs trouvé dans le livre même d'Herbert) désirent mélanger leurs gènes dans un vaste brassage. Et quel meilleur brassage que celui provoqué par une guerre mobilisant des centaines de milliards d'hommes et de femmes répartis sur des milliers de planètes ? Dans sa préface à Dune, Gérard Klein insiste sur l'agnosticisme de Frank Herbert : il a raison mais il ne m'a pas semblé assez sensible à certaines évocations qui, tout au long du cycle, saturent les aventures de Paul Atréides et de ses descendants de références bibliques (nous sommes en terrain connu) mais surtout de discrètes allusions à la puissance de Dieu, allusions qui m'étonnent puisqu'elles ne se réfèrent pas au judaïsme, à l'Islam et au christianisme, ces trois terreaux culturels dans lesquels l'auteur a puisé son inspiration et bien des termes de son lexique de l'Empire, mais à une sphère que nous pourrions définir comme étant privée. Frank Herbert en croyant ? La proposition a, je le sais, de quoi choquer les puristes et je ne tiens surtout pas à faire de l'auteur un mystique qui s'ignore, ce qu'il n'est à l'évidence pas.
Certes, la question religieuse (disons, en un mot fourre-tout, le théologico-politique dans son sens le plus large) est au centre des thématiques nourries par Herbert, du moins dans la série de Dune. Certes encore, cette conception d'une religion au service exclusif du pouvoir trouve sa lointaine systématisation théorique dans les essais de Gaetano Mosca pour lequel le sacré n'était que pur artifice de mythes, symboles et rites, très consciemment employés à des fins strictement utlitaires ou, dit l'auteur, charlatanesques. Mais, n'est-il pas évident, de même, que je n'ai entrepris cette relecture du cycle de la planète Arrakis qu'à seule fin de vérifier un élément qui, il y a bien des années, m'avait profondément surpris et intrigué et dont je ne me souviens, à présent, que fort imparfaitement : la réapparition des Juifs, dans le tout dernier volume, je crois, de la série intitulé La Maison des Mères ? Nous verrons bien ce que Frank Herbert a tenté de faire avec ce motif et s'il s'agit uniquement, comme le dit un peu sottement sans doute Klein dans sa préface, de rééquilibrer en faveur du judaïsme les innombrables emprunts faits par le romancier au monde islamique.
Parler des Juifs, y compris dans un livre de science-fiction (le cycle de Dune est évidemment plus que cela), voilà qui ne peut, en aucun cas, être anodin.
Et, si ce motif, décidément, devait n'être qu'anodin, alors il me faudrait me rendre à l'évidence et affirmer que Frank Herbert n'a strictement rien compris au mystère du judaïsme.
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