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12/08/2006

La guerre contre le Hezbollah ne fait que commencer, par Alexandre Del Valle

Crédits photographiques : Alessandro Della Bella (Keystone/Associated Press).

Pour Tzipi Livni, trois conditions sine qua non sont à remplir avant d'envisager toute issue à la crise au Liban sud. (Guysen Israel News) : condition n°1 : le retrait total du Hezbollah du Liban sud et le déploiement de l'armée libanaise assortie d'une force internationale. Condition n°2 : la validation d'une résolution du Conseil de Sécurité de l'ONU incluant le décret d'un embargo à l'encontre de toute nation fournissant des armes au Hezbollah. Condition n°3 : la libération des trois militaires israéliens.

De retour d’Israël, voici, dans la Zone, exposé pour la deuxième fois, le point de vue géopolitique d’Alexandre Del Valle, dont je reproduis, avec son autorisation, ce texte paru sur quelques autres sites.

Depuis un mois, la guerre opposant Tsahal au Hezbollah a déjà fait plus de cent victimes israéliennes, dont 70 soldats (19 réservistes) et 36 civils, puis près de 1 150 Libanais, majoritairement des civils, pris en otage par le Hezbollah. Et le conflit n’est pas près de s’arrêter. Malgré les bombardements israéliens intensifs, les villes israéliennes du Nord (Kiryat Chmona, Nahiriyya, Metula, Haïfa, etc.) continuent d’être pilonnées par les roquettes du Hezbollah (3 200 tirées depuis le 12 juillet). Les autorités israéliennes procèdent en ce moment à l’évacuation des villes les plus exposées du Nord, une première depuis la guerre de 1948. Le chef du Hezbollah, Cheikh Nasrallah, s’est félicité du fait que Tsahal a été jusqu’à maintenant incapable d’anéantir la «Résistance libanaise». Mais les Israéliens estiment que la persistance du Hezbollah devait tout au refus du Premier ministre Ehoud Olmert (contre l’avis de son état-major) d’intensifier l’offensive de Tsahal au risque d’augmenter le nombre de morts israéliens. Désormais harcelé par une opinion publique choquée et réclamant une solution forte, le Premier ministre Olmert a finalement donné à Tsahal le feu vert pour engager des opérations aéroportées et terrestres de grande envergure (Plan 9) et pour «occuper tous les territoires à partir desquels le Hezbollah tire des projectiles contre le territoire israélien», ceci «jusqu’au fleuve Litani et même au-delà si nécessaire» et pour une période pouvant aller jusqu’à 30 jours. Objectif : éradiquer le Hezbollah en le prenant à revers. Pour nombre de commentateurs et hommes politiques israéliens, qui estiment que l’armée n’avait jusqu’à présent pas eu les mains libres, les choses devraient réellement commencer aujourd’hui… Ce qui signifie certes un renvoi à une date plus qu’incertaine du cessez-le-feu tant réclamé par la communauté internationale et surtout par Beyrouth... Le Premier ministre Fouad Siniora estime que le projet de résolution de l’ONU ne peut être acceptable tant que les États-Unis et Israël s’opposeront toujours à l’idée (française, russe et arabe) d’un cessez-le-feu impliquant un retrait total de Tsahal du Liban sud dans le cadre d’une cessation immédiate des hostilités. Or il est clair que Jérusalem – qui juge «intéressante» la proposition de Beyrouth visant à déployer l’armée libanaise dans tout le Liban sud (après 40 années d’attente…) – ne peut accepter l’idée d’un retrait immédiat du Liban sud qui permettrait au Hezbollah de reconquérir ses positions face à une armée libanaise faible et majoritairement chiite, donc partiellement acquise à la cause du Parti de Dieu. Ehoud Olmert et son ministre de la Défense travailliste Amir Peretz semblent décidés à donner l’estocade à un Hezbollah, certes amoindri, mais qui pourrait encore tirer des roquettes sur Israël pendant plusieurs mois en l’absence d’intervention massive israélienne au sol.

Les Libanais, otages de l’Iran, du Hezbollah et de la Syrie

En réalité, si Tsahal n’a pas encore pu en finir avec le Hezbollah, c’est parce que celui-ci n’est pas une armée classique mais agit comme une guérilla révolutionnaire dissimulée au sein de la population civile prise en otage, véritable première victime de la folle stratégie de la Milice chiite islamiste. Les civils n’en finissent pas de payer le prix fort de cette guerre asymétrique du «fou au fort» voulue par les miliciens du Hezbollah aux ordres de l’Iran. Téhéran a en effet décidé d’embraser la région et d’y instaurer le chaos total tant que la communauté internationale refusera que l'Iran se dote de l’arme atomique. Le deal en cours de négociation est clair : vous laissez l’Iran se doter de l’arme atomique, et Téhéran deviendra une force de pacification. Sinon, le régime chiite iranien transformera, grâce au Hezbollah, au Hamas et au Jihad islamique, le Proche-Orient en un véritable brasier. N’oublions pas en effet que l’offensive du Hezbollah contre Israël a été déclenchée au moment même où le Conseil de sécurité de l’ONU adoptait une résolution exigeant que «l’Iran suspende toute activité d’enrichissement et de retraitement, y compris la recherche et le développement, ce qui doit être vérifié par l’AIEA». Rappelons également l’avertissement explicite du ministre iranien des Affaires étrangères, expliquant, lors de sa rencontre à Beyrouth, avec le Premier ministre libanais, que l’adoption du texte de la résolution de l’ONU sanctionnant l’Iran sur le dossier de l’enrichissement de l’atome risquerait d’«aggraver la crise dans la région»... Le leader druze libanais Walid Jumblat reconnaissait il y a peu que «l’enlèvement de deux soldats israéliens a été secrètement préparé à Damas deux jours avant la réunion du G8, de façon à détourner l’attention de l’Iran. L’envoyé iranien lui-même, Larijani, a transmis le code pour mettre en œuvre le plan d’enlèvement afin de déclencher une effervescence internationale susceptible de détourner l’attention du monde de la crise nucléaire iranienne». Quant au leader libanais sunnite Saad Hariri, fils du Premier ministre assassiné par Damas, il n’a pas hésité à pointer du doigt «l’appareil de sécurité du Président syrien» qui aurait «incité Nasrallah à embraser le Liban…», devenu le «terrain de bataille d’autres pays qui nous appellent frères, mais qui se fichent de notre destin».
En réalité, et conformément à un document écrit retrouvé dans un local du Hezbollah, la milice pro-iranienne attendait l’intervention israélienne depuis longtemps et a tout fait pour la précipiter dans une logique de chaos qui échappe à la rationalité étatique mais qui est la marque du totalitarisme islamiste révolutionnaire d’essence mortifère et nihiliste. Nul doute qu’avec l’incursion en territoire israélien du Hezbollah le 12 juillet dernier, puis l’assassinat de sept soldats et le kidnapping de deux autres couplés avec des tirs de roquettes sur le Nord d'Israël, le Hezbollah a tout fait pour provoquer ce conflit non pas en tant que mouvement de «résistance» libanaise mais en tant que force terroriste de «collaboration» avec l’Axe irano-syrien anti-occidental. L’escalade a donc bel et bien été décidée par l’Iran via la choura karar, la plus haute instance de décision du Hezbollah dotée de sept membres, dont deux Iraniens attachés à l’ambassade d’Iran à Beyrouth et liés aux services de renseignements de Téhéran.

Le Hezbollah : une force syro-iranienne d’occupation et non une force de «résistance»…

L'armée iranienne est directement présente au Liban. Près de 150 Gardiens de la révolution iranienne (Pasdarans) appuient le Hezbollah dans sa «Résistance» contre Israël. Grâce à la capture ces derniers jours par Tsahal de membres du Hezbollah et à la diffusion par Tsahal lundi 7 juillet de l’interrogatoire d’un de ses membres, Hussein Ali Suleyman, les informations dont on dispose sur le Hezbollah sont de plus en plus précises. La milice apparaît en effet comme une véritable armée extérieure de l’Iran, équipée comme un État, à certains égards bien mieux préparée que l’armée libanaise. Les Pasdarans ont assuré la formation des combattants hezbollahis. Ils leur ont appris le maniement des roquettes dans les camps iraniens ou de la Bekaa, à concevoir des «explosifs improvisés» – utilisés avec des effets dévastateurs contre les blindés américains en Irak – et même à manier des drones et des C-802, missiles sol-mer. Le Hezbollah est abondamment équipé de gilets pare-balles, de lunettes de vision de nuit, de très bons systèmes de communications, de stocks stupéfiants de missiles syriens et iraniens, de roquettes chargées de roulements à bille anti-personnel, de systèmes de communications par satellite et d’armes d'infanterie parmi les meilleures, y compris d’antitanks russes et d’explosifs Semtex, lesquels ont permis au Hezbollah, grâce au maniement habile des guidages laser ou radio et des ogives explosives doubles, d’occasionner des pertes aux forces de Tsahal. Les missiles anti-tanks russes conçus pour pénétrer au travers du blindage ont endommagé et détruit des véhicules israéliens, notamment les Merkava.
Du point de vue tactique, le Hezbollah utilise des tunnels d'où ses hommes peuvent aisément et rapidement sortir, tirer des missiles antitanks portés sur l'épaule et disparaître derechef, à l’instar des rebelles tchétchènes lorsqu'ils utilisaient les égouts de Grozny pour attaquer les blindés russes. Le Hezbollah utilise aussi des missiles antitanks, dont les Sagger plus anciens, pour mettre le feu dans les abris des troupes israéliennes. Cette véritable armée, forte d’environ 2 000 hommes, est alimentée par nombre de combattants occasionnels chargés notamment de la logistique et de cacher les armes dans des bâtiments à usage civil ou dans les reliefs vallonnés du Sud. Il faut ajouter à cet arsenal des drones (iraniens) comme celui envoyé au sud d'Israël le long de la côte, le 7 juillet, et que l'armée de l'air israélienne a détruit en vol au large de Haïfa, ou encore celui abattu à 10 km de la côte méditerranéenne par un avion de combat israélien F-16 et que le Hezbollah avait envoyé au-dessus du territoire libanais. Il s’agissait là de la troisième tentative d'infiltration de l'espace aérien israélien à partir du Liban par un drone au cours des deux dernières années.

Quelle perspective pour les semaines à venir ?

D’après Tsahal, depuis le début des hostilités, le Hezbollah aurait perdu au moins 500 hommes et plus de la moitié de son arsenal aurait été détruit. Et il est fort à parier qu’avec le lancement du plan 9 donnant un blanc-seing à l’armée israélienne pour prendre en tenailles les combattants et positions du Hezbollah à la faveur d’un vaste déploiement de Tsahal au-delà du Litani, si un cessez-le-feu n’est pas obtenu d’ici une ou deux semaines, le mouvement islamiste chiite sera contraint d’accepter un cessez-le-feu. Marque d’affaiblissement, le Cheikh Nasrallah a déjà publiquement accepté le déploiement de l’armée libanaise dans le sud du pays, préparant par là sa survie politique future éventuelle. Pendant ce temps, et contrairement à ce qu’affirme la propagande anti-israélienne, le moral des Israéliens reste solide. Malgré les pertes déplorées par les Israéliens et les plans d’évacuation de certaines villes du Nord, le pays n’est pas paralysé. A Haïfa, 80% des usines ont repris leurs activités.
Les jeunes Israéliens comme leurs dirigeants acceptent les conséquences des nouvelles offensives qui impliquent des pertes humaines importantes. D’après eux, cette guerre est existentielle non seulement pour Israël mais pour l’Occident dans son ensemble, dont le mode de vie et la liberté sont menacées dans leur fondement par le fanatisme et l’obscurantisme représentés autant par les Islamistes chiites au pouvoir à Téhéran que par leurs concurrents salafistes sunnites d’Al Qaïda ou du Hamas. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter les dernières déclarations des deux faces de Janus du fascisme vert : l'Ayatollah chiite iranien Ali Khamenei, véritable homme fort de Téhéran et patron du Hezbollah, qui a appelé «l'ensemble des communautés de l'Islam à se joindre à la lutte que mène le Hezbollah contre Israël» et déclaré que «les États-Unis et les Sionistes, de concert avec des pays européens, tentent d'effacer l'islam de la région». Tout comme son homologue-concurrent sunnite Ayman al Zawahiri, numéro deux d’Al Qaïda, dont le dernier communiqué revendique pêle-mêle le retour de l’Andalousie espagnole et d’Israël (Palestine) à l’Islam, puis rappelle que la lutte contre Israël est indissociable de celle contre les «Croisés» (chrétiens, Salibiyoun)…
Plutôt que de fustiger Israël, avant-poste de l’Occident et de la démocratie au Proche-Orient, les Européens devraient plutôt songer aux conséquences désastreuses d’un nouveau Munich. Car c’est bien l’accession de l’Iran au rang de puissance atomique qui est en jeu et pour laquelle se bat le Hezbollah. Et à ceux qui fustigent les «massacres» perpétrés par Tsahal dans sa guerre contre le Hezbollah, il convient de poser la question suivante : pourquoi les morts (certes à déplorer) de Cana ou de Gaza pèsent toujours plus lourd que ceux de Tel Aviv, Haïfa, mais aussi Bagdad, Nadjaf, New Dehli, Bombay, Casablanca, etc. ?

Rappelons qu'Alexandre Del Valle est l’auteur du Totalitarisme islamiste à l’assaut des démocraties et du Dilemme turc (Les Syrtes). Co-fondateur de l’Institut géopolitique de la Méditerranée (Nicosie), il collabore à plusieurs publications (Politique Internationale, Outre-Terre, Valeurs actuelles, Spectacle du Monde, France Soir, etc.).