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02/02/2019

Extension du domaine financier de Cécile Coulon : de l’ego et du commerce et rien d’autre que de l’ego et du commerce, par Gregory Mion

Crédits photographiques : Stringers (Reuters).

Je ne suis heureusement pas le seul à être scandalisé par le fait que Cécile Coulon soit considérée non seulement comme un auteur publiable (par Viviane Hamy, par Le Castor Astral, prochainement par L'Iconoclaste) mais une écrivaine et même une poétesse.
Je la tiens pour une nullité dont l'unique talent, moins considérable qu'on ne le pense puisqu'il est utilement secondé par une agence chargée de faire la promotion de l'intéressée, est de savoir faire vendre sa production merdailleuse, aisément résumable en quelques éléments de langage ou wording comme univers féminins ou encore histoire fiévreuse et autre baratin habituel.
Petit rappel du démontage du système Coulon qui a toutes les chances de paisiblement naviguer sur l'océan sans la moindre vague qu'est devenue la littérature française, où barbotent quelques animalcules ayant pour profession, paraît-il, d'être des critiques littéraires.



34525259.jpgLorsque Hello Kitty fait de la poésie, Cécile Coulon floue tous les couillons.




3726237710.jpgDu succès en littérature contemporaine : le système bien rôdé de Cécile Coulon, par Gregory Mion.





On apprend le 1er février 2019 que le produit Cécile Coulon vient d’être transféré aux Éditions de L’Iconoclaste. On l’apprend grâce au magazine Livres Hebdo, un torche-cul de première catégorie qui s’exprime avec le champ lexical du capitalisme, toujours empressé de nous informer des affaires d’argent et des intrigues du plus vaste et rentable Putanat de France, la République des Lettres bien sûr. Alors qu’un changement d’éditeur devrait signifier avant toute chose une nouvelle aventure esthétique ou une exploration encore plus désintéressée de l’acte créatif, il n’est, pour Cécile Coulon et tant d’autres vendeurs de came, qu’une circonstance financière supplétive. Pour un auteur ou ce que nous identifions comme tel de nos jours, le seul emploi du mot «transfert», d’ordinaire réservé aux contextes sportifs, nous montre séance tenante l’ampleur du désastre qui nous glace d’effroi : la littérature n’est plus qu’une économie de marché pour des rentiers mensualisés de la nullité suffisante. L’allégeance aux réseaux culturels et à toute la chaîne pourrie du livre est devenue aujourd’hui en France la seule possibilité d’émergence d’un texte. En outre, comme les individus qui s’adonnent à cette vassalité sont des natures totalement vénales, compatibles avec le système international des marchandises réputées compétitives, nous n’avons quasiment plus que des sous-textes écrits par des sous-pigistes, destinés à des sous-lecteurs présents et à venir. Ce pourrissement généralisé de la culture littéraire française est par ailleurs voué à s’accroître à cause des réformes successives de l’Éducation Nationale, dont la mission de former des esprits forts a basculé dans le devoir infâme de les déformer, de sorte à ce que des Cécile Coulon puissent s’imposer à la fois dans les centre commerciaux et les manuels de l’enseignement. On devine nécessairement les conséquences de cet accouplement contre-nature entre le marché et le savoir : la profanation définitive de l’intelligence des textes, qui va de pair avec l’immuable dégradation de la vie politique, elle-même productrice de discours sacrilèges.
Sauf catastrophes comparables au séisme de Lisbonne où à l’explosion des bombes atomiques au Japon, qui motivèrent dans les consciences lucides le désir de nouveaux paradigmes, Cécile Coulon va continuer de triompher dans le vice du temps, et la vulgarité de ses succès sera d’autant plus grande que les calamités des gens de vertu seront encore plus grandes. N’oublions jamais que Cécile Coulon existe dans le même siècle que Marien Defalvard. N’oublions jamais que la France a daigné attribuer un Prix Apollinaire à Cécile Coulon pour avoir chié le recueil poétique le plus nul de la nation, et que, parallèlement à cette imposture qui eût dû soulever la France si elle avait été autre chose qu’une putain subordonnée à la Putain de la Spéculation, Marien Defalvard, désormais, en est réduit à publier son œuvre, à tous égards restauratrice du sacré, sur Amazon.
Lorsque les faibles et les illégitimes sont à ce point révérés, semblables à des idoles qui remplacent les anciens fétiches d’une piété minimaliste, l’outrance ne connaît plus de limites et se répand absolument partout, à la faveur de cultes inédits et radicalement avilissants. L’outrance anticipe même la matière de ses futurs bénéfices, et tandis que la rentrée littéraire de janvier 2019 n’a pas tout à fait terminé de tapiner, Livres Hebdo nous fait déjà prendre date pour le 21 août 2019, jour J omnino incomparabili, jour du Débarquement de la daube coulonnesque dans les librairies concrètes et virtuelles (daube à l’écriture «fiévreuse» nous promet-on ridiculement), jour où les cadres supérieurs de L’Iconoclaste auront paradoxalement objectivé la confirmation ultime d’une idole contemporaine à la solde de toutes les passions mesquines victorieuses (le bruit de l'argent, le bruit de la célébrité, le bruit de Soi dans l’Occident philistin). Il fallait quand même le faire et L’Iconoclaste l’a fait : ruiner la volonté pure de briser les idoles en signant une idole de l’époque dépravée, ou, pour le dire plus méchamment, prétendre casser la racaille du folklore littéraire financier tout en étant soi-même une racaille de cette envergure. Une telle contradiction dans la philosophie d’une maison d’édition serait insoutenable si elle était l’unique de son espèce. On savait du reste depuis longtemps que L’Iconoclaste n’avait rien d’un briseur de statues. Les semaines passées, durant lesquelles l’écrivante Adeline Dieudonné a commis un Grand Chelem médiatique avec sa fadasse Vraie vie, ont justifié l’iconodulie de cette maison de perdition qui n’a même plus la dignité de sa sémantique fondatrice.
Les égouts de la littérature française ont par ailleurs une parfaite architecture, voire une parfaite isolation, ce qui permet l’écoulement tranquille et régulier des eaux usées, tant et si bien que quiconque ose en pénétrer avec courage les visqueuses galeries pourra s’apercevoir que ce monde puant répond à la logique du principe de raison suffisante, une merde romanesque étant toujours annonciatrice d’une autre merde romanesque à l’intérieur de ces réseaux où l’Intestin des Lettres Françaises se soulage de ses pets sans risquer d’incommoder un voisin. Cela pour préciser que la signature de Cécile Coulon chez L’Iconoclaste n’est clairement pas le fruit d’une décision arbitraire, ni la source d’un goût bénévole pour l’action artistique. En effet, sur la page Amazon de La Vraie Vie, le récent et négativement retentissant roman d’Adeline Dieudonné, on remarque une petite réclame de Cécile Coulon dans la présentation de l’éditeur, jetée là comme on aurait jeté un caca de nez par la fenêtre. Les naïfs donneraient le bon Dieu sans confession à Cécile Coulon et ils déclareraient ceci avec emphase : «Mais enfin, voyons, c’est très gentil à elle d’avoir soutenu Adeline, de lui avoir mis un peu le pied à l’étrier dans le dédale des servilités lucratives [pardon : cette remarque n’est pas naïve], de partager un peu le gâteau de la renommée.» Les naïfs ont peut-être raison, et, dans ce cas, c’est L’Iconoclaste qui a dû venir toquer à la porte de Cécile Coulon, façon de remercier la négociante professionnelle pour son «coup de pub» inopiné. Certes, c’est une possibilité, mais dans la mesure où Cécile Coulon cherchait activement un éditeur, dans la mesure où elle est aussi dorénavant représentée par l’agence Trames (selon les gazetiers de Livres Hebdo), il était probablement de bon ton de faire de la réclame à droite et à gauche, au centre et à la périphérie, dans l’attente, comme on dit, d’une réponse favorable. Et hors de toute naïveté, un don, dans la République des Lettres, n’est pas un don s’il n’est suivi d’un contre-don. Il n’y a aucune sorte de gratuité dans le parcours de Cécile Coulon – tout en elle procède de la respiration artificielle des intérêts mutualisés. Par conséquent, dans la mathesis universalis de l’entre-flatterie décomplexée, on verra bientôt Adeline Dieudonné renvoyer l’ascenseur à Cécile Coulon, et au milieu de toute cette vulgarité ostentatoire, L’Iconoclaste espère déjà capitaliser sur la publication annoncée de la cupide auvergnate, pariant, à un an d’intervalle, sur l’effet Dieudonné, souhaitant un succès encore plus fracassant pour Cécile Coulon (qui, elle, doit se frotter les mains avant l’échéance avec la certitude de ces ronflantes perspectives).
Si la réception d’une œuvre est par essence imprévisible, fût-elle une œuvre naine, les temps ont prodigieusement changé, la souplesse des lois esthétiques s’est curieusement rigidifiée, puisque Cécile Coulon est fondamentalement certaine d’avoir toute la presse dans son camp, avec, bien évidemment, toutes les bourriques enchaînées au système des compliments investisseurs, étant donné que passer la pommade à Coulon constitue maintenant un gage de publication, de promotion ou de bonne réputation (parfois les trois simultanément). C’est la raison pour laquelle Livres Hebdo évoque littéralement un «transfert», L’Iconoclaste ayant donc recruté une «attaquante», une marqueuse prolifique, une évidente Most Valuable Player de la rentrée littéraire de septembre 2019, qu’on nous sert sur le plateau sémillant du marché livresque, déposée par une main invisible de plus en plus visible (car de plus en plus outrageante). Ainsi Cécile Coulon a déjà remporté le match de septembre 2019 avant tous ses concurrents. Elle écrase, avec sept mois d’avance, les autres écuries pas encore tout à fait déclarées, comme elle a écrasé les candidats du Prix Apollinaire 2018, malheureux recalés qui du reste le méritaient amplement parce qu’ils ne se sont pas manifestés devant cette infamie, sans doute par envie d’obtenir le Prix Apollinaire dans un futur proche. C’est mathématique et c’est typique d’un pays qui se fabrique des idoles abusives, rappelons-le. Aussi, toute personne qui dira le moindre mal de Cécile Coulon sera dès lors dûment ostracisée de la République des Lettres, et même les membres sceptiques du jury Apollinaire, tel un trémulant Philippe Delaveau, se feront volontiers accuser de pusillanimité tant qu’ils pourront continuer à publier chez Gallimard de lourds tombereaux de rimes. Alors qu’il suffirait de quelques âmes guerrières pour définitivement nous débarrasser de la présence de Cécile Coulon dans les rayons de littérature et de poésie, nos résistants d’opérette préfèrent lui serrer la main, et ils ne le font pas du tout comme le philosophe habile de Pascal.
La longévité de ce Putanat industrialisé s’explique par ce que Montesquieu nommait «l’esprit du commerce» dans l’immense De l’esprit des lois. Le commerce a pour effet naturel de susciter la paix entre les hommes parce que ses régulations occasionnent une matrice rigoureuse d’interdépendance. Tel a besoin d’acheter et tel a besoin de vendre, it is what it is, et les libraires, à cet égard, s’entendent à merveille avec Cécile Coulon. On pourrait se satisfaire de ces relations pacifiques parce que les nations s’en portent admirablement, mais, en ce qui concerne la vérité des rapports privés, dans ce qui se déroule derrière les portes des particuliers, Montesquieu ajoute que les pays où règne exclusivement ce tempérament commercial sont affligés de graves malversations morales – tout y est accompli en fonction de l’argent, d’où la rançon que l’on paie dans les actions humaines où rien n’est véritablement réalisé en vue de l’humanité. D’un côté on gagne une forme de rectitude sociale qui facilite la perpétuation de la paix, mais, d’un autre côté, on perd la nuance de la vie qui ne s’aperçoit même plus qu’elle est placée dans le coma artificiel de la marchandisation intégrale. Il s’ensuit que la paix des nations implique la guerre silencieuse des intérêts, et que tous les succès de Cécile Coulon, outre qu’ils apportent par exemple un opium pour les peuples, font à côté de cela des ravages qui entraînent des séquelles irréversibles pour l’humanité de la France. C’est pourquoi Montesquieu nous dit que l’absence de commerce engendre forcément le «brigandage», mais que ces sociétés canailles possèdent en leur sein un esprit d’hospitalité qui n’existe que rarement dans les sociétés commerciales, par défaillance avérée d’un amour véridique d’autrui. Ainsi ne doit-on rien attendre de Cécile Coulon, à commencer par l’amabilité qui n’est chez elle que de façade ou de provision, à moins qu’il ne faille seulement attendre d’elle ce que Georges Bernanos eût appelé «l’assouvissement des médiocrités», dans un article qu’il fit paraître le 13 mars 1948 au travers des colonnes de L’Intransigeant. Ce que le Grand d’Espagne disait alors de la politique française d’après-guerre dans cet article, on peut le relire et le considérer à juste droit pour nos petits milieux littéraires débiles : «Jamais la plus basse et la plus vulgaire corruption n’a atteint ce degré, non de cynisme – où il y a encore quelque amer défi –, mais d’inconscience presque puérile, infantile, dans le marchandage des places, l’étouffement des scandales et l’étalage obscène des médiocrités assouvies.»