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09/03/2004

Éric Marty, les Juifs, Léon Bloy et quelques autres

Crédits photographiques : Oded Balilty (Associated Press).

Lu un assez bon papier d'Éric Marty, professeur de littérature française contemporaine à l'Université Paris VII, paru dans Le Monde du 6 mars, intitulé Que Dieudonné se rassure !. Il y épingle, pêle-mêle mais à mots couverts, la crétinerie de Dieudonné, la complicité plus ou moins patente de certains des médias qui ont relayé ses récents délires antisémites (dont les inévitables cafards blêmes de Canal +) et, enfin, vérité qu'il est plus que jamais nécessaire de claironner en France, il rappelle, outre le fait que ni la colonisation ni l'esclavagisme ne sont des spécificités occidentales, qu'Israël est «la première civilisation au monde à avoir donné aux Noirs une égalité anthropologique absolue en faisant de ces fils de Cham les descendants directs d'un sujet universel – Adam», poursuivant en écrivant que «ce n'est pas là le moindre apport du monothéisme que le prétendu athée qu'est Dieudonné pourrait méditer».
Rien à redire à cela bien évidemment même si le recours, une fois de plus, aux analyses certes brillantes de René Girard sur la rivalité mimétique me paraissent n’être qu’un cache-misère de professeur. Je ferai à Marty la même remarque que Pierre Gardeil adressa dans l’un de ses ouvrages, Quinze regards sur le corps livré (Ad Solem), aux analyses de Girard : «Démythifiez, démythifiez, il restera toujours quelqu'un. Pardon, cher René Girard, mais dans ces ténèbres il me semble que Bernanos voit plus clair que vous».
Quel est ce «quelqu’un» dont parle Gardeil et que refuse de voir Girard ? Le diable probablement…
Georges Bernanos justement, que Marty ne sait pas lire, à moins qu’il ne le veuille pas, proférant sur lui et Léon Bloy quelques monumentales âneries dans son pourtant excellent ouvrage, Bref séjour à Jérusalem, exercice accompli de lecture ou, le mot fait peur, d’exégèse. Cruel dilemme, que j’explique longuement dans un article sur ce livre à paraître dans le prochain numéro de la revue Cancer !. Marty, qui très intelligemment démontre que nombre de journalistes et d’intellectuels français ne savent (ou plutôt : ne veulent pas) lire ce qui se passe réellement dans les territoires occupés, se rend lui-même coupable d’une identique cécité, à moins qu’il ne s’agisse d’une mauvaise foi typiquement sartrienne. Oui, quel dommage que Marty n’ait pas su ou voulu lire l’œuvre de ces deux écrivains comme il l’a fait de celles de Genet et de Husserl, car il aurait alors compris que Le Salut par les Juifs, par exemple, certes d’une réelle difficulté interprétative (1) et usant parfois d’un vocabulaire qui nous ferait aujourd’hui frémir, est pourtant d’une extraordinaire profondeur, là où les petites bluettes sodomites de Jean Genet ne font qu’effleurer le mystère du Peuple élu…
Je me contente d’une seule citation du Salut par les Juifs (Œuvres de Léon Bloy, t. IX, Mercure de France, 1983, p. 30) que je conseille à Éric Marty de méditer sans cesse, lui qui ne voit que déchet réactionnaire dans l’ouvrage du Mendiant ingrat. Une toute petite phrase qui va au cœur du mystère juif (donc, aussi, ipso facto, chrétien) et qui trépane les minuscules cervelles de nos gauchistes anarcho-islamistes : «L’histoire des Juifs barre l’histoire du genre humain comme une digue barre un fleuve, pour en élever le niveau».
Bonne lecture monsieur Éric Marty ou plutôt… bonne relecture de Léon Bloy et de Georges Bernanos.

Note
(1) Léon Bloy ne se lasse jamais de rappeler l’extraordinaire difficulté de sa lecture de la Bible, difficulté qui l’accable : «Quelques éclairs plus rapides que la lumière, voilà tout ce qu’il est permis d’espérer. La Révélation est un firmament très pâle offusqué par des montagnes de nues ténébreuses d’où sort quelquefois, pour s’y replonger aussitôt, l’extrémité du bras de la foudre», Le Salut par les Juifs, op. cit., pp. 59-60.