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23/01/2006

Amnésie de Sarah Vajda ou les voix de nos morts

Crédits photographiques : Ivan Milutinovic (Reuters).

«Ce geste du chasseur, qui, une analyse phénoménologique nous le dirait probablement, est déjà capture de la proie, certitude de partager le mal qui la ronge... Parfois, comme un Goya sans génie qui exécuterait fébrilement ses terribles croquis de pourritures encore fumantes et atrocement mutilées, je rêve d'empoigner mon lecteur d'un tel geste, de fondre sur lui comme sur une proie et de lui lacérer les paupières pour le contraindre à regarder ce que je vois, bien certain du reste que la prétendue aménité de l'artiste n'est rien d'autre qu'une faribole d'impuissant ou d'universitaire.»
Sur Manhunter.


«Ce qui menace le plus humble d’entre nous nous menace tous. Le mal doit être débusqué et exposé en pleine lumière, afin qu’il se dessèche et meure au feu de la vérité.»
Hubert Selby Jr., La Geôle.


À propos de Sarah Vajda, Amnésie (éditions du Rocher, 2006).

Amnésie de Sarah Vajda aux éditions du RocherS’il se trouve, les pauvres, des lecteurs aimant les déshabillés de gaze érotico-spirituelle qui deviennent de plus en plus les paletots aguicheurs de la littérature contemporaine et, moins poétiquement, comme son parterre de courges odorantes s’étendant jusqu’à l’horizon, qu’ils passent leur chemin soyeux et réfugient leur regard et quelque autre organe indolent dans un livre d’Alina Reyes par exemple. Ceux-là, je le répète, perdront leur temps inconsistant et parfumé à moins que, à trop voisiner avec la force et goûter pour une fois, à petites lampées, certes, de minet, les jets roboratifs d’une écriture rageuse, ils risquent une cassure nette de leur colonne vertébrale ou bien une explosion de leur estomac tapissé de fleurs. Je propose une nourriture plus rude, une vraie lampée de plomb fondu plutôt, un bain d’acide qui aurait la particularité de révéler plutôt que de corrompre ou de dissoudre, Amnésie de Sarah Vajda. L’évidence même du talent ne nous empêchera toutefois pas de rappeler cette banalité confiante : Sarah Vajda, de livres en livres pléthoriques (son Barrès (1) mais, plus encore, son monstrueux Edern-Hallier(2)), souvent confus, presque toujours gonflés de redites et d’images qu’il s’agit de crever comme on perce une bulle remontée des profondeurs, écrit le même livre, lui aussi monstrueux, infini, de pierre rugueuse plus que de sable, poursuit comme une vierge folle le même visage grimaçant d’une France aimée dans sa déchéance, aimée maladivement dans son mensonge et sa grimace de cadavre : «La Collaboration, est-il dit à propos d’un des personnages du roman qui semble être le frère érudit de la romancière, n’a pas cessé d’être son champ d’études, sa cosa mentale». Sarah Vajda, elle, paraît littéralement dévorée par cette lèpre, pas seulement mentale, qui pour a nom (j’en donnerai un autre plus loin, tout aussi peu noble) : déshonneur.
Amnésie, dont l’encre noir n’en finit pas de poisser mes doigts, est un livre consacré aux morts, aux seuls morts que, selon Sarah, il ne faut jamais prétendre enterrer trop vite, comme si nous voulions nous en débarrasser, les oublier. Au contraire, il s’agit d’ouvrir, semblables à de petits enfants courageux, les yeux dans l’obscurité, de fixer les spectres et d’oser dire : «Je me souviens» et encore : «Je vous attendais» et enfin : «Parlez». Écoutez donc, alors, l’étrange rumeur qui, comme un roulement assourdi, soulève la terre grasse, jamais repue de sang, impur ou saint, maudit ou consacré, le sang de la France charnelle et, pour cela, parce qu’elle est charnelle et pauvre, mystique, écoutez ce chant de la nuit aux lueurs confuses grondant de montagne en montagne, par exemple dans Stalag (3) de Jean Védrines, superbe roman des voix fidèles ou infidèles, lumineuses ou démoniaques, les voix étranges de nos morts qu’à son tour Sarah Vajda a voulu écouter, depuis de longues années troublée par leur écho atténué. Vajda et Védrines d’ailleurs sont de la même couche impure, celle qui a été contaminée par les sucs lents de l’ancien professeur de langues, experts en mots creux, sonores et vides, Monsieur Ouine, autre mort qui ne meurt pas, autre carcasse immense, celle-là de la taille d’une civilisation, la nôtre, qui ne peut se résoudre à crever une bonne fois, fameux Valdemar perclus dont le cadavre imputrescible, ayant la dureté de l’ivoire, grouille de mots sales, répétés, de livre en livre encore une fois, par Sarah Vajda et, sans aucun doute également, Jean Védrines, lui aussi lecteur passionné de Bernanos. Les morts mastiquent assurément, ils ont même, dit-on, la manie tenace de vouloir se relever de leur trou puant, Michaël Ranft le prédit dans un petit livre (4) écrit pour apaiser justement leur ire, l’insatiable colère des morts. Ouine mastique à sa façon, mâchonne les mots de corruption à l’oreille tendue du jeune Steeny, avant qu’il ne dévore sa propre substance et tombe dans son âme corrompue devenue puits sans fond. Ils veulent tous revenir, ces morts insatiables, quitte à forer des galeries avec leurs dents blanches mais certains, écoutez-les, chantent, les chers écrivains (Bernanos, Péguy, Barrès) qui annoncent la déchéance, et l’orgueil d’une vieille nation, et l’imposture et, dernière note vibrante au-dessus du charnier entrouvert, la trahison, autre nom du déshonneur. Des morts, leurs phrases sans répit dressées contre l’enflure du Mal, pour contrebalancer l’influence, mauvaise, d’autres morts, qui grondent sous terre, jamais apaisés, toujours prêts, fiévreux. Des morts deux fois morts, des morts, donc, trahis. D’abord tombés pour de mauvaises paroles qu’ils crurent de toute leur âme simple, ces mensonges proférés par l’Arrière sacrifiant l’Avant, les enfants des campagnes envoyés au feu, les voici donc enterrés une nouvelle fois, oubliés une deuxième fois, muselés de nouveau sous le poids des travestissements, des gauchissements pieux de l’histoire officielle : leurs maigres os tiendraient sans doute, réduits en une fine poudre grise, dans ce mystérieux coffret que Morel va dérober à l’enquête officielle mais leurs pensées, toutes sanglantes dans leur démesure, se cognent aux murs de leur prison grande comme un monde. En terre de France riche de tant de voix qui ne sont pas toutes, tant s’en faut, de bon conseil, nul écrivain de race ne s’est levé qui n’ait, d’abord, patiemment, humblement, parfois tressaillant d’horreur, écouté ce que lui disaient les morts.
L’amnésie, ainsi, est trahison plutôt qu’oubli. C’est que Judas est le saint patron de la France, voilà l’irrécusable folie que ne cesse de nous clamer Sarah Vajda, agenouillée, pouilleuse et mendiante, athée encore elle ne cesse de nous le répéter, sous la croix tordue de Grünewald. Judas bien décidé, par sa forfaiture, à hâter, à réveiller la Révélation messianique bizarrement engourdie comme, dans l’ignoble commerce, certains petits apôtres véreux prétendirent, en se débarrassant des Juifs, conduire plus promptement la France et l’Europe vers l’âge d’or enfin révélé, acheté au prix du sang. Haceldama, la France est un charnier à ciel ouvert, il suffit pour s’en convaincre qu’un malencontreux accident de la route, lorgnant à peine du côté de l’embardée romanesque, éventre l’une quelconque de ses terres gonflées de morts. La France oublieuse (alors que tout, dans le roman de Sarah Vajda, est affaire de mémoire retrouvée, reconquise) est bâtie sur un charnier et qui prétend clamer cette vérité noire est condamné, comme l’apôtre félon, à entrer dans la nuit, qu’il s’agisse, dans notre roman, de l’infatigable Brodski, du doux professeur Frank ou du tenace flic Morel, qui joue là sa dernière carte, il le sait mais n’en a cure. Qui dénonce le Mal sera dévoré par le Mal, c’est la loi implacable de la littérature, Fernando Vidal Olmos d’Ernesto Sabato et le narrateur de La Geôle d’Hubert Selby Jr., parmi tant d’autres personnages sacrifiés, l’apprirent assez : nul ne saurait s’exclure du royaume vicié des hommes, tous pécheurs. Morel à son tour, après Brodski, Frank et Kariew, son énigmatique professeur en criminologie, plonge dans la nuit les yeux ouverts. Il y verra, première station de sa descente, il y retrouvera plutôt le visage d’une jeune femme juive jadis aimée, Sibylle, devenue mère mais toujours insolente, de Marie Sarah qu’il aimera également avant de se suicider en sa compagnie dans une chambre d’hôtel. Marie Sarah, sauvée in articulo mortis, tombée dans un coma profond, mourra cependant, sans jamais s’être réveillée, après avoir donné naissance à une petite fille, prénommée (sa mère elle-même, dans son long sommeil parsemé de quelques mots, l’a soufflé) Véronique, jeune fille chargée peut-être, mais nous n’en saurons rien, de pacifier les cœurs pleins de violence, de déposer, sur le visage horrible des morts, un voile mouillé de larmes.
Vous jugez l’histoire invraisemblable et la symbolique trop grossièrement christique c’est-à-dire, sous la plume de notre écrivain, bloyenne, torve ou encore réversible, de cette réversibilité des mérites que l’on nomme communion des saints ? Invraisemblable, cette histoire l’est bien évidemment, et encore n’ai-je pas pointé les nombreuses bizarreries, d’abord chronologiques, qui trament cette histoire complexe où les récits de morts (Frank, Brasillach mais aussi Morel, flic expédié dès les premières pages comme dans Villa Vortex de Maurice G. Dantec) ou de presque morts (Toulouse, serial killer de mauvais polar) s’emboîtent tout en paraissant contaminer les cœurs et les cervelles de celles et ceux qui les écoutent et les lisent. Les couples eux aussi (Morel et Sibylle et Marie Sarah, mais aussi le flic Javier Sanchez et la jeune Bèla, sans oublier ce couple accidenté par qui tout est arrivé et dont nous ne saurons rien, si ce n’est qu’il ressemble un peu trop à celui que Nimier forma avec sa dernière conquête, ainsi qu’Alfred Brodski et Rosalía Vásquez et, enfin, platoniques, Jehuda Frank et Marie Sarah) tissent des liens qui se moquent de tout souci de véracité, fût-elle littéraire car, nous répète Sarah Vajda, ne sommes-nous pas entrés, avec tant d’autres auteurs qui ont écrit l’immense livre qu’est la France, en Romancie ? L’invraisemblance, si elle est bien réelle, parfois même masquée laborieusement et rattachée au reste de l’histoire sous les dehors d’une simple enquête policière en terre bourgeoise toulousaine, est donc celle du mauvais rêve duquel nous ne pouvons nous réveiller, puisque le dormeur, dès le premier chapitre, est mort, cauchemar qui fait se révéler, avec une précision chirurgicale, l’enchaînement crépusculaire des actions mauvaises, comme nous le voyons par exemple dans La Promesse de Dürrenmatt, autre roman de l’exploration d’un Mal enfoui, pourtant partout bouillonnant, désireux de revenir à la surface, autre livre superficiellement artificiel, je veux dire construit à seule fin de dévoiler ce qui était su, de toute façon, dès le début : pas d’échappatoire possible, nulle trouée d’air frais dans ce monde contaminé par les morts.
Car ce roman auxquels les mauvais critiques donneront du retour du refoulé et autre balivernes lorgnant vers la cure et l’anamnèse psychanalytique, car ce roman ténébreux, Amnésie, comme tous les grands romans, est un bâtard né d’une multitude de pères, le surgeon englué dans un cauchemar issu tout à la fois de la geste colossale et épique du roman français jusqu’à son étrange éclipse, d’abord annoncée avant que d’être réellement vécue puis, aujourd’hui, son oubli lamentable. Amnésie est un conte noir, lui qui n’hésite jamais à convoquer les ombres d’Alice et de Peter Pan, et ce qu’il chuchote n’est pas exactement une histoire pour petits enfants. Il évente le secret que d’autres écrivains ont tremblé de coucher par écrit dans leurs propres romans, Barrès, Péguy et Bernanos je l’ai dit mais aussi le fils maudit de ce dernier, Michel Bernanos, et combien d’autres, Céline, Brasillach, Malraux, Bloy, Giraudoux, tous convoqués pour une scène de confession ultime, forcément nocturne, où il s’agira de rendre la vérité, innommable, avant de se taire à jamais. Quel est ce secret de notre littérature et, Sarah Vajda ne craint pas de l’affirmer, de la conscience nationale française tout entière ? Allez, la romancière le sait bien, ce secret misérable, mais n’en finit pourtant pas de le chercher et, lorsqu’elle le tiendra, elle se trouvera sans aucun doute tout étonnée de constater qu’il est si petit, qu’il tient aussi peu de place, que le secret, en un mot, était aussi visible que la lettre volée de Poe, qu’il n’était même pas, comme dans Amnésie, enfermé dans un coffret scellé. Ce secret ? Tout simplement : la littérature française, depuis au moins un siècle, la France (pour Vajda, la France et sa littérature sont une seule et même personne), est littéralement hantée par le crime inouï qu’elle a laissé perpétrer, parfois même encouragé, chanté, sur son propre sol. De sorte que, une fois de plus, la littérature s’écrit devant le bourreau, de sorte que, comme Albert Thibaudet dans sa République des Professeurs citant Péguy, nous pouvons écrire que «Aujourd’hui comme jamais, tout propos qui se tient, tout article de revue ou de journal, tout livre, tout cahier qui s’écrit de l’affaire Dreyfus a en lui, porte en lui on ne sait quel virus, quel point de virus qui nous travaille infatigable».
Pourtant ce virus, quel que soit le grossissement de notre microscope, lui qui bénéficie d’une puissance pas moins grande que celle qu’offrit à la nation la fameuse affaire faisant office de gigantesque loupe, pourtant ce mal paraît indétectable, peut-être parce qu’il a mué, préférant, après la trop visible livraison brune jadis, la rouge naguère, aujourd’hui la verte et leur miction immonde. Peut-être encore parce que, tout véritable chercheur de traces le sait bien, le lieu du crime le plus épouvantable est absolument identique à n’importe quel autre lieu, je veux dire que le plus infime détail est encore une manne trop précieuse, un miracle rare, pour être délivré à celui qui revient, comme le personnage de Kertesz (mais avant, lui, la Juliette de Sade), sur le lieu insigne et pourtant affreusement banal de la torture inimaginable. Parfois, certes, la réalité, en silence, semble crier ce qui doit être caché, tu, à n’importe quel prix, fût-ce le meurtre des témoins gênants. Le voile se déchire et les personnages traversent, comme Arthur Gordon Pym, Marlow ou, dans le roman de Sarah Vajda, Brodski et Morel, l’épais mur de brume. Et de quitter dès lors le territoire bienfaisant de la Romancie pour pénétrer en Réalité, c’est-à-dire, selon la romancière, au «pays de la Paranoïa» qui n’est autre que le nôtre, la France, à bout de souffle, honteux de son passé abject, honteux aussi de son passé glorieux, mastiquant sans relâche la chique aigre de sa grandeur oubliée. Ainsi encore, séjournant à Paris comme tous les étés, Jehuda Frank, comme s’il s’agissait d’un des déclassés chers à Philip K. Dick, constate la transfiguration du paysage anodin en enfer discret : «Pour l’heure, l’historien ne pouvait s’empêcher de voir dans l’exercice démocratique de la parité la prolongation du décret vichyssois intimant aux conseils municipaux l’ordre d’inscrire au moins une mère de famille dans l’assemblée, la primauté de la verdure sur les machines, l’habitude de fermer les yeux sur la tragédie, le choix de l’hypothèse consolante, les meilleures places du box-office réservées à la variété ou au mélodrame social et au-dessus de tout, souvenir vichyssois parmi les souvenirs, le retour du péché antijuif assaisonné à la sauce tiers-mondiste.» Voilà ce que cache la France, voilà son petit secret qui ne tombera pas, grands dieux non !, dans l’âme scellée du prêtre évoqué par Malraux dans ses Antimémoires : la France est morte, définitivement, avec la cendre envolée de ses milliers de Juifs livrés. «Des hommes avaient commis des horreurs, découpé des femmes écrit Sarah Vajda, assassiné pour de l’argent, tiré sur des inconnus par simple curiosité ou par jeu, avec la légèreté de Brasillach séparant les brebis juives du troupeau de Dieu. Le secret du pays gisait là, dichotomie, schizophrénie entre l’acte et l’intention, dont les Jésuites seuls savaient peut-être le fin mot.» Les Jésuites ? Pas même semble-t-il. Le diable peut-être, oui, Prince de la logique et maître, pour un temps en tout cas, des cadavres.
Et alors me demandera tel lecteur à la fibre naïvement romancière, que déduire de cette invisibilité coutumière du Mal, de sa – trop célèbre – banalité, comme abritée dirait-on, camouflée, sous un déguisement de faits anodins qui, mis bout à bout, n’en constituent pas moins une chaîne nous menant aux Enfers ? Car, oui, c’est se montrer bêtement cartésien (comme Morel, décrit de la sorte dans ce beau passage : «Pour toi, Morel, honnête figure cartésienne, est venue l’heure de l’acédie, midi le juste, sans partage, sans autre Ysé que Mémoire revenue, chiendent dont nul pesticide ne viendra à bout»), c’est rester à la surface des choses que de pointer, ici ou là, les incohérences (par exemple, je l’ai dit, chronologiques, celles évoquant de possibles liens souterrains entre les événements, tus, du passé français, et telle explosion d’une usine à gaz) qui parsèment les pages d’Amnésie. Il faut au contraire remarquer que ce roman, comme une toile du Greco tant aimé par l’auteur, fait voisiner deux plans absolument inconciliables si ce n’est par la vertu de l’art : «l’un nous dit Sarah Vajda, celui où des corps à voix articulaient des mots à la suite, l’autre, où des flammes qui n’étaient que leurs âmes hurlaient et chantaient à tue-tête». Ainsi le trio infernal constitué par le tueur en série, surnommé Toulouse et celui qui le protège, quelque notable inspiré d’une actualité récente à l’évidence, mais ici masquée, lui-même surnommé, simplement, «l’Huile» et ayant été corrompu, durant sa jeunesse, par les phrases gidiennes d’un ecclésiastique jouisseur, ainsi ce trio est-il annoncé et comme dédoublé, expliqué, subsumé, en début de roman, par la célèbre toile de Valdès Léal représentant Miguel Mañara (qui inspira dit-on la légende de Don Juan) repenti de ses crimes passés aux côtés du corps en décomposition d’un archevêque. Dans ce roman qui, comme le paysage désertique chanté par T. S. Eliot, est baigné de la lumière d’une étoile mourante, les véritables personnages et, tout autant, la nature de leurs mystérieuses relations, ne sont peut-être pas ceux que nous imaginons s’il est vrai, comme l’écrit Sarah Vajda, que «Les morts sont sans aucun doute les fauteurs des crimes affreux de notre siècle.» Ce roman crépusculaire aura au moins tenté d’apaiser quelque peu leur colère.

Notes
(1) Maurice Barrès (Flammarion, coll. Grandes biographies, 2000).
(2) Jean-Edern Hallier (Flammarion, coll. Grandes biographies, 2003).
(3) Ce roman a paru en 2004 aux éditions de La Table ronde.
(4) Au titre suggestif, De la mastication des morts dans leurs tombeaux (Jérôme Millon, Petite collection Atopia, 1995). Ce curieux petit livre tente d’analyser les manifestations vampiriques qui eurent lieu au XVIIIe siècle en Europe centrale. J’ajoute que les lecteurs de Monsieur Ouine se souviennent que le vieux podagre peut être considéré à bien des égards comme une espèce de vampire spirituel.