Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« Max Nordau, Gustave Le Bon et Édouard Drumont ou la trinité diabolique | Page d'accueil | Michel Crépu lecteur de George Steiner : tout va bien ! »

20/03/2006

Durtal au Salon du Livre



Il n'y a vraiment pas besoin de se rendre au Salon du Livre (comme du reste je l'ai fait, mon invitation pour deux personnes en poche !), encore moins tenter de trouver une quelconque pertinence à son pathétique et ridicule blog, apparemment très peu fréquenté si j'en juge par la maigreur des commentaires qui y sont déposés, puisque, par avance, en 1891, Joris-Karl Huysmans nous avait décrit le bifide public que nous y trouverions. Il est vrai que bien peu des lecteurs ont, de nos jours, de la mémoire... Peut-être même d'ailleurs ne savent-ils rien de Huysmans... Dans ce cas, en effet, le Salon du Livre est un temple aimanté où ils sauront dénicher le dernier nanar de... Francis Huster (à moins qu'il ne s'agisse d'Amélie Nothomb : peu importe, tous sont égaux sous l'immense drapeau du cloportisme), spécialiste, comme Durtal paraît-il, du diabolique Gilles de Rais.

«Durtal avait cessé, depuis près de deux années, de fréquenter le monde des lettres; les livres d'abord, puis les racontars des journaux, les souvenirs des uns, les mémoires des autres, s'évertuaient à représenter ce monde comme le diocèse de l'intelligence, comme le plus spirituel des patriciats. À les en croire, l'esprit fusait en baguettes d'artifices et les reparties les plus stimulantes crépitaient dans ces réunions. Durtal s'expliquait mal la persistance de cette antienne, car il jugeait, par expérience, que les littérateurs se divisaient, à l'heure actuelle, en deux groupes, le premier composé de cupides bourgeois, le second d'abominables mufles.
Les uns, en effet, étaient les gens choyés du public, tarés par conséquent, mais arrivés; affamés de considération ils singeaient le haut négoce, se délectaient aux dîners de gala, donnaient des soirées en habit noir, ne parlaient que de droits d'auteurs et d'éditions, s'entretenaient de pièces de théâtre, faisaient sonner l'argent.
Les autres clapotaient en troupe dans les bas-fonds. C'était la racaille des estaminets, le résidu des brasseries. Tout en s'exécrant, ils se criaient leurs œuvres, publiaient leur génie, s'extravasaient sur les banquettes et, gorgés de bière, rendaient du fiel.»
Joris-Karl Huysmans, Là-bas, 1891.

Lien permanent | |  Imprimer