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26/07/2006
A Scanner Darkly
«For now we see through a glass, darkly; but then face to face : now I know in part; but then shall I know even as also I am known.»
Saint Paul, 1 Corinthians 13, 12 (dans la traduction donnée par la King James Bible).
Bien sûr, je ne sais s'il faut se lamenter que la traduction française de ce roman, sobre et spectral, sans doute l'un des plus personnels de Dick (qui écrivait d'ailleurs, significativement : «Pour ma part, je ne suis pas un personnage du roman; je suis le roman»), ne conserve absolument rien de la visée de ce livre, évidemment religieuse : la thématique principale est celle du regard. Non pas : il serait beaucoup plus juste de parler de vision, qu'elle soit fausse, réduite au morne défilement des images quotidiennes ou apparemment vraie, lorsque la terrible drogue, la Substance M (en anglais, la Substance D, dont les initiales sont contenues dans le titre original...), fera croire à Bob Arctor qu'il lui est loisible de contempler la vérité sans le moindre fard, sans la moindre déformation. Une telle révélation est sans cesse différée, puis finalement refusée : chez Dick, comme je l'ai écrit à propos du Maître du Haut Château, ici, éventer une illusion n'est jamais le gage d'une progression vers la lumière, puisqu'il ne s'agira que d'un nouveau masque recouvrant les apparences, forcément trompeuses. L'ascension vers la lumière est donc, d'emblée, pipée. Ainsi, à l'espérance affichée, durant un instant, par l'un des personnages du roman qui affirme : «Les reflets nous quitteront.
Et ça ne prendra pas longtemps.
Tous, nous serons transformés [...]», Dick bien vite précisera pour quelle raison il n'est point donné à l'homme de déchirer le voile pour contempler la brûlante vérité, face contre face, de vis(age) à vis(age) : «Comment la justice peut-elle jamais devenir victime du droit ? Comment ça peut arriver ? C'est qu'une malédiction pèse sur ce monde, et j'en ai la preuve sous les yeux. Quelque part, au niveau le plus profond, le mécanisme, le tissu des choses a craqué, et des lambeaux épars est né ce besoin qui nous pousse aux injustices les plus troubles au nom du choix le plus sage.»
Attendons encore quelques jours pour savoir si le film de Richard Linklater tiré de A Scanner Darkly a su respecter la vision déformée, comme au travers d'un miroir, donnée par Philip K. Dick, esprit profondément religieux égaré dans un monde qui ne sait plus le lire et ne retient le plus souvent que son profond et ironique désenchantement.
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