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26/08/2008
Entretien avec Roman Bernard : un peu de journalisme, beaucoup de maljournalisme et le Celsa en guise de cerise sur le gâteau
«It's not for real
It's just passed the time
It's not real
All I do is rhyme
It's not real
It's just passed the time
All I do, all I do is rhyme.»
Tricky, For real, extrait de l'album Juxtapose.
It's just passed the time
It's not real
All I do is rhyme
It's not real
It's just passed the time
All I do, all I do is rhyme.»
Tricky, For real, extrait de l'album Juxtapose.
Le hasard, donnons à la mystérieuse loi qui nous gouverne un nom commode qui n'est bien évidemment pas le sien, le hasard fait bien les choses comme disent ma boulangère et tel pigiste du Parisien. Lisant l'un des ouvrages qui, selon Guy Dupré, constituent l'essence secrète de la littérature française, le magnifique et crépusculaire Solstice de juin de Henry de Montherlant, je suis frappé par les propos de simple bon sens que le général Jean-Louis Georgelin a livrés au Figaro du 22 août (1), où il affirme quelques évidences aisément oubliées (ou simplement occultées) par les cervelles de moutons de nos compatriotes, comme celle-ci :
«La guerre a déserté nos esprits. Il est vrai qu'à l'origine de la construction européenne, il y avait la volonté de rendre la guerre improbable et les guerres interétatiques, qui ont jalonné notre histoire, ont disparu de notre horizon européen». Le chef d'état-major des armées françaises poursuit : «Mais elles ont été remplacées par d'autres types de conflits, qui se déroulent loin de chez nous. Nos concitoyens n'ont pas forcément conscience que notre sécurité s'y joue. L'actualité internationale récente, de la Géorgie à l'Afghanistan, nous rappelle que la guerre reste une réalité et que la France n'y échappe pas plus que les autres pays».
Citons d'autres phrases qui, elles, ne sont pas réduites à un liquide aussi malodorant que transparent après être passées par le double filtre de l'administration et du journalisme, ces tamis du langage qui sont conçus pour se débarrasser d'éventuelles pépites plutôt que pour les conserver, citons donc les phrases de Henry de Montherlant, publiées en 1941 et qui sont, comme l'écrivent nos journaliers, d'une étonnante actualité. Ces phrases sont justes parce qu'elles sont implacables.
Et, comme s'il fallait insister encore sur la thématique évidente que j'ai tenté de mettre en relief dans mon entretien avec Roman Bernard, ces phrases justes, implacables et cruelles évoquent, tout autant et en premier lieu que l'état lamentable des forces vives d'une nation qui est la nôtre, l'espèce de mauvais rêve dans lequel nous ne cessons de nous enfermer, oubliant que la réalité a très peu en commun avec le décor fantasmatique que le reportage universel érige en guise de création malade et chétive : «Et c’était bien cela, l’armée chrétienne, c’était bien une armée académique qui se battait, ou, plus exactement, qui était battue : rouscaille, genre affranchi, et en réalité académisme et conformisme effrénés; couplets sur la jeunesse (sa propre jeunesse !), et en réalité sénilité conformiste, académique et chrétienne : tradition ! tradition ! Alors que l’armée qui nous poussait devant elle était celle d’un pays qui avait fait une révolution, et qui ne se souciait ni des conventions, ni des codes ni des usages. Officiers de réserve qui commandaient non parce qu’ils étaient des chefs nés, mais parce qu’ils avaient une bonne mémoire, et officiers d’active qui commandaient non parce qu’ils étaient des hommes de caractère, mais parce qu’ils avaient de bonnes notes de conduite, lesquelles prouvent généralement le manque de caractère : guerriers qui avaient peur de tout, de leurs supérieurs, du qu’en-dira-t-on, du «lendemain», des lois, de «Dieu», – de la mort, de la vie. […] faux aventuriers, qui ne s’étaient jamais aventurés que dans les salles de rédaction, pour y dicter à un copain complaisant leurs exploits imaginaires; faux «durs» (les belles épaules étant du rembourrage); faux bronzés (le hâle était obtenu à l’électricité) : une société où tout était chiqué et trompe-l’œil, où tout était fait pour la phrase, la caméra, le reportage, l’opinion; une société où tout était creux, et qui de là s’écroulait au premier choc, comme un cartonnage de théâtre […].»
Note
(1) À la suite de la mort, le 18 août en Afghanistan, de dix de nos parachutistes.