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17/05/2009

Gabriel Matzneff est-il un maître de l'érotisme ? Ab-so-lu-ment-pas !

Crédits photographiques : Eduardo Munoz (Reuters).

«Marie-Caroline m'a délicieusement sucé et je l'ai voluptueusement honorée par la voie garçonnière : pour une première rencontre, c'était bien...»
Commentaire daté du 12 mai 2009 d'un (apparemment) très fin connaisseur des écrits de Gabriel Matzneff, sur le site des lecteurs de Renaud Camus.

«Celui qui lit de la littérature pornographique dans une langue étrangère s’aperçoit à quel point sexe et langage sont intimement liés.»
T. W. Adorno, Minima Moralia [1951] (Petite Bibliothèque Payot, 2003), p. 61.


Étrange, ce silence de Gabriel Matzneff à l'endroit de ma longue note sur ses Carnets noirs 2007-2008. Il a bien lu mon texte, j'en ai eu la confirmation par un ami m'ayant indiqué que Gabriel Matzneff lui avait expressément demandé de ne point être interrogé sur ma critique à l'occasion d'un de ses récents déplacements dans une librairie strasbourgeoise.
Pourtant, s'il y avait un lecteur capable de bien comprendre le sens de ce qui n'était même pas une charge mais une invitation (certes comminatoire, disons : à la russe !), c'était il me semble Gabriel Matzneff qui écrit, à la page 480 de ses Carnets noirs que ce qui le charme dans le christianisme, c'est son aspect «paroxystique, excessif», son «côté zinzin» poursuit-il.
Apparemment, Matzneff, trop fin lecteur pour que je puisse le soupçonner de n'avoir point compris le sens de ma note, n'aime le paroxysme du christianisme qu'à doses... homéopathiques, et à condition qu'un jeune blanc-bec ne lui fasse pas, du haut de ses trente-huit ans, la leçon !
Matzneff semble si peu dupe de ses faiblesses et atermoiements qu'il revient à la charge (p. 488), écrivant : «Ah ! Ma Dalila [saint Théophane le Reclus écrivait : «Abandonne la Dalila qui t'emprisonne et te livre à l'Ennemi»] ! Mes passions peccamineuses ! Y renoncerai-je un jour ? En aurai-je l'énergie, le désir réel, la force de décision ?». Nous verrons bien, Gabriel Matzneff, nous verrons bien mais commencez peut-être, avant de renoncer à votre vie, par ne plus vriller votre regard au poids que votre balance d'une précision sub-atomique vous indique toutes les vingt-quatre heures !
Étrange aussi, très étrange même, le silence de la pourtant maladivement bavarde Gilda qui, il y a quelques mois encore, informait par trompette fabriquée à Jéricho le tout-Paris de l'édition et du journalisme dit d'investigation anthropologique de la moindre des nouvelles positions que son Petit chou (sic) expérimentait avec, sous ou sur elle, c'est selon !
Je me penchais donc sur ces gouffres philosophiques et m'alarmais de cet inquiétant silence lorsque, en lisant l'agora du site des lecteurs de Renaud Camus, braves sociétaires dont la moyenne d'âge approche je crois la soixantaine vaillante (je tiens cette information confidentielle de la benjamine Valérie Scigala), je suis tombé sur une excellente remarque de l'irremplaçable Didier Goux : «Pourquoi Renaud Camus parvient-il à me retenir lorsqu'il m'entretient de fellations prodiguées par de virils moustachus atteints d'hirsutisme, cependant que les mêmes gâteries accordées par de sémillantes nymphettes à Gabriel Matzneff me font bâiller d'ennui ?
Serait-ce cela que l'on nomme littérature ?».
Je vous laisse lire l'intégralité du turgescent débat sur cette question moins anodine qu'il n'y paraît mais j'avoue que, malgré ma profonde répugnance à l'idée d'envisager (et pas seulement sur mon propre corps !) la plus petite gâterie prodiguée par de virils moustachus atteints d'hirsutisme, je dois bien constater qu'il y a, dans les innombrables descriptions camusiennes de ses plaisirs, une jouissance, une volupté d'écrire et de décrire qui sont totalement absentes des trop nombreuses pages où, dans son Journal, l'archange éternellement priapistique Gabriel tourne, retourne, empale, accroche, décroche, masse, fourbit, caracole, lèche, explose, doigte, fouette, courge, pine et même bine, met son petit Jésus dans la crèche, fesse, pénètre, ganymédise, gamahuche, galipétise, enfile bref baise ses trop nombreuses maîtresses qui, hélas à son goût, ont lamentablement dépassé l'âge (12 ans je crois, mais cet âge, mystérieusement, a l'air de s'abaisser d'année en année dans notre société ultra-ouverte) où le regard d'un jeune garçon les faisait rougir jusqu'aux oreilles.
Certes, on ne peut pas tout demander à un écrivain : de l'érotisme et une radiographie de l'âme féminine qui, selon l'intéressé lui-même, fera passer ses écrits à la postérité (cf. p. 503).
Il est pourtant fort dommage que, dans ces Carnets noirs, hormis de très constantes jérémiades sur l'inconstance féminine, une thématique paraît-il toute nouvelle à Saint-Germain-des-Prés, je n'aie point trouvé un mot susceptible de provoquer la plus légère intumescence stylistique ni même d'analyse de ce grand mystère (le mystère c'est qu'il n'y a sans doute pas de mystère) qu'est l'éternel féminin...
Je vais plus loin, concluant mon évocation des Carnets noirs de Gabriel Matzneff par les toutes dernières lignes de son propre livre qui sont sans aucun doute la clé de son entreprise téméraire : si l'art, singulièrement celui d'écrire, est un «sacrement du souvenir» (p. 512) qui, par la magnificence du style, non seulement fige l'éphémère instant qui s'enfuit mais, toutes les fois qu'un nouveau lecteur lit un livre, en invoque puissamment la fragile déhiscence, le rend de nouveau palpable, l'incarne, je puis dire qu'avec ce tome de son Journal, Gabriel Matzneff ne m'a jamais permis d'aimer une seule des nombreuses femmes qu'il a tenues dans ses bras.
Sauf, peut-être, celles qui l'ont quitté.
Aimer, c'est-à-dire : se souvenir, recommencer, non, reconquérir, dans un présent ouvert à ce qui ne meurt jamais, un passé repris, au sens éminent de ce terme.
Aimer, c'est-à-dire : écrire.