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31/12/2020
Si le soleil ne revenait pas de Charles Ferdinand Ramuz
Photographie (détail) de Juan Asensio.
J'ai pu écrire de ce film qu'il ne nous plongeait absolument pas dans le temps de l'éternel retour, et que, «bien loin d'être synonyme de vide, comme Béla Tarr lui-même a pu le confesser, la morne répétition des mêmes gestes quotidiens (s'habiller, habiller son père, préparer le repas, deux pommes de terre bouillies mangées avec les doigts, soigner la jument, entretenir le feu, se coucher sans avoir échangé plus de quelques mots, faire les bagages, charger la misérable charrette), essentiellement par la jeune femme qui est l'humble servante de son père et du cheval qui refusera de s'alimenter et de boire, est une triste, sans doute mécanique mais néanmoins lumineuse sacralité en actes et en gestes, comme nous le voyons dans La Route de Cormac McCarthy». J'ai aussi affirmé que Le cheval de Turin pouvait être considéré comme une «apocalypse toute moderne, ténue, sans ouverture de sceaux et déchirements de ciel qu'auraient pu évoquer quelques vers extraits des Hollow Men de T. S. Eliot : «This is the way the world ends / This is the way the world ends / This is the way the world ends / Not with a bang but a whimper», mais apocalypse toute de même en ceci qu'elle est surnaturelle (car comment, si elle ne l'était pas, interpréter le fait que même les braises cessent de rougeoyer ?)», révèle qui plus est «l'évidence que nous avons failli à notre devoir d'être des hommes et non des bêtes et manifeste son caractère néfaste dans une minéralisation contrastant avec le mouvement du cheval de la scène d'ouverture, minéralisation qui, de Monsieur Ouine à La Montagne morte de la vie des Bernanos père et fils, a toujours signé la fin de toute chose».
Notes
(1) Telle qu'un Jérémias Gotthelf (pseudonyme d'Albert Bitzius) a pu l'illustrer, non sans quelque pointe de très franche noirceur, avec un texte comme L'Araignée.
(2) Charles Ferdinand Ramuz, Si le soleil ne revenait pas (feu L'Âge d'Homme, coll. Poche suisse, 2004). Même si ce titre n'a plus aucune chance d'être réédité par une éditrice qui a sabordé l'héritage de son père, je signale quelques petites fautes comme : ils et non «il donnent», p. 26; un «dit» en trop, p. 38; un et non «une regard», p. 178.