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10/11/2025
Georges Bernanos vu par Roger Bésus dans La Porte du large, premier tome de son Journal

Photographie (détail) de Juan Asensio.
Plus d'un lecteur, certes pas des moindres, a pu comparer l’œuvre romanesque de Roger Bésus avec celle de Georges Bernanos, tel Pierre-Henri Simon évoquant l'un des titres de l'auteur, La couleur du gris paru en 1967 mais surtout, précédant cette date, le grand Albert Béguin ou encore Pierre de Boisdeffre qui rappelle même, à propos du premier roman de Bésus, Le Refus paru en 1952, qu'il qualifia son auteur d'héritier authentique du Grand d'Espagne (in Abrégé d'une histoire vivante de la littérature d'aujourd'hui, 1939-1969, tome 1, 10/18, 1969, p. 254). Un autre commentateur, Yves Frontenac, reprendra quasiment cette qualification au mot près, puisqu'il pourra écrire de Roger Bésus qu'il a lui a semblé avoir été «l'héritier le plus authentique de Bernanos» (in publication du CRAM, ou Centre de réflexion des auteurs méconnus, n°9, avril 1995, p. 10), un nom, nous l'avons dit, que mentionna Albert Béguin, même s'il se dépêcha d'ajouter que ce n'étaient pas tant des similarités de forme que l'on pouvait s'amuser à dénicher entre les deux romanciers qu'une espèce d'atmosphère tragique, un fonds métaphysique, invisible, sur lequel se détachaient les faits et gestes, mais aussi les paroles, des personnages inventés par les deux romanciers.
Jean-Laurent Prévost, lui, dans Le roman catholique a cent ans (Arthème Fayard, 1958, p. 210), semble plus prudent puisqu'il écrit d'entrée de jeu que peu importe en fin de compte que Luc Estang ou bien Roger Bésus «reconnaissent ou non l'influence de Bernanos sur eux», puisque tous deux «participent à l'état d'esprit de Gesthsémani, l'esprit du Vendredi Saint et de la déréliction». Camille Sautet, dans un article court et vif paru dans le numéro de 3-5 mars 1972 de La Liberté de l'Yonne, a raison d'écrire qu'on fera à Roger Bésus, à chacun de ses nouveaux romans, le grief d'être... Roger Bésus, puisque l'on a décidément pris l'habitude d'invoquer, dès qu'il publie, «les grandes ombres de Balzac, de Dostoïevski et de Bernanos», voire de Barrès à propos de France-Dernière alors que, pour sa part, Camille Sautet pense que l’œuvre de Bésus ressemble à celle de Barbey d'Aurevilly «qui, comme lui, considère que la densité de certains êtres, jointe à leur qualité suffit à les sauver, car ils sont plus fortement que d'autres sanctifiés par une souffrance acceptée». Balzac, Barrès, Barbey ou encore Bernanos, voilà décidément que l'on ne sait plus trop à quel saint littéraire vouer Bésus.
Je ne sais si ce sont là commodités de pensée ou facilités critiques, pouvant après tout glisser sous les plumes les plus attentives,
car je n'ai lu aucun roman de Roger Bésus qui est bien le seul écrivain, principalement romancier, que j'ai découvert en ne lisant que son Journal, ce qui est un peu comme si, plutôt que de passer par l'entrée principale d'un très bel édifice, imposant par ses dimensions et que l'on se doute être grouillant d'une vie familiale simple et joyeuse, même si elle cache de petits ou grands drames, je me contentais d'y pénétrer par une porte point apparente à première vue, non pas forcément dérobée mais, à tout le moins, peu visible, discrète, mais donnant directement accès à l'intérieur des pièces réservées au petit personnel, qui s'affaire constamment pour que la maîtresse des lieux puisse profiter du luxe de pièces cossues, et que le maître en personne vaque à ses occupations que l'on devine graves et savantes. Filant notre métaphore, nous remarquerions assez vite que ledit maître, dans le cas de Roger Bésus, est aussi, en même temps, le petit personnel, puisqu'il sait à peu près tout de la façon dont le bâtiment où il fait vivre ses personnages fonctionne, et que même ces derniers n'ont que fort peu de mystère pour lui qui, après tout, les a créés, observe avec une attention vorace leur destinée, commente avec beaucoup de plaisirs mais aussi, parfois, de déception, leurs actions et pensées, apprend, en somme, à les aimer en les rendant libres.Il me faut faire part d'une seconde bizarrerie puisque jamais je ne suis tombé, au cours de plusieurs années de recherche sur Georges Bernanos, sur un quelconque article de Roger Bésus qui lui aurait été consacré; certes, son nom ne m'était pas inconnu, puisque Max Milner, inaugurant un vieux cycle de conférences dédiées à Georges Bernanos dont il fut sans aucun doute le meilleur connaisseur, se désole que Roger Bésus n'ait pu rejoindre, du fait de sa mauvaise santé, le petit groupe de bernanosiens, universitaires ou pas (William Bush, Hans Aaraas, Sven Storelv, Henri Giordan, Pierre Gille, bien d'autres encore), qu'il avait réuni à l'occasion du colloque de Cerisy-La-Salle qui s'est tenu en 1969 (Plon, 1972, cf. p. 11). Cela veut donc dire que, avant même que de terminer le premier tome de son Journal, La Porte du large (1), je savais que son auteur n'avait pas, pour quelque raison qu'il me fallait donc tenter de découvrir, voulu ou pu achever son étude ou, plus précisément, qu'il n'avait pas souhaité l'imprimer même si le plus étonnant, dans cette affaire, tient au fait qu'apparemment personne ne l'a imprimée, ou évoquée par quelque souvenir qu'il aurait convoqué datant de l'époque où il fut l'auditeur de Roger Bésus parlant de Bernanos, époque tout de même point si reculée dans le temps même si, hélas, l'accélération que Daniel Halévy constatait à l’œuvre dans l'Histoire semble mystérieusement accroître la vitesse avec laquelle notre mémoire s'efface.
Je parle d'étude mais il s'agit en fait d'une conférence, prononcée au moins deux fois, à Valenciennes et à Amiens, avant la date du 26 février ou bien ce jour-là, où Bésus en parle, évoquant une réussite probable, devant quelque 200 auditeurs dont pas un cependant ne semble l'avoir félicité ou, à tout le moins, aurait cherché à le contacter. Roger Bésus écrit ainsi, le 4 mars : «voilà une semaine je proposais à deux cents auditeurs une figure de Bernanos qui pouvait ne pas être la leur, et certainement même en différait beaucoup. Brusquement je faisais effraction en eux. Qu'en est-il résulté ? Je n'en sais rien et continuerai de n'en rien savoir : aucun contact avant, aucun contact après. Phénomène de l'ordre du viol. Un enfant naîtra ou non, il y a eu douleur ou non, sang ou non, un acte a eu lieu» (p. 220).
Malgré des recherches qui, certes, n'ont pas le caractère monomaniaque et acharné qui furent celles que je consacrai à André Lavacourt, je n'ai pu retrouver trace de cette conférence, où j'imagine sans trop d'effort que Roger Bésus, en saluant son grand et terrible aîné, a dû montrer tout ce qui l'en séparait, et que l'on devine tout de même assez rapidement en lisant ce premier tome de son Journal. Car enfin, si, comme je l'ai dit, les premiers romans de Bésus n'ont pas manqué d'être rapprochés de l'univers bernanosien, c'est faire insulte à certains écrivains, un peu trop vite qualifiés de romanciers catholiques, que de les réduire à n'être que des sous-Bernanos, comme on a pu réduire tel personnage à n'être qu'un sous-Dostoïevski, selon le titre d'un roman d'Hubert Chatelion.
Souvenons-nous que la génération des auteurs ayant suivi Bernanos a été assez machinalement placée dans son sillage, ou bien dans celui de Mauriac, et cela semble-t-il dès lors qu’un homme d’Église était campé dans un de leurs romans !
Quelques noms, hélas bien oubliés, suffisent pourtant à rafraîchir cette si oublieuse mémoire et à constater que la distance a pu se creuser de façon phénoménale entre les pères, si je puis dire, critiqués voire rejetés et même tués, selon l'adage psychanalytique idiot, et leurs fils plus ou moins supposés, voire francs bâtards. Rappelons ainsi l'existence d'auteurs qui ne semblent plus guère connus que des fantômes hantant les bibliothèques comme Joseph Malègue et son Augustin ou le maître est là, qu’on ne lit plus vraiment, même si on le cite toutefois bien davantage que les œuvres englouties de Maxence van der Meersch, et, après la guerre, celles de Jacques de Bourbon Busset, Gilbert Cesbron, Henri Queffélec, celles encore de Jean Cayrol, Paul André-Lesort, Pierre-Henri Simon, Luc Estang, Roger Bésus, donc, qui fut qualifié d'oublié pathétique selon un certain Lucien Guissard, auteur d'une communication au titre éloquent, Où en est le roman «catholique» ?, prononcée à la séance mensuelle du 11 janvier de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique.
Car enfin, même si on peut le regretter, il est bien loin, le Moyen Âge, «ce temps de l'unique langage» (p. 65) et aussi celui de la «communauté animée par une foi», voilà, en effet, «cela qui est à jamais perdu» (p. 89) et puis aussi, de toute manière, à un niveau bien plus humble, celui du modeste mais passionné artisan qu'est Roger Bésus, qui ne laisse pas filer un seul jour sans dialoguer avec les personnages qu'il invente, quitte à les bousculer ou leur prêter presque plus de consistance réelle que celle des femmes (qu'il aime tant) et des hommes qu'il rencontre, l'écrivain se doute d'une évidence qu'il aura cependant mis quelque temps à découvrir : «Ce qui a certainement empêché mes livres d'entrer plus largement dans les milieux catholiques, c'est leur pessimisme à l'intérieur même de la religion : j'y entraînais jusqu'à l'Espérance !» (p. 153).
Voilà bien, pourtant, qui aurait dû le rapprocher du Grand d'Espagne comme Roger Nimier le surnomma, alors que le titre qu'il donnera, qu'il envisagera du moins de donner puisqu'il nous le présente comme une possibilité, à sa conférence est pour le moins explicite : Bernanos anarchiste et désespéré (p. 166) ! C'est à partir de cette date, le 9 décembre 1958, que Roger Bésus va non seulement se mettre à relire Bernanos, dont il avoue le 16 décembre de la même année (cf. p. 185) n'avoir rien lu de lui, «à part le Mauvais rêve, depuis onze ans !», mais aussi à consigner plusieurs pensées concernant l'auteur de Sous le soleil de Satan.
Ainsi, le 29 décembre, dans un long passage où il oppose, après avoir terminé Les mémoires écrits dans un souterrain, Dostoïevski à l'écrivain des Enfants humiliés, pointant «la part d'autobiographie» que contiennent ces deux textes, il note «la différence profonde entre deux auteurs pourtant d'une même famille», Bernanos l'ayant d'ailleurs déçu «dans tant et tant de pages de son texte» mentionné, «en raison de ses charges puérile» aussi bien «qu'orgueilleuses», et répète, comme pour s'en étonner ou s'en convaincre, que «la différence entre les deux hommes est extrême». En effet poursuit-il, «on pourrait au moins dire que Bernanos est un catholique et Dostoïevski un chrétien, Bernanos un fort, Dostoïevski un faible, Bernanos borné par son assurance sans recul, Dostoïevski illimité par sa prodigieuse honnêteté. Mais ça n'est pas tout : l'un vit, et profondément, c'est Dostoïevski; l'autre s'écoute vivre et donc ne vit pas, c'est Bernanos. Terrible tâche que je vais avoir à assumer, conclut Bésus : parler d'un homme auquel je n'adhère qu'accidentellement» (p. 193).
C'est le 31 décembre que Bésus consigne une sensation désagréable, celle ayant consisté à «entendre par l'intermédiaire d'un disque la voix de Bernanos» qui ressemble à celle d'une «femme, [d'une] vieille femme impatiente»; il s'agit «de l'enregistrement d'un passage de son intervention aux rencontres de Genève, deux ans avant sa mort», le «manque de virilité que trahit cette voix» inquiétant Bésus, qui ajoute que, dans les romans de Bernanos, «aucune femme n'aime un homme», ce qui est faux, «et réciproquement», ce qui est presque juste, constat aggravé, quelques pages plus loin, par la notation de «l'absence d'amour-passion chez Bernanos» (p. 204) lequel, assez visiblement selon Bésus, semble être intimidé par «le monde féminin» (p. 206). «Bien des mystères vont-ils tomber pour moi ? Mais lesquels ?» (p. 194) se demande alors, assez curieusement, notre continuateur problématique, comme s'il plaçait dans ce soupçon la clé herméneutique de l’œuvre et quelque chose qui lui est supérieur, le secret de l'auteur, Bésus qui revient à Bernanos dès le 22 janvier 1959 en se disant «saisi, dans Les Grands cimetières sous la lune, par la part importante livrée à la confusion et au verbalisme» (p. 202).
C'est en tous les cas le 8 février 1959 que Roger Bésus commence la «rédaction de [sa] conférence sur Bernanos», alors qu'il essaie «d'être aussi près [qu'il peut] de ce [qu'il croit] être le personnage réel, afin de restituer un homme non d'ajouter une couche de vernis à une idole» (p. 209, l'auteur souligne). Deux jours plus tard, il nous avoue que son «embarras à parler de Bernanos s'accroît à mesure [qu'il] réfléchi[t] sur lui. D'où vient qu'il ne m'impose plus cette fascination d'autrefois, alors même que son génie d'écrivain continue de me jeter dans l'admiration ? Et s'il s'agissait, poursuit Bésus, de ce que je tiens pour la vulnérabilité de toute la part polémique de ses écrits ?» (ibid.). Il poursuit en écrivant qu'il «ne participe ni au mépris dans lequel il tient ceux qui n'ont pas sa foi, ni à ses colères, frondes qui finalement visent des mythes. Pour tout dire, sa pensée, si puissamment exprimée, me paraît pauvre. Je n'hésiterai pas à dire cela» (p. 210).
Apparemment, Roger Bésus n'a pas dû hésiter, en effet, à dire ce qu'il pensait de Georges Bernanos, qu'il admire partiellement, comme il admire partiellement Léon Bloy, alors que son admiration pour Péguy, elle, «est entière» (p. 211).
Ce «terrible et grand aîné» (ibid.) qu'est l'auteur des Enfants humiliés, ce «monstre des Lettres comme des Arts» qui réduit à rien, chez beaucoup, «la faculté de réflexion», gêne considérablement Bésus lorsqu'il lit ses pamphlets et écrits de combat, où «Bernanos déploie là une vanité folle» et «où il se pose en juge absolu» (p. 212).
C'est le 21 février que Roger Bésus achève sa conférence sur Bernanos qui le laisse dans une «sensation de vide, de désarroi, si connue, si redoutée», qu'il «éprouve après l'achèvement d'un travail qui [l']a longtemps retenu» (p. 214) et c'est entre cette date et celle du 26 février qu'il a pu prononcer ladite conférence non pas une mais deux fois, soulignant sa réussite (cf. p. 215), réussite paradoxale puisqu'il nous avoue, quelques jours plus tard (le 4 mars), que ces deux conférences, ont proposé, devant «deux cents auditeurs», «une figure de Bernanos qui pouvait ne pas être la leur, et certainement même en différait beaucoup. Brusquement, je faisais effraction en eux. Qu'en est-il résulté ? Je n'en sais rien et continuerai de n'en rien savoir : aucun contact avant, aucun contact après. Phénomène de l'ordre du viol. Un enfant naîtra ou non, il y a eu douleur ou non, sans ou non, n'importe, un acte a eu lieu» (p. 220), dont nous ne savons donc pratiquement rien, si ce n'est qu'il a eu lieu, non pas une ni deux mais trois fois ou plus, puisque Roger Bésus nous informe qu'il a prononcé sa conférence, telle qu'elle ou l'ayant ici ou là modifiée, nous ne le saurons pas davantage, «dans l'étonnante salle Sainte Croix des Pelletiers» (p. 227), entre le 14 et le 17 mars 1959, le 17 mars sans doute, Bésus ne commentant pas, cette fois-ci, la réaction du public, ni ne s'interrogeant sur les
troubles que ses propos ont peut-être provoqués chez ses auditeurs. Du moins directement car, remarquant que «le Bernanos écrivain de combat» (p. 223) est décidément celui qu'il aime le moins, Roger Bésus, qui tombe à la Bourse sur un certain Xavier de la Fournière, «courtier en valeurs qui connut Bernanos», lui a permis de «vérifier que les intuitions qui font la part personnelle de [s]a conférence étaient fondées. Lui d'ailleurs», comme Bésus, «ne [croyant] pas à la durée des œuvres polémiques» (p. 225).Trois fois seulement cette conférence aura eu l'occasion d'être dite, et c'est après, donc, avoir mentionné le 14 mars 1959 sa dernière lecture dans l'étonnante salle que nous savons que, quelques pages plus loin, de nouveau la thématique de la présence de la femme dans ses romans surgit, femme que l'auteur estime être «une figure unique» chez Bernanos, peu importent en fin de compte «les différences des situations et les nuances» (p. 239), une vue décidément bien curieuse si l'on songe à tout ce qui différencie la première de la seconde Mouchette, Chantal de Clergerie de Jambe de Laine ou de Blanche de la Force.
C'est une dernière fois, le 4 mai 1959, que Roger Bésus évoquera Georges Bernanos, non pas en le nommant directement mais en l'ayant très probablement à l'esprit puisqu'il mentionne à cette occasion Albert Béguin qui le plaça dans la sillage du Grand d'Espagne, avant de s'en détourner puisque, apparemment, le critique n'apprécia pas Cet homme qui vous aimait, lorsqu'il écrit qu'il faut attendre, attendre (il répète ce verbe) «le moment où enfin on comprendra que je n'ai jamais suivi personne, et que de toute manière je ne puis plus suivre qui que ce soit portant le titre de romancier catholique, puisque catholique au sens strict je ne le suis plus. il est vrai qu'alors on conclura que mon plafond est tombé si bas que mes travaux n'offrent plus d'intérêt» (p. 264), et c'est peut-être bel et bien cela, oui, qui s'est produit pour Roger Bésus, qui n'a pas su constituer, autour de sa propre personne, cette aura de mythe qui, aussi fallacieuse et sujette à caution qu'elle est, lui permettra de survivre au travers des années, même après sa mort, devenant ainsi, par cette aura, «un homme qu'une réputation propose» comme l'écrit Bésus dans un texte consacré à François Mauriac et à Georges Bernanos que, lui, pour le coup, existe car il a été imprimé et n'a pas disparu tout entier (2).
J'ai feuilleté, pour l'heure, le deuxième tome du Journal de Bésus, intitulé Un Feu d'une seule flamme, accompagné d'une courte préface de Robert de Boisdeffre (Bertout, 2001), et j'ai pu y noter une mention assez amusante de Bernanos, rapportée par Boris Bouïeff que Bésus fréquenta et dont j'ai évoqué le très beau Pays de rigueur, mention que voici, datée du 21 janvier 1960 : «Que je mentionne ici ce que me dira Bouïeff [que l'auteur orthographie Bouieff] dans le petit bistrot de la rue Martel où nous trinquons avant de nous séparere et qui a sa place ici où il est question de faire connaître la noblesse de la cause littéraire : Bouieff entre, vers 1932 ou 33, dans le bureau de Delperrou, directeur de Plon, voit celui-ci «blême, défait (ce qui était très exceptionnel) et en face de lui un homme trapu, aux cheveux déjà grisonnants, et qui invectiva une dernière fois avant de sortir : «Quoi ! il ne faut pas perdre de vue, nom de Dieu de bon Dieu de m..., est-ce que je suis un écrivain mystique, oui ou non ?». C'était Bernanos» (p. 104, l'auteur souligne).
Roger Bésus ne commentera pas cette scène que lui a rapportée Boris Bouïeff mais avouons qu'elle peint assez, en quelques mots seulement et peut-être bien davantage que la voix écoutée par Bésus et qu'il n'aima pas du tout, le personnage que nous imaginons Georges Bernanos avoir été.
Note
(1) Roger Bésus, La porte du large. Journal, 1958-1959 (éditions Bertout, 1999). Les pages entre parenthèses, sans autre indication, renvoient à notre édition. Quelques fautes déparent le texte, que je ne prends pas la peine de consigner ici, ce travail pour le moins pénible ne servant à rien et sachant que je les ai indiquées sur mon exemplaire de ce livre qui, un jour peut-être, sera réédité tel quel !(2) Texte intitulé Bernanos et Mauriac devant la jeunesse, publié en 1955 dans 20 ans d'action littéraire. 1955-1975, volume reprenant les meilleures pages des Cahiers des jeunesse littéraires de France (éditions Le Cercle d'or, 1976), pp. 59-62. Je dois cette indication à Stephen Panara, qu'il soit de nouveau remercié.




























































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