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28/01/2009

Notes pour une revue de jeunes, par Cristina Campo

Crédits photographiques : Rémy de la Mauvinière (AP Photo).

Jean-Baptiste Para, patron de la revue Europe, m'a autorisé à publier un texte de Cristina Campo traduit par ses soins et paru en complément d'une de ses interventions recueillie dans Simone Weil et le poétique (colloque international dirigé par Jérôme Thélot, Jean-Michel Le Lannou et Enikö Sepsi, Les Cahiers de Marge, n° 4, Kimé, 2007).



Ces notes, écrites par Cristina Campo et contresignées par Remo Fasani, ont été publiées en 1956 dans la revue Stagione. Elles constituent la feuille de route d’une revue qui aurait dû s’appeler L’Attenzione, mais qui ne put voir le jour. Ces notes placent assez clairement le projet sous le double signe de Hugo von Hofmannsthal et de Simone Weil.

Vie et non pas ombre de vie. «Le concept d’actualité considéré comme inexistant», selon la formule de Hofmannsthal. Et que dans un lieu où comme d’habitude la ligne droite est lancée dans l’infini, la forme recherchée soit le cercle. Reconduire à la totalité du temps, au rythme cyclique du temps, un public aveuglément perdu sur cette droite.
Le concept d’actualité remplacé par le concept de présence, avec toutes les responsabilités qu’il implique. Présence signifie attention, unique voie pour réaliser et se réaliser. Mot discret qui en implique d’autres ; tous ceux, peut-être, qui conservent une signification.
Lecture attentive de la réalité et de l’art. Donc lecture totale, sur des plans multiples : lecture poétique, humaine, spirituelle, religieuse et symbolique. Qui lie le temps au temps, l’esprit à l’esprit, qui crée des rapports, révèle des analogies.
Vie et non pas ombre de vie. Animation de textes anciens ou déjà connus, originaires de tous pays. Retour à une culture vivante, qui ne sauve de notre temps que ce qui est vivant — c’est-à-dire valable et exemplaire — en passant outre les valeurs conventionnelles d’une époque et d’un milieu.
La jeunesse comme instance morale. Avec tous ses terribles devoirs, avec son droit sans appel à ne pas être fourvoyée.
Attention appliquée au monde au sein duquel évolue cette jeunesse. Sans redouter d’en reconnaître l’effroyable désastre (un mot d’esprit de Moravia en donne la mesure : «Le seul personnage historique qui se trouverait à l’aise dans notre temps, c’est l’homme des cavernes»). Tranquille opposition à l’esprit de ce temps, au fétichisme du «phénomène historique», de la «valeur documentaire», des «exigences des mœurs», des «cas de figure». Mais recherche assidue et passionnée de ce qui dans ce temps est vie et non pas ombre de vie : selon la norme la plus élevée des valeurs humaines, spirituelles et formelles.
Un discours, par conséquent, qui soit dans le temps et hors du temps. Dans chaque livraison, ce que l’on pourrait qualifier d’«étoile polaire» : lettre, témoignage, fragment, poème, peu importe de quelle époque mais parfait, qui représente comme dans une image ce que l’on cherche à exprimer. Dans chaque livraison, le même propos, répété par des voix diverses et disparates, en des époques diverses et disparates.
Recherche d’une forme cristalline, que ce soit dans les textes cités ou dans les contributions nouvelles : une forme qui se tienne à distance du spécialisme des variantes, de la psychologie, du réalisme documentaire et de l’imagination gratuite (Cahiers du Sud sur Homère, Focus Three sur Eliot). Première tentative d’attention intégrale avec une probité absolue du langage, et notamment du langage critique.
Une rubrique dans laquelle sera signalé tout ce qui aura surgi de vivant, au cours du mois écoulé, dans les revues italiennes et étrangères, même s’il s’agit de quatre vers ou de dix lignes de prose, et peu importe qui les a écrites ou imprimées. Le «jeu des nouveautés» considéré comme inexistant. Attention extrême accordée aux livres peu lus, au-delà même des ouvrages littéraires.