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04/01/2010

Le Romantisme allemand de Douglas Sirk, par Francis Moury


À propos des trois coffrets Douglas Sirk édités par Carlotta en 2007, 2008 et 2009 : Coffrets n°1 et n°2 : huit films (1953-1959) de la période américaine; coffret n° 3 : quatre films (1935-1937) de la période allemande.

«Tout amour croit à deux éternités, la sienne et celle d’autrui. S’il craint de jamais mourir, c’est que déjà il est mort. Pour notre cœur, c’est tout un, que l’objet aimé disparaisse, ou bien son amour. Celui qui doute de notre éternité, lorsque se brise devant lui, pour toujours, un beau cœur, prête du moins à sa perfection l’immortalité au sein d’un être supérieur et retrouve au ciel, dans une constellation, l’ami qui disparut sous la terre obscure. L’homme – qui s’interroge toujours trop rarement, et trop souvent les autres – nourrit non seulement des penchants secrets, mais encore des convictions secrètes, s’imaginant qu’il croit aux idées opposées, jusqu’au jour où les violentes émotions du sort ou de la poésie mettent à nu brusquement, sous ses yeux, le fond de son âme.»
Jean-Paul Richter, Choix de rêves, L’Anéantissement (1796), introduction par Claude Pichois, préfacé et traduit de l’allemand par Albert Béguin (José Corti, coll. Romantiques, vol. n°8, 1964), p. 133

«La Guerre, comme un géant de fer, s’avança parmi ces alanguis, et, s’enfuyant aux accents de sa voix terrible dont retentissaient les montagnes, ils cherchaient la protection de leur mère, en qui ils avaient cessé de croire. Mais, avec la foi, leur revint cette vérité : la prospérité ne peut naître que de la force, le combat fait rayonner la divinité, comme la mort fait rayonner la vie ! Oui, Ludwig, voici venue une époque fatale […] nous percevons clairement, de nouveau, la voix de la puissance éternelle.»
E. T. A Hoffmann, Kreisleriana, Le Poète et le compositeur (1815), préface d’André Schaeffner, traduction d’Albert Béguin (Gallimard, N.R.F. 1949), pp. 250-251.

«Le somnambulisme dans l’action même, l’action considérée comme une forme de somnambulisme, était une idée chère à von Schubert, qui l’avait reçue de Ritter. On trouve, dans une lettre de celui-ci à Franz von Baader, cette curieuse idée : «Toutes nos actions sont de l’espèce du somnambulisme, c’est-à-dire des réponses à des questions et c’est nous qui interrogeons.» Le cas de Penthesilea, de Friedrich von Homburg, de Kätchen, illustre ce jeu de questions et de réponses, lancé à la volée entre le conscient et l’inconscient, la veille lucide et le sommeil somnambulique. Du dialogue entre les deux personnalités composant le même être, entre sa «moitié claire» et sa «moitié ténébreuse», ressort la connaissance de cette vérité totale, dont l’ «être du jour» et l’ «être de la nuit» ne possèdent que des fragments.»
Marcel Brion, L’Allemagne romantique, Henrich von Kleist (Albin Michel, 1962), p. 63.

«Il y a une expression que je trouve merveilleuse et qui, à mon avis, exprime la totalité de l’art, ou au moins son langage : «seeing through a glass darkly» […]. Cela veut dire que tout, même la vie, vous est inévitablement ôté, on ne peut saisir ni même toucher cette impression, on ne peut atteindre que ses reflets. Si vous essayez de saisir le bonheur lui-même, vos doigts ne rencontrent qu’une surface de verre.»
Douglas Sirk, extrait d’un entretien accordé aux Cahiers du Cinéma, n°189, avril 1967, cité par Michael Henry, Douglas Sirk in Dossiers du cinéma, Cinéastes, vol. 3 (Casterman, Belgique, 1974), p. 175.


Un mot préliminaire sur la biographie de Detlef Sierk (parfois orthographié «Detlev» sur les génériques allemands) qui signera ses films américains «Douglas Sirk», nom sous lequel on le connaît davantage chez nous. Elle le mérite car elle est, par certains de ses aspects, aussi impressionnante que celle de son contemporain et compatriote cinéaste Fritz Lang. Les deux hommes étaient d’une égale culture. Une grande différence les sépare sur le plan esthétique : Sirk a récusé l’expressionnisme allemand alors que Lang l’a génialement illustré. Un grand point commun les rattache sur le plan thématique : ils s’intéressent à l’idée tragique du destin. Tous les deux, enfin, ont quitté volontairement l’Allemagne nazie au sommet de leur gloire pour travailler outre-Atlantique dans des conditions artisanales avant de revenir en Europe au crépuscule de leur vie.
Né Detlev / Detlef Sierk à Hambourg en 1900 de parents danois, puis étudiant en histoire de l’art, en philosophie, en droit aux universités de Munich, Iéna et Hambourg, il commence par la littérature (il publie une traduction des Sonnets de Shakespeare en 1922), poursuit par la mise en scène de théâtre (il dirige un répertoire complet de l’antiquité à ses contemporains : Sophocle, Kleist, Ibsen, Oscar Wilde, Brecht, Shaw, Pirandello) et devient cinéaste produit par la prestigieuse U.F.A., la plus important société de production allemande des années 1930. Sierk y adapte aussi bien du Selma Lagerlöf (La Fille des marais, 1935) que du Ibsen (Les Piliers de la société, 1935) ou des scénarios plus originaux et surréalistes (Zu neuein ufern [Paramatta, bagne de femmes], 1937, La Habanera, 1937). Il s’échappe d’Allemagne par la Hollande puis rallie la France, et finalement les États-Unis où il signe d’abord avec la Warner, puis avec la Columbia, enfin avec la Universal pour laquelle il réalise ses films américains les plus célèbres de 1950 à 1959. Il rentre ensuite en Europe, malade, et se fixe en Suisse tout en reprenant la mise en scène de théâtre à Munich et à Hambourg. Il meurt en 1987 à Lugano.
Des quatre films allemands présentés par le dernier coffret – qui n’épuisent pas filmographiquement cette période : voir infra notre note n°5 – qui vient de sortir en ce mois de décembre 2009, le meilleur, le plus surprenant encore aujourd’hui est, bien évidemment, La Habanera, qui était un film admiré par les Surréalistes pour des raisons évidentes : la prégnance du désir obscur, inconscient, sur l’apparente rationalité des actes, sur les exigences sociales s’y manifeste d’une manière onirique. Zara Leander, la plus grande star du cinéma nazi, y défaille d’extase en contemplant son futur amant sauver un torero blessé en affrontant le taureau à sa place. Tandis que résonne la «habanera» chargée d’une mystérieuse tension issue des profondeurs, tandis que la fièvre monte sur l’île et tue, le spectateur se doute que la mort sera le prix à payer pour l’avoir entendue. Le sujet du film est digne de Bunuel et de Dali réunis, son traitement est objectif, rigoureux, discrètement lyrique : un plan de temps en temps sculpte le symbole, le reste est retenu. Efficacité préservée d’une manière intelligente jusqu’aux séquences voulues ouvertement fascinantes, filmées pour provoquer le sentiment philosophique de l’extase, de l’annihilation de soi.
Paramatta, bagne de femmes (en partie un film de prisons de femmes… situé en «exotique» Australie), La Fille des marais, Les Piliers de la société, sont, en revanche, typiques de cet étonnant mélange de lourdeur et de finesse qui caractérise l’âme germanique. Sierk expérimente des enchaînements, des effets de montage classiques, attendus, rebattus mais qui sont aussi de temps en temps transcendés par la beauté pure de tel ou tel plan : Sierk privilégie les extérieurs naturels, et son surnaturalisme naît discrètement de la contemplation des personnages en situation dans leur cadre authentique. Les travaux agricoles régénérant – à la manière de ceux décrits par Thoreau que Sierk admirait et qu’il voulut même imiter durant deux ans en Californie – La Fille des marais, les dangers des tempêtes marines permettant le rétablissement moral des dégénérés Piliers de la société, la chaleur accablante, infinie, du nouveau rivage où les détenues occidentales de Paramatta fabriquent des balais vendus dans la rue au son d’un appel mélancolique. Dans tous les cas, le destin se joue des hommes et des femmes, la temporalité les malmène, l’irrationalité les assomme, le hasard tragique ou comique les mène où il le veut. Le héros ou l’héroïne de Sierk peut surmonter ou assumer son obscur héritage de passions : qu’il en soit écrasé ou qu’il en ressorte transfiguré, son trajet n’aura pas été choisi ni rationnel.
Ce romantisme essentiellement allemand dans ses déterminations et ses conséquences se développe sous la forme de la tragédie d’une manière visible à travers ce qu’on nomme – d’une manière au fond impropre : c’est le grand mérite de Michael Henry de l’avoir aperçu avec netteté dès 1974 – les mélodrames de Sirk durant sa période américaine. Les mélodrames de Sirk ne sont pas davantage mélodramatiques – en dépit des signes externes, contingents de leur appartenance à ce genre mineur qui hésite entre l’opéra et le roman photos en permanence – que les drames psychologiques, les comédies dramatiques ou les films noirs américains de Fritz Lang ne le sont durant la même période : leur perspective est bien celle de la tragédie grecque originale, donnée une fois pour toutes comme paradigme de la culture nécessaire à l’homme moderne.
Un signe ne trompe pas : Douglas Sirk (Hitler’s Madman, 1942) comme Friz Lang (Hangmen also die [Les Bourreaux meurent aussi], 1943) tournent à l’aurore de leur période américaine, l’histoire véridique de l’assassinat de Heydrich par les résistants tchécoslovaques. La manière dont ils le font tous les deux est chargée de tragique autant que de romantisme, et, dans le cas de Lang, d’expressionnisme : voir le plan où Brian Donlévy se cache dans l’ombre tandis que les soldats S.S. à sa recherche se déploient, célèbre plan qui est aussi l’une des meilleures photographies de plateau du film. Sirk donne un portrait saisissant de Heydrich tandis que Lang ne le montre que brièvement avant son assassinat mais peint ensuite une ville de Prague déchirée entre les ténèbres et la lumière, tenaillée progressivement par la terreur des représailles SS. (1)
Durant sa période Warner puis Columbia, Sirk tourne un peu tous les genres, comme Lang : western, films noirs psychanalytiques ou historiques, comédies dramatiques. Il tourne même un péplum sur Attila (Le Signe du païen) moins connu en France que celui tourné par Pietro Francisci en coproduction franco-italienne à la même époque de l’autre côté de l’Atlantique. Mais la pureté de son inspiration devient mature lorsqu’il passe à la Universal. Il a le génie du casting : il reprend en 1956 Fred McMurray et Barbara Stanwyck – qui étaient liés dans la mémoire des spectateurs américains par leurs rôles d’amants criminels dans le classique film noir Double indemnity [Assurance sur la mort] (1944) de Billy Wilder – et les transforme, lui en père de famille et elle en femme d’affaire renonçant à assumer les conséquences familiales de la renaissance d’une liaison de jeunesse, vingt ans après. Chacun retourne à sa solitude, in extremis, substituant volontairement le souvenir et la mémoire au réel qui devenait possible mais qui est refusé. Le plan où McMurray se sent assimilé à un robot, semblable à ceux que son usine fabrique pour les enfants, et qui le fait croiser sa création en marche tandis que lui s’immobilise devant une fenêtre, impuissant, piégé par le désir inassouvi, est typique de la lourdeur germanique qui maintient son emprise sur la syntaxe de Sirk. Et pourtant, sa narration est régulièrement un modèle de dynamisme et de légèreté : le mélange est très curieux. Il s’intègre sans effort à l’esprit d’efficacité de la mise en scène américaine. C’est tout autant vrai concernant All I Desire avec la même Barbara Stanwyck en danseuse de cabaret lassée, aspirant à redevenir une mère de famille qu’elle a quittée autrefois en lui faisant croire qu’elle était devenue actrice classique. La passion des Américains pour la psychanalyse freudienne, durant les années 1945-1955, apporte en outre une coloration évidente à des scénarios qui interrogent constamment les conséquences œdipiennes – parfois névrotiques - des choix effectués par les protagonistes : chez Sirk, on parle souvent de son enfance, et les enfants, les adolescents, sont pris au sérieux, sont des personnages à part entière.
À mesure que les années passent, les thèmes de Douglas Sirk deviennent plus sombres : alors que Vidocq (A Scandal in Paris, 1946) ou le médecin auquel est révélé un Secret magnifique (1954) manifestaient ou rencontraient certains aspects diurnes, positifs de l’existence, parvenaient à la paix ou du moins à un modus vivendi avec l’existence, l’aviateur qui a bombardé un orphelinat allemand durant la Seconde guerre mondiale (Battle Hymn [Les Ailes de l’espérance], 1956) puis se retrouve à nouveau bombardant des civils coréens durant la Guerre de Corée, tente de se racheter sans être certain d’y parvenir. Des hommes d’affaires riches sont névrosés ou épousent des névrosées incapables de leur assurer le bonheur : la solitude est leur lot final, leur passion engendre la mort (Écrit sur du vent, 1956), d’anciens pilotes de la Première guerre mondiale jouent leur vie à pile ou face, lassés de tout et de tous, contemplés par un jeune écrivain alcoolique (2) fasciné par un destin qu’il croit vouloir modifier un instant, alors qu’il ne veut en réalité que le transcrire fidèlement (The Tarnished Angels [La Ronde de l’aube], 1957) d’après le roman Pylône (1935, traduit en français en 1946) de William Faulkner. Anecdote savoureuse à rajouter au dossier de ce dernier film, au raffinement plastique si esthétisant qu’il pourrait paraître distancé alors qu’il est pourtant, comme d’habitude chez Sirk, totalement lyrique et sincère : selon Michael Henry (3), Sirk lisait à l’acteur Robert Stack des passages de T. S. Eliot sur le plateau, entre deux prises.
Un chef d’orchestre allemand d’origine italienne, affligé d’une intime malédiction familiale incarnée par la maladie d’une proche, tombe amoureux d’une jeune Américaine dans Interlude [Les Amants de Salzbourg], 1957 : ils se rencontrent durant sa direction du Vénusberg de Tannhäuser ! Le film est un remake en CinemaScope-couleurs d’une Veillée d’amour de John M. Stahl réalisé en 1939 à Hollywood. Le fait qu’il ait été tourné en 1957 lui donne une toute autre densité, qui échappait inévitablement au film de Stahl, par ailleurs excellent technicien. Sous la pellicule apparente du roman-photo mélodramatique, Sirk réalise une sorte d’ode à l’Allemagne éternelle, maintenue musicalement fidèle à son essence par-delà la Seconde guerre mondiale et ses ravages. Ce que la belle actrice June Allyson est venue découvrir n’apparaît pas immédiatement clair, ni à elle-même ni aux autres : une sorte de confrontation spirituelle avec l’Allemagne, par-delà la guerre qui a eu lieu. Et le fait qu’elle ait effectivement eu lieu colore tout le film d’une amère sensation : les paysages allemands filmés en écran large 2.35 CinemaScope pour la Universal sont apaisés, magnifiés plastiquement par les cadrages impeccables du directeur de la photographie William Daniels, mais un orage peut brusquement les modifier. Sirk le filme alors comme un symbole de cataclysme davantage que comme un orage. Et le fait que la première rencontre des amants soit placée par Sirk sous le signe de l’opéra de Wagner le plus tourmenté (4) n’est pas un hasard : il renvoie à sa conception intime du monde telle qu’elle est constituée l’année où il tourne ce remake. (5)
Les deux derniers longs-métrages hollywoodien de Sirk sont consacrés à la chute de l’Allemagne durant la fin de la Seconde guerre mondiale (Le Temps d’aimer et le temps de mourir, 1958 d’après le roman de E.M. Remarque avec qui il se lia d’amitié durant le tournage) et au racisme qui mine de l’intérieur les possibilités d’intégration au «social way of life» de l’Amérique (Mirage de la vie, 1959). De retour du front russe en 1944 pour une permission de trois semaines, le soldat Graeber (6) découvre certes l’amour au milieu d’un Berlin en ruine mais il mourra en Russie, assimilé mécaniquement aux Nazis dont il se démarquait pourtant par toutes les fibres de son être moral. Une séquence célèbre – la meilleure du cinéma de Sirk, peut-être – est celle où Graeber rencontre un officier d’archive nazi (admirablement joué par Klaus Kinski en dépit de la brièveté du rôle) cherchant à scruter sa connaissance réelle de la situation intérieure et extérieure. En 1959, Sarah Jane renie sa mère noire pour tenter de s’intégrer au monde de son employeuse blanche, célèbre actrice jouée par… Lana Turner, sorte d’ange blond compatissant mais impuissant face à la mort et à la désolation qui vont l’accabler : cruauté totale du scénario, sans porte ouverte ni «happy end».
«J’ai toujours été intrigué par les problèmes de la cécité. Un de mes projets les plus chers étaient d’ailleurs de faire un film qui se passerait dans un asile réservé aux aveugles. Il n’y aurait que des gens sans cesse en train de tâtonner, essayant de saisir des choses qu’ils ne voient pas. Ce qui me semble très intéressant ici, c’est de tenter d’aborder des problèmes de cet ordre grâce à un moyen d’expression – le cinéma – qui, lui, ne se soucie que des choses vues» (Sirk in Cahiers du cinéma, n° 189, op. cit. supra).
Un intérêt manifeste pour la vision de l’obscur, si proche des ambitions mystiques, gnoséologiques d’un Novalis ou d’un Jean-Paul Richter, directement hérité de la vision des oracles aveugles dans les religions préhelléniques, une évolution vers une volonté d’ouvrir finalement les portes de l’Enfer : on saisit que le romantisme allemand de Douglas Sirk n’a donc nullement été atténué par son séjour américain. On peut même affirmer, sans grand risque d’être contredit, qu’il s’y est au contraire épanoui assez librement d’une manière souvent inattendue.

Notes
(1) La violence graphique très impressionnante du relativement méconnu mais pourtant tout à fait remarquable Operation : Daybreak [Sept hommes à l’aube] (G.-B., 1975) de Lewis Gilbert renouvelle encore ce même sujet, décidément porteur d’inspiration aux grands cinéastes, en offrant une version en outre historiquement encore plus proche de la réalité, produite avec des moyens financiers très supérieurs à ceux dont disposaient Sirk et Lang. Le scénario est basé sur le roman historique Seven Men at Daybreak [Sept hommes à l’aube] d’Alan Burgess qui reposait sur de très rigoureuses recherches d’archives et sur de nombreux entretiens avec les témoins ou acteurs historiques encore vivants. Paru en 1960 en édition originale anglaise, traduit chez Albin Michel en 1962 par Marie Tadié, repris en éd. J’ai Lu, coll. «Leur aventure», en 1964.
(2) Joué par Rock Hudson, l’acteur fétiche de Douglas Sirk durant son âge d’or américain, Sirk qui lui donne ses plus beaux rôles durant cette période Universal qui constitue une catégorie à part entière au sein de leurs filmographies respectives. Michael Henry avait très justement remarqué que les acteurs parlaient toujours un ton plus bas dans les films de Jacques Tourneur : cette remarque peut s’appliquer à Rock Hudson dirigé par Douglas Sirk. Le début de La Ronde de l’aube est, à cet égard, exemplaire : Hudson empêche une brute de martyriser un enfant sans élever la voix. Sa présence au monde est non moins simultanément une sorte d’absence au monde auquel il demeure cependant rattaché par sa volonté d’écrire.
(3) Michael Henry, fiche Douglas Sirk in Dossiers du cinéma, Cinéastes, vol. 3, éd. Casterman 1974, p. 173. Notons que Monique Nathan, Faulkner par lui-même (Éditions du Seuil, coll. Microcosme, section Écrivains de toujours, 1963-1969), ignore totalement, dans sa filmographie de Faulkner (où elle mentionne autant les films sur lesquels Faulkner a travaillé comme scénariste ou adaptateur que ceux adaptés, avec ou sans lui, de ses propres romans) l’existence de La Ronde de l’aube. C’est le seul point faible d’un livre par ailleurs admirable.
(4) «Du Vaisseau fantôme à Parsifal, en passant par Tannhäuser, le thème de la rédemption par l’amour revient continuellement dans l’œuvre de Wagner; mais c’est sans doute dans Tannhäuser que le conflit entre le bien et le mal, l’esprit et la sensualité, l’amour pur et la passion, se trouve à son point culminant, et ceci, dès la très belle ouverture où le chemin qui mène de la faute au pardon, puis au salut, est déjà annoncé, et se développera magnifiquement dans la bacchanale de Venusberg qui lui fait suite.» Françoise Vincent-Malettra, présentation musicologique rédigée pour l’édition française 33T de Wagner, Lohengrin (Prélude), Tannhäuser (Ouverture et Venusberg), Siegfried-Idyll (C.B.S., coll. Grands interprètes, réf. CBS-75143, Columbia Symphony Orchestra dirigé par Bruno Walter, 1876-1962).
(5) La musique, lien universel entre les êtres et les civilisations, est un thème d’élection du cinéaste dès ses débuts : voir l’analyse de son Schlussakkord (1936 donc situé au centre de sa période allemande, après les adaptations littéraires de 1935, avant les scénarios originaux de 1937) par Jacques Lourcelles, in Dictionnaire du cinéma : Les films (Robert Laffont, coll. Bouquins, 1992, p. 1331), qui demeure un de ses meilleurs commentateurs français. Période allemande qui ne fut découverte réellement par les cinéphiles, selon lui (cf. sa notice sur La Habanera, op. cit., p. 669) qu’en 1972 à l’occasion d’une rétrospective à Édimbourg puis à Londres. Cependant, on doit mentionner qu’il y eut en 1938 des projections de La Habanera en VOSTF à Paris. Cf. : Alexandre Mathis, Allers sans retour (Edite, 2009) dans la première partie duquel l’assassin Roger Verdière assiste à l’une d’entre elles, quelques jours avant son arrestation.
(6) Joué par John Gavin, qui incarnera peu de temps après, avec la même finesse, Jules César dans le Spartacus de Stanley Kubrick et l’amant de Janet Leigh dans le Psychose d’Alfred Hitchcock.