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02/10/2005
Arménie, 1915 ou le premier génocide du XXe siècle

Joseph Ratzinger, depuis quelques semaines Benoît XVI.
La question turque étant, de nouveau et pour quelques années encore, brûlante, je me permets de publier de nouveau, légèrement modifiée, une note datant du mois d'avril.

Seuls les hommes ont péri de cette manière. Lorsqu'il commença à faire un peu sombre, les gendarmes vinrent choisir et prendre les plus belles femmes et jeunes filles pour en faire leur femme. [...] Celles qui ne cédaient pas furent transpercées à coups de baïonnette et eurent le corps déchiré par traction sur les jambes. Même des femmes enceintes eurent les côtes tranchées, les enfants arrachés du ventre et jetés. (Le témoin lève la main.) Je le jure.
Mon frère aussi eut la tête tranchée. Lorsque ma mère vit cela, elle s'écroula et mourut sur le coup. Alors un Turc s'approcha de moi pour faire de moi sa femme, mais comme je ne consentis pas, il prit mon enfant et le jeta.»

Le lecteur mettra en rapport ces pages déchirantes et le dossier, d'une rare indigence intellectuelle et d'une plus immonde complaisance encore vis-à-vis de la chienlit huppée stambouliote et de tous les clichés progressistes, publié par Paris Match (dans son numéro du 29 septembre au 5 octobre). Sous la plume de Gilles Martin-Chauffier par exemple, cette perle que l'on dirait secrétée par une limace se nourrissant d'une petite crotte delanoenne : Istanbul n'est pas une mosquée, c'est une fête. Cette autre, qu'un Bloy et un Ellul auraient enchâssée dans un écrin d'exégèses assassines : Les Turcs sont des Européens musulmans.
Parfait allais-je répondre à l'imbécile, nous voici donc bien informés du danger, d'ailleurs maintes fois annoncé, nos ignorants ne savent point cela bien sûr, par ces moines et visionnaires grecs qui furent les plus intimes ennemis des Turcs, comme je le lisai récemment dans une étude savante d'un certain Astérios Argyriou, intitulée Les Exégèses grecques de l'Apocalypse à l'époque turque (1453-1821) (Thessalonique, 1983). Il est d'ailleurs fort à craindre que la littérature apocalyptique, surgissant, c'est là une constante historique, en temps de crises, ne devienne, d'ici quelques années, un genre de nouveau prisé par les derniers survivants des catacombes.

Mais j'y songe, n'avais-je pas jugé, de visu, en 1992, des splendeurs tant vantées par nos petits journalistes parisiens de la Sublime Porte, traversant d'Ouest en Est, durant deux semaines, l'immense pays dans un véhicule de fortune ? Il est vrai que ne m'intéressaient alors que les villes, ou plutôt les ruines de ces villes, devenues par la suite ottomanes puis turques, auxquelles Jean adressa sept lettres dans son Apocalypse : Éphèse, Smyrne, Pergame, etc.
Certes, il est vrai encore, à la décharge de nos européens stambouliotes, que j'eus la malchance de parcourir les rues de l'immense Byzance festive durant une grève de ses éboueurs...
