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17/01/2006

Blog déclaré d'utilité publique : dissection de la NLF

C. Lindsey, Propaganda, 2003


De quelle déclaration d'utilité publique s'agit-il ? Pas, à l'évidence, celle qui serait délivrée à une source d'eau insigne mais bien celle qu'il faudrait apposer de toute urgence à une passionnante recherche étymologique. Les lecteurs de Pierre Boutang me feront d'ailleurs remarquer, et je ne puis que leur donner entièrement raison, que source et étymon sont peut-être bien une même et unique réalité, même si l'étymologie, pour ces deux mots, ne nous est pas d'une grande utilité. Donc, après avoir évoqué les textes d'un Dominique Autié, d'un Slothorp, d'un Olivier Noël ou encore d'un Juan Pedro Quiñonero, voici ceux, précis et intelligents, d'un nouvel anatomiste officiant sur la table de dissection de la Nouvelle Langue Française. Revenir à la vérité du (bon) sens des mots, ne point les faire mentir, les voiler, c'est espérer retrouver, sous les scories, sous les strates épaisses accumulées par les travestissements et mensonges systématiques du journalisme et de ses affidés (intellectuels, hommes politiques, leaders d'opinion, le putanat parisien coutumier, etc.), le rougeoiement antique du foyer de l'étymon. Sur le modèle des travaux de Klemperer et, en France, de Darmesteter et, tout récemment, de l'excellent Renaud Camus, l'auteur pour l'instant anonyme de ces billets (auxquels il manque toutefois, à la différence de ceux de l'auteur de LTI, non pas tant un ancrage dans la réalité quotidienne où s'exercent les méfaits de l'universel reportage dénoncé par Mallarmé et analysé par André Hirt qu'une écriture en acte, je veux dire incarnée plutôt qu'anonyme), l'anonyme amoureux du français tente donc de disséquer les innombrables déformations de la réalité imputables, en premier lieu, aux gauchissements infligés au langage. Rares sont les auteurs, George Steiner peut-être, de toute façon bien isolé parmi ses pairs, qui osent encore affirmer que pervertir les mots c'est trahir, de fait, les réalités qu'ils désignent. Limiter l'usage de la pensée à quelques mots soigneusement déminés de leur charge sacrée (Gershom Scholem) c'est ainsi, comme Orwell l'établit génialement, réduire la réalité à un cachot sécuritaire où, n'en doutons point, nous nous trouvons à peu près tous emprisonnés. Aujourd'hui, le cratylisme, considéré comme une vieille lune pseudo-intellectuelle qui plus est démentie, comme il se doit, par les prétendues avancées des sciences du langage, ne peut qu'être en conséquence rangé dans le camp de la réaction par les imbéciles.
Je cite un passage significatif, extrait d'un billet consacré à l'islamisme : En français, islam et islamisme sont synonymes, et cela depuis 1697, quand d’Harbelot, professeur au Collège de France, a, dans sa Bibliothèque orientale, formé islamisme, en ajoutant le suffixe isme au mot arabe islam, le francisant de fait, parce que, de tous les noms désignant des religions, islam était le seul qui ne fût pas terminé par isme. La synonymie de ces deux noms est un fait de langue ancien, inscrit dans l’histoire de la langue et confirmé dans l’usage de nos meilleurs écrivains, même par les islamologues contemporains, puisque, dans le titre du livre de Bruno Etienne, L’islamisme radical (1987), islamisme a le sens d’islam : l’islamisme radical, c’est l’islam à la racine, tel qu’il est exposé par les textes fondateurs et l’islam extrémiste, tel que le prônent les militants de l’islam. Il est juste d’employer islamisme dans le sens d’islam, à savoir la religion des musulmans ou les pays musulmans. Non seulement cet emploi est pertinent, mais encore il est éclairant.

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16/01/2006

Les ouvrières de la Termitière

Le Piranèse, Carceri XIV


Je veux donc dire, l’expérience est fascinante, je l’ai même réalisée pendant des heures, jusqu’à éprouver, littéralement, l’envie de vomir, que toutes ces niaises et fantomatiques pages virtuelles finissent pas se mélanger, par faire advenir une espèce de texte unique mais fallacieux, labile, une voix grotesque, à la limite de l’inexistence mais sauvée du néant tout de même par une dernière retenue ironique : la douleur infiniment médiocre, exprimée en tout cas dans une langue creuse, elle-même parangon de nullité, qui doit cependant recevoir quelque écho, la prière non pas de l’humble ou de l’humilié mais du médiocre [...].

Il semble, effectivement, que la Toile mérite bien son nom : il s'agit d'un Réseau où se trament les histoires, parfois les intrigues, je dis cela en toute ironie et sans chercher à être subtil (subtilis mis pour sub-telis), sachant que ce cliché est aussi vieux que celui qui apparente le livre (le Livre) au labyrinthe. Bien sûr, ne nous leurrons pas sur cette série d'images, qui probablement n'offrent, de la Toile justement, qu'une représentation obéissant aux propres schémas mentaux des concepteurs (Alex Shapiro et Christian Langreiter) de ce nouvel outil de recherche, et certainement pas une photographie, rigoureusement impossible d'ailleurs, du monstre arachnéen. Celui qui, de la Toile, pourrait jouir d'une vue surplombante vivrait sans doute une expérience mystique. Peut-être ces mêmes concepteurs, auxquels nous pourrions accorder, sait-on jamais, quelque culture littéraire ou picturale, ont-ils goûté les gravures les plus enchevêtrées de Piranèse ou tel texte babélique de Borges. Je veux simplement dire que, comme Dieu, la Toile est parfaitement non-représentable et que ce n'est que par une voie détournée, négative (ou apophatique) que nous sont offertes ces commodes (donc réductrices et finalement fausses) images qui, de la réalité de l'objet (fût-il virtuel), ne nous disent strictement rien ou, ici, rien de plus que ce que nous voulons en savoir : la Toile, infra-verbale ou pas, est effectivement une toile, rien de plus.
L'extension rapide des connexions et des inter-connexions, comme s'il s'agissait des galeries creusées par de patientes ouvrières n'obéissant à aucune Reine (savoir si Elle a jamais existé ou si Elle a simplement disparu est une question que je laisse à la sagacité des lecteurs de Kafka ou de... Borges), cette extension ridicule en ce qui concerne mon propre site, peut-être s'approchant de l'infini ou plutôt tendant indéfiniment à se rapprocher de l'infini (comme la Nef de Frank Herbert se rapproche toujours de la divinité sans jamais l'embrasser) pour ce qui est de l'univers virtuel est, mais je l'ai déjà dit ici, parfaitement inverse à la singularité presque absolue des voix qui la parcourent. Quelques voix paradoxales donc, en ceci qu'elles ne sont rien de plus que les messagères de la Voix, autant de singularités entretissant leurs écritures alors que, à mesure que grandit et s'étend le Réseau, à mesure que d'invisibles mains tissent la Toile, le Verbe se décale vers le rouge et s'éloigne, son écho de plus en plus faible venant d'un passé immémorial et pourtant vide.



















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