« Au «flambeau de l’analogie». L’œuvre de Maistre éclairant notre époque, par Olivier Bruley (Infréquentables, 4) | Page d'accueil | Spengler l'infréquenté, par Jean-Luc Evard (Infréquentables, 5) »
20/03/2007
Le roman frigorifié de William T. Vollmann : Les Fusils
Crédits photographiques : Sean Gallup (Getty Images).
William T. Vollmann écrit dans ce roman que peu de gens pensent à rédiger un livre entier pour évoquer les différentes qualités de glace (je cite de mémoire). Dans Les Fusils, le sixième volume faisant partie de la série intitulée Sept Rêves, c'est pourtant ce que fait très exactement l'auteur : un livre de plus de 400 pages dans sa traduction française (celle-ci a été réalisée par le désormais très célèbre Christophe Claro, qui a pourtant oublié de relire son épreuve, laquelle comporte tout de même beaucoup de fautes...). La langue de ce roman qui n'en est pas franchement un, pour qui vient de terminer la lecture de ceux, magnifiques, subtils et riches de mille significations de Guy Dupré, constitue, en elle-même, une épreuve redoutable, tant l'écriture de Vollmann me semble absolument monstrueuse et dénuée du souffle que quelque pigiste de Lire (Baptiste Liger) a cru y trouver, qui rapproche, sans l'ombre de la plus petite ironie, Vollman de Dante. La palme du ridicule revient toutefois à l'un des critiques de Fluctuat, Benjamin Berton qui, paraphrasant rigoureusement le roman de Vollmann, ne sait plus trop quel adjectif épique dénicher pour clamer le génie de l'écrivain.
Je serai plus bref que ce Berton échevelé. L'écriture de Vollmann, d'une platitude absolue, absence de qualité que son traducteur, Claro, est parvenue à rendre sans forcer son talent, ressemble à la mélopée que tenterait de produire un ours polaire aviné en train de taper sur un chaudron, par une nuit scintillante d'étoiles glacées. Autant dire qu'elle n'intéressera, très probablement, que les zoologues, les experts en comportement par grand froid ou les climatologues. Les mauvais critiques littéraires aussi, apparemment, qui ne craignent pas de lire un livre de plus de 400 pages pour tout savoir sur la température de congélation du sexe du manchot empereur...
L'histoire quant à elle, qui entremêle sans beaucoup de grâce le récit de plusieurs personnages (le capitaine Subzéro épris d'une jeune femme inuit que Vollmann ne parvient jamais à rendre vivante ni même simplement intéressante, le capitaine Sir John Franklin, l'un des explorateurs historiques de l'Arctique et enfin l'auteur lui-même, venu s'enfermer durant quelques jours dans une station météo abandonnée du Grand Nord : cette seule partie, peut-être la plus intéressante, n'a hélas pas été placée au début du roman), n'est pas même bien originale puisque Vollmann lui-même la traita dans l'un de ses précédents livres-enquêtes intitulé The Ice-Shirt, le tout premier volume de ses Sept Rêves, qui s'est donné pour tâche d'édifier le monument de papier d'une histoire symbolique des États-unis.
Bref, c'est probablement le dernier roman de William T. Vollmann que je lis, et avant longtemps, le précédent, La famille royale m'étant littéralement tombé des mains, alors que je guettai sans trop d'impatience tout de même, après avoir vu le superbe film que Malick a consacré à cette fameuse histoire, la parution en France du quatrième volume des Sept Rêves, Argall, sous-titré The True Story of Pocahontas and Captain John Smith.
Je veux bien que l'on stigmatise, comme je le fais moi-même sans fin, la sécheresse, trop souvent la dramatique platitude d'écriture des romanciers français, alors que l'on vante sans relâche et tout de même un peu trop facilement désormais le grand souffle censé balayer les romans des meilleurs auteurs nord-américains (ceux de Pynchon, ceux de DeLillo, autre raseur exemplaire) mais Vollmann (qui déclare, et il a bien raison, que le seul écrivain américain véritable est Cormac McCarthy) placé sur la même marche que Dante ou Joyce, ce sont tout de même des facilités indignes même des ânes journalistes qui ont osé les braire.