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04/10/2009
Le bal des dégueulasses
«Tu sais, quand je t'ai rencontrée, je me suis promis que je ne te ferais pas ça.»
Roman Polanski à Samantha Geimer.
«Dénoncée chez l'autre ou énoncée pour soi-même, l'homosexualité prend toujours le public à témoin de l'intime et du sexuel par une sorte d'exhibition de la honte.»
Michel Schneider, Big Mother (Odile Jacob, 2005), p. 205.
Tous ces vieux porcs, élevés avec le plus grand soin, dûment contrôlés comme étant d'origine française, qui paraissent avoir décidément résisté aux pandémies les plus sévères me feraient sourire si, en premier chef, ils ne me dégoûtaient, comme ils semblent dégoûter les journalistes outre-Atlantique, y compris ceux d'un quotidien pas vraiment conservateur.
Passant d'un mauvais livre, au moins aussi moralement abject que le viol d'un mort, Jan Karski de Yannick Haenel, à un très mauvais débat, je me suis fatigué la vue durant quelques heures en traînant sur la Toile.
J'ai lu les déclarations de Samantha Geimer, la toute jeune proie, au moment des faits, de Roman Polanski : banales mais justes, d'une platitude si typiquement américaine qu'elle en devient grotesque.
Je suis allé voir Roman Polanski : wanted and desired de Marina Zenovich. Pauvre homme que ce Roman, ce qui n'excuse en rien ses actes, même si quelque romancier un peu hardi aurait vite fait de l'imaginer en tant que personnage pitoyable rejouant la version censurée de l'ignoble meurtre de sa femme, sur le point d'accoucher de leur enfant.
Pauvre homme ? Peut-être. Sans doute même. Être un homme cependant, c'est savoir se retenir, quelles que soient les circonstances. Et se retenir est même le prix qu'il faut payer, mais aussi la récompense, dans les circonstances les plus extrêmes.
Je conseille à nos cochons cultivés de lire La Route de Cormac McCarthy : ils y apprendront peut-être qu'un homme qui en tue un autre, fût-ce pour le manger alors que la famine règne, n'est plus un homme mais un animal ou plutôt, un homme redevenu animal, un homme déchu de son rang.
Un homme qui est tombé. Une coquille vide que la voix chuchotante de la barbarie va remplir de haine.
Un prédateur.
J'ai lu les propos d'une stupidité que l'on voudrait imaginer volontaire, prononcés le soir même de l'arrestation de Roman Polanski, par notre ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand puis ceux de Bernard Kouchner, à peine plus nuancés : il s'agit de sauver, en somme, l'honneur et la liberté d'un homme qui fuit ses responsabilités depuis quelques dizaines d'années, une broutille me direz-vous.
Si notre ministre des Affaires étrangères déploie autant de pugnacité et fait preuve d'un tel professionnalisme dans des affaires autrement plus importantes, nous n'avons absolument plus aucun doute : la libération du soldat franco-israélien Gilad Shalit, retenu prisonnier depuis trois années dans les geôles arabes, est pour cet après-midi. Quoi, elle a déjà eu lieu ? Diable, quelle efficacité !
J'ai lu avec beaucoup d'amusement les déclaration de Bertrand Delanoë qui, sur son blog, ne paraît même pas se rendre compte qu'il se contredit : ainsi, affirme-t-il, dans son ouvrage, La mauvaise vie, M. Mitterrand, qui se targue devant Naulleau de bien écrire (ou plutôt, d'avoir réussi à écrire justement un passage sensible), aurait exprimé des regrets sincères quant à sa conduite pour le moins... légère avec des (petits ?) garçons (leur âge véritable est paraît-il un secret d'État). Fort bien : tout homme peut avoir commis des erreurs, perpétré, même, des atrocités et, néanmoins, avoir encore le droit d'exprimer de profonds regrets.
Mais, dans ce cas, pourquoi diable M. Frédéric Mitterrand s'est-il à ce point, aussi ridiculement dépêché de défendre Roman Polanski, accusé de faits autrement plus graves qu'une simple nuit de plaisirs avec des gosses ridiculement payés pour vendre leur corps ?
Voyez-les, pour la plupart d'entre eux du moins, disons les cochons à remords, non pas excuser les actes, graves, dont Roman Polanski s'est rendu coupable sur une mineure de treize ans, mais vous expliquer qu'un adulte de plus de quarante ans peut parfaitement vivre une grande histoire d'amour avec une jeune fille qui le lui rendra bien, la petite garce.
Voyez-les encore subtiliser à l'infini, comme le fait Bernard-Henri Lévy, sur le droit de prescription qui est censé effacer certains crimes après un délai de trente ans, comme si un viol (pardon, selon la loi américaine : une relation sexuelle illégale, ce qui revient au même) pouvait après tout se laver aussi facilement qu'une giclée de sperme sur un corps pas même nubile.
Voyez-le encore, celui-ci, nous affirmer qu'il s'est agi, tout au plus, d'une connerie de jeunesse, connerie faite par un homme ayant dépassé la quarantaine et qui, il est vrai, n'avait pas, à cet âge, été forgé par des expériences d'une douleur inhumaine.
Quelle absurdité. Quel mensonge.
Voyez-les et écoutez-les affirmer, la voix enjôleuse, se prenant pour un digne héritier de Tchekhov probablement, que le rôle de l'écrivain est du côté des humiliés et des offensés, et qu'il faut laisser les policiers et les juges faire leur travail qui, on l'aura compris, n'est pas aussi poétique que celui que se réservent ces vieux faunes perpétuellement turgescents et qui me semblent aussi réellement érotiques que la vision, durant des heures, de l'action purement mécanique d'un piston dans la chemise qui assure la variation de volume de la chambre où s'exerce la pression motrice, selon la formule, non point de l'érotisme mais du pistonnage.
Ces hommes hantés par les corps d'enfants ou d'adolescents n'aiment qu'eux-mêmes, alors qu'ils n'ont à la bouche que le mot de liberté (de s'aimer, de consentir, de violer même) ! Gabriel Matzneff écrit quelque part que la sainteté, c'est la décision. Pour cet écrivain, la seule décision un peu digne à prendre, comme je l'ai écrit dans ma critique de ses monotonesCarnets noirs, serait d'écrire (ou bien de se taire) et d'arrêter de vivre une illusoire existence de plaisirs des sens. Un auteur n'est donc jamais mieux jugé, en effet, que par ses propres phrases et tous ces petits Rimbaud nous emmerdent et nous dégoûtent qui procrastinent sempiternellement leur fictif adieux aux rinçures de la littérature...
Voyez-les, comme un seul homme, venir défendre l'honneur d'un prétendu grand cinéaste qui, fût-il Ingmar Bergman ou Andrei Tarkovski, n'en serait pas moins soumis aux mêmes lois que le touriste qui filme avec son téléphone portable ses gamins en train de courir sous la tour Eiffel.
Voyez-les s'offusquer du fait que la grande démocratie que sont les États-Unis leur paraît encore receler des zones d'ombres lovecraftiennes qui sont autant, à leurs yeux vertueux, de reculs inconcevables et barbares des forces du progrès et de la nécessaire adaptation du droit et même de l'éthique aux changements des mœurs.
Voyez-les n'en plus finir de tenter de défendre, par tous les moyens, l'un de ceux qu'ils considèrent comme leur pair et auxquels nombre d'entre eux doivent des nuits agitées plutôt que des rôles dans ses films.
Je me moque des détails de l'affaire, je les ai tout de même lus jusqu'à satiété et même vague dégoût, détails qui font néanmoins, dès que vous osez les avancer pour appuyer la dégueulasserie de l'acte polanskien, que l'on vous soupçonne immédiatement d'être du côté du peuple, de la horde, du bourreau, de la foule hurlante et réclamant du sang.
Ma foi, il me semble que le lynchage médiatique (surtout celui qui se déroule sur la Toile) que subit, le pauvre, Roman Polanski, n'est que la transposition horrifiée, démagogique ou bien gueulante de joie, d'un lynchage bien réel que le train de vie de notre immense cinéaste nous aura hélas épargné et qui eût du moins vidé la foule de ses sucs les plus inflammables. Ceux-là, n'en doutez pas, finiront bien par prendre feu d'une façon ou d'une autre et alors...
Et alors nos pauvres pétitionnaires n'auront probablement plus de mains pour signer leurs pétitions.
S'il y avait encore, dans ces vicieux fébriles, partouzards émérites, sado-masochistes véniels ou échangistes tendance écologiste, l'esprit réellement maléfique d'un Ouine ou d'un Godeau, le viol pourrait, à défaut d'être compris voire pardonné, bénéficier de quelque esthétisation suggestive : le jeune Steeny a-t-il été violé, oui ou non, par Monsieur Ouine, c'est là l'une des questions qui agitent encore certains universitaires en mal de sensations. De même, dans le roman de McCarthy, nous ne sommes pas complètement assurés quant à la nature de certaines atrocités que des hommes commettent sur d'autres hommes.
Georges Bernanos s'en fichait, car connaître par le menu ce que l'ancien professeur de langues avait subi, enfant, ou fait subir à un autre enfant, était un indice tout au plus bon pour alimenter les petits fichiers sentant l'alcôve des psychanalystes. Il avait parfaitement compris que la pire des scélératesses est celle qui, pour s'accomplir, revêt non point les habits de lumière du bien mais déambule discrètement sur la voie médiane de la banalité quotidienne, celle qu'Hannah Arendt analysa dans un livre devenu fameux. En clair, la gamine de treize ans était fardée comme une courtisane, envoyée par papa et maman (surtout maman) dans l'antre fort identifié de plusieurs ogres, dont le pauvre Roman Polanski, à l'époque psychologiquement détruit par le sextuple assassinat, dans des circonstances abjectes, de sa femme et de son enfant ainsi que de quatre de ses amis.
Certes, il ne pouvait alors y avoir, pour le réalisateur désirant se libérer de ses démons, que la peinture noire de Macbeth (un meurtrier de roi allé tellement loin dans le sang que revenir en arrière eût été, pour lui, au moins aussi difficile qu'aller plus avant), ou le suicide.
Ajoutons à ces détails sordides le fait que Roman Polanski a été le seul qui, dans le milieu du cinéma des années 70, se soit fait pincer, alors que les anecdotes sont pléthores de jeunes filles (non pas pré-pubères mais pubères, la nuance provoque elle-même des débats sans fin sur la maturité sexuelle et psychologique d'une gamine) ayant terminé, tous orifices ouverts, au milieu d'acteurs de renom ainsi que de cinéastes.
Ajoutons encore le fait que notre jeune victime a apparemment pardonné celui qui l'avait violée, sans doute parce que les clauses confidentielles de leur petit accord juridique prévoyait un abandon de toute forme de poursuite en échange d'une somme rondelette, ayant d'ailleurs tendance à gonfler au même rythme que celui d'intérêts créditeurs. L'oubli, ma foi, peut se monnayer, surtout si les enjeux financiers concernent plusieurs centaines de milliers d'euros.
Réfléchissons ou plutôt, au grand désarroi de nos docteurs angéliques : ne réfléchissons plus. Qu'aurais-je fait, à la place de Roman Polanski, dans les mêmes conditions ?
Question pour le moins troublante, que tout le monde feint d'écarter comme si elle représentait la démagogie elle-même, et qui est, pourtant, quoi que l'on en dise, l'ultima ratio de ce type de cas déclenchant passions et insultes.
Dieu, je n'en sais rien !
Je sais seulement une chose : pour un homme, profiter d'une femme, surtout lorsqu'il s'agit d'une gamine, non seulement volontairement alcoolisée mais droguée, c'est de fait abandonner tout plaisir d'être un homme, de conquérir une femme.
C'est tomber de son rang. C'est ne plus savoir se contenir, ni même désirer le faire.
C'est le lâche qui donne un coup de pied, puis des dizaines, sur sa victime depuis longtemps inconsciente et gisant à terre.
C'est le pleutre qui fuit la justice d'un pays, et Dieu sait que celle des États-Unis paraît moins compréhensive et même oublieuse du passé que la justice française.
Le procureur général du district de Los Angeles a déclaré, sans l'ombre d'un sourire ni même d'une fanfaronnade : «We’ve got the dogs out, the hounds are on his trail… We will extradite Polanski from everywhere as long as there’s a treaty.»
Je crois bien que cet homme, qui s'appuie sur le droit et lui seul, se contrefiche, comme il a raison !, des états d'âme de nos petits pétitionnaires qui, s'ils étaient des chiens, seraient des caniches permanentés.
Les Américains savent encore ce que veut dire traquer un homme jusqu'à l'attraper, mort ou vif, s'il s'est rendu coupable d'un délit. Qu'importe que plusieurs années se soient écoulées depuis les faits ? Seuls les Français paraissent avoir quelques graves problèmes avec leur mémoire, y compris la plus récente. Une grande partie de l'histoire des Américains, ne l'oublions pas, s'est ainsi bâtie sur des traques d'hommes, innocents ou criminels mais dans tous les cas condamnés par la loi, comme nous le rappelle un autre roman de Cormac McCarthy, d'une violence inouïe, Méridien de sang.
Alors, que tous ces cochons grassement nourris finissent la tête plantée sur une pique, ils ne méritent qu'un silence méprisant plutôt que ces dizaines de milliers de lignes écrites à leur sujet, brouhaha qui nous détourne de tant d'êtres et de choses.
Lorsque nous ne les entendrons plus, sans doute pourrons-nous revenir à la lecture des grands livres qui contiennent dans leurs lignes impénétrables l'histoire universelle, plus grise que noire ou rouge, de l'infamie, livres dans lesquels ce qu'a vécu Roman Polanski et ce qu'il a fait vivre à d'autres sont également contenus.
Commentaires
Plus que votre note, je retiens l'ironie inouïe de l'article du New York Times, qui, hélas, suscitera sans doute moins de débats que naguère un article sur la prétendue mort de la culture française. Peut-être justement parce qu'est désigné directement dans ce texte le principe sur lequel se fonde la pérennité des élites culturelles françaises, qui est précisément le vice. Et c'est pourquoi vous avez raison de parler de "vieux faunes turgescents", quoique ce soit sans doute pour des "péchés" moins anodins qu'on veut bien le croire. Je suis très éloigné de me constituer en autorité morale dans ce genre d'affaires, mais ce n'est pas vraiment, comme vous le dites, le vice qu'on peut mettre en cause, mais l'impunité du vice, le vice de forme, son maquillage, le fait qu'on puisse le rendre "sexy" alors que tout ça n'est que très malheureux, ou très risible.
Écrit par : Gilbert | 04/10/2009
Sachez que l'âme n'a pas de sexe, et que chaque âme se réincorpore dans les résonances de ce qui lui sied le mieux, pour accomplir son évolution spirituelle terrestre.
Parole biblique : "Ne fait pas à autrui, ce que tu ne voudrais pas que l'on te fis à toi-même."
P.S. : Bonjour J.A.
Écrit par : idle | 04/10/2009
Juan ton texte est juste mais tu ‘’beurre épais’’. A force d'en rajouter on se lasse.
On le sait, une certaine élite intellectuelle française se complait et se gargarise avec la moraline. C'est plus facile. La plus grosse ânerie que j'ai entendu est celle du cinéaste Costa Gavras qui commentait une photo de Samantha Gailey a 14 ans en disant qu'elle avait l'air d'en avoir quarante...Je passe sur BHL qui n'en rate pas une. La plus sensé venait de Luc Besson...Que la justice suive son cours...
Yves Boivert chroniqueur au quotidien montréalais a fait ce commentaire le 2 octobre dernier, je le cite
‘’Moi, ce que je trouve absolument épouvantable, c’est cette indulgence pénale bon chic, bon genre. Non pas que la justice pénale américaine soit un modèle à imiter. Mais cette campagne pour mettre à l’abri de la loi certains citoyens triés sur le volet artistique, ça, c’est assez pitoyable. Sous couvert de bons sentiments, c’est en fait un plaidoyer pour une justice de classes institutionnalisée et une banalisation d’une agression sexuelle sérieuse.
Y a-t-il donc une pédophilie condamnable et une autre politiquement correcte?’’
Cordialement
Écrit par : Francis van den Heuvel | 04/10/2009
Veuillez me pardonner les erreurs suivants: Il faut lire Samantha Geimer et non Samatha Gailey; il faut lire Yves Boisvert, chroniqueur au quotidien montréalais La Presse
Écrit par : Francis van den Heuvel | 04/10/2009
Et pendant ce temps, je lis les "Carnets noirs" de Gabriel Matzneff (dans lesquels vous êtes cité, du reste...). En me demandant ce qu'il pense de tout ce tintouin...
Écrit par : Didier Goux | 04/10/2009
Polanski voisin de cellule de Manson, à Corcoran? En tout cas, voilà un cinéaste qui a quand même évolué dans des ambiances très spéciales dans les années 60/70. Ses films de l'époque et ses fréquentations laissent apparaître une fascination pour des thèmes et des modes de vie singulièrement ténébreux, même avant l'assassinat de Sharon Tate. Et à dater du 09 août 1969 à Bel Air, ce fut comme si une influence invisible et létale avait décidé de ne plus se contenter de fictions hollywoodiennes...
Écrit par : Stéphane Normand | 04/10/2009
Qui est-ce sur la photo, SVP ?
Écrit par : Hep hep hep | 04/10/2009
Pour la photo : ma petite cousine.
A Didier : je n'ai pas eu l'impression que Matzneff pensait grand-chose de cette histoire, si j'en juge par l'émission chez FOG.
Francis : merci pour tes bons conseils diététiques. La preuve tout de même que je n'ai pas beurré suffisamment, puisque, comme d'autres (jusqu'à cet imbécile pontifiant qui en privé me disait que sur cette question, Finkielkraut ne se tromperait pas, LUI) tu n'as pas compris que je me fichais des circonstances et du positionnement pro/contra. Pour ce type de note qui n'est que bavardage (un de plus), prière de t'adresser à un Cormary par exemple.
Je ne vise que ce que les hommes creux sont capables de faire.
Par homme creux, j'entends bien évidemment certaines choses.
Mais pas le temps ni l'envie de me répéter.
Idle : exactement, tout est ramassé en une seule phrase fulgurante.
Gilbert : oui, vous brûlez.
Écrit par : Stalker | 04/10/2009
Bonsoir.
Curieuse banalisation du crime que les commentaires de certains de nos représentants. Mais je reste gené par le double-lien crée par la justice américaine: monnayer ce qui ne devrait pas l'être comme vous le relever volontiers, tout en pourchassant le "généreux" donateur. Si le dollars n'intervenait pas dans la résolution du problème, celui-ci ne ressurgirait plus trente ans plus tard. Sans parler de la deuxième peine infligée à la victime: l'ambivalence. A vie...
Écrit par : Eric | 04/10/2009
Le titre de cette note m'a d'abord induit en erreur : j'y voyais une allusion cinéphilique à LE BAL DES VAURIENS, titre d'exploitation français initial du si remarquable MURDER OF A CHINESE BOOKIE [Meurtre d'un bookmaker chinois] (USA 1976) de John Cassavetes, lors de sa sortie parisienne tardive en exclusivité le 19 avril 1978.
En la lisant, je constate qu'il n'en est rien.
La biographie de Polanski a, semble-t-il, plusieurs fois flirté - activement comme passivement - avec le démon de la perversité mais c'est - peut-être significativement de l'essence de ce démon, parfaitement définie par Edgar Poe dans la NOUVELLE HISTOIRE EXTRAORDINAIRE correspondante ? - avant que son aile mortelle ne l'ait effleurée qu'il donna le meilleur de son oeuvre filmique, à savoir REPULSION (1965) et ROSEMARY'S BABY (1968) -avec ce bémol que ce dernier n'étant qu'une bonne adaptation du roman d'Ira Levin, mais le roman comme le film étant dotés d'une fin décevante. Le reste de sa filmographie oscille entre l'insupportable (CUL-DE-SAC), le médiocre (LE BAL DES VAMPIRES) et l'assez bon (ses adaptations soignées du MACBETH de Shakespeare et du TESS D'UBERVILLE de Thomas Hardy)
Sur le fond, le temps ne fait rien à l'affaire et, coupable ou non, il serait excellent qu'il soit extradé, ne serait-ce que pour le principe moral de l'imprescriptibilité du crime qu'on l'accuse d'avoir commis. Et puis de quel droit un apatride échapperait-il à la justice d'un pays qui l'appelle à comparaître en s'enfuyant dans un autre ? Ce serait trop facile ! En attendant qu'un justice internationale soit réellement mise sur pied (c'est déjà le cas pour certains délits : ce sera un jour le cas pour tous et, de toute manière, il existe déjà une police internationale), la seule manière qu'il lui reste de laver son honneur - s'il a conservé le sens de ce mot en mémoire - est de se rendre à l'appel pressant - son arrestation, donc - qui lui est fait plutôt que de tenter de s'y soustraire par des avocats payés à cet effet.
Prétendre en outre qu'un artiste fortuné pourrait, par ces qualités contingentes, échapper au droit commun, à la sanction d'un vice ayant engendré un crime, est une ignominie dont certains hommes publics de notre nation se font trop aisément les portes-voix, la trahissant ainsi en profondeur. Cette affaire de moeurs a donc ceci d'intéressant qu'elle permet une fois de plus de savoir qui est qui, moralement, politiquement aussi puisque la morale publique touche à la politique, qui est une addition de morale et d'économie, en sa définition.
Écrit par : francis moury | 05/10/2009
corrigendum à mon commentaire précédent :
"... TESS D'URBERVILLE..."
Écrit par : francis moury | 05/10/2009
Vous écrivez : "Ma foi, il me semble que le lynchage médiatique (surtout celui qui se déroule sur la Toile) que subit, le pauvre, Roman Polanski, n'est que la transposition horrifiée, démagogique ou bien gueulante de joie, d'un lynchage bien réel que le train de vie de notre immense cinéaste nous aura hélas épargné et qui eût du moins vidé la foule de ses sucs les plus inflammables."
Y a-t-il donc lynchage médiatique ? Et y a-t-il lynchage populaire, au fait ? On me dit que là-bas en France cela commence à gronder. J'ai une hypothèse: le bon peuple se foutait de cette histoire, tout comme vous ou moi. C'est l'obscénité sans fard des défenseurs de Polanski qui est l'objet réel du lynchage. Et l'étalage d'arguments écoeurants dont ils auraient pu se passer, tout en soutenant leur ami Polanski (voir Bénichou, Lelouch etc). C'est cela qui fait hurler la foule. Et vous et moi.
Écrit par : Gil | 05/10/2009
Bonsoir,
Merci pour ce texte.
à Eric : "sans parler de la deuxième peine infligée à la victime : l'ambivalence. A vie." ... Je peux comprendre que l'on lise ce retrait de plainte ainsi, mais je ne partage pas votre façon de concevoir ce que cette femme peut bien "monnayer" avec sa conscience... Vaste débat, que de savoir ce qui permet à une victime d'entrevoir pour elle-même un soulagement ou d'y parvenir de fait. Votre conclusion semble faire porter sur elle l'ombre d'un reproche qui me semble peu fondé.
Je soulignerais plutôt que cette femme ne nie pas être victime - ce qu'elle eût sans doute été invitée à faire au nom de quelque lecture pseudo-sociologique si elle eût été française de nos jours - et ne récuse en rien les faits. Rien d'ambivalent dans la force de qui a construit sur un désastre, fût-ce un pardon sans demande effective, sans châtiment du coupable. Elle est victime et ne s'en excuse pas, ne ment pas, dans l'humeur actuelle cela semblerait presque étrange.
Cordialement,
Lise
Écrit par : Lise | 05/10/2009
"Les Américains savent encore ce que veut dire traquer un homme jusqu'à l'attraper, mort ou vif, s'il s'est rendu coupable d'un délit. Qu'importe que plusieurs années se soient écoulées depuis les faits ? "
Mouais... Où est Ben Laden alors?
Sans rentrer dans d'inintéressantes polémiques, je partage assez votre avis...qui est que l'on s'en fout...
mais cependant, nous devons reconnaître que les Américains ont une rigueur morale bien plus établie que celle des Européens... ce qui contredit la fameuse phrase d'Einstein... "Les Etats-Unis d'Amérique forment un pays qui est passé directement de la barbarie à la décadence sans jamais avoir connu la civilisation."
En revanche, je m'étonne un peu que vous ayez passé des heures à traquer sur la toile le fond de l'histoire et dans les moindres détails en plus...En tout cas merci, car c'est là un travail que je n'aurais pas fait...
Continuez
Écrit par : Cherea | 05/10/2009
Cher Juan,
"Un homme déchu de son rang" écrivez-vous... Mais la question, au fond, n'est-elle pas que ces "pauvres hommes" - nous - n'en veulent plus de ce "rang", si lourd à assumer, à porter, par leurs - nos - frêles épaules?... Car, après tout, la survenue de la "barbarie" est-elle si sûre?... Et, en attendant - en l'attendant? - "jouissons donc sans entraves"!?...
Bien à vous - Bernard GRANDCHAMP
Écrit par : Bernard GRANDCHAMP | 05/10/2009
Je ne sais que penser de ‘‘l’affaire Polanski’’. Mais j’ai trouvé plutôt sensée l’intervention d’un internaute, sur le forum public du parti de l’in-nocence, selon lequel seule la loi française devrait nous intéresser dans les appréciations que nous pouvons avoir relativement aux faits commis par le cinéaste. Le même internaute rappelle qu’à l’époque de la commission des faits, la loi française était moins sévère qu’aujourd’hui : « Tout attentat à la pudeur, disait alors la loi, commis ou tenté sans violence ni contrainte ni surprise sur la personne d’un mineur de quinze ans sera puni d’un emprisonnement de trois ans à cinq ans et d’une amende de 6 000 F à 60 000 F ou de l’une de ces deux peines seulement. » Le code pénal actuel qualifie de viol toute relation sexuelle avec un mineur de quinze ans. C’est donc d’un délit que Polanski s’est rendu coupable à l’époque, et non d’un crime, prescrit de toute façon. (Délit si, du moins, Polanski a bien agi sans violence ni contrainte ni surprise, ce qui est apparemment douteux…)
Je crois savoir que la France refuse d’extrader vers des pays où la peine de mort existe des hommes qui l’encourraient. N’est-il donc pas de la même logique qu’elle s’émeuve que l’un de ses ressortissants soit extradé vers un pays où il risque d’être condamné pour un délit qui est prescrit chez elle, c’est-à-dire pour lequel il ne pourrait pas être condamné ? Peu importe qu’on soit pour ou contre la peine de mort, pour ou contre la prescription. Dure loi qui prescrit et ne tue pas, mais c’est la loi !
On se demande si les cinéastes, du seul fait qu’ils sont des cinéastes, peuvent être au-dessus de la loi. Mais ce n’est pas de LA loi qu’il est question. La question qui se pose à nous est de savoir QUELLE loi est la meilleure, ou plutôt quelle loi doit être prise en compte. Or il me semble que c’est bien à la loi française que doivent se tenir les Français.
Loi française qui, en effet, n’est peut-être pas la meilleure. On est ainsi parfaitement en droit de trouver navrant que crimes et délits puissent être prescrits un jour. Molle loi, mais c’est la loi française ! Il sera toujours temps de la changer.
C’est un problème de morale qui se pose à nous. Peut-on se satisfaire que l’un de nos concitoyens soit à la merci d’une loi étrangère parce qu’elle se trouve aller dans le sens de nos convictions personnelles ? A qui devons-nous le plus de fidélité ? Aux lois de notre pays ou à celles de notre morale personnelle ? Tout de même pas à celles de l’étranger !
Écrit par : Olivier Bruley | 05/10/2009
Cher Olivier, j'ai pourtant bien insisté sur le fait que ma note n'était en rien consacrée à toutes ces questions, effectivement complexes.
Je veux juste pointer du doigt la lâcheté d'un homme : après tout, seul Roman Polanski sait de quoi il est coupable (ou pas) et, s'il est coupable de quelque chose, de s'être soustrait à la justice, qu'elle soit américaine, française, ou régissant les moeurs des Manchots empereurs en Antactique.
Bernard : oui, nous ne voulons plus de cette stature, alors même que notre époque est absolument fascinante par l'arraisonnement qu'elle commet sur l'homme si je puis dire, tiraillé de toutes parts et de plus en plus maître d'un monde sur lequel, pourtant, il n'a pas de réel pouvoir.
Écrit par : Stalker | 05/10/2009
Bonjour Juan,
Je viens de terminer la Route et je voulais te remercier, tout simplement.
Amitiés,
Arnaud
Écrit par : Arnaud | 05/10/2009
Polanski est comme son personnage de "Cul de sac" joué par Donald Pleasance, George, celui-ci croit pouvoir fuir ses responsabilités en se réfugiant dans une petite maison perdue dans la lande, au milieu des poules, il finit tout seul entouré par l'eau qui monte, inexorablement.
Toute cette affaire est abjecte, non pas que l'on puisse juger de ce qui conduit un homme à pareil acte mais que l'on soit "puissant ou misérable" la justice n'est pas la même...
Écrit par : Amaury Watremez | 05/10/2009
C'est vrai même en se privant de télé et du bavardage médiatique le plus possible, ce début de millénaire, Seigneur, donne une envie de vomir qui dépasse celle de 1909, ça promet un alphabet épouvantable pour les mois et années à venir, l'âge de la révulsion...
Écrit par : lonylp | 05/10/2009
Je reformule ma question : D'où vient cette photo, SVP ? Cela m'intrigue. N'est-ce qu'une jolie nymphette surprise dans son bain, propre à susciter le désir d'un de ces vieux faunes turgescents tapis dans les roseaux ? Peut-être y a-t-il un lien qui m'échappe entre cette photo-ci et l'affaire Polanski.
Écrit par : hep hep hep | 05/10/2009
Si Polansky n'est pas fidèle à ses promesses, vous, vous avez l'air d'y tenir : le grand procès de la littérature ? On l'entendrait presque là, la petite voix persistante du bourreau bien cachée derrière ses défenseurs, qui eux (surtout eux) sont sous la déferlante du net.
En fait, je l'admirerais presque cette justice américaine, capable de faire prendre conscience à quelqu'un, voulant entrer dans l'histoire, ce qu'avoir trente ans d'écart signifie. Ironie du sort ? Je trouve ça aussi ironique qu'un adepte de Spinoza voulant persister par définition dans son être et ne connaissant par conséquent que la limite de sa mort, en soit réduit à s'expliquer post mortem.
Une goutte de plus versée à la grande Opinion des commentaires ...
Écrit par : Hugo | 05/10/2009
Matneff s'imagine obligé de parler d'amour à la télévision, il le fait à l'heure du politiquement correct mais moi après l'avoir lu je fermais ma télévision pour ne pas le voir à l'époque, Mitterrand n'aurait jamais dû soutenir Polanski, Mitterrand qui va se servir des enfants comme on mange un fruit, cela a desservi à Polanski. L'affaire Polanski ? Et les parents, la responsabilité parentale, cette mère qui laisse sa fille comme du pain béni à un homme qui a une réputation sulfureuse à l'époque, que mijotait la mère, où était-elle ? Polanski s'est puni lui-même, il ne peut retourner sur la tombe des siens, ni créer là-bas, ni recevoir un prix, alors laissez le, et balayez devant vos portes. Quant à son oeuvre que celui qui la critique en fasse autant, ce cinéaste est un génie mais ce n'est pas pour cela que je dis "libérez le ou assignez le à résidence".
Écrit par : francoise | 05/10/2009
Hors spiritualité, pour ne parler que juridiquement, puisque le net est un média aussi puissant qu'une T.V. ou un char "d'assaut",
contentons-nous d'exprimer un seul regret :
"A qui profite le crime?"
PS: Salut J.A.
Écrit par : idle | 06/10/2009
Réponse à Lise
Je suis tout à fait d'accord avec votre remarque, en soulignant qu'il serait bien indigne de lui reprocher cette ambivalence, étant donné qu'on la lui impose. La société et sa justice n'auraient pas, selon mon jugement, à laisser le choix aux victimes d'une contrepartie financière pour juger un crime que seule une instance "supramorale" serait en droit de punir ou d'absoudre. Il s'agit là d'une forme de perversité insitutionnelle dont Mme Geimer aura fait, comme tant d'autres, les frais. Polanski aussi, peut-être...
Écrit par : Eric | 06/10/2009
Stalker, je peux comprendre votre énervement concernant Polanski, mais moins ce dernier article sur cette pétition de 77, puisque la loi a passé depuis, la majorité sexuelle a été fixée à 15 ans en France. L'Espagne a fixé sa majorité sexuelle à 13 ans, qu'en pensez-vous...
Le Monde du 26 janvier 1977
"Les 27, 28 et 29 janvier, devant la cour d'assises des Yvelines vont comparaître pour attentat à la pudeur sans violence sur des mineurs de quinze ans, Bernard Dejager, Jean-Claude Gallien et Jean Burckardt, qui, arrêtés à l'automne 1973 sont déjà restés plus de trois ans en détention provisoire. Seul Bernard Dejager a récemment bénéficie du principe de liberté des inculpés. Une si longue détention préventive pour instruire une simple affaire de "moeurs " où les enfants n'ont pas été victimes de la moindre violence, mais, au contraire, ont précisé aux juges d'instruction qu'ils étaient consentants (quoique la justice leur dénie actuellement tout droit au consentement), une si longue détention préventive nous parait déjà scandaleuse. Aujourd'hui, ils risquent d'être condamnés à une grave peine de réclusion criminelle soit pour avoir eu des relations sexuelles avec ces mineurs, garçons et filles, soit pour avoir favorisé et photographié leurs jeux sexuels.
Nous considérons qu'il y a une disproportion manifeste d'une part, entre la qualification de "crime" qui justifie une telle sévérité, et la nature des faits reprochés; d'autre part, entre la caractère désuet de la loi et la réalité quotidienne d'une société qui tend à reconnaître chez les enfants et les adolescents l'existence d'une vie sexuelle (si une fille de treize ans a droit à la pilule, c'est pour quoi faire?) La loi française se contredit lorsqu'elle reconnaît une capacité de discernement d'un mineur de treize ou quatorze ans qu'elle peut juger et condamner, alors qu'elle lui refuse cette capacité quand il s'agit de sa Vie affective et sexuelle. Trois ans de prison pour des caresses et des baisers, cela suffit. Nous ne comprendrions pas que le 29 janvier Dejager, Gallien et Burckhart ne retrouvent pas la liberté."
Ont signé ce communiqué :
Écrit par : A.K | 29/10/2009
A. K. : mon énervement est moins dirigé contre toutes ces histoires de cul, dont toutes ne sont pas exactement des contes pour petits enfants, que contre cette petite théorie de pétitionnaires, toujours les mêmes ou presque, dont la seule activité cérébrale paraît être constituée par la signature de pétitions.
La gauche bien-pensante, affligée de cette curieuse maladie, me donne de toute façon envie de vomir depuis l'âge de mes... 13 ans, c'est dire.
Je me suis amusé, de plus, en citant Zola (je ne confonds donc pas pédophilie et "inversion"), surtype du socialisme moralisateur tel qu'il existe aujourd'hui, mais décérébré, chez une Ségolène Royal...
Écrit par : Stalker | 30/10/2009