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28/01/2010

Bons baisers de Pologne, Yannick Haenel

Crédits photographiques : Menahem Kahana (AFP/Getty Images).

À lire : Jean-Claude Durbant, François Delpla, Pascal Adam, Florent Georgesco, malgré le goût parfaitement ridicule qu'il confesse concernant la pseudo-littérature d'Haenel et surtout Jan Karski lui-même.

«Ce petit jeune homme [Yannick Haenel] décrète que je ne comprends pas la littérature. Et il ose écrire : «Contrairement à ce tribunal de l'Histoire, d'où parle Lanzmann, la littérature est un espace libre, où la «vérité» n'existe pas.» Il n'est pas de phrase plus sotte. La littérature n'a affaire qu'à la vérité; si celle-ci n'est pas l'affaire de Yannick Haenel, c'est que Jan Karski, roman, et quoi qu'en dise Sollers, n'est pas de la littérature.»
Claude Lanzmann dans Le Monde du 30 janvier 2010. Si le diable en personne avait écrit cette phrase, elle n'en serait pas moins juste.


Le texte que vous allez lire, intitulé Jan Karski : une manipulation a été publié, en langue polonaise, ici. Ce texte a été mis en ligne sur un site qui mérite quelques mots d'explication. Malgré son nom (puisqu'il s'agit d'un forum intitulé Juifs - Chrétiens - Musulmans), nous lisons bel et bien une revue publiée par la Fondation Znak, un organisme très respecté en Pologne créé par la maison d'édition Znak, l'une des plus réputées du pays.
L'auteur du texte ci-dessous est Kazimierz Pawełek, un proche de Jan Karski.
Il faut lire et relire les phrases cinglantes écrite par Pawełek, qui atténuent, pour le moins, les affirmations débordantes de bonne conscience de Yannick Haenel : «À qui ai-je porté atteinte ?, se demande ainsi, benoîtement, ce dernier dans son article, poursuivant : À Jan Karski ? Ses amis m'ont accueilli en Pologne avec enthousiasme; ses héritiers m'ont invité à l'Institut Karski de Katowice, ils m'attendent bientôt à celui de Washington.»
Il faut croire qu'en Pologne aussi, Yannick Haenel n'a pas que des amis.
Quelles conclusions tirer de ce texte que Joanna Tegnerowicz a eu l'amabilité de traduire, très rapidement, pour moi ? Toutes celles que j'ai tirées dans ma note récapitulant cette affaire : ce livre, Jan Karski bien sûr, est une imposture, ce livre est tout ce que l'on voudra sauf un roman, une fiction, ce mot qu'Haenel n'a pas le droit ne serait-ce que de chuchoter pour tenter d'assurer sa défense.
Je crois également qu'une autre conclusion s'impose : Yannick Haenel, auquel la presse, du moins celle qui, depuis des années, a entretenu et continue apparemment d'entretenir des relations privilégiées avec Philippe Sollers, ouvre largement ses colonnes, est le meilleur inventeur de propos qui, selon toute probabilité, ne sont rien d'autre que de nouveaux mensonges.
Quelques mensonges supplémentaires donc, parmi beaucoup d'autres que compile le site de Philippe Sollers, répandus sur le cadavre de Jan Karski.
Quelques mensonges supplémentaires jetés sur les millions de cadavres de Juifs.
Quelques mensonges supplémentaires qui ont été avalisés par Philippe Sollers, qui a trouvé et continue de trouver, je le cite de mémoire, le livre de Yannick Haenel très beau.
Quelques mensonges supplémentaires qui se sont vendus grâce aux bons soins d'une critique littéraire journalistique presque inexistante, en France, dans son rôle de critique : voici en guise d'exemple un texte de Jacques-Pierre Amette pour Le Point qui, après avoir paraphrasé le livre d'Haenel, timidement, ose parler d'artificialité...
Artificialité ? L'artifice peut encore être considéré comme une des facettes de la littérature même si l'artificialité, elle, semble avoir quelque mal à pouvoir prétendre à pareil rapprochement. L'imposture, elle, catégoriquement, non. Elle peut former un livre, elle peut même faire qu'il se vendra à des milliers d'exemplaires, mais elle ne saurait être rattachée à la littérature. La littérature est imperméable à l'imposture, qui tôt ou tard, comme Cénabre prenant conscience de sa tricherie avec Dieu, se dissipe comme une bulle de gaz remontée à la surface du marigot.
Jan Karski, que beaucoup de personnes semblent avoir lu, sauf peut-être celles et ceux qui sont payés pour le lire, ne sera jamais rien qui puisse être rapproché d'un roman, encore moins d'un roman réussi, encore bien moins d'une belle œuvre de littérature.
Quelques mensonges supplémentaires, enfin, qui ont été propagés grâce à la diligence commerciale de nombreux tartuffes qui ont salué ce livre, encensé ce livre, lui ont procuré une publicité maximale, l'ont fait vendre à des milliers d'exemplaires, l'ont même récompensé.
Pensez-vous que l'odeur de ces mensonges va finir par indisposer les narines délicates des acteurs de Saint-Germain-des-Prés, au moment même où le monde entier se souvient que des centaines de milliers d'êtres humains furent exterminés dans le camp d'Auschwitz-Birkenau ?
Je vous parie que non.

PS : la traductrice de ce texte, puisqu'elle ne disposait pas du livre de Yannick Haenel, a directement traduit les extraits du livre de ce dernier que cite l'auteur polonais de l'article. Il se peut donc, bien sûr, que ces quelques lignes (qu'une fois n'est pas coutume, je ne mets donc pas entre guillemets) de l'ouvrage de Yannick Haenel diffèrent sensiblement du texte original. Il fallait s'attendre, après tout, qu'une traduction, qui est toujours peu ou prou une trahison, trahisse le texte de Yannick Haenel n'est-ce pas, qui lui-même n'est pas exactement un modèle de vérité ?
PS2 : la traduction polonaise de l'ouvrage de Yannick Haenel sera publiée par Wydawnictwo Literackie, dont voici une présentation en anglais.

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L'éditeur français Gallimard vient de publier un livre par Yannick Haenel, intitule Jan Karski. L'auteur appelle son ouvrage, composé de trois chapitres, un roman.

Ce livre a quand même peu de points communs avec un roman classique. Il est une compilation d'informations, souvent fausses, tirées de sources diverses, accompagnée des réflexions fictives ou même des propos délirants de l'auteur ayant créé un nouveau Jan Karski purement imaginaire, coincé entre des événements vrais et des événements inventés par l'auteur. Un ouvrage de ce genre n'est donc pas un roman classique, comme l'écrit trompeusement l'auteur. C'est typiquement un roman à thèse avec une trame schématique qui sert à illustrer les idées de l'auteur et qui mélange la fiction et la réalité.
Le manque d'une quelconque explication sur la nature du livre, qui aurait dû figurer sur sa couverture, empêche le lecteur de se rendre compte à quel genre d'ouvrage il a affaire. C'est un grand obstacle car pour l'auteur français, la vérité et la fiction sont mélangées chaotiquement et même un lecteur informé aura quelques difficultés à séparer la vérité historique des affabulations écrites par Haenel.
Prenons comme exemple une phrase extraite du résumé de l'ouvrage. Il y est écrit : Varsovie, 1942. La Pologne est ravagée par les Nazis et les Soviétiques. Cette phrase seule pourrait nous frapper quant à l'ignorance de l'auteur en ce qui concerne les faits politiques et historiques. Comment les Soviétiques pouvaient-ils ravager la Pologne s'ils n'étaient plus là ? Même les terres polonaises dont ils se sont emparées après le 17 septembre 1939 étaient depuis longtemps sous l'emprise hitlérienne. Sur le front Nord, les Soviétiques étaient en train de défendre Leningrad contre les Allemands; sur le front Sud, ils défendaient Stalingrad, et sur le front central, les troupes hitlériennes avançaient vers Moscou. Apparemment, Haenel n'a pas écouté attentivement ses cours d'histoire lorsqu'il se trouvait sur les bancs de l'école.
Une telle ignorance, si immédiatement visible, ne nous empêche-t-elle pas de faire confiance à l'auteur ?
Pareille désinvolture mêlée à de l'ignorance est à l'œuvre dans de nombreux passages du livre. Remarquons que dans la préface déjà, en mentionnant l'ouvrage consacré à Jan Karski, Karski : how one man tried to stop the Holocaust, Haenel écrit que ses auteurs sont E. Thomas Wood et Stanisław M. Jandowski (!). C'est évidemment une erreur car le coauteur de ce livre est un célèbre historien cracovien, Stanisław M. Jankowski, et non pas un imaginaire Jandowski. Haenel a-t-il éprouvé trop de difficultés pour recopier le nom écrit sur la couverture d'un livre ?
À la page 180 de l'ouvrage, Haenel semble de nouveau éprouver quelques difficultés quant à des faits concernant la Pologne. L'auteur a ainsi promu le général Wojciech Jaruzelski au grade de... maréchal. Désinvolture ? Bêtise ? Ou peut-être la marque... d'une sincère admiration de l'auteur pour celui qui instaura l'état de siège ?
On se pose bien d'autres questions de ce genre. Ainsi, à la page 46 du livre, on trouve la phrase : Lui (Karski) est allé par train à Radom, une ville située a l'ouest de la Pologne. À la page 55, on peut lire : Une partie (des prisonniers) sont envoyés au camp de concentration à Auschwitz qui se trouvait à cent kilomètres de la capitale. De nouveau, désinvolture ou paresse ? Il suffit en effet de jeter un simple coup d'œil sur une carte de la Pologne pour pouvoir constater que Radom se trouve au centre du pays et qu'Auschwitz se situe, lui, à plus de 300 kilomètres de Varsovie. Des détails insignifiants ? Peut-être, mais de tels exemples témoignent du manque de sérieux de l'auteur non seulement en ce qui concerne de simples faits géographiques et historiques, mais également pour ce qui a trait à la personne de notre héros national, Jan Karski.
Dans son livre intitulé Story of a Secret State, Jan Karski décrit sa visite chez le président des États-Unis, Franklin Delano Roosevelt, comme une expérience marquante. Cette visite eut lieu le 28 juillet 1944, en compagnie de l'ambassadeur de la République de Pologne à Washington, Jan Ciechanowski. Elle dura un peu plus de 80 minutes. Roosevelt s'y montra attentif, pragmatique, indéniablement curieux de son hôte et des faits qu'il rapportait. Il posa à l'émissaire polonais de nombreuses questions, souvent surprenantes. Après tout, n'avait-il pas devant lui un témoin direct de l'extermination des Juifs ? Karski, qui fut en même temps un fonctionnaire de l'État souterrain polonais, un organisme unique dans toute l'Europe occupée, se tint donc devant celui – comme il le souligna à maintes reprises – qui était le leader le plus puissant, non seulement de l'Amérique, mais aussi de tout le monde libre. Convaincu que Roosevelt avait tout pouvoir, il fut attentif à chacun de ses mots et gestes. Il sortit du cabinet de Roosevelt... sans oser lui tourner le dos, comme s'il s'agissait d'une audience chez un roi. L'ambassadeur Ciechanowski en fut amusé.
Yannick Haenel, se mettant à la place du héros polonais et racontant cette visite à la Maison Blanche à la première personne du singulier, la présente comme un... cauchemar, un événement digne du royaume du Roi Ubu. Selon Haenel, non seulement Roosevelt et Ciechanowski, mais aussi des foules de fonctionnaires, des militaires, des secrétaires et même des femmes de mœurs suspectes ont participé à cette rencontre.
Selon Haenel encore, le président Roosevelt s'y montra ennuyé, les questions que soulevait Karski ne l'intéressaient pas, il bâillait, ne disait rien, son regard errait. Au lieu de regarder Karski, il préféra même contempler... les jambes d'une femme portant un chemisier blanc. Pour ces raisons, l'émissaire polonais se sentit chez Roosevelt comme... à la Gestapo, où il était soumis à une séance de tortures et ne pensait qu'au moyen de se sauver. C'est pour cela qu'il regardait avec haine la Statue de la Liberté.
C'est bien là tout un tas de mièvres bêtises. Jan Karski, au contraire, est sorti de son entrevue avec Roosevelt dans un état d'euphorie auquel ont largement contribué les mots d'adieu du président qui lui déclara : Vous direz à votre nation qu'elle a un ami dans cette maison. Karski a pris ces mots au sérieux et pensé que sa visite avait été... une réussite totale. Ciechanowski dut même modérer l'autosatisfaction de Karski.
Si Haenel avait davantage lu, au sujet de Jan Karski, qu'inventé à son propos, il n'aurait certainement pas mis dans sa bouche l'accusation que l'on peut lire à la page 127 du livre : La guerre n'est pas encore finie, mais la Pologne a déjà été vendue à Staline. Et non pas seulement parce qu'à cette époque l'émissaire polonais ne pouvait pas prévoir Yalta, mais pour la simple raison qu'il ne pensait pas ainsi. Il faisait confiance aux Américains et aux Anglais.
S'il s'était davantage documenté, Haenel n'aurait pas non plus fait dire à son Karski que les Américains prenaient tous les Polonais pour des catholiques fanatiques et – inévitablement – pour des antisémites. Contrairement aux dires d'Haenel, les Américains n'étaient pas si idiots que cela. La mission de Karski allait à l'encontre de ce stéréotype. Si l'auteur avait lu quelque chose sur l'État polonais souterrain, peut-être aurait-il découvert le nom Żegota, celui d'une organisation polonaise, unique en Europe, qui fut fondée dans le but de sauver des Juifs, et cela au mépris même de la vie de ses membres. Karski a évoqué Żegota aux Américains. Comment ces derniers auraient-ils donc pu penser que tous les Polonais étaient des antisémites ?
L'auteur français a visiblement les idées fort embrouillées [littéralement : un chaos dans la tête]. Mais comment pourrait-il en être autrement si ses réflexions sont fondées sur des idées délirantes, des rumeurs et des obsessions ? À moins qu'il ne le fasse consciemment... Quoi qu'il en soit, il nuit indéniablement à l'image de Jan Karski qui fut bien loin d'accuser l'Amérique d'une trahison et n'alla jamais jusqu'à comparer la Maison Blanche au siège de la Gestapo.
Dans le livre d'Haenel, on peut relever pas mal d'accusations à l'adresse des États-Unis et de leurs institutions gouvernementales. L'auteur affirme ainsi qu'ils ne se sont pas intéressés au sort des Juifs massacrés en Europe puisqu'ils ne voulaient pas les accueillir chez eux. À la page 131, Haenel ne mâche pas ses mots : L'antisémitisme étatique anglo-américain pouvait impunément organiser [le] blocage administratif [de la question juive]. Un antisémitisme étatique anglo-américain, qui plus est organisé et impuni ? C'est un fantasme ou une imputation infondée.
Nous pourrions ajouter que c'est plutôt une marque de la traditionnelle bienveillance française à l'égard de la Grande-Bretagne et des États-Unis.
Dans ce livre, nous trouvons d'autres affabulations et idées délirantes. Exemple classique de ces idées loufoques : le long monologue intérieur de Karski observant ce qui se passe avec les Juifs au camp de transit, à Izbica. Selon Haenel, en voyant les hommes, les femmes et les enfants qui allaient a la mort, Karski désira les rejoindre et mourir avec eux. Quelle absurdité !
Tout d'abord, l'émissaire polonais ne pouvait pas voir des femmes et des hommes allant à la mort à Izbica car un camp de transit n'avait pas pour but l'extermination, mais uniquement le transport des Juifs des trains qui arrivaient vers les trains de marchandises qui étaient dirigés vers le camp
d'extermination de Belzec. Ensuite, il était venu a Izbica (et plus tôt au ghetto de Varsovie) non pas pour rejoindre les Juifs et mourir, mais pour les sauver. Il pouvait espérer le faire seulement en restant en vie, par le biais de ses rapports. Les autorités de l'État polonais souterrain et les Juifs eux-mêmes attendaient cela de Karski et rien d'autre. La seule pensée réelle (et non imaginaire) qui préoccupait Karski quand il se trouvait à Izbica – en uniforme de garde ukrainien – était de ne pas se trahir et de ne pas être arrêté.
Nous pourrions abandonner Yannick Haenel avec ses idées délirantes mais nous n'avons pas le droit de le faire parce qu'il les impute a Jan Karski lui-même. Il est vrai qu'il s'agit d'un Karski-Haenel fictif, mais ce personnage peut bien tromper un lecteur qui ne connaît pas le vrai Jan Karski, ses
intentions, ainsi que ses activités pendant et après la guerre. Particulièrement en ce qui concerne le fait d'avoir attiré l'attention du monde sur l'extermination des Juifs organisée par les Nazis.
Pour les gens qui ont connu le professeur Jan Karski, aux bord de la Vistule et de Potomac, et qui l'ont fréquenté pendant de longues années,
le fait qu'un auteur français inconnu [sic] lui impute de fausses pensées et actions est particulièrement douloureux. C'est une profanation impunie de sa mémoire car le Professeur lui-même a quitté ce monde et ne peut plus se défendre. Cependant, puisque nous sommes pour la liberté, y compris celle de la parole, tout comme Jan Karski l'était lui-même, ce compte rendu n'a pas pour but d'interdire à Yannick Haenel d'écrire ses élucubrations ou de limiter leur accessibilité, mais uniquement d'avertir le lecteur : ce livre appartient au genre de la fiction
historique, politique et psychologique et a été écrit pour des motivations difficiles à cerner.
C'est tout simplement une manipulation.
Jan Karski gardait dans ses archives personnelles une collection de documents appelée Camera obscura. Il y archivait des libelles
injurieux sur sa personne, des calomnies écrites, et même des menaces et des insultes directement envoyées à son adresse postale. Il les amassait soigneusement et avec persévérance. Il refusait catégoriquement de détruire ces documents. Il aurait probablement rangé l'ouvrage dont je viens de parler dans sa Camera obscura.

Kazimierz Pawełek*

* L'auteur est journaliste et écrivain. Il a été l'ami de longue date de Jan Karski, un des membres fondateurs de Towarzystwo Jana Karskiego (Association des amis de Jan Karski) et son président depuis sa création en 2003. Il a exercé la fonction de sénateur de la République de Pologne durant les années 2005-2007.

Commentaires

Haenel finira-t-il pigiste pour Transfuge?
(à moins qu'il le soit déjà??)

Écrit par : Stéphane Normand | 28/01/2010

Voilà qui assène un sacré coup de massue sur le crâne de ce pauvre Haenel...
L'amitié qui lia l'auteur du texte à Karski est un gage de vérité.
Compte tenu des bourdes immenses commises et relevées ici, on ne pouvait que s'attendre à ce que Haenel ne se soit JAMAIS renseigné sur lui ni désiré le rencontrer ce qui aurait pu lui être utile, on l'aura constaté.
Où est donc passée la probité et le sérieux qui firent la réputation de la maison de la rue Sébastien-Bottin? (Je sais, ça fait un moment que ça dure...)
Reviens Paulhan! remettre tout ça à sa place : dans le caniveau...
En tout cas, bravo à vous, Juan, ainsi quà Joanna Tegnerowicz pour la rapidité de sa traduction et la pertinence de ce texte qui en dit long sur l'état - plus que jamais - en décomposition des lettres françaises et de leurs auteurs... inconnus! Salud!

Écrit par : Charles | 28/01/2010

Je n'ai pas lu ce livre de Haenel. Mais si, en effet, rien n'est annoncé (au moins en préambule, ce qui semble être le cas) quant aux "libertés" que s'autorise l'auteur autour de faits historiques sensibles, on peut se sentir plus que dupé. L'écrivain a beau se défendre (en vidéo sur Mediapart) en évoquant la nécessité de l'imaginaire dans la "transmission" affective de l'Histoire (et là j'aurais tendance à être d'accord avec lui), il est des imprécisions — comme celles qui ressortent clairement de cette traduction —, des torsions délibérées, qui non seulement trahissent la vie et la réception de Jan Karski auprès du public (surtout que le roman s'intitule : "Jan Karski"), et là c'est assez grave, mais qui montrent que cette sorte de syndrome du coucou est d'autant plus laid que l'hôte n'est plus. Le sujet est quand même sérieux. Et là, il semble que ce soit le théâtre de guignol. (J'exprime ceci avec la réserve, bien sûr, de ne pas avoir lu ce livre et de ne me baser que sur le texte traduit ici, je le répète.)

Écrit par : NLR | 28/01/2010

J'ajoute que la vraie question, finalement, semble être autour de l'ambigüité du mot "roman" (destinée à faire vendre, évidemment, puisque "essai biographique", outre qu'on s'en détourne plus facilement, eût nécessité de la part de YH une tout autre approche — aucune torsion imaginaire, et un travail de recherche autrement plus sérieux).
Peut-on réécrire l'Histoire en la transformant, en l'arrangeant pour faire passer des idées d'auteur. Qu'adviendrait-il d'un auteur qui commettrait le roman suivant (dans un registre moins sensible et plus lointain) : "Pablo Picasso", en s'intéressant à sa peinture, certes, mais en le faisant passer, librement et sans l'annoncer, pour ce qu'il n'était pas (un mec timide, éjaculateur précoce, homosexuel nocturne, grand amateur de tir à l'arc, etc.). Question éthique autant esthétique ; qui reste ouverte. "Roman", disons, c'est un peu l'excuse. Aux lecteurs de ne pas se laisser enfumer.

Écrit par : NLR | 28/01/2010

Cette note me fait penser, quoique le parallèle soit surement trop flatteur pour M.Haenel, au Docteur Faustus de Thomas Mann. Selon A.Neher au moins (Faust et le Maharal de Prague, PUF, 1987) Thomas Mann trahi Arnold Schoenberg et dénature sa pensée dans son roman.

Merci pour la mise en garde.

Écrit par : Paul Cardon | 28/01/2010

Vous avez parfaitement raison, Juan Asensio de souligner l'imposture de ce petit balladin léger des sphères germanopratines. Non seulement, et il n'y a guère besoin d'avoir fait de longues études d'histoire pour s'en rendre compte, un bon manuel de Terminale suffirait, il est des passages, comme ceux que vous citez avec la "Pologne de 1942 déchirée etc etc" qui montrent une inculture historique impressionnante, abyssale, mais encore, on a l'impression d'une magouille médiatique, d'un "coup" commercial. Décidément , il fallait bien que les morts de la Shoah, servissent encore à quelque chose, à extraire le petit sou, encore le petit sou, pour engraisser Gallimard. On est dans le putanat littéraro-historique. Et puis quelle misère de style!!! Quelle écriture pour vendeur de fenêtre PVC en kit ! Ça sent l'étude de marché. On imagine une réunion d'analphabète dont l'un soudain découvre que c'est le 65ème anniversaire de la libération des déportés d'Auschwitz (car l'expression "libération des camps est gratinée) et qu'on a là un "créneau porteur". C'est le triomphe de l'inhumanité totalitaire. Et à cause de pareils livres, si l'on ose parler de livres, les morts d'Auschwitz n'en finissent pas de mourir.

Écrit par : montaigneàcheval | 28/01/2010

Mon cher Nicolaï, il y a plusieurs choses dans ce livre, comme je l'ai écrit dans ma critique pour Valeurs actuelles, reprise sur Stalker :
1) ce livre, appelé roman sur la première de couverture, n'en est pas un
2) c'est la simple juxtaposition de trois parties qui ne sont elles-mêmes, sauf la troisième et dernière, que des paraphrases de 1) Shoah de Lanzmann et 2) le propre livre de Karski
3) la troisième, comme Màc le souligne, est sidérante : non pas tant parce qu'elle serait fictionnelle mais parce qu'elle est d'une pauvreté stylistique absolue.
Cela fait donc beaucoup pour un seul livre, alors même, je vous le rappelle, que Yannick Haenel est en procès contre une romancière, dont j'ai accueilli le texte, pour... plagiat...
Même constat à faire sur le livre écrit en collaboration avec François Meyronnis, Prélude à la délivrance : tout cela sent la copie de petit khâgneux appliqué, tirant la langue au moment de placer sa petite citation de Nietzsche.
Bref, ce duo est tout ce que l'on voudra sauf, à mon humble avis, d'authentiques écrivains.
Le pire est qu'ils ont pu faire illusion, et cela auprès de plusieurs personnes/auteurs/écrivains, j'en ai eu des confirmations personnelles.
Puissé-je, par ce modeste travail critique et/ou de mise à disposition d'autres textes, aider à ouvrir quelques paupières closes...

Écrit par : Stalker | 28/01/2010

Un travail tout à fait salutaire, cher Juan, et la réactivité de la traductrice est à souligner. (J'aime bien le côté "points sur les i" de ce blog, devenu nécessaire.) C'est vrai que du coup, l'intérêt du livre de Haenel devient tout à fait mineur. Disons anecdotique. Mais il a bien fait son beurre, déjà ; comme ça que ça marche. Qu'est-ce qu'on pourrait bien imaginer pour les 70 ans ? Darrieussecq qui va nous raconter qu'Anne Franck n'a pas existé ? Que ça n'était qu'une farce ? Voyons voir. C'est sympa la fiction. Il a sûrement quelque chose de super à trouver...

Écrit par : NLR | 28/01/2010

Revu hier soir la seconde partie de SHOAH (*) hier soir, donc précisément la partie où Jan Karski est filmé - son intervention demeure bouleversante et tout à fait passionnante - et s'explique sur les conditions et la genèse de son action.

Dans un tel contexte, le texte polonais que tu nous présentes aujourd'hui, cher Juan, (bien) traduit en français, est important et achève décidément de discréditer le "roman" français récent en question. Il fallait juger sur pièce, avais-je écrit dans un commentaire précédent sous un article antérieur relatif au même sujet. Nous les avons.

La Pologne - Pologne si longtemps francophone : on soutenait, si je ne m'abuse pas, avant-guerre des thèses de doctorat écrites en français à l'Université de Cracovie ! - et la France ont une vieille tradition d'amitié, d'amour et d'estime qu'il ne faudrait pas que cette navrante - je pèse mes mots - affaire littéraire entaille trop.

La publication de cette critique polonaise par tes soins, cher Juan, après ta salvatrice mise en garde, contribue heureusement à rétablir la vérité intemporelle de nos rapports historiques.

---------

(*) dont les sous-titres jaunes ne sont pas les sous-titres d'origine : ont-ils été recopiés à l'identique sur ceux de la version cinéma initiale ? Je n'ai pas les moyens de le vérifier car je ne dispose pas d'un enregistrement plus ancien de cette version. Il y avait quelque flottement parfois sur un mot ou l'autre lorsqu'il s'agissait d'anglais, même si l'ensemble demeure une performance : il est rare qu'un film fasse intervenir autant de langues y compris dans le cas d'un très long métrage tel que celui-ci.

Écrit par : francis moury | 28/01/2010

Encore du gavage mémoriel cette histoire — tout ce cirque, non ? Avec faux en écriture en plus ? Ces hordes germanopratines n'en sont plus à une fourberie près pour s'engraisser. Tiens, il leur faudrait une bonne guerre à ces pignoufs nombrileux ; ça leur apprendrait à penser, à vivre et à écrire sur le grill.
Bon, je retourne me flageller pour expier le prochain tremblement de terre.

Écrit par : Martin Lothar | 28/01/2010

A se demander si le principal inconvénient d'être mort serait de ne pas pouvoir revenir botter le cul des nécrophages.

Écrit par : PMB | 29/01/2010

Cher Juan,

Je n'ai pas lu ce ''livre'' d'Haenel - mis déjà ici par vos soins au parfum du jeune homme... Du reste, je ne lis que très peu de contemporains (hors Quignard et Michon), et quand j'ai du temps à gagner - comme d'autres en ont à perdre, je me (re)plonge dans mon cher Péguy...
Mais je voulais juste vous dire que, outre vous honorer, votre propre critique et cette traduction montrent à nouveau votre rigueur. Et, justement parce que à nouveau, je voulais à nouveau moi aussi vous en dire ma satisfaction...
Merci, et puissiez-vous continuer ainsi.

Fidèlement au rendez-vous du blog et,

Bien à vous.

Écrit par : Bernard GRANDCHAMP | 30/01/2010

Peut-on entrer honnêtement dans une polémique contre un livre sans l'avoir lu? La réponse est non.Je n'ai pas lu Jan Karski parce que votre critique était dissuasive, cher Juan. Toutefois, à la suite de Yannick Haenel déclarant qu'il n'avait formulé qu'une hypothèse sur le silence de Jan Karski après la guerre et ayant lu tous les livres de Yannik Haenel sauf Jan Karski, je me permettrai de formuler quelques hypothèses sur la conception de la littérature qui semble être la sienne. Je précise que je n'ai jamais rencontré cet auteur, que je n'ai eu avec lui qu'un bref échange épistolaire, que je ne nourris aucun ressentiment à son égard, que sa personne m'est complètement indifférente, que j'écris ici en toute sérénité.
Telle qu'elle nous est présentée, la conception de ce livre semble expérimentale: mélange ou fusion de documentaire et de fiction. Les deux premières parties documentaires relèveraient de la démarche naturaliste, dans le souci d'établir la vérité des faits, la troisième partie, de la fiction entendue comme une hypothèse inventée mais fondée sur la documentation.
Une telle conception pose le problème de l'articulation des deux procédés. Dans le roman naturaliste, la documentation est subsumée dans la fiction, le travail de recherche n'apparaît pas.
Un entretien entre Florent Georgesco et Yannick Haenel paru dans la Revue Littéraire il y a six mois et remis en ligne sur le blog des Editions Léo Scheer éclaire sans véritablement le dénouer le nœud où s'enchevêtrent vérité et fausseté( que je serais bien incapable de dénouer, n'ayant pas lu le livre). Je note que F.Georgesco, comme Pawelek, a vu dans Jan Karski un roman à thèse : Haenel défend la thèse des Alliés complices de l'extermination des juifs par leur surdité, leur incrédulité, d'où une volonté de ne pas intervenir qu'il différencie soigneusement d'une volonté d'exterminer eux-mêmes. Toujours dans le même entretien, Haenel affirme que sa troisième partie fictive est une interprétation d'une phrase de Jan Karski: "Je suis un catholique juif". Selon lui, cet énoncé signifie qu'ayant vu l'horreur des camps d'extermination, Jan Karski ne pouvait plus être catholique mais "faisait un saut" dans la spiritualité juive, devenait juif. Cela signifie que le salut christique devenu impossible, Jan Karski avait recours au salut selon le judaïsme, "une pointe d'allumette", une lumière dans les Ténèbres, à savoir le salut par la Parole, d'où une conception mystique de sa prise de parole au nom des juifs.
Sur ces éléments et d'après ma lecture des précédents livres de Yannick Haenel, j'établirai quelques hypothèses.
Ma première hypothèse suppose que Yannick Haenel reste empêtré dans l'idéologique,d'essence naturaliste, un comble pour un auteur qui, à la suite de son mentor Philippe Sollers, voue le plus grand mépris au roman naturaliste. Comme l'écrit Pawelek, la thèse des Alliés complices ne tient pas et comme l'écrit Claude Lanzmann, quel hommage aux combattants de Omaha Beach! Pour un romancier, pour un véritable écrivain, l'Histoire ne peut se réduire à une interprétation unilatérale et idéologique. Haenel n'a sans doute pas suffisamment médité Heidegger. Penser que les forces qui s'affrontaient dans la seconde guerre mondiale et que l'Holocauste relèvent de la même aîtrée nihiliste ne peut aboutir à une vision aussi réductrice et simpliste, celle de la complicité. Il eût été plus pertinent de s'interroger sur le Tragique de cet épisode de l'Histoire que C.Lazmann ne fait qu'effleurer.
Selon ma deuxième hypothèse, il y aurait un écart , une disjonction entre la conception de la littérature de Haenel et sa mise en œuvre dans l'écriture. Ce livre semble soulever de multiples questions sur la notion de fiction, ses limites quant au rapport à la Vérité.Il semble que Haenel ne se soit pas mis à la place de Jan Karski mais qu'il ait pris sa place, qu'il l'ait identifié à lui-même, au lieu de s'identifier à lui, qu'il ne soit pas sorti de lui-même mais qu'il ait enfermé Jan Karski en lui-même. Que sait-il de la spiritualité de Jan Karski? Sur quoi fonde-t-il son interprétation de la phrase de Jan Karski, "Je suis un catholique juif", si ce n'est sur sa propre spiritualité? Que penser de la spiritualité de Haenel, empêtré dans l'idéologique?
Haenel semble avoir repris dans Jan Karski la position d'énonciation prise dans "Cercle". Le "je" de Cercle est censé être celui d'un narrateur-personnage fictif mais ce "je" reste très près de l'auteur Haenel. On touche là à l'extrême difficulté de cette position d'énonciation contaminée par le genre de l'autofiction qui sacralise la subjectivité. Haenel ne cesse de parler de ses "extases" mais une véritable extase est dite en silence, sans être énoncée comme telle. La narration de "Cercle", enclose dans un seul et unique point de vue, clôture par là même la réalité en la dépouillant de sa part de mystère, de silence. Au contraire, dans "Absalon, Absalon!" de Faulkner, par exemple, à travers la polyphonie, la réalité se déploie dans ses aspects multiples, changeants, un mouvement insaisissable et c'est la connaissance de cet insaisissable qui ouvre la voie à la Vérité comme transcendance.D'après ce que j'ai lu de Haenel, je le crois encore trop dans l'immanence.
En conclusion, cette polémique pose des questions quant à la conception de la littérature et c'est dans ce champ qu'il faut chercher l'imposture, laquelle n'exclut pas nécessairement la sincérité. Je crédite Haenel de sincérité. Prosaïquement, je me demande s'il s'interroge sur son propre destin de "scissioniste" déclaré devenu "homme de lettres", récompensé par le prix FNAC avant même que son livre soit distribué en librairie et par l'Interallié alors qu'il n'est pas journaliste.

Écrit par : Elisabeth Bart | 30/01/2010

Excellent commentaire, Elisabeth, soyez-en remerciée.
Je connais moins que vous l'oeuvre d'Haenel et ne commenterai donc pas vos hypothèses, plausibles plus que probables.
La chute de votre commentaire me plaît davantage : ces types, Haenel, Meyronnis et, avant eux, leur cher papa, Philippe Sollers, qui se déclarent révolutionnaires à tout bout de phrase, ne sont rien de tout cela bien sûr.
Je doute même, je le doute à vrai dire de plus en plus, qu'ils soient des écrivains.
Vous ne l'avez pas lu, Jan Karski : lisez-le, et vous constaterez tout de même que ce livre est d'une pauvreté d'écriture extraordinaire, sans la moindre commune mesure avec le bouquin le plus nul (choisissez le titre de votre choix) inspiré par le zolisme...
Livre à thèse ? Mais enfin, même pas, cela ne vaut pas trois lignes de Sartre ou d'Aragon !
Quelle est la thèse de Yannick Haenel ? Un anti-américanisme primaire ? Oui. Un anti-occidentalisme larvé ? Oui. Un anti-christianisme d'autant plus retors qu'il se drape sous le paletot élimé d'un bazar vaguement théologique portant le nom fourre-tout de sacré ? Oui, mais rien de neuf là-dedans, tout cela traîne dans les premiers textes de Ligne de risque.
Non, à vrai dire, je ne sais pas trop quel nom il faut donner à un bouquin pareil, si ce n'est celui de coup commercial et, je l'ai écrit et le redis de nouveau, imposture.
Imposture d'autant plus éclatante qu'elle est gonflée par tous les relais médiatico-sollersiens et, plus largement, puisque notre Ministre de la culture n'en fait pas un secret d'Etat, par tout ce qui se rapproche des officines culturelles.
Nous avons donc : imposture, d'autant plus énorme qu'elle est légitimée par le tout petit monde parisien médiatico-culturel le plus étriqué.
Ah oui, belle dissidence, Yannick Haenel !

Écrit par : Stalker | 30/01/2010

Le MRAP t'a épinglé le Stalker à sa mémère !!!!

J'espère que tu vas apprécier d'être dans la catégorie "arts sciences et littérarure", moi je t'aurais plutôt casé dans "art du blabla" !

Alors .... champagne ?

http://www.mrap.fr/campagnes/RacismeInternet/rapport-MRAP2009.pdf

tu es en 5.3

En tout cas, moi, je n'y suis pas ....... on n'épingle pas le menu fretin à moins que je sois clean de toute infamie !

Écrit par : Yfig et les racistes de services ! | 30/01/2010

Pour l'Honneur de Yannick Haenel.

Elisabeth Bart, voyez-vous plus c(Lair) maintenant? Vraisemblablement non puisque vous nous proposez une "dissertation" sur l'oeuvre de Yannick Haenel, et que vous avouez n'avoir pas lu son dernier livre. Hors-sujet donc.
Montaigneàcheval: Combien de fois êtes-vous tombés de votre cheval pour dire autant de bêtises?

Sur Mediapart, Haenel se défend remarquablement contre les attaques des deux propriétaires de la shoah; écoutez-le, on est loin, le concernant, de la mièvrerie dont parle notre hôte.
Demain dimanche 31 janvier cette affaire devrait à nouveau rebondir puisque c'est le jour de la chronique mensuelle de Philippe Sollers dans le Journal du Dimanche.
J'avais parié que Sollers ferait une allusion à la sortie du livre de Marc-Edouard Nabe, qui ne peut s'acheter que sur Internet, en dehors de tout circuit commercial (pas d'éditeur, de maison d'édition), mais avec cette énorme polémique je crois que Nabe n'aura pas cette aide...

Juan Asensio:A quand un Juan Karski?...

Écrit par : Denis Lair | 30/01/2010

Je viens de lire la réponse de Claude Lanzmann à Yannick Haenel parue dans "Le Monde", ainsi qu'une sorte de journal de Y.Haenel sur cette polémique qui confirme l'emprise idéologique dont je parle dans mon commentaire, et enfin un bref billet de Sollers sur le site:
http://www.pileface.com
Lanzmann dit que Sollers ment, Sollers dit que Lanzmann ment. Qui devons-nous croire, qui pouvons-nous croire? Je vais lire Jan Karski, quitte à contribuer un peu plus au succès commercial de ce livre. Mais comment vais-je pouvoir le lire, saurai-je faire abstraction de cet envoi réciproque du verbe "mentir" entre Lanzmann et Sollers? Il y a du mensonge, dans cette polémique et la phrase de Haenel, "la littérature est un espace libre où la "vérité" n'existe pas", même si le mot vérité est entre guillemets, même si c'est un lapsus, est terrible.

Écrit par : Elisabeth Bart | 30/01/2010

Je recopie ici le commentaire qui suit que j’ai posté hier soir à la suite de votre commentaire. Il peut intéresser historiens et écrivains. Bien à vous.
(source : http://www.livres-coeurs.fr/Reportages/Rencontres/Yannick-Haenel-Jan-Karski-rencontre.html ) :

Bonsoir,

Si le texte de Yannick Haenel avait été publié dans la collection « essais » de Gallimard, je vous aurais donné entièrement raison. Mais Jan Karski est publié dans la collection « L'INFINI » du même éditeur et dans la même collection que son précédent roman Cercle. De plus, il est bien précisé sur la couverture, Jan Karski, roman. On lit également en préambule page 9 l'avertissement que j'ai mentionné dans mon précédent commentaire.

Vous évoquez le style. « Le style, c'est l'homme. » Que dire du style de Yannick Haenel ? Pour ma part, je me contenterai de dire que j'ai bien retrouvé à certains moments dans Jan Karski le style de l'auteur de Cercle – je le dis dans le texte qui précède. Je n'ai pas trouvé cela déplaisant. Et puis, la littérature ne peut se réduire à la seule question du style.

Tous les détracteurs de Yannick Haenel usent du même procédé : faire glisser le texte Jan Karski (la troisième partie) sur le terrain de l'essai. Eh bien non, ce texte est définitivement une fiction et se revendique comme telle. Bien qu'il soit très documenté, ce texte relève de l'œuvre d'art et non de la recherche scientifique ou historique. Bref, il est littérature.

Malgré les avertissements qui précèdent et qui se suffisent à eux-mêmes, en voulez-vous une preuve ? Prenons un exemple emblématique, la rencontre de Jan Karski avec Roosevelt – ce passage pourra d'ailleurs servir d'exemple en cours de littérature ; faut-il rappeler que l'auteur était il y a peu encore professeur de littérature ? Cette rencontre, je la vois comme une allégorie représentant l'inertie, l'attentisme des Alliés, des démocraties face à l’extermination des Juifs. Le bâillement à répétition de Roosevelt, le canapé, etc. tout cela participe de l’allégorie. Or, jamais vous ne trouverez d'allégorie dans un essai.

Yannick Haenel écrit par exemple : Citer :

“Chaque fois, dans les pires conditions, j’avais réussi à m’évader. Mais comment s’évade-t-on d’un canapé ? En sortant ce soir-là de la Maison-Blanche avec l’ambassadeur, j’ai pensé qu’à partir de maintenant c’était le canapé qui allait régner sur le monde, et qu’à la violence du totalitarisme allait se substituer cette violence-la, une violence diffuse, civilisée, une violence si propre qu’en toutes circonstances le beau nom de démocratie saurait la maquiller.” (p128)

Cette allégorie ne parle-t-elle pas d'elle-même ? N'y êtes-vous pas sensible ?

Quant au caractère prétendument "contestable" des thèses énoncées par l'écrivain, si c'était le cas Yannick Haenel serait assurément loin d'être un précurseur en la matière. On pourrait par exemple regarder du côté de la SF, de l'anticipation, des fictions historiques et même de la philosophie politique ! Les romanciers exposent dans leurs fictions des thèses qui doivent faire ricaner plus d'un physicien, biologiste, sociologue, économiste, épistémologue, etc., et historien bien sûr.

Et pourtant, l'intérêt du texte de Yannick Haenel est que, malgré toutes les approximations, il nous dit en filigrane quelque sur le monde, sur le réel. Parce que justement nous sommes dans la fiction, dans la création, dans la littérature, dans l'art enfin, et que ces approximations n'empêchent en rien de dire quelque chose de pertinent et de juste sur le monde, sur le réel. La pertinence et la justesse de ton relèvent de l'intuition du créateur, de l'artiste. Et il y a justement de cela dans le Jan Karski de Yannick Haenel. Car au-delà des procédés littéraires, si nous lisons quelques approximations géographiques et historiques, cela n'affectent en rien la pertinence d'ensemble du texte.

Encore une fois, on note dans le texte – et c'est la marque incontestable de la littérature, no us l'avons dit –, l'usage de procédés littéraires tels que l'allégorie, usage impensable dans un discours scientifique ou historique. La description de l'entretien entre Jan Karski et Roosevelt relève entièrement de la fiction. Les exagérations sont telles qu'il est impossible de prétendre de bonne fois qu'elles relèvent d'une quelconque falsification historique. Elles relèvent de l'invention, de la création et plus précisément du procédé littéraire de l'allégorie. Prétendre le contraire malgré l'évidence et malgré les avertissements de l'auteur relève au mieux de la mauvaise foi, au pire de la malveillance pure et simple.

Je crois au contraire que le texte de Yannick Haenel nous dit quelque chose d'important sur le monde et sur la nature humaine, l'humanité. Jan Karski est selon moi un texte littéraire, non pas génial, non pas inoubliable, mais important. C'est un texte impertinent certes, mais qui n'est pas sans pertinence, tant s'en faut. (Par rapport à l'importance littéraire, artistique du texte, nous pourrions aussi approfondir sur la forme de l'ensemble du texte.)

Alors, pourquoi des réactions aussi violentes vis-à-vis de Jan Karski troisième partie qui n'est au final qu'une fiction littéraire ? Pourquoi un tel acharnement à faire glisser un texte qui d'emblée se positionne comme une fiction – et qui de surcroît a toutes les caractéristique s d'une fiction – sur le terrain du discours scientifique et historique ? Je m'interroge.

N'est-ce pas parce qu’incidemment c'est Shoah qui se trouve questionné à travers le texte de Yannick Haenel ? S'il ne s'agit pas de remettre en cause la réalité, ni les proportions de l'holocauste, que penser du caractère objectif, scientifique, historique d'un documentaire de huit heures qui a nécessité plusieurs années de tournage et qui est l'œuvre d'un seul homme ? Que c'est un travail énorme pour une œuvre d'art singulière, atypique, géniale. Tout cela est vrai. Mais on a aussi le droit en tant qu'être humain et devant l'histoire de questionner les nécessaires partis pris et choix faits par l'auteur, l'artiste. Aussi, d'un point de vue historique, ne faut-il pas regarder Shoah comme un scientifique regarderait les résultats d'une expérimentation menée en dehors de protocoles scientifiques dans des conditions étranges, atypiques, etc. et avec des résultats certes très intéressants, mais qu'il faudrait aussi considérer avec prudence et réserve.

Aujourd’hui, un documentaire qui aurait une prétention scientifique et historique sur un sujet aussi vaste et complexe que l'holocauste serait mené par une équipe pluridisciplinaire de chercheurs, et non par un seul homme. Shoah est incontestablement une œuvre d'art, un monument. Et en tant qu'œuvre d'art, elle nous dit des choses sur le monde ; mais elle est aussi empreinte de toute la subjectivité et des choix de son auteur. Tout comme le Jan Karski de Yannick Haenel.

Cordialement.

Écrit par : Renaud | 31/01/2010

Mieux que nous ne saurions dire, mieux que nous n'avons dit.

NdJA : j'ai rétabli, Elisabeth, le lien correct, puisque celui que vous m'avez donné pointait vers une page introuvable.

Écrit par : Elisabeth Bart | 31/01/2010

Jan Karski est un personnage réel, le bouquin de Haenel porte ce titre au surplus, et on voudrait nous faire croire à la thèse du roman, pure fiction ? Allons ! Et la vérité n'existe pas dans un roman, puisque c'est un roman ? Allons !

Demain, moi, alors, je vais intituler un bouquin « Philippe Sollers », dont les deux premières parties seront du blabla rigoureusement historique, et la troisième une pseudo-fiction où je montrerai Sollers en train de méditer et où je lui prêterai une forte attirance sexuelle pour les enfants, avec aveux implicites d'expériences en ce domaine. Ce sera un roman, puisque ce sera mentionné sur la couverture. Eh bien, j'attends de connaitre la réaction du véritable Philippe Sollers !

Écrit par : Yanka | 31/01/2010

Du Jan Karski réel opposé à son personnage fictif nommé comme lui.

Yanka a raison ! Il exprime à sa manière vivante, vigoureuse ce que je pense moi-même, en effet, après avoir lu la défense par Renaud de ce roman.

C'est une défense qui repose sur l'autonomie - se donner ses propres lois -de l'art : le principe est juste. Mais il ne s'applique justement pas à un livre qui joue sur le fait qu'il a pour titre le prénom et le nom d'un homme historique ! Dont c'est le signe distinctif parmi les autres livres, et celui qui le fera vendre. Les critiques - celles traduites du polonais comme celles de Claude Lanzmann prouvent, en outre, que ce livre contient un certain nombre d'erreurs, d'approximations, d'absurdités réparties dans toutes ses parties, pas seulement dans la troisième !

On peut accepter que Flaubert intitule ses romans "Madame Bovary" ou encore "Bouvard et Pécuchet" parce que son objectif (atteint) était, comme l'était celui de Balzac, de surpasser l'état-civil et la réalité par l'art. Et parce que Madame Bovary ni Bouvard ni Pécuchet n'existaient individuellement sous ces noms. In fine : "Madame Bovary c'est moi !" dixit.

L'apposition du genre "roman" sur la couverture ne change rien au fait que Jan Karski a existé au préalable et qu'on ne peut pas donner comme titre à un roman le nom de cet être réel lorsqu'on le fait porter à un être de fiction qui ne lui correspond pas, de l'avis de nombreux témoins et critiques qui se plaignent des erreurs de temps, de lieux, surtout des différences considérables entre l'homme réel et l'homme de fiction dépeint dans le roman.

D'une certaine manière, il y a là un détournement d'âme, un vol de personnalité, un déni de l'action et de l'existence réelle correspondant au nom en question. Le fait qu'un mort soit mort ne signifie pas qu'on puisse s'approprier son nom pour écrire n'importe quoi.

L'art ne peut pas s'apparenter à la profanation, sinon de sépultures, du souvenir de la réalité passée et des actions et pensées écrites ou dites qui l'ont incarnée pour en fixer le souvenir exact. La beauté n'est pas la représentation d'une belle chose mais la belle représentation d'une chose. Kant avait raison de penser cela. C'était la règle première de la pensée, avant qu'il l'institue règle de l'esthétique, au moyen âge : Adaequatio...

Écrit par : francis moury | 01/02/2010

@Yanka
@francis moury

"L'apposition du genre "roman" sur la couverture ne change rien au fait que "Jan Karski a existé au préalable et qu'on ne peut pas donner comme titre à un roman le nom de cet être réel lorsqu'on le fait porter à un être de fiction qui ne lui correspond pas, de l'avis de nombreux témoins et critiques qui se plaignent des erreurs de temps, de lieux, surtout des différences considérables entre l'homme réel et l'homme de fiction dépeint dans le roman.

D'une certaine manière, il y a là un détournement d'âme, un vol de personnalité, un déni de l'action et de l'existence réelle correspondant au nom en question. Le fait qu'un mort soit mort ne signifie pas qu'on puisse s'approprier son nom pour écrire n'importe quoi."

Ainsi posé, je comprends mieux votre souci. Mais une biographie ne trahit-elle pas nécesairement la réalité, la vérité d'une personne ? C'est d'autant plus vrai lorsqu'il y a plusieurs biographies pour une même personne. (C'est un business parfois.) Toute biographie n'est-elle pas une trahison ? Et ne me répondez pas qu'elle s'appuie sur des documents, témoignages, etc. parce que d'une part on sélectionne les documents, les témoignages, etc. et on leur fait dire un peu ce que l'on veut, et d'autre part Yannick Haenel s'est lui aussi documenté.

À la différence d'une biographie, Yannick Haenel use de procédés littéraires tels que l'allégorie. Nous sommes donc bien dans la littérature et non dans l'essai. De plus, il explique bien son projet à la page 9. Notamment, "le chapitre 3 est une fiction. Il s’appuie sur certains éléments de la vie de Jan Karski, que je dois entre autres à la lecture de Karski, How One Man Tried to Stop the Holocaust de E. Thomas Wood et Stanislas M. Jandowski. Mais les scènes, les phrases et les pensées que je prête à Jan Karski relèvent de la fiction."

Ailleurs, j'écrivais : "Il y a des lois qui encadrent la liberté d’expression ; tant que figure la mention “roman” ou “fiction, c’est une affaire de conscience." Et je poursuivais : "Et puis, Yannick Haenel ne réécrit pas l’Histoire, il met en scène un personnage historique. Il imagine la vie de ce personnage ; il imagine ce que Jan Karski voit, entend, éprouve, pense, etc. quand il est aux États-Unis pour témoigner. Il se glisse dans sa peau. C’est la mise en scène d’un personnage historique pour lequel Yannick Haenel a beaucoup d’empathie ; pas une réécriture de l’Histoire."

Il faut aussi reconnaître que le texte Jan Karski rend la voix à Jan Karski, notamment par rapport au film Shoah. Jan Karski s'était plain de coupes réalisées dans son interview. Le résultat ne correspondait pas aux promesses qui lui avaient été faites. Mais il comprenait aussi que pour le besoin du film celles-ci étaient nécessaires. Tout cela participe de l'histoire de Jan Karski et Yannick Haenel le rend dans son texte.

De plus, il faut reconnaître que cette fiction aura eu le mérite de faire connaître Jan Karski et l'ensemble de son message, de "son témoignage devant le monde". Sa biographie, "Story of a Secret State" va être rééditée en français.

Par ailleurs, rien n'empêche les amis de Jan Karski qui ont le sentiment que le personnage est trahi d'écrire une biographie, leur vérité sur Jan Karski. C'est leur droit.

Pour ma part, je regarde le texte de Yannick Haenel comme un bel et touchant hommage à Jan Karski (même s'il n'est pas exempt de défauts). Je ne suis pas le seul à penser ainsi. Et il n'y a rien de diffamatoire dans le texte.

C'est aussi un texte qui nous dit des choses et qui nous interroge sur la Seconde Guerre mondiale. Il pose entre autres la question de la responsabilité des uns et des autres dans l'extermination des Juifs d'Europe. Jan Karski est un témoin et un messager sur ce point.

Le texte est aussi une création littéraire originale sur la forme, innovante peut-être aussi. (J'ignore s'il y a eu des précédents en littérature.) Elle pose effectivement des questions de conscience. C'est le corollaire de la liberté d'expression.

Je ne suis pas dupe non plus des approximations que le texte peut contenir. Le texte ne se prétend d'ailleurs pas essai ou livre d'histoire - qui ne sont pas eux non plus exempts d'erreurs, tant s'en faut ; chaque pays a un peu sa version de l'histoire. De plus, chacun sait que Yannick Haenel n'est pas historien, mais romancier. Il n'y a pas d'ambigüité.

Et si je suis conscient de quelques approximations, en revanche je prends les procédés littéraires tels que l'allégorie pour ce qu'ils sont : des inventions, des créations de l'écrivain et non une falsification de l'histoire. Je pense notamment à la rencontre entre Karski et Roosevelt qui est totalement fictive.

Le texte Jan Karski est de la littérature et il n'essaie pas de se faire passer pour ce qu'il n'est pas, un essai. L'écrivain, l'artiste est libre de créer. En l'occurrence, il n'est pas animé par de mauvaises intentions. Et tant mieux au final si son œuvre nous interroge. Encore une fois, c'est le corollaire de la liberté de créer.

Enfin, c'est une façon de voir les choses parmi d'autres.

Écrit par : Renaud | 01/02/2010

Je réfléchis à la question.

Et quelque part, je suis bien forcé de reconnaître que sur le fond exposer ses propres thèses à travers un personnage historique (nom sur la couverture) pose effectivement problème, même si l'on a averti les lecteurs.

Écrit par : Renaud | 01/02/2010

Remerciements et félicitations au Stalker, à Francis Moury, à Elisabeth Bart, à Ygor Yanka.

Vous avez raison, Juan, en parlant d'imposture ! Ce sont des bureaucrates de la rebellitude pour utiliser les mots de Muray. Des mort-vivants vendant leurs rinçures en se couvrant par un détournement d'âme comme l'explique Francis ! Il s'est fait prendre la main de le sac mais Haenel continue de nier la manipulation pourtant évidente en tentant de noyer le poisson dans un dé d'eau tiède de pseudo-idées vaseuses pour échapper à sa responsabilité ! Si l'écrivain est libre il est responsable de ce qu'il écrit. Haenel n'est donc pas un écrivain mais un faussaire minable !
C'est le prix Interpillé qu'il mériterait ! Les décombres du fini !
Pas un seul GI ne doit mourir pour YH en plein transport antihistorique !
Vous avez eu raison de lancer la guerre du dégoût ! Renvoyez à leurs marais putrides ces froids fiancés amateurs d'onanisme pour naintellectuels-de-masse qui n'ont d'existence que médiatique. Ils appartiennent à ce qui meurt alors que vous et les hommes comme Karski à ce qui demeure. Je sais bien que vous n'aurez jamais peur de ces ridicules apprentis-Jdanov médiatiques : continuez leur débâcle !

Amitiés.

Samuel

Écrit par : Samuel | 01/02/2010

Samuel, Guerre du goût contre Guerre du dégoût? Et alors Discours Parfait contre Discours Mensonger? Réfléchissez...

Écrit par : Denis Lair | 02/02/2010

La photo d'Yannick Haenel posant dans les jardins de Gallimard, sourire aux lèvres, et son Jan Karski dans les mains a quelque chose de monstrueusement pornographique. Pensez-y, à l'occasion.

Écrit par : david | 02/02/2010

Merci,Stalker,pour ce témoignage captivant d'un proche de Jan Karski, à charge contre le "roman" de Yannick Haenel. On a bien sûr droit de rédiger des oeuvres de fiction à partir du réel et d'un vécu particulièrement lourd, mais pas de simplifier la réalité jusqu'à en rendre des personnages -ayant existé et oeuvré chèrement- méconnaissables.

Si vous m'y autorisez, j'aimerais re-publier ce témoignage en mentionnant, bien entendu, votre site.

http://www.juanasensio.com/archive/2010/01/27/bons-baisers-de-pologne-yannick-haenel.html

Écrit par : Gad | 02/02/2010

Elle produit cet effet, absolument, dans un tel contexte.

1) En outre, afin de poursuivre au fond du problème esthétique :
lorsque Shakespeare écrit "La Tragédie de Jules César", "La Tragédie de Coriolan", "Antoine et Cléopâtre" on sait qu'il s'inspire de Plutarque traduit par North. Plutarque en son temps a pour sa part lu ses propres prédécesseurs historiens de l'antiquité. Shakespeare et son public lettré les ont également lus. Il y a donc un degré de liberté possible dans ce cadre commun qui fixe les évènements historiques considérés.
Lorsque plus près de nous Camus écrit "Caligula", on se doute qu'il a lu Suétone, Tacite et quelques autres : le degré de liberté est fixé par ce cadre commun.
Lorsque Mathis écrit "Edgar Poe - Dernières heures mornes" (paru fin 2009 et dont je rendrai bientôt compte ici) il a lu les grandes biographies américaines et françaises de Poe, et il émaille en outre son texte d'un appareil critique considérable du point de vue bio-bibliographique. Ce qui lui permet une liberté dans sa première partie qui respecte essentiellement son objet, en profondeur.

Le problème est que M.H. ne semble pas s'être senti tenu à cette règle élémentaire de prudence et c'est cela que lui reprochent les témoins encore vivants ayant connu l'homme, les familiers de son histoire, de son oeuvre et de son action. Dans l'absolu il en a le droit mais il fallait alors nommer son roman d'une autre manière. L'objectivité apparente du titre (un prénom, un nom, renvoyant donc à un état civil constitué, garant d'un être historique, renvoyant donc au concept de biographie) est immédiatement trompeuse.

2) On peut prendre le problème par l'autre bout, selon l'expression à la mode actuellement, à savoir par celui des biographies, comme le suggérait Renaud dans sa défense précédente.
Mais alors on est tenu exactement par les mêmes règles : lisez les biographies de Balzac, de Henri von Kleist ou de Gobineau parues dans les collections de biographies "romancées" éditées dans les années 1930 par Gallimard dans une collection intitulée "Vie des hommes illustres", paraphrasant celui des "Vies parallèles de Plutarque.
"La vie d'Henri de Kleist" par Émilie et Georges Romeu, parue en 1931, porte le n°72, c'est dire le succès du genre à cette époque !
Plon n'était pas en reste avec sa collection "Le Roman des grandes existences" dont j'ai le premier volume, "La Prodigieuse vie d'Honoré de Balzac" par René Benjamin, 1925 qui devait être suivi de "François Villon" par Francis Carco. Et dont je possède aussi le volume n°33 qui est un remarquable "Gobineau" par J.-N. Faure-Biguet, paru en 1930. Presque 30 volumes parus en cinq ans : la France a toujours été friante de biographies, cela ne date pas d'hier !
J'avais eu l'occasion de déjà citer ces titres dans un article antérieur paru ici il y a un an ou deux, je ne sais plus à quel sujet. Bref, peu importe. Ils sont, en tout cas, des exemples très intéressants d'un compromis entre roman et biographie, entre fiction et étude historique car ils veulent effectivement mélanger les deux genres mais d'une manière qui, in fine, ne satisfait à mon avis ni tenants du premier genre, ni les tenants du second.
René Benjamin imagine ainsi ce que sa mère dit à Balzac lorsqu'il a cinq ans, imagine ce que pense Balzac de tel évènement, etc... mais
il prend soin de dédier son livre à Marcel Bouteron pour bien d'emblée préciser et faire savoir à ses lecteurs qu'il se place sous les auspices d'un des plus éminents balzaciens de son siècle. Il imagine ce qui est plausible en fonction de ce qu'on sait déjà. Il n'invente pas stricto sensu ni à la légère. Vous saisissez la nuance.
Même lorsque Mathis décrit certains phantasmes de Poe, on ne peut pas dire qu'il invente au sens strict tant les phantasmes en question sont nourris de l'univers poétique et stylistique de Poe d'une part, d'une étude pointue, pointilliste et très précise de sa vie d'autre part. En outre la moindre allusion ou hypothèse est désignée en note comme telle. Et elles ne choquent jamais le connaisseur de sa vie ni le connaisseur de l'oeuvre tant elles sont compatibles et savantes !
La biographie pure et parfaite, au demeurant, c'est ce que Max Brod a fait en 1945 lorsqu'il a écrit en Gallimard N.R.F. pour l'excellente collection "Leurs figures" son "Franz Kafka - souvenirs et documents". C'est cela et rien d'autre.

Écrit par : francis moury | 02/02/2010

Merci (je l'ai d'ailleurs intégré à mon dernier billet) pour cet effectivement important témoignage qui montre bien le peu de sérieux et l’amateurisme de quelqu’un qui prétendait en remontrer aux historiens.

Mais la meilleure, c'est qu'Haenel a raison au-delà même de ce qu'il peut imaginer, car contrairement à son cas aujourd'hui, c’est bien « en connaissance de cause » que les Alliés ont dû renoncer à « arrêter l’extermination des juifs d’Europe".

Même Lanzmann, comme il le reconnaissait lui-même hier dans Le Monde, a fini par le comprendre, lui qui croyait apparemment comme Karski au début à la responsabilité des Alliés:

"J’ai en effet répété à Karski ce que j’avais dit à Varsovie : que la question du sauvetage des juifs serait importante dans mon film, celle de la responsabilité des Alliés aussi. Cela, c’était au début de mon travail. Je me suis ensuite convaincu que tout cela était infiniment plus complexe que je ne l’avais pensé."
Claude Lanzmann

http://jcdurbant.wordpress.com/2010/02/01/polemique-haenel-c%e2%80%99est-en-connaissance-de-cause-que-les-allies-n%e2%80%99ont-pas-cherche-a-arreter-l%e2%80%99extermination-des-juifs-d%e2%80%99europe-we-would-simply-have-saved-the-germans/

Écrit par : jc durbant | 02/02/2010

Et nos amis soviétiques alors?

http://jcdurbant.wordpress.com/2010/02/03/auschwitz65e-comment-staline-a-instrumentalise-le-sauvetage-des-juifs-the-propaganda-of-rescue-how-stalin-used-the-holocaust-for-his-own-purposes/

Écrit par : jc durbant | 03/02/2010

Pour être complet, voici le premier commentaire que j'avais fait en réponse à l'article ci-dessus :

Renaud 30-01-2010 12:42

"On retrouve dans l'article d'Azimierz Pawe?ek à peu près la même rhétorique que dans l'article de Claude Lanzmann publié dans Marianne.

Mais les faits sont têtus et il faudra s'y faire, la troisième partie est bel et bien une fiction. L'auteur écrit page 9 : Citer :

Le chapitre 3 est une fiction. Il s’appuie sur certains éléments de la vie de Jan Karski, que je dois entre autres à la lecture de Karski, How One Man Tried to Stop the Holocaust de E. Thomas Wood et Stanislas M. Jandowski. Mais les scènes, les phrases et les pensées que je prête à Jan Karski relèvent de la fiction.

On ne peut pas être plus claire. C'est de la littérature et l'écrivain use des procédés propres à la littérature.

Il y a certes, par ailleurs, quelques approximations dans le texte Yannick Haenel - cela dit, rien ne prouve qu'il ait écrit la quatrième de couverture, quant aux erreurs typographiques... -. Mais il y a aussi je crois peu de discernement, voire de la mauvaise foi chez ses détracteurs. Il faut faire la part des choses dans cette affaire.

J'essaierai d'y revenir."

Écrit par : Renaud | 04/02/2010

Nous ne sommes pas souvent sur la même longueur d'ondes, Stalker...
Mais là...
En tout cas, merci pour cette analyse et, ma foi, que se mouchent les morveux une fois pour toutes !
Cordialement de......Pologne

Écrit par : BR | 04/02/2010

Quelques erreurs, exagerrations et fautes du style de Yannick Haenel ne changent rien au fait que sans son livre personne en France ne saurait absolument rien sur l'existence et vie de Jan Karski et des efforts de la Resistance polonaise de faire quelque chose afin d'arreter le Holocaust.

Je ne peux pas m'empecher de penser que ceux qui attaquent le livre de Haenel agissent un peu par ressentiment et pour soulager la mauvaise conscience - d;ailleurs bien justifiee - que les Francais on par rapport au sort que l'etat francais et la plupart de ses citoyents ont prepare - ou, justement, n'ont pas fait ! - pour les Juifs sur le territoire francais.

Y compris les fameux tickets SNCF pour le transport des malheureux vers les camps d;extermination dont le paiement etait exige apparemment encore les annees apres la guerre!

Karski et Haenel genent aussi parce que la resistance francaise, pour la plupart communiste, ne se souciait guere des Juifs francais.

En plus, le livre demontre - et cela gene certains Francais aussi - que le Polonais ne sont peut-etre pas ces anti-semites d'office et par leur nature meme pour lesquels ils passent habituellement en France - et cela met en exergue la culpabilite francaise.

Écrit par : magda | 12/02/2010

Et si nos nouveaux littérateurs se révèlaient un jour aussi nocifs à la réalité historique qu’ils prétendent servir que les véritables faussaires à la Wilkomirski ou Defonseca?

Écrit par : jc durbant | 18/02/2010

Le 15 février 2010, Laurent Lemire interroge http://www.agitateur-idees.fr/Site/suite.php?art=427 Jorge Semprun, qui lui répond entre autres :

" A-t-on le droit de parler de la Shoah dans un roman ? Oui. A-t-on le droit de parler de la Shoah si on n'est pas Claude Lanzmann ? Oui."


Karski avait rencontré en Pologne deux responsables d'associations juives et avait accepté d'eux une mission, en accord avec ses dirigeants : adjurer les Alliés d'entreprendre une action spécifique pour faire obstacle au massacre en cours. Ils devaient bombarder des grandes villes allemandes en représailles, en expliquant cette motivation par des lancers préalables de tracts.

Les données actuellement disponibles ne permettent pas de connaître le sort précis de cette proposition et les raisons pour lesquelles elle n'a pas été suivie d'effet. On peut cependant remarquer que, si elle reflète bien l'indignation et le sentiment d'urgence des Polonais, juifs ou non, devant le sort des victimes, elle était d'une application difficile et aurait eu sans doute, à supposer que les difficultés fussent surmontées, des conséquences néfastes.

Il n'est guère orthodoxe d'annoncer à l'avance une action militaire contre un objectif précis. Quant aux tracts lancés depuis des avions, la législation nazie faisait obligation à tout individu de les remettre à la police sans les lire. Le bruit se serait néanmoins répandu que les bombes étaient larguées dans l'intérêt des Juifs, au nom d'un massacre allégué par l'ennemi dont le citoyen allemand moyen avait lui-même vaguement entendu parler, mais était incapable de mesurer l'ampleur et les motifs. Dans ces conditions, la propagande de Goebbels, résumant les tracts à sa manière, y aurait trouvé matière à développer l'idée que la "Juiverie" était dans cette guerre l'ennemi par excellence, et sa mise hors d'état de nuire un impératif militaire. Sans doute quelques citoyens auraient pris conscience de la souillure nationale et rejoint eux-mêmes des équipes de distributeurs de tracts comme la Rose blanche, mais cela avait bien peu de chances de déboucher sur une lame de fond rendant politiquement difficile la poursuite du massacre.

Il serait fort intéressant de savoir si la non-application de la supplique résulte d'une prise de conscience de son caractère contre-productif, et si c'est le cas, à quelle époque et à quel niveau : un champ de recherches pour l'avenir.

Il y eut cependant des propositions alternatives, dont le sort a commencé d'être étudié. Certaines organisations juives implantées aux Etats-Unis, notamment, demandèrent qu'on bombardât les installations de mise à mort ou les voies ferrées qui y conduisaient. Les militaires anglais et américains chargés des bombardements émirent des objections et rien ne se fit. D'où, à partir des années 60, une polémique sur "l'abandon des Juifs". Une tendance à le reprocher à la planète entière et aux Alliés de l'ouest (Etats-Unis et Angleterre principalement) en particulier, sans même épargner les sionistes, trouva son expression la plus aboutie dans le livre du professeur américain David S. Wyman, un historien spécialiste des questions migratoires, "The Abandonment of the Jews", en 1984. Un livre invoqué comme une Bible par le "Karski" de Haenel.

Or le vrai Karski, qui à l'époque enseignait lui-même dans une université américaine, est curieusement passé sous silence dans cet ouvrage d'une belle épaisseur, dont l'auteur, peu enclin peut-être aux voyages, fouille essentiellement le versant américain des choses, en négligeant fort les conditions européennes et moyen-orientales des solutions envisagées : il s'étend longuement sur les rencontres de Roosevelt concernant la persécution des Juifs. Si Haenel avait là une leçon à puiser, c'était de laisser lui aussi Karski en dehors du débat et de choisir quelque autre héros, par exemple Zygielbojm, l'un des deux informateurs juifs de l'émissaire, qui, lui, s'immole en laissant une lettre pour protester contre la passivité occidentale, en juin 1943 : un mois environ AVANT la rencontre Karski-Roosevelt. Et cette lettre, citée par Wyman (p. 167 de l'édition française), est beaucoup plus conforme aux sentiments du faux Karski que du vrai, d'après tout ce nous pouvons en connaître, et tout d'abord sa survie dans la peau d'un universitaire américain.

Contrairement à ce qu'ont dit trop d'intervenants dans ce débat (ouvert surtout depuis la fin de janvier 2010 à la suite d'un article d'Annette Wieviorka, après un semestre de critiques presque uniquement laudatives), il ne s'agit pas ici, pour les historiens, ou pour n'importe quelle personne moyennement compétente sur la période évoquée, de contester les droits de l'imagination littéraire. Il s'agit de dénoncer une falsification très précisément historique. Broder sur le désespoir de Zygielbojm qui, lui, dénonçait noir sur blanc la complicité de l'humanité dans le judéocide, voilà qui serait honnête, et pourrait fournir l'occasion d'un travail littéraire intéressant. Exciper du silence de Karski, censé avoir duré tout l'après-guerre, pour lui prêter des pensées invérifiables (et en outre, comme il ne s'est pas tu tant que cela, invraisemblables), en mettant brusquement sous les projecteurs ce personnage mal connu, voilà une démarche qui prête le flanc à une accusation de faux en écriture.

Car il y a bel et bien télescopage d'époques. Le désespoir de ne rien pouvoir faire pour les Juifs est un fait historique des années 1942-44, précieusement documenté par Wyman. Mais on peut lui reprocher de faire de la mauvaise histoire quand, en 1984, il en tire un livre sans recul, mettant bout à bout, au premier degré, les plaintes de l'époque. Il n'a pas convaincu beaucoup de savants (préfacé par l'écrivain Elie Wiesel, il est postfacé dans l'édition française par l'historien sorbonnien André Kaspi, qui prend de grandes distances !) et c'est justice.

Au moins Wyman ne pousse-t-il pas lui-même trop loin la thèse de la complicité. Haenel s'affranchit de tels scrupules et son Jan Karski fait un bout de route avec les négationnistes, non point certes sur la question des chambres à gaz, mais sur celles qui se trouvent en amont (qui a voulu cela ? pour lui ce n'est point Hitler, peu nommé, mais un antisémitisme diachronique et sans rivages)) et en aval (comment l'affaire s'est-elle terminée ? -et s'est-elle terminée ?). Mentant effrontément sur la rencontre Karski-Roosevelt (que le président aurait acceptée comme une corvée alors qu'il l'a demandée, et a manifesté tout au long l'intérêt le plus vif), le livre affirme que les Etats-Unis, et même l'humanité entière, étaient bien aise que Hitler tuât les Juifs. D'où une caractérisation du procès de Nuremberg qui rejoint celle de Maurice Bardèche, point de départ du courant négationniste (en dehors du parti nazi, qui avait lui-même donné le branle) : à Nuremberg les Alliés se sont lavés de leurs fautes aux dépens des nazis, boucs émissaires.

Pour en revenir brièvement à Jorge Semprun, son refus d'entrer dans le débat suggère qu'il n'a pas pris la moindre conscience des enjeux historiques, et qu'il se laisse intoxiquer par une doxa suivant laquelle il s'agit d'une querelle de boutiquiers.

A quelque chose, cependant, malheur est bon. L'impossibilité de sauver les Juifs, la grande pertinence du raisonnement suivant lequel il n'y avait plus qu'à gagner la guerre au plus vite, souvent émis par des responsables anglais et américains, mais aussi (là-dessus également les informations collectées par Wyman sont précieuses) par des militants qui avaient essayé de "faire quelque chose", peuvent et doivent déboucher aujourd'hui sur une meilleure analyse du nazisme, mettant enfin Hitler à sa place, dans ses criminelles propensions, mais aussi dans son habileté manoeuvrière, qu'il ne faut pas hésiter à qualifier de diabolique.

C'est en 1933 qu'il fallait "faire quelque chose" : la non-reconnaissance d'un gouvernement dirigé par l'auteur de "Mein Kampf", du moins tant qu'il ne donnait pas des garanties sonnantes et trébuchantes d'assagissement. Ce qui supposait d'associer Staline à un cordon sanitaire. Ne pas faire cela, c'était dire aux Allemands eux-mêmes que leur chancelier revanchard était accepté par la communauté internationale, et lui donner une fatale marge de manoeuvre. Car dès lors il pouvait mettre en oeuvre à pas comptés sa politique, notamment antisémite, et il n'y aurait plus jamais d'occasion aussi nette de le stopper. Personne n'était alors son complice. Mais tout le monde attendait patiemment que cet inculte politique, propulsé à la tête d'une grande puissance sans avoir jamais exercé la moindre fonction, se prît les pieds dans le tapis. C'est bien la sous-estimation de son habileté qui pécha dès l'origine. Et qui pèche encore dans bien des analyses. A commencer par celles de Wyman et de Haenel.

Écrit par : François Delpla | 21/02/2010

je suis plein de respect pour ce que vous écrivez depuis longtemps.notamment sur des auteurs comme broch ;je suis un des seuls a avoir écrit dans mon journal "le point" le malaise devant ce haenel que,par ailleurs j'avais trouvé intéressant littérairement dans son remake réussi du "paysan de paris" avec "cercle" j'ai beaucoup de respect pour vous stalker

Écrit par : paul edel | 21/02/2010

vous l'attaquez c'est votre droit mais je suis le seul à avoir dit dans la presse que "littérairement", ce livre était une mauvaise action? pourquoi vous en prendre à moi alors que je n'ai justement pas "marché dans cette combine promotionnelle.. et que trois semaines pus tard j'ai écrit, m'étant renseigné sur les documents historiques que ce livre était moralement indéfendable.. mais stalker je ne vous en veux pas,mais franchement, j'ai plutôt été sincère et personnel.je ne sus pas un historien mais un critique littéraire. et j'aime beaucoup votre blog si un jour, vous auriez eu la curiosité de lire ce que j'écris syur oavese ou thomas behnerd vus ne mle traiteriez poas avec désinvolture? quand vous avez écrit de trs beles choses sur brch, j'ai été le premier à vous féliciter. ne syez oas un gkadiareur furieu. ,restons rationnel et un peu humain merde alors!vus ne savez pas ce qu'est un regard huain? ne vous nivrez pas de vis certitudes,moi j'avance sur des incertitudes.

Écrit par : paul edel | 21/02/2010

Cher Paul Edel, ma remarque concernant votre article du Point était toute simple : à mon avis, vous n'avez pas insisté suffisamment sur l'imposture que représente le livre d'Haenel.
Pas besoin d'être historien : même littérairement son livre ne se tient pas, c'est tout simplement une honte qu'un tel navet ait reçu le Prix du roman de la Fnac et l'Interallié, alors qu'Haenel n'a jamais été de sa vi un journaliste.

Écrit par : Stalker | 21/02/2010

"Haenel n'a jamais été de sa vi un journaliste"
Houellebecq non plus à ma connaissance et d'autres aussi qui ont eu l'Interallié.

"Jan Karski" a permis de faire connaître Jan Karski entièrement (la totalité de son témoignage ainsi que sa vie et son oeuvre) ainsi que la résistance polonaise, de rappeler que les Polonais se sont fait massacrer et qu'ils n'étaient pas tous antisémites. C'est le pays qui compte le plus de Justes. Pas mal de choses ont été ainsi relativisées, rééquilibrées.

Après, certaines thèses que l'auteur prête à Jan Karski sont peut-être discutable d'un point de vue historique, mais il a bien averti p.9 : "Les scènes, les phrases et les pensées que je prête à Jan Karski relèvent de l'invention". On ne peut pas parler de falsification. Il y aurait eu falsification s'il avait vendu son texte comme un essai. Un titre plus explicite aurait-il permis de mieux accepter ce fait ?

Écrit par : Renaud | 21/02/2010

Merci à François Delpla pour cet éclairant commentaire que je me suis permis de reprendre sur mon blog avec la confirmation de l’universitaire américain et membre de la Jan Karski Society qui connaissait bien aussi Karski Michael Szporer (voir lien).

Écrit par : jc durbant | 22/02/2010

Un grand merci à l'historien François Delpla pour sa critique lumineuse du "Jan Karski" frelaté de Yannick Haenel - et un grand bonjour à toi, François, mon ancien condisciple de cette khâgne de Louis-le-Grand qui nourrissait aussi en son sein la future pop-star de la Pensée : BHL.
Et merci à Juan Asensio d'être, à égalité avec Pierre Jourde, le plus magistral adversaire de la vieille diva Sollers et de "ses bouffons". A Jean-Philippe Domecq était revenu l'honneur d'avoir porté, contre le Malin ("sollers", en latin), les premiers coups, sous pseudonyme ou plus précisément sous son nom d'état-civil ("Jean Martin, assureur à Carentan"), dans la revue "Esprit" d'avril-mai 1993 (dossier "Une littérature sans critiques?"); combat que je poursuivis, sous mon nom véritable et d'écrivain, en décembre 1994 dans la revue "Recueil" N°33 (Éditions Champ Vallon),dirigée par Richard Millet, dans un long article intitulé : "Jactance de Sollers", deux assauts des plus périlleux à l'époque, avec représailles éditoriales à la clé, et clé sous la porte pour "Recueil" ... C'était ça, je crois, la vraie "ligne de risque", la minuscule revue du microscopique tandem formé par les deux enfants de choeur Haenel/Meyronnis gagnerait en honnêteté, mais perdrait en lustre, à se rebaptiser "Ligne de Risque Zéro", puisque servant la soupe et la grand-messe au pape, genre Alexandre VI Borgia, Sollers.
L'amusant, c'est que "Recueil" avait pour secrétaire de rédaction ... soi-même Yannick Haenel, pas encore informé de son voluptueux devenir de Veau-élevé-sous-la-Mère : la Vache Sacrée, la Big Mama Sollers, et big boss du bizness littéraire, deux parents en un seul, à partager, il est vrai, comme Rémus et Romulus leur louve, avec son jumeau Meyronnis. Réjouissons-nous pour le pâle Haenel de voir que sollicité ou non par le grand protecteur, "l'Incomparable-Épicier"(successivement en rayon : Mao, Jean-Paul II, Debord), le vieux poids lourd Jorge Semprun ait cru bon, cette semaine, de se porter en urgence à son secours, suite aux grands coups assénés par un Claude Lanzmann dont l'autobiographie, "Le lièvre de Patagonie", même parfois agaçante voire délirante (Sartre = "Le plus grand écrivain français"!), est un livre puissant, impressionnant et passionnant, quand le "Jan Karski"de la belle âme anémiée Haenel est une mauvaise blague. Quant à son "Cercle" de 2009, hula-hoop fluo tournicotant autour de ses hanches restées puériles, c'était tout au plus le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de la grosse patate et grosse légume Sollers.

Écrit par : Jacques Géraud | 27/02/2010

1) puisque vous lisez la revue "Esprit", Jacques Géraud, commencez-donc par le n° de février 1986 : vous y trouverez la traduction en langue française d'un article paru en novembre 1985 dans la revue "Kultura" et dans lequel Jan Karski livrait ses impressions sur le film Shoah. Tout en rendant hommage (et si besoin) est à ce très grand film il n'en tenait pas moins contre Claude Lanzmann, et à propos de la façon dont celui-ci a utilisé son témoignage, des propos accusateurs.
Je ne vois pas l'intérêt d'en dire plus dans l'immédiat puisque d'ici peu Lanzmann devrait produire, comme il s'y est engagé, les éléments qui lui ont permis de traiter Yannick Haenel de : faussaire.
Disons tout de même que votre défense de Lanzmann en cette affaire me paraît, pour le moins, un peu précipitée.

2) vous avez de toute évidence un lourd contentieux avec Sollers et les sollersiens : c'est votre droit ; et je n'en pince pas plus que vous pour Saint-Germain-des-Prés, même si j'ignore totalement ce qui s'y passe. Mais de mon point de vue le mélange des genres est toujours une erreur. La critique des livres n'est pas le lieu de règler ce genre de compte. Et le lecteur n'a à connaître que ce qu'il a sous les yeux.
Chacun ses goûts, bien sûr...
Mais pour ma part, et même si j'étais a priori mal disposé contre ce Yannick Haenel (en qui je ne voyais qu'un produit de la mondanité littéraire) je souscris entièrement aux remarques de Renaud, ci-dessus. Et il me semble que la lecture de cette fiction -revendiquée comme telle- ne peut que stimuler la réflexion de quiconque s'intéresse sincèrement à cette histoire.

PS. votre critique des copinages serait plus crédible si vous commenciez par vous appliquer cette maxime à... vous-même. Car enfin, qui aura lu les pitreries auquel s'est amusé à propos de ce livre (dans une discussion sur le site "www.nonfiction.fr") votre ami François Delpla, est en mesure d'apprécier ce qu'il en est de la déontologie du personnage...

Écrit par : luc nemeth | 01/03/2010

Jacques Géraud, à Luc Nemeth

Farce et Satrapes
1.Farce .
Je ne suis pas François Delpla, que je n’ai pas vu depuis nos lointaines années de khâgne , mais tout ce que j’ai lu de lui sur son blog d’historien spécialiste de la 2ème guerre mondiale, m’a paru très solide, y compris bien sûr concernant le rapport entre Jan Karski, l’homme, le héros, le Juste, et « Jan Karski », « roman », l’astucieux machin à succès du gentil démiurge germanopratin Yannick Haenel, dont le génie créateur a conçu une Chimère mythologique : ce JanYannick qui dans la partie « roman » nous parle à la première personne, d’une voix s’élevant au fantastique dans la désormais fameuse entrevue avec Roosevelt, quand il (le JanYannick, le YHJK) rapporte (invente) comment le président US baillait aux corneilles, tellement il s’en fichait du génocide, tout en matant les jambes d’une secrétaire plus gironde que la Shoah. Plus hard que sa créature haenelienne, Sollers eût volontiers suggéré qu’il bandait, comme Clinton pour Monica. Florent Georgesco (sur son blog de la « Revue littéraire », Éditions Leo Scheer, entretien du 23 janvier 2010 avec YH), quoique charmé des beautés du style haenelien, argumente avec tant de force contre la désinvolture historique (euphémisme) de notre auteur, lauré, couvert de prix et de médailles, que celui-ci finit par admettre assez piteusement que, oui, « peut-être avez-vous raison de prendre sa défense » (celle de Roosevelt), et que « cette ironie est un peu farcesque » (de son Roosevelt digérant, bâillant, reluquant). Sans doute est-elle, cette farcesque ironie haenelienne, à l’image du « mentir-vrai » tant vanté par le stalinien Aragon.
2. Satrape(s)
Un « lourd contentieux avec Sollers et les sollerssiens », dîtes-vous, Luc Nemeth, ou plutôt avec « Sollers et ses bouffons », pour parler comme Juan Asensio. Je suppose que certains citoyens de Centre-Afrique avaient mutatis mutandis un « lourd contentieux » avec Sa Majesté impériale Bokassa Ier , ou de l’Ouganda avec le Maréchal-Président Idi Amin Dada, ne fût-ce que du seul fait d’avoir à supporter ces bourriques. Lisez un peu mieux J.Asensio et P. Jourde, et vous verrez le pourquoi du « contentieux » de tout véritable écrivain, ou qui essaie sincèrement de l’être, avec « le Doge de la bêtise » (texte de J.A. - bêtise qui est, dirais-je, le fruit pourri d’une intelligence perverse, d’un abrutissement par un narcissisme « infini ») ou « Ubu à Saint-Germain-des-Prés », de Pierre Jourde, dans la revue « Tsimtsoum » décembre 2005 (en ligne). Quant aux deux petits satrapes, F. Meyronnis le cérébral, et Y.Haenel le voleur de feu (« C’était comme un chemin de flammes qui s’ouvrait », dit-il sans rire à F. Georgesco à propos de l’écriture des trois dernières pages de son Jan Karski), faisons l’hypothèse qu’à l’orée de la soixantaine, inquiet d’une baisse tendancielle du taux de sidération produit par son Nom sur l’intelligentsia francofrançaise (car il s’exporte mal, tel notre rocker national Johnny dont il est le littéraire avatar), Sollers laissa venir à Lui ces deux séides ductiles, s’employa à les former à sa façon, et à sa contrefaçon (deux Anges, deux Purs), bientôt à les lancer dans l’Infini de ses publications chez Gallimard, assuré qu’ils ne lui feraient pas ombrage, qu’il n’y aurait à la clé, avec l’un ou l’autre de ces petits êtres (un Houellebecq, un Nabe eussent été moins faciles à manier), aucun Tu quoque mi fili.

Écrit par : Jacques Géraud | 01/03/2010

"en mesure d'apprécier ce qu'il en est de la déontologie du personnage" :

eh bien là-dessus je suis d'accord !

Le personnage en question signe de son nom et toujours de la même façon. Il tolère, bien obligé tant que cette mode domine sur la Toile, de débattre avec des anonymes, mais les rappelle au courage lorsqu'il se laissent aller à des insultes. Lui-même n'y recourt jamais, y compris lorsqu'il en subit une grêle. Il ne met en particulier jamais en doute l'honnêteté de quelqu'un qui dit des contre-vérités car il sait qu'il est facile de se tromper, notamment par fanatisme.

D'autre part (salut, cher Jacques !) il se prend, certes, pour un historien, mais pas pour un critique littéraire et, lorsqu'il cause d'histoire, se cantonne dans cette discipline. Aussi parle-t-il de Haenel uniquement en tant qu'auteur d'un roman à thèse, et pour contester celle-ci.

Il considère qu'un bon argument à cet égard est que David Wyman, principal tenant de la thèse de "l'abandon des Juifs" parmi les historiens, ne documente nullement celle-ci à partir d'une déception qu'aurait ressentie Karski lors de son entretien avec Roosevelt. Or c'est là la clé de voûte du "roman", où Wyman est cité en bonne part.

Je contesterai pour finir l'affirmation de Nemeth suivant laquelle il faudrait suspendre cette discussion en attendant les révélations de Lanzmann. Je ne vois pas comment elles pourraient empêcher ce bouquin d'être à thèse et cette thèse d'être fausse. Que Haenel déforme Karski peut d'ores et déjà être démontré. Lanzmann aidera peut-être à préciser dans quelle mesure, mais nous disposons déjà d'amples matériaux dans ce domaine, notamment une interview donnée par Karski en 1995, que Jean-Claude Durbant vient de mettre en ligne : http://jcdurbant.wordpress.com/2010/02/22/polemique-haenel-une-falsification-tres-precisement-historique-a-form-of-dumbing-down-karski/#comment-4925

Écrit par : François Delpla | 01/03/2010

bien que le mieux à mon sens soit d'attendre ce que présentera Lanzmann j'indique que Haenel a répondu au texte de Kazimierz Pawełek dans "Le Point" du 18 février, pp. 104-105.

Écrit par : ln | 01/03/2010

@Jacques Géraud

Je fais suite à votre remarque : "Lisez un peu mieux J.Asensio et P. Jourde, et vous verrez le pourquoi du 'contentieux' de tout véritable écrivain, ou qui essaie sincèrement de l'être (etc.)".

En aucune façon je ne sous-estime le bien-fondé de ce contentieux, dans le cadre duquel je veux bien croire que J. Asensio et P. Jourde ont à dire des choses intéressantes, et avec lesquelles je serais peut-être à 100% d'accord. Mais -pardonnez ma simplicité d'esprit, ou ma croyance excessive en mon propre jugement : j'ai la faiblesse de croire qu'un livre est d'abord fait pour être lu pour lui-même, tel qu'il se présente -et non, en l'insérant dans des débats littéraires (ou autres) auxquels chacun est libre de participer, ou non.

En tous cas, en ce qui concerne le livre de Yannick Haenel : il ne me paraît pas avoir besoin d'un mode d'emploi accompagnatif.
Par ailleurs, du point de vue historien : cette fiction (revendiquée comme telle) ne m'a pas paru encourir de sérieuse critique. Mais je continue de me tenir informé, bien sûr, et j'ose espérer que je saurais reconnaître ma cécité grave, le cas échéant...

Cordialement

Écrit par : ln | 01/03/2010

Messieurs, merci pour vos très intéressantes contributions à cette affaire. J'ai ajouté, en début d'article, de nouveaux liens vers vos travaux.
@ Ln : étrange, votre incise. J'ai aussi la faiblesse de croire qu'un livre, surtout s'il prétend être un roman, se lit et doit se lire pour lui-même : plaisir du texte, bien évidemment.
Je n'ai eu aucun plaisir à lire ce livre qui se présente comme un roman et qui n'en est pas un. Enquête si l'on veut ou essai romancé : en aucun cas roman.
J'ai aussi la faiblesse de penser que n'importe quel livre, fût-il franchement mauvais comme Jan Karski, peut et doit être matière à débat : dans le cas qui nous occupe, il me semble que les débats, principalement d'ordre historiques, confèrent une assise (je ne suis que critique littéraire mais, dans ma note parue dans Valeurs actuelles le 15 octobre 2009, j'ai pointé le fait que tout cela, d'un point de vue historique, me semblait faux) à un malaise que j'ai éprouvé dès les premières lignes de Jan Karksi.
Ce livre est un faux.
Pas au sens juridique du terme ; on voit bien que le plagiat, comme Alina Reyes l'évoquait sur mon blog il y a quelques jours (et contre... Yannick Haenel) est une affaire qui, juridiquement, est difficile à prouver.
Mais ici, nous sommes en terrain littéraire et je répète que Jan Kaarski est un faux : ce n'est pas un roman et, si c'était un roman, il serait tout simplement un roman parfaitement nul, dénué du moindre intérêt, de la plus petite qualité narrative.
C'est un faux, surtout, et nous touchons je crois le coeur du débat tel quel Lanzmann a eu raison de le poser : contrairement aux idioties haeneliennes, une oeuvre d'art SE DOIT d'offrir de la vérité une image.
Elle doit même tendre, à l'infini, vers la vérité. Toute grande oeuvre d'art est rayonnante et belle d'avoir tenté, qu'importe qu'elle échoue, de tendre vers la vérité.
Jan Karski ne tend vers rien, uniquement vers la thèse sans cesse ressassée, sans la moindre imagination, sans la moindre rigueur conceptuelle, par les jumeaux sollersiens, Meyronnis et Haenel, de livre en livre toujours aussi mauvais et en règle générale salués par une critique stupide si elle n'est tout simplement aux ordres : l'Occident est le lieu de la déhiscence du nihilisme. L'Occident et sa parole, sa grammatologie dirait Derrida, son logocratisme.
C'est tout.
Pas de quoi faire un roman.
De quoi faire un bel essai assurément.
Jan Karksi d'Haenel échoue, et c'est bien le point qui nous occupe, sur ces deux tableaux, sans compter celui de la précision historique : là, c'est tout simplement du grand n'importe quoi !

Écrit par : Stalker | 01/03/2010

Je disais un peu plus haut que je n'accusais jamais personne de manque d'honnêteté dans les débats internautiques, faute de pouvoir mesurer la bonne foi des gens et leur pouvoir d'auto-aveuglement.

Je m'aperçois que sur mon site http://www.delpla.org/article.php3?id_article=434 j'ai mis en doute l'honnêteté de Haenel :


+++Mentant effrontément sur la rencontre Karski-Roosevelt (que le président aurait acceptée comme une corvée alors qu’il l’a demandée, et a manifesté tout au long l’intérêt le plus vif), le livre affirme que les Etats-Unis, et même l’humanité entière, étaient bien aise que Hitler tuât les Juifs. +++
A présent je m'interroge : il a tellement peu lu, connaît tellement mal le dossier, tient un propos si clairement passionné et idéologique qu'il est bien possible qu'il ait fermé de bonne foi les écoutilles devant tout ce qui contredisait ce qu'il avait envie de croire.
Cela expliquerait aussi assez bien son système de défense : à partir de quelques bribes il a battu la campagne, il s'est admiré produisant une réalité plus vraie que la vraie, il ne peut pas supporter l'idée qu'il est allé à trop à l'encontre de toute vérité pour que sa prose ait le moindre intérêt et, de bonne foi toujours, invente à présent une conspiration de mandarins et de jaloux.
Je ne dis pas, quant à moi, qu'il soit foncièrement mauvais écrivain. Encore une fois, je ne me sens pas qualifié pour intervenir publiquement sur une telle matière. En revanche, j'avancerai que quand le praticien d'une discipline quelconque se plante aussi manifestement, alors qu'il se croyait au zénith et que tant de flatteurs le lui disaient, il a là une formidable occasion de rentrer en lui-même, de voir en face ce qui lui manque et de progresser formidablement.

Écrit par : François Delpla | 02/03/2010

Stalker je lis votre réponse où vous parlez de ce livre "qui se présente comme un roman et qui n'en est pas un. Enquête si l'on veut ou essai romancé : en aucun cas roman".
Vu que je fais partie de ceux qui sont contents que ce livre existe, j'aurais préféré le voir publié sous une étiquette qui lui évite ce type d'attaque (dont je veux bien croire que dans votre cas elle est de bonne foi ; et qui est fondée, du point de vue strictement littéraire). Mais ni "enquête" ni "essai romancé" ne me paraissent convenir, s'agissant de ce qui se présente comme une fiction, revendiquée comme telle et en parfaite clarté.

Il y a là d'ailleurs à mon sens un problème qui dépasse largement Haenel et auquel je ne suis pas sûr que puisse être trouvé une solution idéale. Ainsi par exemple il y a peu j'ai lu la traduction française du très beau livre de Béla Zsolt, "Neuf valises", qui évoque la déportation des juifs de Nagyvarad. Eh bien tout cela correspondait de si près, à ce qui m'avait déjà été rapporté de source sûre, qu'en refermant le livre j'ai été presque étonné de voir écrit sur la couverture le mot : "roman".

Écrit par : ln | 02/03/2010

Attendu qu'il est avéré, sauf pour les niais, les béats, les ignorants ou les fourbes, que le héros éponyme de l'ouvrage intitulé Jan Karski (Éditions Gallimard, Collection L'Infinitésimal, Directeur P.Sollers), trafiqué dans son alambic par un sieur Yannick Haenel se disant "romancier", attendu que ce prétendu Jan Karski est un faux, qui le 28 juillet 1943, narrant le processus de la destruction des Juifs d'Europe à M. Franklin Delano Roosevelt, Président des Etats-Unis d'Amérique, est persuadé de le voir lorgner, entre deux bâillements, les jambes d'une secrétaire, dans le dessein d'occulter le motif central de sa jouissance : sa complicité avec M. Adolf Hitler, Chancelier du IIIème Reich, dont il "digère le génocide", tout heureux d'en partager la responsabilité avec lui, et disposé d'avance à étendre cette responsabilité aux Alliés et à toute l'humanité, dans une coalition universelle contre le peuple juif,
La Cour décide en conséquence que ledit roman ou prétendu roman devra désormais s'intituler : YAN KARSNEL
et porter pour nom d'auteur : Jannick Haerski

Écrit par : Jacques Géraud | 02/03/2010

à toutes fins utiles je vous signale, Jacques Géraud, que "les niais, les béats, les ignorants ou les fourbes" constituent une espèce très répandue : en effet la quasi-totalité des auteurs s'accorde à considérer que le sort des juifs d'Europe n'empêchait pas Roosevelt de digérer tranquille. J'ajoute que même "les vaches, les moutons, les oués et les dindons" (comme disait Gaston Couté) savent que les Alliés furent assez tôt informés de l'entreprise d'extermination nazie. Et surtout : ils le furent par de multiples sources.

Autant dire que votre fixation sur la seule personne de Jan Karski équivaut ici : à regarder l'histoire par le petit bout de la lorgnette.

Écrit par : Luc Nemeth | 03/03/2010

"La quasi-totalité des auteurs" en tiendrait, selon vous, Luc Nemeth, pour un Roosevelt très placide et très cool devant le génocide. Vous plaisantez, ou quoi? Quand ce serait plutôt l'inverse, au vu de la violente polémique concernant le tiers de petit roman incriminé (prix de la FNAC, prix Interallié : "interALLIÉ", c'est la meilleure) dans le tiers-livre en question, avec sa grotesque mise en scène de l'entrevue Karski/Roosevelt .... ou plutôt, allez, Haenel/Roosevelt : Karski n'était pas là, le maître-espion Sollers l'ayant placardisé pour le remplacer par le petit Haenel qui empaqueté dans un imper à la Bogart et assis dans le bureau ovale a personnellement vu (comme quelque 50 ans plus tard il (Haenel, en son peep-show toujours recommencé) aura vu Bill sucé par Monica) Franklin Delano reluquer les jambes de etc. Déjà dit dans mon commentaire du 1/3, et voir leoscheer.com/blog/Florent-georgesco du 23 janvier, voir François Delpla sur Stalker, etc.

Écrit par : Jacques Géraud | 03/03/2010

@ Nemeth

de ce que les Alliés n'ont rien fait de spécifique pour les Juifs, ou si peu, inférez-vous qu'il est très vraisemblable que Roosevelt ait regardé les jambes de la script girl, et ce par antisémitisme ?

Écrit par : François Delpla | 03/03/2010

après avoir été pris en flagrant délit de fraude par moi-même sur le site "www.nonfiction.fr", puis s'être transféré dès le lendemain sur "jcdurbant.wordpress. com" pour tenter de remettre les compteurs à zéro, l'ami de quarante ans de Jacques Géraud François Delpla se livre maintenant sur "stalker.hautefort.com" à une fuite en avant qui n'a même pas l'excuse d'être drôle, et qui est aussi pathétique qu'inutile : je ne lui répondrai pas.
Il y a, à cela, au moins cinq raisons :
1) je m'y suis engagé, et j'ai dit pourquoi (sur "www.nonfiction.fr").
2) je suis prêt à répondre, même à des gens dont les opinions me sont très éloignées, mais à la condition qu'ils soient de bonne foi.
3) je n'ai pas à attacher plus d'importance que Yannick Haenel lui-même à ce qui est insignifiant, et je m'en voudrais d'avoir l'air de prendre sa... défense, là où jusqu'à preuve du contraire il n'a rien à se reprocher.
4) si Jacques Géraud avait lu, dans la Revue littéraire de septembre 2009, ce passionnant entretien dont il brandit négligemment la référence et dans lequel, face à l'intervieweur (Florent Georgesco) qui se fait l'avocat-du-diable, Yannick Haenel explicite et justifie son projet remarquablement, alors il en aurait retenu ceci, notamment : affirmer qu'il y eut décision de ne pas contrer l'entreprise d'extermination nazie n'est pas SOUTENIR UNE THESE, mais relève du constat d'évidence. Etant bien entendu que pour le reste, Yannick Haenel est libre de ses interprétations -auxquelles pour ma part j'adhère dans leur presque-totalité.
5) ce n'est pas nécessaire de s'appeler Nemeth pour procéder au constat d'évidence ici rappelé. Car, n'en déplaise à Jacques Géraud, c'est la quasi-totalité des auteurs qui s'accordent à reconnaître ce qu'en 2006 encore Henri Minczeles rappelait en trois mots dans son Histoire des Juifs de Pologne : "les Alliés savaient".

PS. en ce qui concerne la personne de Roosevelt : ici encore Jacques Géraud n'a de toute évidence pas lu, l'entretien qu'il mentionne. En effet Yannick Haenel y rappelle et si besoin est que Roosevelt n'était pas seul ; qu'il lui fallait composer avec l'antisémitisme d'Etat ; etc. Faire de Haenel un "anti-rooseveltien" obessionnel relève de la pure et simple caricature.

Écrit par : ln | 04/03/2010

Seul Nemeth est honnête.
Seul Nemeth a lu ce don il parle.

Écrit par : François Delpla | 04/03/2010

Si, Luc Nemeth, alias "ln", vous étiez un nain (mais vous êtes ou serez un jour, c'est sûr, un géant de la pensée), vous seriez Simplet, l'un des sept nains du film tiré du conte de Grimm, et vous auriez dans le pur et angélique Haenel votre Blanche-Neige, made in Sollersland ...
En attendant d'être un historien autrement que pour rire, vous lirez dans le Nouvel Observateur paru aujourd'hui 4 octobre un excellent dossier "Les alliés ont-ils abandonné les Juifs?" Claude Weil écrit : "Que savaient les Alliés? A question simple, réponse complexe." Et dans le Figaro littéraire, aujourd'hui aussi, deux pleines pages sur le dossier Karski (dont Robert-Laffont réédite le témoignage), comportant un entretien exclusif avec "Kara Mirecka-Ploss, la confidente du héros", amie intime et "âme-soeur" de Karski pendant dix ans, près de Washington, dirigeant encore à 85 ans "l'Institut Karski de la tolérance et du dialogue", et qui ouvrant "des yeux indignés et stupéfaits" (la scène obscène dans le bureau de Roosevelt) s'écrie, à propos d'Haenel, "A-t-il perdu la tête?"

Écrit par : Jacques Géraud | 04/03/2010

Les publications de la semaine, comme nous en informe Jacques (Nouvel Obs, Fig Mag…), tournant nettement au désavantage de Haenel et de son fan club, je voudrais saisir cette occasion pour leur dire que je ne les hais point.
Car je vomis les attaques personnelles : Il y a assez à faire avec les idées, les faits incomplets ou mal présentés, etc. Et puis chacun a un cerveau limité, des yeux qui ne peuvent lire deux textes à la fois, etc. Cerner un objet, c’est bien le seul moyen d’en débattre sans multiplier les monologues.

Ainsi je n’ai rien dit pour ma part contre Haenel. Je cerne dans un de ses livres une thèse qui me révulse et je concentre mes coups là contre, ce qui m’évite d’avoir à lire son Cercle qui en a rencontré un vaste et me permet de me limiter à celui des béats que son dernier opuscule a aimantés, pour mesurer leur inculture historique et leur inconscience d’icelle, surtout quand ils croient a, à l'aide de ce texte, combler leurs lacunes.

Pas davantage je ne cause de la personne de Nemeth : elle ne m’intéresse qu’en tant que représentante de ce regrettable cercle. Je suis même travaillé par l’idée qu’elle vaut mieux par ailleurs, qu’il ne lui arrive pas tous les jours d’aborder un contradicteur en le traitant de bouffon, de continuer par faussaire, truqueur, fuyard et mystificateur (ou quelques équivalents, j’avoue ne pas avoir noté) -simple façon sans doute de préserver des convictions ébranlées, malgré tout, par la discussion.

Après tout, c’est digne d’estime, d’être écoeuré par le massacre des Juifs et sa possibilité au coeur du Vieux continent. C’est une bonne base pour en découvrir la cause et le remède : le seul mystificateur en l’espèce c’est le chef nazi, le remède la lutte contre toute intox par l’exigence d’une information complète dont des sociétés réellement démocratiques tireraient les conclusions : l’inverse des busheries, blaireries et sharoneries. L’application, en revanche, de la devise de Churchill, si peu rappelée pour l’instant en cet anniversaire de sa « plus belle heure ». Ce n’est pas, ô surprise, « Armez-vous jusqu’aux dents et foncez dans le tas », mais « La satisfaction des justes griefs des vaincus doit précéder le désarmement des vainqueurs ».

Écrit par : François Delpla | 05/03/2010

Jacques Géraud vous ne croyez pas si bien dire : je crois bien avoir utilisé sur un ou deux sites le pseudonyme de... "simplet" -pour des posts auxquels je n'attache pas d'autre vanité d'auteur.

Écrit par : Luc Nemeth | 05/03/2010

@Jacques Géraud

à mon avis la balle est maintenant dans le camp de Lanzmann qui ne ne devrait plus tarder à produire, comme il s'y est engagé, les éléments au vu desquels il a estimé pouvoir traiter Yannick Haenel de : faussaire. Vous comprendrez toutefois que je ne souhaite pas laisser sans réponse le post du 4/3 où vous m'avez présenté comme un... historien pour rire. Tel n'est apparemment pas l'avis d'un ouvrage paru en 2005 et dans lequel je lis, en page 76 : "A questo stato di cose ha posto un termine qualche anno fa uno storico francese, il professor Luc Nemeth della Sorbona. Le sue ricerche hanno dato legittimità storica a una verità che ora non puo essere negata o anche solo ritenuta incerta" (Enrico Veronesi, Il giovane Mussolini).
Bigre : me voilà même, promu professeur de Sorbonne...

Nous savions déjà depuis le 1/3 que vous êtes sorti de khâgne et en compagnie de BHL, monsieur Géraud : il ne vous reste plus qu'à sortir de votre Hexagone.

Écrit par : ln | 06/03/2010

@Luc Nemeth, bravo pour votre promotion, c'est comme dans les délicieux polars siciliens d'Andrea Camilleri, où il suffit d'avoir fait quelques années de fac pour qu'on vous donne du "Dottore".

Écrit par : Jacques Géraud | 06/03/2010

***à mon avis la balle est maintenant dans le camp de Lanzmann qui ne ne devrait plus tarder à produire, comme il s'y est engagé, les éléments au vu desquels il a estimé pouvoir traiter Yannick Haenel de : faussaire.***

1) Vous renoncez à défendre Haenel sur le plan des "droits inaliénables de la fiction".

2) Votre métaphore sportive est parlante. A un match il faut un vainqueur et un vaincu. Or il me semble que, si Haenel et Lanzmann, qui se contredisent, ne peuvent avoir tous deux raison, ils peuvent parfaitement avoir tort l'un et l'autre. Et qu'on peut, qu'on doit même, en juger au cas par cas.

Écrit par : François Delpla | 06/03/2010

... et attendez, vous savez pas la meilleure : même en français, on me fait le coup ! Si si, je vous assure, c'est vrai. Reportez vous à l'article sous réf. "http://halleyjc.blog.lemonde.fr/2007/07/28/on-ne-prete-qu%E2%80%99aux-riches/" et vous verrez, que parmi la liste des personnes remerciées, figure :

(...)
· Monsieur le Professeur Luc NEMETH pour sa brillantissime synthèse sur le Chevalier de Saint-Georges parue dans les Annales de la Révolution Française.

Mais bon, et pour la troisième fois : j'aimerais mieux, que le "débat" en reste là -au moins, jusqu'à ce que Lanzmann aît fourni ses preuves.

Écrit par : ln | 06/03/2010

Censure au Figaro
A propos de la politique Karski-Haenel, sur laquelle Eric Roussel a produit un dossier intéressant [http://www.lefigaro.fr/livres/2010/03/04/03005-20100304ARTFIG00049-qui-etait-jan-karski-.php] , j'ai fait un premier commentaire qui a été publié, puis un second, de la même veine, qui vient de m'être retourné, avec un billet passe-partout :

"Les informations sur le judéocide étaient-elles prises en compte, débouchaient-elles sur une vision d'ensemble du massacre ? Question importante, mais en aucun cas cruciale pour ce qui est des actions immédiates à entreprendre. La meilleure leçon à en tirer était de gagner la guerre encore plus vite, encore plus complètement.

Il y avait un mois pour faire en sorte que tous les Juifs d'Europe survivent au délire nazi : février 1933. Or il se conclut non par un ultimatum des grandes puissances, y compris l'URSS, sommant l'Allemagne de se faire gouverner par un type rationnel, mais par l'incendie mystificateur du Reichstag et l'abolition définitive de toute démocratie en Allemagne le lendemain. Dès lors le vin est tiré. Il devient très difficile d'empêcher la guerre et, en son sein, le génocide.

Le livre de Haenel brouille cet enjeu, sans en clarifier aucun autre. Il a quelques qualités sans doute, non pas grâce à sa puissance d'évocation romanesque, mais à sa logique philosophique, elle-même folle et très cohérente : il fallait, on ne sait quand, arrêter tout pour sauver les Juifs et si on ne l'a pas fait c'est que l'humanité est antisémite, à quelques héros et une Pologne près. Nuremberg est une mascarade, etc. Cette logique est un surgeon du nazisme, en toute inconscience j'en suis sûr : Haenel et son fan club devraient donc pouvoir en prendre conscience, grâce à tous ceux qui disent "halte-là!"."



Le billet d'accompagnement :

"Votre message et/ou contenu a été modéré. Les propos résolument agressifs dirigés à l'encontre d'une marque, d'un produit, d'un organisme, ou d'une personne ne sont pas admis sur cet espace. L'agressivité est proscrite de la ligne éditoriale lefigaro.fr."



Celle-là, ils ne vont pas l'emporter en paradis ! Signalement immédiat sur tous les forums où l'affaire est abordée.
Mais hélas une telle censure assez peu de chances d'être maligne, dans aucun sens du terme : plus qu'un esprit partisan, j'incriminerai tout d'abord des pigistes mal payés qui lisent en diagonale, voire des robots qui repèrent certains mots et font tomber des couperets automatiques.

Écrit par : François Delpla | 07/03/2010

la fanfaronnade "Celle-là, ils ne vont pas l'emporter en paradis !" est évidemment assez savoureuse, sous la plume de monsieur delpla (je renvoie sur ce point à sa fraude sans gloire, qui a été épinglée dans la discussion sur www.non.fiction.fr).

Mais moi aussi il est des choses dont je ne souhaite pas, que leurs auteurs les emportent au paradis.

Aussi, et pour qui douterait de l'infâmie dont peuvent être capables ces gens-là je livre ci-dessous un extrait de ce qu'on a pu voir s'afficher le 5 mars 2010 à 8:11 sur le site d'un nommé jcdurbant, grand ami de monsieur delpla :


"Oui, les objections des révisionnistes comme celles des négationnistes peuvent finalement se révéler très utiles puisqu'elles nous forcent à préciser les choses, comme nemeth qui avec son Rastner et son Brand m'a justement fourni la perfecte illustration (etc.)".

Écrit par : ln | 08/03/2010

Mon amitié pour Jean-Claude Durbant n'étant pas plus documentée que mon recours à la fraude dans les innombrables débats internautiques auxquels j'ai participé depuis dix ans, je me permettrai de ne pas répliquer autrement à ces accusations.
Quant au présent litige avec le Figaro, voici une légère autocritique : j'aurais dû dire "en enfer". Car je ne fais pas de cette censure une affaire personnelle. J'y vois le symptôme d'une gestion à l'économie de la modération des commentaires sur le site de ce journal, et voudrais faire mesurer à ses dirigeants que l'économie est coûteuse.

Écrit par : François Delpla | 09/03/2010

Que retenir de cette polémique ?

Pour ma part je ne l'ai jamais située au niveau de Haenel, de Lanzmann ou de Nemeth, mais bien de Clio.

"Jan Karski" comporte, dans sa troisième partie, un certain nombre d'inepties, certaines de surcroît infectes :

-concernant l'entrevue à la Maison-Blanche du 28 juillet 1943 : Roosevelt, qui pouvait se comporter avec son personnel féminin de clintonienne manière mais point au cours des audiences, n'a pas mal accueilli Karski, ni fait preuve pendant l'entretien de distraction, de désintérêt ou de passivité. Le visiteur n'a pas gardé de l'entrevue un mauvais souvenir. Elle se passait le matin dans un cadre normal et non après un lourd dîner dans un hall surpeuplé. Ni le messager polonais ni l'ambassadeur Ciechanowski n'ont menti sur cette entrevue pour ménager la susceptibilité américaine et il apparaît de plus en plus qu'ils n'ont pas menti du tout. Karski n'a pas été silencieux pendant les trente années suivantes sur le thème de "l'abandon des Juifs" qui l'aurait cependant taraudé.

-concernant ce prétendu abandon : ce qui est vrai, c'est que le judéocide nazi pouvait susciter un sentiment d'urgence absolue et que le fait que rien de tangible ne soit entrepris par les gouvernements alliés pour arrêter le bras de Hitler pouvait engendrer, chez certains messagers, un profond désespoir, ou des gestes d'auto-immolation destinés à attirer l'attention, tel le suicide de Szmul Zygielbojm le 12 mai 1943. Cependant, les dirigeants anglais et américains sollicités, qui ont réuni sans hâte des commissions civiles ou militaires pour étudier le problème, les ont laissées s'enliser dans l'indécision ou déboucher sur des décisions de faible portée à très juste titre, comme était juste leur sempiternelle réponse : "c'est la victoire qui résoudra le problème".

C'est là un simple corollaire du fait que le nazisme était une dictature très puissante, a fortiori en temps de guerre. On saisissait mal ce qui se passait, on pouvait moins encore l'infléchir de l'extérieur. D'où il ressort que, pour sauver la vie des Juifs européens, l'humanité disposait d'un mois. Un petit mois de quatre semaines tout juste, puisqu'il s'agissait de celui de février et que l'année n'était point bissextile. Laisser diriger une très grande puissance, la deuxième au monde sur le plan scientifique et industriel, par l'auteur d'un gros livre exaltant la guerre et exsudant à chaque ligne la haine des Juifs, au lieu que les six autres grandes puissances, URSS comprise, lancent ensemble un ultimatum menaçant l'Allemagne d'un isolement total si elle ne changeait pas immédiatement de chancelier, c'était permettre à celui-ci de comprendre que son programme anticommuniste avait trompé le bourgeois, qu'il pouvait en toute quiétude, le 27 février, brûler son Reichstag en accusant les communistes, suspendre définitivement les libertés le lendemain et entreprendre, tout en réarmant au plus vite, un jeu de bascule diplomatique rendant la guerre difficilement évitable, à l'heure et contre les ennemis choisis par lui.

Le regrettable libelle édité par Gallimard fait du procès de Nuremberg une mascarade, en prétendant que manquaient au banc des accusés non seulement les Alliés de l'est et de l'ouest mais, excusez du peu, l'humanité. Alors qu'il a au moins implicitement sauvé, in extremis, l'essentiel : regroupant ceux qui avaient omis de s'unir en février 1933, il a dûment constaté, en laissant à ses dirigeants survivants toute latitude de se justifier, que le nazisme était bel et bien un attentat contre le genre humain.

Tout le reste est littérature.

Écrit par : François Delpla | 23/03/2010

(affiché par mes soins sur www.nonfiction.fr)

loué soit monsieur Delpla, qui s'offre jusqu'au ridicule de venir encore faire son petit tour de piste (... comme sur un autre site, où il a spamé le même communiqué publicitaire). Sanctifié, soit son nom. Car grâce à lui, nous venons de faire une importante découverte : le nazisme était une dictature très puissante !
Hélas, monsieur Delpla n'est pas mieux inspiré à propos de... 1933, qu'à propos de 1943.
Car en dehors de lui il n'y a plus que les staliniens non repentis pour attribuer l'incendie du Reichstag aux nazis et pour contester que Marinus van der Lubbe était un jeune désespéré -au meilleur sens du terme-, par l'attitude du Parti communiste allemand.
Mais bon, ici encore, j'ai plaisir à donner la référence de l'ouvrage autour duquel s'accordent les bons historiens (et ce, d'autant, qu'il a été traduit en français) :

- Nico Jassies, Marinus van der Lubbe et l'incendie du Reichstag, Editions Antisociales, Paris, déc. 2004

Écrit par : Luc Nemeth | 29/03/2010

Nemeth étale les limites de sa culture, y compris internautique : pourquoi pas des liens complets ? cela permettrait de rapatrier chaque débat dans ses murs :
http://www.nonfiction.fr/article-3113-claude_lanzmann_contre_yannick_haenel_suite_et_fin.htm

Écrit par : François Delpla | 03/04/2010

Sauf erreur de ma part : monsieur Delpla met les pieds dans le plat. Car enfin c'est bien lui qui a "expatrié le débat", lorsqu'il s'est vu pris en flagrant délit de mensonge, sur www.nonfiction.fr... Et qui plus est, loin d'expatrier banalement, il s'est offert le luxe de la bouffonnerie grandiose, allant jusqu'à écrire, ci-dessus, le 23/03/2010 : TOUT LE RESTE EST LITTERATURE. Sic. "Drôle" d'argument -apposé sur un site, qui à moins que j'aie mal compris, se veut dédié à... la défense de la littérature !

Écrit par : ln | 06/04/2010

Expatriant et fier de l'être :
http://www.juanasensio.com/archive/2010/04/04/jan-karski-yannick-haenel-francois-delpla.html

merci de poster là les futurs commentaires.

fd

Écrit par : François Delpla | 12/04/2010

Bon....D'accord...Haenel a tort....ou du moins il est très criticable;soit.
Les Alliés US ne pouvaient rien faire contre les camps, Ghettos et autres Kommando-Lager ou les Einstz Truppen de 1941/42......Cela est juste: ils ne pouvaient déjà pas assurer vraiment correctement la conduite de la guerre elle-même! Mais dire qu'ils n'ont pas abandonné les Juifs depuis 1937/38 est inepte
Ils pouvaient diffuser tous les jours sur la BBC ce qui se passait en Europe...Non pas aux fins de Propagande "Enjuivée"! Mais SIMPLEMENT pour AVERTIR MASSIVEMENT LES JUIFS eux-mêmes, DE NE PAS SE FAIRE RECENSER, DE SE DISSIMULER dans les campagnes, DE DISPARAITRE EN TANT QUE TELS DANS LA NATURE? avec de bons vrais faux papiers....comme le firent les plus sceptiques, les plus méfiants, les plus intelligents "affectivement"; (la majorité humaine a toujours des peaux de saucisson devant les yeux!)
les juifs AURAIENT PU LE FAIRE PLUS MASSIVEMENT, même ceux qui étaient démunis...Ils l'auraient pu, sauf ceux, une toute petite minorité,en réalité, dont les types orientalides marqués les signalaient "de visu"...Mais en France, en Italie, en Roumanie dans les Balkans, les soi-disant Aryens avaient eux aussi la même Gueule!
Quant aux "Justes" qui par dizaines de milliers les y aidèrent, ils auraient été multipliés par des millions... s'ils avaient aussi Entendu la Vérité à la BBC, chaque soir...
Mais, les Alliés ont parlé parlé parlé, sur les radios, mais ils n'ont rien dit de ce qu'ils savaient dès février-mars 1942....
Par "Prudence" disent certains.
Ceux-là, ils se foutent vraiment de notre gueule, ...fut-elle "typiquement" juive!
Où en est votre analyse critique de Walter Laqueur? Raconte-t-ils aussi des niaiseries....? Et Morse est-il aussi un menteur?
Merci de nous enseigner.....!

Écrit par : Jacquesb | 09/06/2011