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28/11/2019

Le Salut par les Juifs de Léon Bloy

Crédits photographiques : Baz Ratner (Reuters).

Rappel.

1502245678.jpgIsraël dans la Zone.





21832681608_7c488d24ce_o.jpgLéon Bloy dans la Zone.






«Ici, les riches, chrétiens ou non, sont atroces. Nos juifs eux-mêmes, nos puissants juifs n'ont pas compris que l'auteur du Salut par les Juifs avait poussé en faveur de leur nation le plus grand cri qu'on ait entendu depuis le commencement de l'ère chrétienne.»
Léon Bloy, Correspondance 1900-1914 Léon Bloy Josef Florian (L'Âge d'Homme, coll. Correspondances, 1990), lettre du 2 décembre 1900, p. 18.


Les toutes premières lignes du Salut par les Juifs de Léon Bloy sont la preuve accablante que l'antisémitisme, malgré ses innombrables transformations historiques, présente des caractéristiques constantes. Changez ainsi, dans les lignes qui suivent, «M. Drumont», appelé par Bloy «l'acéphale contempteur de Sem» (p. 39) par «M. Soral» ou bien, puisqu'il s'agit de lui, «Alain Soral», et vous serez convaincus par mes dires : «SALUS EX JUDÆIS EST. Le Salut vient des Juifs ! J'ai perdu quelques heures précieuses de ma vie à lire, comme tant d'autres infortunés, les élucubrations antijuives de M. Drumont, et je ne me souviens pas qu'il ait cité cette parole simple et formidable de Notre-Seigneur Jésus-Christ, rapportée par saint Jean au chapitre quatrième de son Évangile» (1).
L'une de ces caractéristiques constitue, du moins pour un catholique qui, en dépit de toute évidence, haïrait les Juifs, la preuve irréfutable de sa stupidité intellectuelle, puisque tous les livres antisémites se réfutent en une seule phrase : «Le Christ était juif». Nous ne savons pas si Alain Soral est, sans même penser à un catholique de combat, un tout banal catholique, et ne pouvons donc affirmer qu'il serait, en toute rigueur, un magnifique exemple de crétin particulièrement prolixe, même s'il est vrai que le beau et surtout très efficace travail de Frédéric Dufoing pourrait à tout le moins nous laisser penser que Soral, penseur auto-proclamé pour pré-adolescent à intelligence infundibuliforme, ne sait absolument pas penser, ou alors pense comme il boxe, en faisant la danseuse, c'est-à-dire le malin. Mais faire le malin, face à un livre comme celui de Léon Bloy, c'est assurément risquer de voir se dissoudre les comiques prétentions à la réflexion de Soral, comme les moucherons des pissotières sont dissouts par un seul rayon de lumière selon Rimbaud.
C'est en 1892 que le livre de Léon Bloy a été publié, par Adrien Demay, commissionnaire en librairie et ami de l'auteur depuis plusieurs années. Je doute fort que l'ouvrage de Bloy ait marqué les esprits au point de leur faire renoncer aux amphigouris très largement distribués de Drumont, qui à l'époque était très lu. Ce n'est d'ailleurs qu'en 1906 que Le Salut par les Juifs sera réédité, avec une préface datée du 19 novembre 1905 dans laquelle Léon Bloy affirme que son livre «est sans aucun doute, le témoignage chrétien le plus énergique et le plus pressant en faveur de la Race Aînée, depuis le onzième chapitre de Saint Paul aux Romains» (p. 346). Ces termes reprennent le prospectus d'éditeur qu'Adrien Demay avait joint, en 1892, au livre, et où nous pouvons lire ces phrases qui elles-mêmes sont sans la moindre ambiguïté : «L'auteur franchement hostile aux antisémites dont il démontre le néant intellectuel, ne craint pas de prendre parti pour la race d’Israël, au nom des intérêts les plus hauts, et il va jusqu'à prétendre que le salut du genre humain est solidaire de la destinée des Juifs. Ce livre où Léon Bloy, si connu pour son éloquence extraordinaire, paraît s'être surpassé, sera sans doute regardé comme la réponse la plus directe aux agressions injurieuses dont l'Église catholique, elle-même, condamne les emportements» (p. 345).
La ligne de défense (et surtout d'attaque, car il ne peut renier sa nature et il est molosse féroce avant que d'être agneau) de l'écrivain est donc ici clairement tracée : l'antisémite, celui qui hait le Juif parce qu'il est Juif, ne peut que haïr le Juif Jésus-Christ et, nous le verrons, parce que ce dernier est le Pauvre par excellence, l'antisémite est donc finalement celui qui hait le pauvre, alors même qu'il dénonce la puissance financière de la communauté exécrée. Qui hait le Juif hait donc Léon Bloy, voilà l'idée jamais clairement exposée qui innerve la prose exubérante du Mendiant ingrat, et qu'il indiquera très clairement et de fort belle façon à une de ses correspondantes, qui s'étonnait des pages que l'écrivain consacra au poète juif Rosenfeld dans Le Sang du Pauvre, ce très grand livre qui poursuit la méditation sur l'Argent : «écrivant un livre sur le Pauvre, comment aurais-je pu ne pas parler des Juifs ? Quel peuple est aussi pauvre que le peuple juif ? Ah ! je sais bien, il y a les spéculateurs, les banquiers. La légende, la tradition veulent que tous les juifs soient des usuriers. On refuse de croire autre chose et cette légende est un mensonge. Il s'agit là de la lie du monde juif. Ceux qui le connaissent et le regardent sans préjugés savent que ce peuple a d'autres aspects et que, portant la misère de tous les siècles, il souffre infiniment. Quelques-unes des plus nobles âmes que j'ai rencontrées étaient des âmes juives», écrit-il ainsi à la date du 2 janvier 1910 dans son Journal (t. III, Le Vieux de la montagne, Le Pèlerin de l'absolu, Mercure de France, 1963, p. 129).


La suite de cet article figure dans Le temps des livres est passé.
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