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20/02/2013

Le Sang du Pauvre de Léon Bloy

Crédits photographiques : Micah Albert (Redux Images).

Éditions du Sang des Pauvres disponibles sur le site de PriceMinister.

Rappel.

1502245678.jpgIsraël dans la Zone.





3392243358.jpgLéon Bloy dans la Zone.





3197914642.jpgLe Salut par les Juifs.





«Le Sang du Pauvre est peut-être ce que j'ai fait de plus important. En tout cas, c'est un livre d'une exceptionnelle générosité, en ce temps de bassesse et de lâcheté à tous les étages. C'est aussi le livre d'un écrivain désormais incontestable. Dans la pénurie effrayante et tout à fait inouïe de l'intellectualité contemporaine, alors que l'Académie en enfance est réduite à inaugurer des cabotins, une attention singulière commence à se fixer sur moi. Il se dit déjà, même chez mes ennemis qui en écument, que je suis le seul. Il n'est donc pas déraisonnable ni téméraire d'espérer le retentissement d'un tel livre signé de mon nom et lancé par un éditeur puissant... Nulle personnalité choquante. Je parle au-dessus de l'actualité. C'est un Miserere chrétien où j'ai voulu ramasser la douleur universelle.»
Léon Bloy, Le Vieux de la montagne 1907-1910, Journal de Léon Bloy, t. 3, Mercure de France, 1963, pp. 89-90, l'auteur souligne).


Le Sang du Pauvre est, dans sa concision même, l'un des plus beaux textes de Léon Bloy, qui écrit à son sujet, le 5 février 1909 : «Ce livre que je porte depuis des années, sort de moi, comme un flot de mon propre sang, si on me perçait le cœur. C'est nouveau, inouï dans toute ma vie d'écrivains. Les deux ou trois auditeurs choisis qui en connaissent les premiers chapitres, s'étonnent, persuadés que j'accomplis l'œuvre qui me dépasse» (in Le Vieux de la montagne 1907-1910, op. cit., pp. 88-9). Ce livre, avec Le Salut par les Juifs aurait été apprécié, dit-on, par Franz Kafka lui-même peut-être parce que, justement, Léon Bloy y manifestait plus que dans tout autre livre sa hauteur de vue et son invincible solitude, alors que le cochon Zola bâfrait avec les échotiers et, selon Bloy, devenait, de livre en livre, millionnaire : «Il y a plus : le Juif Franz Kafka s'est réclamé de Bloy. Il aimait le Salut par les Juifs et le Sang du Pauvre. Il a dit à son ami Janouch : «Bloy sait vitupérer de façon tout à fait extraordinaire... Bloy est animé d'un feu qui rappelle l'ardeur des prophètes. Que dis-je ! Il vitupère mieux qu'eux : et cela s'explique : son feu se nourrit de tout le fumier de notre temps» (cité par Georges Cattaui, in Léon Bloy, Lettre-Préface de J. Maritain et Avant-propos de Pierre Emmanuel, Éditions Universitaires, coll. Classiques du XXe siècle, 1954, p. 94).
C'est en 1909 que paraît, chez l'éditeur Juvent, Le Sang du Pauvre (1), dont le thème est le même que celui du Salut par les Juifs. Léon Bloy, pour sa propre stupéfaction (cf. son Journal, op. cit., à la date du 17 avril 1909) a écrit très rapidement ce livre, de janvier à mars de cette même année et nous pouvons voir dans cette rapidité la preuve incontestable qu'il sait de quoi il parle lorsqu'il évoque deux sujets qui n'en forme qu'un : le Pauvre et l'Argent puisque, comme l'écrivain l'affirme dès les toutes premières lignes du premier chapitre, «Le Sang du Pauvre, c’est l’argent. On en vit et on en meurt depuis les siècles. Il résume expressivement toute souffrance» (p. 87). C'est avec son sang que le Christ a racheté les pauvres mais aussi les riches, une horreur eschatologique que Léon Bloy ne manque jamais de souligner. Si le sang du Christ coule, littéralement, sur le monde entier depuis des siècles, «Il fallait donc bien que l’argent le représentât : l’argent qu’on donne, qu’on prête, qu’on vend, qu’on gagne ou qu’on vole; l’argent qui tue et qui vivifie comme la Parole, l’argent qu’on adore, l’eucharistique argent qu’on boit et qu’on mange. Viatique de la curiosité vagabonde et viatique de la mort. Tous les aspects de l’argent sont les aspects du Fils de Dieu suant le Sang par qui tout est assumé» (Ibid., l'auteur souligne).
Une fois cette identité spéculaire établie, Léon Bloy va se contenter, pourrait-on dire, de dérouler le fil de plusieurs métaphores. L'une d'entre elles, la plus frappante sans doute, est celle de la dévoration : le Riche consomme le pauvre, ou, en d'autres termes, il le mange : «Le Sang et la Chair du Pauvre sont le seuls aliments qui puissent nourrir, la substance du riche étant un poison et une pourriture» (p. 94). Innombrables sont les rappels de cette évidence, qu'il s'agisse des propriétaires qui doivent manger (cf. p. 112), d'un «modeste collier de perles de soixante mille francs» qui représente «l'addition du déjeuner de soixante requins» mais aussi «la mort affreuse de soixante créatures à la ressemblance de Dieu que nourrissait à peine leur épouvantable métier» (p. 115), l'égoïsme des riches étant celui de «cannibales» (p. 124), les gérants ne pouvant être qualifiés que de «carnassiers» (p. 125).
Il est arrivé à Léon Bloy d'apprécier certains des romans d'anticipation d'H. G. Wells comme La Machine à explorer le Temps ou bien L'Île du Docteur Moreau et la métaphore filée de la dévoration réelle, pas seulement symbolique, des pauvres par les riches, nous fait irrésistiblement songer au monde décrit par Harry Harrison dans le classique Make room ! Make room ! improprement traduit par Soleil vert, titre français du roman mais aussi de l'adaptation cinématographique qui en a été tirée, par Richard Fleischer, livre et film qui trouvent leur prolongement dans l'étrange roman d'O. Sarban (pseudonyme de John W. Hall) intitulé Le Son du cor, dans lequel l'auteur décrit une dystopie où les Nazis, victorieux du monde libre, organisent, pour se divertir, des chasses à l'homme dans d'immenses propriétés hantées par des êtres tout droit sortis des éprouvettes du Docteur Moreau.
Si la chair des pauvres est dévorée par les riches, leurs propres enfants étant «fortifiés avec du jus de viande de pauvre et [leur] cuisine [étant] pourvue de pauvre concentré» (p. 94), c'est aussi leur sang, le Sang du Christ, qui est bu par les riches qui se pourlèchent «en songeant à l'agonie des locataires malheureux qui s'exterminent pour son estomac de vautour femelle et pour son boyau culier» (p. 111), alors qu'ils ne leur manquent, pour devenir des vampires, «vraiment que du sang à boire, du sang humain de première marque» (ibid.), le sang des pauvres étant aussi celui des ouvriers crevant à la tâche, qui «s'ajoute au torrent de sang préalablement répandu pour la conquête monstrueuse de ce pays» (p. 113), peu importe lequel finalement, puisque l'universelle rapine se déchaîne dans toutes les colonies, comme l'indique le très beau chapitre intitulé Jésus-Christ aux colonies (2), soit l'histoire de la conquête des Amériques qui peut se résumer à «une longue rigole de sang noire qui coule derrière» les conquérants auxquels «les belles-mamans, éblouies, leur mijoteront des vierges» (p. 120), retour des pays chauds.
La richesse s'exprime par la dévoration mais aussi la succion. Le riche vampirise.
La Pauvreté, elle, ne saurait être confondue avec la Misère, comme l'écrivain le rappelle en quelques lignes magnifiques, qui auraient pu être écrites par son ami, Ernest Hello : «La Pauvreté groupe les hommes, la Misère les isole, parce que la pauvreté est de Jésus, la misère du Saint-Esprit. La Pauvreté est le Relatif, – privation du superflu. La Misère est l’Absolu, – privation du nécessaire. La Pauvreté est crucifiée, la Misère est la Croix elle-même. Jésus portant la Croix, c’est la Pauvreté portant la Misère. Jésus en croix, c’est la Pauvreté saignant sur la Misère» (p. 92).
Cette distinction n'intéressera finalement que les casuistes ou bien les exégètes à tropisme mystique car en fait, qu'il s'agisse de pauvreté ou de misère, les prélats, le clergé contemporains et l'ensemble des catholiques français (et belges, ajoute Bloy, perfidement) ne semblent, aux yeux de l'écrivain, pas dignes d'étreindre ces deux mots, parce qu'ils les confondent, probablement, comme ils confondent d'ailleurs tous les mots qu'ils emploient les uns à la place des autres : «Prêtres élégants, éloignez [des riches] le lit d'amour de Jésus-Christ, la croix misérable, infiniment douloureuse, plantée au milieu d'un charnier de criminels, parmi les ordures et les puanteurs, la vraie Croix simplement hideuse, bonnement infâme, atroce, ignominieuse, parricide, matricide, infanticide; la croix du renoncement absolu, de l'abandon et du reniement à jamais de tous ceux, quels qu'ils soient, qui n'en veulent pas; la croix du jeûne exténuant, de l'immolation des sens, du deuil de tout ce qui peut consoler; la croix du feu, de l'huile bouillante, du plomb fondu, de la lapidation, de la noyade, de l'écorchement, de l’écartellement (sic), de l'intercision, de la dévoration par les animaux féroces, de toutes les tortures imaginées par les bâtards des démons... La Croix noire et basse, au centre d'un désert de peur aussi vaste que le monde; non plus lumineuse comme dans les images des enfants, mais accablée sous un ciel sombre que n'éclaire pas même la foudre, l'effrayante croix de la Déréliction du Fils de Dieu, la Croix de Misère !» (pp. 92-3).
C'est bien trop et cette solitude absolue dans laquelle Bloy, sachant lui-même qu'il ne saurait en être capable ou digne, enferme les catégories aporistiques de son exégèse, a surtout valeur d'exemple digne d'un discours apophatique : finalement, Bloy atteint la négation du sens commun par l'exagération qu'il fait jouer contre le bon sens et la raison platement communs.
À ce titre, la préoccupation première de Bloy est, comme pour tout écrivain qui se respecte, de faire œuvre de langue. Si tout est inversé depuis la Chute, si nous voyons le monde, selon le mot énigmatique de l'apôtre, comme au travers d'un miroir et en énigme, l'écrivain véritable est celui qui va tenter de redresser les mots gauchis, et d'abord celui de pauvreté, galvaudé par ce siècle de sueur (cf. le chapitre 16 intitulé Le système de la sueur) : «L’homme est si près de Dieu que le mot pauvre est une expression de tendresse. Lorsque le cœur crève de compassion ou de tendresse, lorsqu’on ne peut plus retenir ses larmes, c’est le mot qui vient sur les lèvres» (p. 102, l'auteur souligne).
Notons que c'est la ressemblance même entre l'homme et Dieu qui fait du langage, aussi imparfait soit-il (3), Léon Bloy le sait mieux que nul autre qui a toujours tenté d'exprimer ce qui dépasse la parole, un instrument de salut qu'il ne faut jamais dédaigner : «Catastrophe de la Parole tombée dans la boue» (p. 135), qu'il faut donc laver et utiliser, à l'instar du poète juif Morris (Moïse-Jacob) Rosenfeld sur lequel Léon Bloy écrit des phrases magnifiques, pour chanter humblement et sincèrement la misère des hommes, et ainsi l'élever jusqu'à Dieu. L'écriture est intercession ou elle n'est rien : «[...] les poètes font ce qu’ils veulent. Ce jargon cosmopolite formé des guenilles de toutes les langues, il en a fait une musique de harpe lamentatrice» (p. 138).
Écrire, c'est donc redonner, du moins pour un artiste de race qui, toujours, aimera la douleur et la pauvreté (4), leur sens aux mots de la tribu, qu'un usage bourgeois a falsifiés, démonétisés, selon la règle très stricte de l'inversion parodique, de la dérision : «La dérision du Désir des pauvres est l’iniquité impardonnable, puisqu’elle est l’attentat contre la suprême étincelle du flambeau qui fume encore et qu’il est tant recommandé de ne pas éteindre» (p. 102).
En fin de compte, nous pourrions avancer l'hypothèse selon laquelle le lent travail de l'écriture redonnant aux mots galvaudés leur sens véritable n'est que la métaphore d'un autre retour à l'ordre ô combien vital aux yeux du catholique intransigeant qu'est Léon Bloy, qui mieux que nul autre a compris la mission (du moins à ses yeux) du peuple juif (5) : «Lorsqu’ils se convertiront, ainsi qu’il est annoncé, leur puissance commerciale se convertira de même. Au lieu de vendre cher ce qui leur aura peu coûté, ils donneront à pleines mains ce qui leur aura tout coûté. Leurs trente deniers, trempés du Sang du Sauveur, deviendront comme trente siècles d’humilité et d’espérance, et ce sera inimaginablement beau» (p. 136).
Ne nous attardons point sur cette dimension que nous avons explorée dans notre note sur Le Salut par les Juifs, et remarquons plutôt que c'est à propos de ce même livre, qui lui fut si cher, que Léon Bloy utilise, pour décrire son travail exégétique, la métaphore de l'artisan humble qui façonne les mots à l'exemple d'un sculpteur : «Celui de tous mes livres que j'estime le plus et qui m'a le plus coûté. J'ai voulu être le statuaire de la Parole» (6).
Au fond, comme les tragédies de Shakespeare, les meilleurs livres de Léon Bloy, qui sont souvent les plus ramassés et énigmatiques comme Le Sang du Pauvre, miment l'unique mouvement qu'il importe d'instaurer, au sein même de l'écriture : le constat de l'inversion du monde, sa déchéance depuis la Chute, la prostitution des mots qui en découle, puis l'effort pour tenter de rédimer ce qui gît dans les ordures du lieu commun. Ainsi, au moment où les Juifs reconnaîtront le Christ, l'ordre naturel sera de nouveau réinstauré, et les pauvres logiquement placés à la place éminente dont ils n'auraient jamais dû être chassés si les mots avaient conservé leur sens : «Celui qui parle ainsi [il s'agit du poète Rosenfeld] est, aux yeux du monde, un peu moins qu’un ver. Mais il a raison infiniment et Dieu lui-même n’a pas pu mieux dire. Les Juifs sont les aînés de tous et, quand les choses seront à leur place, leurs maîtres les plus fiers s’estimeront honorés de lécher leurs pieds de vagabonds. Car tout leur est promis et, en attendant, ils font pénitence pour la terre» (p. 140). Léon Bloy : nous pourrions, de même, caractériser son œuvre en affirmant qu'elle a fait ou tenté de faire pénitence pour la terre entière.
Il n'est ainsi point étonnant qu'une fois de plus, l'écrivain lie intimement les Juifs et les Pauvres, les uns et les autres ne constituant à ses yeux qu'une seule réalité, bien évidemment invisible (7) pour les bourgeois et les catholiques de son temps, qu'il faudrait sans doute regrouper au sein d'une même appellation péjorative, celle de cochons.
Mais les Juifs refuseront sans doute, c'est là je crois la grande, l'unique peur de Bloy, de reconnaître le Christ pour leur unique Messie, ce refus étant peut-être lié à la permanence, puis à l'accroissement inéluctable, des pauvres parmi nous. Ainsi, le dernier pauvre sera très probablement un Juif, même si Léon Bloy ne pose pas cette affirmation aussi clairement que je le fais : «On a demandé souvent ce que pourrait bien être l’Iota du Sermon sur la Montagne, lequel iota doit subsister et s’accomplir avant que passent le ciel et la terre. Un enfant répondrait à cette question. C’est précisément le Règne du Pauvre, le royaume des pauvres volontaires, par choix et par amour. Tout le reste est vanité, mensonge, idolâtrie et turpitude» (p. 149, l'auteur souligne).
Et c'est ainsi, à sa façon trouble, tortue, que Léon affirme, ne peut qu'affirmer le fait que sa mission d'écrivain est par avance vouée à l'échec et, qu'après lui, d'autres horribles travailleurs ne devront pas craindre d'intercéder, au moyen de leur art, auprès de Celui qu'il importe seul d'invoquer.

Notes
(1) Le Sang du pauvre, Œuvres de Léon Bloy, t. 9 (Mercure de France, 1983). Les pages entre parenthèses renvoient, sauf exception, à notre édition.
(2) La condamnation de la colonisation par Léon Bloy est sans la moindre équivoque : «[…] on peut dire avec certitude et sans documents, que la condition des autochtones incivilisés, dans tous les pays conquis, est le dernier degré de la misère humaine pouvant être vue sur terre. C'est l'image stricte de l'Enfer, autant qu'il est possible d'imaginer cet Empire du Désespoir» (p. 120). Et, afin d'accentuer la culpabilité des catholiques tripatouilleurs d'affaires et toujours prêts à ruser par les bons offices des préceptes jésuitiques qui, dans ce livre comme dans les autres, constituent la première cible sur laquelle Léon Bloy ne se lasse jamais de tirer : «Tout chrétien partant pour les colonies emporte nécessairement avec lui l'empreinte chrétienne. Qu'il le veuille ou non, qu'il le sache ou qu'il l'ignore, il a sur lui le Christ Rédempteur, le Christ qui saigne pour les misérables, le Christ Jésus qui meurt, qui descend aux enfers, qui ressuscite et qui juge vivants et morts» (ibid.).
(3) «Le mal de ce monde est d'origine angélique et ne peut être exprimé dans une langue humaine. La Désobéissance d'abord, le Fratricide ensuite. Voilà toute l'Histoire» (p. 147).
(4) «Instinctivement, sans qu'il ait besoin de le savoir, [l'artiste] tend vers la Douleur, la Pauvreté, le Dépouillement complet, parce qu'il n'y a pas d'autres gouffres et que son attraction est au fond des gouffres» (p. 135). Léon Bloy, quelle qu'ait été son expérience, ô combien douloureuse, de la pauvreté, n'en idéalise volontairement pas moins cette situation qu'il n'a pas voulue mais subie : «L’argent est pour la Gloire de Dieu, sachez-le bien, et la Gloire de Dieu est au sein des pauvres. Tout autre usage qu’on en peut faire est une prostitution et une idolâtrie. Mais, avant tout, c’est un vol. Il n’y a qu’un moyen de ne pas détrousser les autres, c’est de se dépouiller soi-même» (p. 129).
(5) Une fois de plus, la conversion finale au christianisme des Juifs donne à Bloy l'occasion de vitupérer contre les catholiques de son temps : «L’abjection juive peut invoquer la foudre, l’abjection commerciale des chrétiens ne peut attirer que des giboulées de crachats et de déjections» (p. 136).
(6) Il s'agit d'une dédicace à un ami sculpteur, consignée le 30 octobre 1909, cf. em>Le Vieux de la montagne 1907-1910, op. cit., p. 118.
(7) C'est ce même thème de l'invisibilité de l'action divine dans notre monde qui a permis à Léon Bloy de justifier la thèse selon laquelle certains grands hommes, relativement à leur rôle dans l'Histoire, ont pu représenter le bras de Dieu : «Il y a des hommes, innocents ou criminels, en qui Dieu semble avoir tout mis, parce qu’ils prolongent son Bras et Napoléon est un de ces hommes» (p. 90). Notons que c'est dès 1909 que Léon Bloy va commencer à rédiger son ouvrage sur l'Empereur, comme il l'écrit le 17 avril 1909 : «Maintenant, je vais me jeter à Napoléon. 1809, hélas ! fut le commencement de son déclin. Cent ans après, je tâcherai de le remettre à cheval, ce plus grand des hommes qui m'attend peut-être», in Journal, op. cit., p. 117.