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11/05/2021

Mieux vaut Tao que jamais : Le coup du Lapin brise Le Coup du Hibou, roman de Jean Levi, par Thibaud Saint-Denys

Crédits photographiques : David Gray (Reuters).

Cette très longue recension d'un roman intitulé Le Coup du hibou de Jean Levi, au format PDF qui permettra une lecture plus commode, mérite quelques précisions, sous la plume de son auteur, Thibaud Saint-Denys. Parfait moment, n'est-ce pas, pour publier ce travail méticuleux, alors que Gregory Mion vient de consacrer une note à un roman de Pearl Buck ayant justement pour cadre... la Chine !

Le coup du Hibou, Jean Levi.png«Le monde littéraire abonde en controverses : la Querelle des Anciens et des Modernes, la mésentente entre Rousseau et les encyclopédistes, la Bataille d’Hernani, etc. Dans Le Coup du Hibou de Jean Levi, paru en 2001 aux Éditions Albin Michel, le narrateur s’obstine, tout au long de 789 pages, à ridiculiser le personnage principal, Henri Beauchemin, derrière lequel il est facile de reconnaître le sinologue Charles Le Blanc, professeur émérite du Département de philosophie de l’Université de Montréal, qui fut aussi durant vingt ans le directeur du Centre d’études de l’Asie de l’Est de cette institution.
Ce roman à clefs, perfide et prétentieux, rempli de ressentiment, de morgue et de mépris, se veut un règlement de comptes en bonne et due forme, rien de moins que la lapidation publique d’un intellectuel de renom, car il s’acharne à démolir, non seulement la personne, mais aussi l’œuvre de l’un des plus éminents sinologues occidentaux. Cette trame nous rappelle la rivalité entre le sinologue Stanislas Julien et l’orientaliste Guillaume Pauthier, le premier ayant dénigré à tout vent le second afin de succéder à leur maître, Abel-Rémusat, premier titulaire en 1818 de la chaire d’études chinoises au Collège de France. Ou encore Paul Perny qui sous le pseudo de Léon Berti en 1874 médisait Stanislas Julien dont il con­voitait ce même poste au Collège de France mais à qui on préféra mon ancêtre, le marquis de Saint-Denys.
Plus près de nous, cathos et intellos maolâtres se liguèrent en 1971 contre le belge Pierre Ryckmans (alias Simon Leys) pour l’écarter d’un poste de maître de conférence à Paris-Diderot. Un poste prestigieux n’étant pas ici en jeu, le lecteur s’interroge sur les raisons d’un tel étalage de haine et en arrive au constat que l’auteur a publié cette pseudo-fiction dans le simple but d’exhiber avec suffisance son érudition et son chauvinisme. En effet, Henri Beauchemin est décrit comme un provincial mal dégrossi, «directeur d’un petit département d’une université moyenne de réputation moyenne», un chercheur sans envergure, un ex-jésuite conformiste, un étranger, un Huron ahuri avec un accent acadien ou pékinois; dès lors Jean Levi, aisément identifiable dans la personne du narra­teur, n’a d’autre but que de l’anéantir intellectuellement et moralement. Ce roman diffamatoire me semble un cas d’école édifiant et mérite une analyse détaillée. La Chine y jouant de plus un rôle central, il va sans dire que la littérature française s'en inspirant mérite toute notre attention.»

Il est vrai que bon nombre de nos cacographes, mais aussi réels écrivains, semblent ou bien ont semblé littéralement hantés pas la Chine, comme Thibaud Saint-Denys me l'expliquait dans un de ses courriels, dont je ne reproduis que la courte partie ci-dessous :

«Plusieurs écrivains français ont inclus la Chine dans leurs romans. Il y a bien sûr le plagiaire Philippe Sollers qui a fait le «bonheur» de Damien Taelman ! Mais il y en a plusieurs autres, par exemple Pascal Quignard, Patrick Rambaud, Jean-Marie le Clézio, Pierre Péju et Jean-Philippe Toussaint, pour n’en nommer que quelques-uns. Et avant eux bien d’autres écrivains non sinologues se sont aussi frottés à la Chine, parmi mes préférés il y a les très grands Elias Canetti, Herman Hesse, Bertolt Brecht, Robert Musil, Franz Kafka, Jorge Luis Borges, Jack Kerouac etc., et aussi en français André Malraux, Marguerite Yourcenar, Simone de Beauvoir, Marguerite Duras, Mallarmé, Apollinaire, Saint-John Perse, Jean Paulhan, Paul Valéry, Georges Bataille, Pierre Klossowski, Claude Roy, Henri Michaux, Roland Barthes et dans un autre domaine Jacques Lacan. Et si l’on remonte un peu plus loin il y a les incontournables Pascal, Montesquieu, Voltaire, Diderot, Verne, Hugo et Balzac pour ne nommer que quelques-uns des auteurs les plus connus, sans parler de Hergé ! Bref, il y a de très nombreux écrivains qui ne parlant pas du tout le chinois ont utilisé la Chine et des notions chinoises de manière importante dans leurs récits… avec plus ou moins de succès. Plusieurs ont commis de grosses bourdes, tout simplement parce qu’ils connaissaient très mal ce pays et cette culture, et pas du tout la langue. Trop souvent la Chine n’est (ou n’était pour les plus anciens) qu’un sujet de curiosité pour rendre le récit plus «exotique», excentrique, voire mystérieux… «l’autre» de l’Occident, l’antipode. Bien qu’ils soient écrivains/romanciers, je n’ai pas inclus dans cette liste Paul Claudel et Victor Segalen car ils avaient une bonne connaissance du chinois sans être à strictement parler des sinologues de formation. Et bien sûr François Cheng : traducteur, essayiste, poète et romancier, sa présence à l’Académie française est significative justement de la place de plus en plus importante qu’occupe la littérature en lien avec la Chine dans la république des lettres.»

De l'auteur, j'ai par ailleurs reçu cette présentation : Né sous le signe du singe, joueur de qin à temps perdu et adepte de canoë au gré des courants, Thibaud Saint-Denys est un Sun Wukong occidental et réglo portant polo : il a longtemps vécu en Chine et à Taïwan où il a fait des hébétudes de sinologie et de philosophie de derrière les fagots. Il gagne son pinard en conseillant des capitaines d’industrie et chneuque à temps retrouvé dans les brols et les grands crus de la culture chinoise.