Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16/11/2007

Arbeit macht frei



«Quand Tamerlan, prenant des corps d’hommes vivants et des quartiers de roches, des têtes d’hommes et des pierres, les entassait pêle-mêle pour en bâtir des murailles, il faisait une action parfaitement claire : on construisait un mur avec des corps et des têtes d’hommes et on entend encore, comme s’ils avaient traversé les siècles, les craquements de ces corps et ces têtes qui se brisent; il semble que ces craquements d’os et ces cris d’hommes aient creusé des failles dans l’air devenu solide, et que le vent, quand il passe sur ces failles, fasse retentir à nouveau ces craquements et ces gémissements. Voilà un crime qui subsiste à jamais, clair et sans équivoque.
Les atrocités nazies en revanche semblent faites en passant : précisément comme si des appareils les avaient commises, qui pourraient tout aussi bien produire autre chose : en cet instant, l’appareil est mis sur crime, l’instant suivant, il le sera sur bien-être, ou sur un concert de Bach ou sur l’éducation des enfants; ce sont des atrocités faites comme par jeu ou pour une expérience. C’est pourquoi elles sont si variées, non pas variées comme la nature, mais variées à la façon des expériences; on varie les expériences en matière de cruautés. Tout cela n’est si monstrueux que parce que ce n’est pas à la mesure de l’homme, mais à la mesure de l’appareil, lequel est sans mesure et sans limites.»
Max Picard, L’homme du néant [1945] (traduit de l’allemand par Jean Rousset, Neuchâtel, éditions de la Baconnière, 1946), p. 51.

Lire la suite