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20/02/2014

Lettre aux Norvégiens sur la littérature et les victimes de Richard Millet

Crédits photographiques : Hani Mohammed / AP.

2681642119.jpgSur Richard Millet.





rm_lan.jpgÀ propos de Richard Millet, Lettre aux Norvégiens sur la littérature et les victimes (Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2014).
LRSP (livre reçu en service de presse).

La dernière missive dolente que Richard Millet envoie à ses lecteurs en prenant son éditeur, Pierre-Guillaume de Roux, pour un bureau de Poste (attendons sa prochaine carte postale plaintive, timbrée depuis l'Enfer des Réprouvés, d'ici un petit mois, à présent que le rythme d'écriture ou plutôt de production est pris et le pli affranchi, au quintal et à tarif heureusement réduit) ne se distingue en rien de la précédente, qui elle-même ne présentait guère d'originalité par rapport à l'antépénultième ersatz de pensée et d'écriture milletienne : de grands mots et des expressions sertis d'une majuscule, un amalgame de pseudo-concepts censés établir une analyse aussi profonde qu'imparable de la société française contemporaine dans sa déliquescence programmée par l'Élite médiatico-politico-artistique; enfin, une ritournelle de plus en plus plaintive donc mais, à mesure que notre acteur apprend son rôle, se voulant fière et crâne et n'étant que prétentieuse et mensongère, dont la ligne pauvrement monodique exalte la fausse solitude du dernier écrivain de France, exilé au sein de son propre pays.
Notre Ovide du prêt-à-penser réactionnaire n'est pas du tout un exilé et encore moins un ostracisé, mais il joue à l'être, et sa déclaration frise le plus haut ridicule lorsqu'il se pare de la toge, tout de même encore sénatoriale pour le nanti qu'il est, de la dignité bafouée : «ne plus appartenir au comité de lecture d'une grande maison d'édition, c'est n'être plus grand-chose» (p. 33). Sous cette plainte comique, aussi pathétique que grotesque, se cache non pas un humble mais un arrogant, qui jamais ne cesse de nous parler de la «dignité de l'écrivain» (p. 38) sans bien savoir visiblement de quoi il s'agit, dignité que Richard Millet a depuis quelques livres tout de même bafouée, en écrivant des essais sans queue ni tête, truffés d'amalgames, de contresens, d'erreurs, lardés de flagrantes et crasses ignorances, et d'abord dans le domaine que notre dernier écrivain prétend servir, la littérature justement. Il est en outre assez sidérant, et profondément irrespectueux, d'écrire que ne pas appartenir à un comité éditorial, fût-il celui de Gallimard, est synonyme de mort sociale. J'invite notre monarque déchu, qui ose évoquer sa mort sociale (cf. p. 34), à descendre un peu plus souvent qu'il ne le fait dans les couloirs sentant la pisse et la crasse du métro parisien, où il verra peut-être, par malchance, des épaves misérables, souchiennes ou pas d'ailleurs qui, en guise de représentativité sociale, n'ont même pas droit à un regard de celles et ceux qui passent à côté d'eux sans même paraître les voir.
Il n'est donc pas davantage étonnant que, faux ostracisé, faux humble persuadé que «l'Histoire littéraire [le] vengera sans doute des commissaires politiques et de leurs gardes rouges» (pp. 39-40), Richard Millet soit un faux écrivain et un faux penseur. Faux écrivain, parce que, comme tous les imposteurs, il n'a de cesse de prétendre qu'il en est un : chacun des essais de ce cacographe, lus de leur première à leur dernière ligne, nous le prouve assez et, ma foi, le dernier en date ne fait que confirmer cette évidence, peu amène je le conçois pour lui, Richard Millet écrit désormais comme d'autres défèquent. Richard Millet défèque de la page molle, jamais moulée, du texte sentant horriblement mauvais, autant de signes d'une probable infection des intestins, si ce n'est de l'organe qui lui sert désormais à penser, à moins que finalement Richard Millet ne pense plus qu'avec ses intestins, cette hypothèse apportant d'un seul coup réponse à nos dernières interrogations à son sujet.
Voyez donc cet écrivain de carton pâte nous répéter, de livre en livre, comme le fait d'ailleurs le pédéraste polygraphe Gabriel Matzneff, que la solitude à laquelle ses collègues, tous ou presque devenus des renégats (un mot éminemment matznévien), l'ont réduit, est le signe le plus sûr de son élection littéraire : «Quant à la haine qu'on me voue, elle est d'une constance si remarquable qu'elle m'est devenue un animal de compagnie qui m'a toujours empêché de devenir un écrivain installé, dès lors que le succès commençait à poindre : j'ai d'emblée eu l'intuition que l'échec social est le plus sûr garant de l'écriture comme de l'authenticité d'une aventure que je n'ai jamais séparée d'une recherche spirituelle» (p. 37). En quoi ses essais témoignent-ils d'une quelconque recherche littéraire voire spirituelle, alors que l'homme ne cesse de clamer son innocence, et implore à tout prix qu'on lui pardonne ? Une autre façon et autrement plus noble, pour ce pestiféré imaginaire qui s'est inventé un rôle digne de son maigre talent de pleureur professionnel, consisterait à dédaigner le suffrage de ses pairs, qui d'ailleurs écrivent tout aussi mal que lui et n'ont, sur lui, que l'avantage d'avancer en meute. Curieuse solitude, comme dirait Sollers, que celle de Richard Millet, jamais aussi pressé que lorsqu'il s'agit, à toutes forces lacrymales et à bouillons de chaude contrition, de rejoindre les badauds, tout en proclamant bien haut, ô pitoyable paradoxe, le dégoût de ces derniers.
Si donc nous lisons correctement Richard Millet, sa solitude forcée et toute récente va donc l'aider à devenir l'écrivain qu'il n'a jamais été, ou, du moins, qu'il n'a été qu'imparfaitement. Nous attendons donc avec impatience le prochain livre qui aura lentement décanté de cette solitude digne d'un enterré vivant ! Nous l'attendons, mais, bien évidemment, il ne viendra pas, puisque le prochain ouvrage de Richard Millet, selon toute probabilité, sera un nouvel exemplaire de sa bavarde nullité. J'ai parlé de paradoxe, mais il s'agit en fait d'une contradiction car comment concilier, avec cet extrait, celui qui le précédait, et où notre anachorète de la rue Sébastien-Bottin se plaignait de n'être plus rien, lui qui était tout, ou presque tout, lorsqu'il officiait chez Gallimard ? Que n'avez-vous dans ce cas, tartufe bavard, décidé vous-même, Richard Millet, et bien avant que la meute aboyeuse des petites chiennes et des petits chiens n'aboie après vos mollets, de quitter le confort si peu plébéien que vous apportait votre place pour le moins enviable chez Gallimard !
Richard Millet n'est bien sûr pas à une contradiction près, ne soyons donc point trop vigilants avec cet écrivain d'opérette qui n'écrit plus que comme écrivent tous ceux qui, comme lui (ainsi de Renaud Camus que Richard Millet n'omet pas de saluer, bien évidemment, cf. p. 34, en parlant d'un «écrivain considérable» et dont il cite la thèse du grand remplacement, p. 58), n'ont strictement rien à dire, rien d'essentiel en tout cas, qui se dirait par le seul biais d'un texte, mais d'un vrai texte, un grand roman (à tout le moins un bon roman, comme Le Rat blanc de Christopher Priest, voire un petit roman, comme Le Camp des Saints de Raspail), un grand texte qui décrirait donc par exemple, comme ceux de Broch ou de Musil, la lente mais inéluctable déliquescence de la France, mais se contentent donc, en lieu et place de cette œuvre qu'ils sont bien incapables de rêver et encore moins d'écrire, de manier ce qui n'a d'autre nom que celui de novlangue. L'écrivain sans talent qu'est Richard Millet, ne trouvant plus aucun secours du côté de la prose romanesque, regarde en louchant vers l'essayiste, qui l'expédie d'un coup de pied au derrière, celui qui en fin de compte a toujours laissé une tâche indélébile sur la culotte de tous ces cancres verbeux, trop contents d'être exposés sous un rai de lumière, fût-ce celui qui dissout par sa puissance des moucherons de pissotière.
De fait, si le novlangue tel que l'imagina Orwell se caractérisait par la disparition progressive des mots, nous avons depuis longtemps constaté, opérant ses ravages dans les essais de Richard Millet, l'apparition puis la prolifération de quelques mots ou expressions qui, censés faire référence à des réalités que tout bon Français dit de souche non seulement n'ignore pas mais admet d'un air aussi entendu que profond, comme une évidence criante, n'en désignent pas moins des baudruches bien davantage que des généralités. Notons ainsi l'abondance de termes, toujours majusculés puisqu'ils sont censés évoquer des idées platoniciennes quoique tues par les abominables séides du Système claquemuré dans sa Caverne politico-publicitaire, tels que «Système médiatico-littéraire» (p. 16), «Nouvel Ordre moral» (p. 17), «l'Erreur» encore, autant dire le monde moderne tout entier, opposé dans sa fausseté à la pureté de l'épouse idéalisée, victime d'un cancer hélas qui n'est toutefois, aux yeux de Richard Millet son propre mari, que «la métaphorisation douloureuse du cancer moral dont sont atteintes les sociétés européennes en voie de déchristianisation et tombées dans les hérésies matérialistes, relativistes, révisionnistes, transgéniques, néo-sexuelles, communautaristes» (p. 18); signalons encore le «Bien» (p. 22), souvenir à peine modifié de sa lecture du Philippe Muray devenu grabataire, celui que citent désormais tous les imbéciles confondant posture réactionnaire véritable et volonté d'épater le bourgeois en répétant toujours la même rengaine aigrie, quitte à en faire un mouvais morceau de rap; à tout le moins, le talent de Philippe Muray, du moins celui de son texte essentiel, Le 19è siècle au travers des âges, sauvait ses autres innombrables textes, y compris les plus faibles, disons ses causeries, de la nullité bavarde dans laquelle ont définitivement sombré ceux de Richard Millet. Le «Nouvel Ordre moral» est répété (p. 24, et sa déclinaison, le «Nouvel Ordre mondial», p. 61), suivi par la mention du «Parti dévot» (p. 24), expression bien évidemment détournée de son sens historique premier et qui ne désigne plus, sous la plume rance de Millet, de même que «les convulsionnaires de la pensée» (p. 32), que le petit clan des complotistes lâches qui ont réussi à le déstabiliser. Notons à ce titre que Richard Millet, si ses propos sont vrais, n'était tenu à aucune obligation légale de présenter sa lettre de démission à son employeur (cf. p. 47), comme si, en fin de compte, le pleutre qu'il est avant tout avait saisi l'occasion secrètement rêvée pour se créer à bon compte une situation de maudit depuis laquelle reprocher bibliquement sa couardise au monde entier et à Paris en particulier.
Notre grand écrivain exilé au-delà du limes où sévit la barbarie, c'est-à-dire dans la banlieue parisienne et qui, lui au moins, peut tout de même continuer à publier un livre nullissime tous les six mois ou presque chez un éditeur qui à nos yeux ne fait plus son travail d'éditeur puisqu'il accepte sans broncher de pareils torchons, publication qui constitue quoi que l'on dise une chance que d'autres, plus doués et moins pleurnichards que Richard Millet n'imaginent même pas leur être offerte dans leurs rêves les plus fous, notre grand écrivain à la cour abolie n'écrit plus mais, nouvelle manie de cet homme devenu, au sens étymologique du terme, idiot, réduit le langage à quelques slogans que tous les crétins sévissant sur la Toile se répètent comme les Sésame ouvre-toi de la lutte intellectuelle (en attendant d'être armée, leurs petits poings serrés sur des élastiques catapultant des boulettes de papier mâché sur les CRSSS). La presse devient ainsi, ô divine surprise, la «Propagandastaffel journalistique» (p. 32) ou encore la «Propagande française» (p. 63), le «Système médiatico-littéraire» étant, lui, encore une fois désigné (p. 34) par notre douloureux exilé, qui, n'écrivant plus que par slogans, ne pense plus qu'au travers de ces derniers, les pseudo-analyses de notre cacographe en roue libre ressemblant à la décantation ratée de dizaines de discours camusiens ou frontistes (c'est désormais à peu près la même chose) où l'Europe, devenue le «laboratoire de l'inversion lexicale des valeurs bourgeoises» (p. 41), ne peut sombrer que dans le multiculturalisme, défini comme «une guerre civile qui ne dit pas son nom» (p. 42), le signe de sa décadence étant apporté, comme sur un plateau la tête du Baptiste, par «l'immigration de masse» (p. 47) à qui il s'agirait, au moins symboliquement, de tordre le cou une fois pour toute.
Nous n'avons pas encore atteint le plus haut degré du comique, forcément mécanique, qui pointe le bout de son nez rouge lorsque, sans rire, sans la moindre ironie, Richard Millet affirme que son éloge d'Anders Breivik était bien évidemment emprunt d'une ironie (cf. p. 61) que nous n'avons absolument point vue, la marque de l'imbécile outragé étant bien au contraire, toujours, son esprit de sérieux, ou qu'il répète que personne n'a correctement lu, ni même lu simplement cet essai (cf. p. 22) alors que, lui, visiblement, nous a lu, et bien lu, puisqu'il évoque, comme c'est étrange tout de même, l'ouvrage célèbre de Thomas De Quincey duquel nous rapprochions, pour aussitôt l'en éloigner, son éloge indigne (voir ma note consacrée à ce livre) !
Je ne reviens pas sur les différences profondes (1) qui séparent les textes de Thomas De Quincey et de Richard Millet, qu'il est tout simplement honteux de prétendre mélanger, comme ce dernier ne craint pourtant pas de le faire, dans la tambouille en voie de putréfaction qui désigne le moins méchamment ce que ses essais sont devenus.
Faux exilé, faux humble, faux écrivain, Richard Millet est un faux penseur et, puisqu'il prétend à cette hauteur d'analyse, un faux théologien. Faux penseur : j'ai déjà suffisamment indiqué que les analyses de notre pseudo-Socrate tombé dans le «cloaque humain qu'est la station Châtelet-les-Halles» (p. 42) n'en étaient point, notre rimailleur, comme tous les gratte-papier de son espèce, ne possédant qu'une intelligence visuelle en somme, un mot, quel qu'il soit, en entraînant un autre, quel qu'il soit aussi, les mots se suivant ainsi sans beaucoup de sens ni même d'à-propos dans une morne rigole d'eau croupie, dont voici un filet de la plus belle eau chassieuse : «À cette clique médiatico-littéraire qui sert un ordre coercitif et aliénant sans précédent historique, j'oppose donc mon innocence d'écrivain, laquelle n'a rien à voir avec le clivage entre réactif et réactionnaire, encore moins entre la gauche et la droite – dont la mise hors dialectique est un des tributs à payer au Nouvel Ordre mondial, lequel est évidemment «de gauche», même quand il obéit à une logique purement marchande qui entraîne la ruine culturelle, économique, écologique et spirituelle des nations» (p. 68). Observons quelque peu la logique loufoque de ce passage à prétentions d'analyse politique, un parmi tant d'autres du reste (cf. pp. 69 ou encore 73), qui oppose l'intégrité solaire de l'écrivain Richard Millet, défini comme étant, en somme, une espèce d'Adam caractérisé par son «innocence», au reste de la planète déjà corrompue jusqu'au trognon et ayant tout entière sombré dans une «logique purement marchande» qui est le nouveau visage, si j'ai bien suivi, du nihilisme puisqu'il ruine intégralement la planète, faune et flore, culture et spiritualité comprises mais aussi nations, et, comble de l'ironie diabolique, puisqu'il met «hors dialectique» la droite qui à son tour est la victime de la «clique médiatico-littéraire», elle-même sigisbée de l'«ordre coercitif et aliénant sans précédent historique» qui ne peut être que de gauche ! Reconnaissons à Richard Millet un talent, celui qui consiste à faire graviter l'univers tout entier autour de son nombril, trou noir dévorant qui finira d'ailleurs bien par l'engloutir sans qu'il ne subsiste plus un seul quark vaillant.
Notre Barrès approximatif, qui croit, comme l'autre, mais en l'étayant de bien moins de bons livres, «à l'infinie compassion de l'écrivain pour les morts» (p. 74), n'hésite pas, après avoir tâté de l'analyse politique, à s'essayer à ce qu'il conviendrait de nommer une démonologie du dimanche, par opposition à cette théologie du Vendredi saint chère à George Steiner (égratigné au passage, ainsi que son fort dolent traducteur, Pierre-Emmanuel Dauzat, p. 46), sans beaucoup plus de réussite que précédemment, mais non sans avoir attifé, pour la parade sur le tréteau, le mot Mal de son inévitable majuscule (cf. pp. 71-2) répandant de suspectes odeurs de soufre.
Décidément, notre René répétitif n'est pas fait pour aligner deux idées unies par une concaténation à peu près valable, et ne semble doué que pour la péroraison, de préférence monté sur un tabouret de bateleur, d'où il s'écrie, après un phatique Oyez, oyez ! : «Je chemine dans la parole et dans la langue, plus que jamais écrivain, échappant à la logique d'envoûtement qui voudrait que je me taise, autant dire que je meure, que je ressemble à ces morts-vivants que sont la plupart des écrivains contemporains qui ne savent pas ce qu'ils font et que nul n'écoute. Je parle dans le tenebroso ou dans l'éclat de ma voix et dans un style qui me permet d'accomplir le désenvoûtement, mes écrits témoignant pour moi, tout comme ma vie – laquelle est un perpétuel appel à témoin et qui m'éloigne de tous ceux qui se lamentent en privé sur le déclin de l'Occident, l'immigration, l'abandon de la culture mais qui (pour demeurer dans le domaine «littéraire») contribuent à cette littérature officielle qu'est le nouveau réalisme socialiste étendu à l'humanitarisme béat, et, ces littérateurs, semblables en fin de compte à ceux qu'ils jugent des ennemis, mais faisant comme si la vérité n'avait pas changé de visage et que le Bien ne fût pas devenu le nom même du Mal» (pp. 77-8).
Vous avez dit, confusion mentale, phrases sans le moindre sens, lettrisme tout de même moins drôle que celui d'Isidore Isou (2) ? Vous avez osé penser charabia lacrymal (voir encore, comme exemple de cette prose de saule pleureur, l'évocation de la signification romaine des gémonies, cf. p. 87, ou encore, édifiantes et à lire d'un souffle, les pages 90 et 91) et pseudo théologique ? Vous avez eu raison. À présent, prononcez, mais à haute voix, le mot qui désigne le mieux cette amphigourique resucée de tous les délires complotistes si chers aux vieux discours de la droite extrême, ce mot qui chassera ce fantôme gémissant, qui s'est inventé ses propres chaînes et hante les greniers de la rue Sébastien-Bottin, qu'est devenu Richard Millet : ce mot est tout simple, ce mot est celui de délire.

Notes
(1) Je ne résiste toutefois pas à rappeler ce que j'écrivais, à ce propos : «C'est le vide conceptuel qui irrigue le texte de Richard Millet, alors que celui de Thomas De Quincey, pour les références les plus évidentes seulement, se nourrit de la Poétique d'Aristote, qui définit une catharsis fondée sur la piété et la crainte, de la Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau que Burke a publiée en 1757, où le philosophe définit le sentiment du sublime comme étant lié à l'effet produit sur la personne par le pouvoir tout en le faisant remonter à l'instinct de préservation face à la douleur et au danger, du Laocoon (1766) de Lessing qui, contre Horace, évoque la relation que les Beaux-Arts et la poésie entretiennent avec la douleur et la violence, enfin de la Critique de la faculté de juger datant de 1790, où Kant démontre la nature contemplative plutôt que morale du plaisir esthétique et suggère que le sublime relève de ce qui fait violence à l'imagination.» Remarquons encore, tiens, comme c'est bizarre, que Richard Millet parle de Mohammed Merah (cf. p. 58) que, justement, j'évoquais moi aussi en ces termes : «D'ailleurs, pourquoi Mohamed Merah n'a-t-il pas eu droit lui aussi, lui plus qu'un autre, lui plus qu'Anders Breivik, à un éloge littéraire de la part de Richard Millet ? Voilà bien un sujet qui eût flanqué une décomposition généralisée à nos intellectuels à petit braquet cérébral ! Après tout, Mohamed Merah est bien français, ce qui devrait plaire à Richard Millet, et il incarne en outre la perfection d'une plongée dans la folie meurtrière d'un homme qui, objectivement, non seulement hait la France et tout ce qu'elle représente, mais décide de passer à l'action pour débarrasser l'Islam de ce qu'il croit être ses ennemis : le soldat français qui revient de sa guerre d'Afghanistan, le Juif comme incarnation du dévorateur absolu des peuples arabes, en fin de compte n'importe quel pauvre type qui aura le malheur de le regarder de travers.» Une fois de plus, Richard Millet se garde bien de me nommer, à seule fin de défendre sa thèse mensongère selon laquelle personne, et surtout pas ceux qui ont décrié à juste titre la nullité de ses textes, ne l'aurait lu.
(2) «Et que Gus van Sant donne [dans Last Days] à entendre du français sur des images de mort n'est pas un vain signe, le français restant une langue de résistance à l’œuvre de mort de la sous-)culture américaine et aux principes mortifères à l’œuvre également dans la langue de Balzac et de Proust» (p. 84, je souligne la partie de phrase tout bonnement stupide, dont Millet ne propose du reste aucune explication).